559>
Ainsi, c’est
à la fois la Parole de Vérité, les anges qui ne peuvent mentir, la Mère dont
la perfection en tout était inférieure uniquement à celle de Dieu, son Père,
son Fils et son Époux, les apôtres qui ont assisté à l’Ascension, Étienne le
premier martyr, et bien d’autres après lui, qui confirmèrent que Jésus est
bien le Premier-né d’entre les morts parce qu’il est le premier homme à être
entré au ciel avec son corps. On parle de "jour de sa nativité"
pour désigner celui où un juste monte avec son âme
libérée de la chair faire partie du peuple des esprits bienheureux. Jésus, le
jour de sa nativité d’homme parfaitement saint, y fit sa demeure avec toutes
ses qualités d’Homme-Dieu: avec sa chair, son sang, son âme et sa divinité,
parce qu’il était le parfait Innocent.
Mais il existe une seconde mort: celle de l’âme privée de grâce. Un grand
nombre de justes attendaient depuis des siècles et des millénaires que la
rédemption, en les purifiant du péché originel, leur permette d’entrer dans
la Royaume de Dieu, là où seul peut entrer celui qui possède en lui la vie
surnaturelle. Des hommes encore plus nombreux, venus après le Christ,
attendent d’y pénétrer au terme de la purification de leurs fautes graves
volontaires, ou lorsque la Justice parfaite ouvrira le ciel à tous ceux qui
auront vécu et agi avec charité et justice, selon leur conscience, pour
servir et honorer ainsi l’Etre dont ils pressentaient l’existence, faisant
ainsi partie de l’âme de l’Église.
On ne peut pas penser que Dieu, la Charité parfaite qui a créé toutes les
âmes en les prédestinant à la grâce, puisse exclure de son Royaume ceux qui
n’ont pas reçu le baptême de leur propre fait. Quelle faute ont-ils commise?
Voulaient-ils de leur plein gré naître à un endroit pas catholique? Les
nouveau-nés morts à la naissance sont-ils responsables de ne pas avoir été
baptisés ? Dieu peut-il en vouloir à tous ceux qui ne sont pas
"d’Église" au sens strict du mot, mais en font partie cependant
parce qu’ils ont reçu leur âme de Dieu, sont morts innocents puisque à la naissance,
ou bien ont vécu en hommes justes de par leur propension naturelle à faire le
bien pour honorer le Bien suprême dont tout, en eux comme autour d’eux,
témoigne de l’existence? Non, et une indication probante que ce n’en est pas
le cas consiste dans le jugement inexorable et extrêmement sévère que Dieu
porte sur ceux qui suppriment une vie, même embryonnaire, ou à peine venue au
jour, l’empêchant ainsi de recevoir le sacrement qui efface le péché
originel. Pourquoi cette rigueur, si ce n’est parce que ces âmes d’innocents
vont être séparées de Dieu pendant des siècles ou des millénaires, dans un
état qui n’est certes pas de peine, mais pas non plus de joie?
Haut
de page.
560> Peut-on penser que le Très-Bon qui a prédestiné tous les
hommes à la grâce puisse en frustrer ceux qui ne sont pas catholiques sans
que ce soit de leur plein gré?
« Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père » (Jean 14, 2), a dit le Christ. Quand ce
monde n’existera plus et sera remplacé par un monde nouveau, un ciel nouveau,
les nouveaux tabernacles de la Jérusalem éternelle, quand toute la création
rationnelle connaîtra la glorification par l’exaltation des ressuscités — qui
étaient les justes — à la possession du Royaume éternel de Dieu, même ceux
qui furent unis seulement à l’âme de l’Église auront leur demeure au ciel; en
effet, seuls le ciel et l’enfer subsisteront éternellement, et l’on ne
saurait penser que la Charité pourrait condamner au supplice éternel des créatures
qui ne l’auraient pas mérité.
Après avoir rendu l’esprit dans les mains de son Père, Jésus Christ fut le
premier à entrer avec son saint Esprit dans le Royaume de la vie, à la place
d’Adam, qui aurait dû être le premier homme à venir faire partie du peuple
céleste et qui, par son manquement, dut attendre des millénaires avant d’y
entrer avec son âme et doit en attendre encore bien plus avant d’y entrer
avec sa chair réunie à son âme. Mais pas Jésus. À l’instant même où il rendit
l’esprit "en poussant un grand cri" (Matthieu 27, 50), son âme pleinement juste fut, comme celle de
tout un chacun, jugée par le Père. Du fait de l’amour infini de sa nature de
Dieu-Homme, il s’était chargé de toutes les fautes passées, présentes et à
venir de l’humanité — mais non de la Faute qui enlève la grâce, cette vie de
l’âme — pour les consumer toutes
par sa totale immolation. Comme avant la consommation du sacrifice, le
Père "traita celui qui n’avait
pas connu le péché comme s’il était le Péché même" (2 Corinthiens 5, 21) de sorte que, lorsque tout fut accompli,
"il l’a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout Nom, pour
que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre
et dans les enfers, et que toute langue proclame de Jésus Christ qu’il est
Seigneur, à la gloire de Dieu le Père" (Philippiens
2, 9-11).
Haut de page.
561> Après avoir été jugée, son âme d’homme parvenue à la
perfection put aussitôt se réjouir dans le Seigneur et se reposer en lui
jusqu’au moment où, réunie à son corps, le Vivant, qui avait connu la mort,
devint le glorieux Ressuscité, le premier glorieux ressuscité avec sa chair,
le premier homme né au ciel en corps et en âme, prémices des ressuscités,
promesse de résurrection pour les justes, et gage de la possession du Royaume
dont il est le Roi et l’héritier premier-né.
C’est toujours au Premier-né que revient l’héritage du Père, cet héritage
qu’il a établi pour ses enfants. Mais pour que tous les frères du Christ
puissent avoir part à cet héritage éternel, saint et royal, il le leur lègue
par un testament saint écrit de son propre sang; et pour que tous les hommes
prennent place dans le Royaume que le Père lui a donné et qu’il a accepté
pour le transmettre aux hommes ses frères, il s’est laissé donner la mort: en
effet, seule la mort du testateur donne sa valeur au testament (He 9, 16-17).
Jésus, le Premier-né de nombreux frères, fut le premier à prendre possession
du Royaume dont il est Roi et Seigneur des âges éternels, conformément à la
volonté du Père. Or le Père est le Tout-puissant, l’Alpha et l’Omega, le
Principe, la Fin, la Puissance, la Sagesse et la Charité. Il sait tout ce
qu’il fait, et il fait tout parfaitement, dans une bonne intention. C’est
dans ce but encore qu’il a engendré son Verbe et que, le moment venu, il lui
a donné un corps, l’a immolé, puis ressuscité et exalté, et qu’il a remis
entre ses mains transpercées tout pouvoir de jugement; il s’ensuit que ceux
qui le verront après l’avoir transpercé, soit matériellement soit par
l’offense de leurs péchés, se frapperont la poitrine à deux moments: au
jugement particulier et lors de l’apparition finale du Christ Juge. Il en
sera comme cela a été établi.
Celui qui doit venir. (Apocalypse 1,8)
Haut de page.
De quelle manière?
Sûrement pas en reprenant chair. Si son retour est certain, il l’est tout
autant qu’il ne prendra plus jamais un autre corps puisque, dès la première
fois, il en possède un parfait, éternel et glorifié par Dieu son Père.
562> Il ne viendra pas pour une seconde rédemption.
Il n’y en aura pas d’autre, car la première a été suffisante et parfaite.
Depuis cette époque, les hommes ont tous les éléments et les secours
surnaturels nécessaires pour demeurer dans le peuple des enfants de Dieu
recréés et passer de la recréation à la "super-création", à condition de le vouloir. Car si, comme il
est dit avec sagesse, "l’homme est une capacité que Dieu emplit de
soi", et si "la grâce est une semence que Dieu dépose dans
l’âme" ou encore un rayon qui descend illuminer et féconder", il
est logique que l’homme qui seconde la volonté et les inspirations divines
voie sa capacité à contenir Dieu augmenter et se dilater au fur et à mesure
qu’il croît en âge et en capacité à comprendre et à vouloir: comprendre les
paroles spirituelles de Dieu, en d’autres termes les motions que Dieu suscite
en chacun pour l’amener à une justice toujours plus grande, et volonté de
parvenir à la fin pour laquelle il a été créé. De même, la semence de la
grâce, si l’homme en seconde la croissance avec fidélité et s’il met en
pratique la Loi et les vertus, passe de l’état de petite graine à celui de
grand arbre portant des fruits de vie éternelle. Enfin, plus l’âme croît en
grâce et s’élève sur la voie de la perfection, plus le rayon augmente sa
puissance de lumière, comme cela se produit pour toute personne qui monte
d’une vallée vers les sommets d’une montagne.
Cette capacité qui se dilate pour contenir toujours plus Dieu, cet arbre qui
croît en souverain dans le jardin de l’âme, ce rayon du Soleil éternel qui
passe de l’état de rayon à celui d’océan de lumière à mesure que l’homme
s’élève vers le Père des lumières portent l’homme, recréé par la grâce
obtenue par les mérites du Christ, à sa "supercréation"—
c’est-à-dire à son identification à Jésus —, en assumant une humanité
nouvelle, à son exemple et sur son modèle. Cette humanité nouvelle transforme
l’homme, créature rationnelle, en une créature divinisée qui pense, parle,
agit de la façon la plus semblable possible à la manière de vivre de son
Maître éternel durant sa vie terrestre, et qu’il commanda à ses fidèles
d’adopter « Tout disciple accompli sera comme son maître. » (Luc 6, 40).
Voici vingt siècles que l’homme a tout ce qui lui est nécessaire pour
posséder le Royaume éternel et parvenir à la fin pour laquelle il a été créé,
de sorte qu’il n’y aura pas de
seconde rédemption de la part de l’Homme-Dieu. L’homme qui perd la grâce par
faiblesse a le moyen de la réacquérir et de se racheter. De même qu’il chute
tout seul, il peut se racheter tout seul en se servant des dons perpétuels
institués par le Christ pour tous les hommes qui veulent y puiser.
Haut
de page.
563> Ce n’est pas non
plus par une seconde évangélisation que viendra le Verbe du Père. Il ne viendra
pas personnellement. Pourtant, il
évangélisera. Il suscitera de nouveaux évangélisateurs qui évangéliseront en
son nom. Ils le feront sous une forme nouvelle, appropriée à l’époque, une
forme nouvelle qui ne changera pas la substance de l’Évangile éternel ni de
la grande Révélation, mais lui donnera plus d’amplitude, la complètera, la
rendra compréhensible et acceptable même à ceux qui, à cause de leur athéisme
ou de leur incrédulité sur les quatre fins de l’homme et sur bien d’autres vérités révélées, allèguent
"qu’ils ne peuvent pas croire des choses qu’ils ne comprennent pas, ni
aimer des êtres dont on connaît trop peu de choses, surtout si ce peu provoque
crainte et découragement au lieu d’attirer et d’encourager".
En vérité, ces nouveaux évangélisateurs existent
déjà, même si le monde en partie les ignore et en partie les combat. Mais
ils deviendront toujours plus nombreux et quand la terreur saisira les sots
qui aujourd’hui se gaussent des nouveaux évangélisateurs, le monde, après les
avoir ignorés, raillés ou combattus, se tournera vers eux pour qu’ils leur
servent de force, d’espérance et de lumière dans les ténèbres, dans
l’horreur, dans la tempête de la persécution des antéchrists. Car s’il est
vrai que les faux prophètes au service de l’Antéchrist seront de plus en plus
nombreux avant la fin des temps, il est tout aussi vrai que le Christ
Seigneur leur opposera ses serviteurs en toujours plus grand nombre, en
suscitant de nouveaux apôtres là où l’on croit le moins.
Par pitié pour ces pauvres hommes emportés par la tourmente de sang, de feu,
de persécution, de mort, l’infinie Miséricorde fera resplendir sur cette mer
de sang et d’horreur l’Etoile pure du matin, Marie, qui sera l’annonciatrice
de la dernière venue du Christ. Il s’ensuit que les nouveaux évangélisateurs
enseigneront l’Évangile de Marie, en vérité trop laissée dans l’ombre par les
évangélistes, les apôtres et tous les disciples, alors qu’une connaissance
plus vaste d’elle aurait servi d’enseignement à bien des gens, évitant ainsi
de nombreuses chutes. Elle est en effet corédemptrice et joue le rôle de
maître: un maître de vie pur, fidèle,
prudent, compatissant et pieux, chez elle comme parmi les hommes de son
temps.
Haut de page.
564> Elle n’a cessé d’enseigner au cours des siècles et elle
est digne d’être d’autant mieux connue que le monde s’enfonce dans la boue et
les ténèbres, afin d’être plus imitée pour ramener le monde vers ce qui en
est dégagé.
Les temps qui viennent seront des temps de guerre, pas seulement
matériellement, mais surtout entre le matérialisme et l’esprit. L’Antéchrist
cherchera à attirer les êtres rationnels vers le bourbier d’une vie bestiale.
Le Christ cherchera à empêcher ce reniement, non seulement de la religion
mais même de la raison, en ouvrant des horizons nouveaux et des voies
éclairées par des lumières spirituelles, et en suscitant, chez ceux qui ne le
repoussent pas ouvertement, un puissant réveil de la vie spirituelle, avec
l’aide de ces nouveaux évangélisateurs non seulement du Christ mais aussi de
la Mère de Dieu. Ils porteront l’étendard de Marie. Ils conduiront à Marie.
Et Marie, qui fut déjà une fois cause et source — indirecte mais néanmoins
puissante — de la rédemption de l’homme, le sera de nouveau. Elle est en
effet l’Adversaire sainte de l’Adversaire perfide, et son talon est destiné à
écraser le dragon infernal pour toujours, de même que la Sagesse, qui a
établi son siège en elle, est destinée à vaincre les hérésies qui corrompent
les âmes et les intelligences.
Il est inévitable que viennent ces temps où les ténèbres lutteront contre la
lumière, la bestialité contre l’esprit, le satanisme contre les enfants de
Dieu survivants, Babylone contre Jérusalem; les luxures de Babylone, les
triples luxures déborderont comme des eaux fétides et impossibles à
contenir, elles s’infiltreront partout, jusque dans la Maison de Dieu, comme
cela est déjà arrivé et comme il est dit que cela doit encore arriver, en ces
temps de séparation ouverte entre les fils de Dieu et de Satan pendant
lesquels les fils de Dieu parviendront à une puissance spirituelle encore
jamais atteinte, et ceux de Satan à une puissance de mal tellement grande
qu’aucune intelligence ne saurait imaginer ce qu’elle sera réellement. C’est
alors que la nouvelle évangélisation aura lieu, en plénitude, et elle connaît
aujourd’hui ses premiers réveils, soumis à une opposition.
Elle accomplira de grands miracles de conversion et de perfection. Et la
haine satanique s’efforcera de lutter par tous les moyens contre le Christ et
la Femme. Mais ces derniers ne pourront être atteints par leurs ennemis: cela
ne serait ni approprié ni utile.
Haut de page.
565> Il ne peut y avoir de plus grande offense contre Dieu
que de s’en prendre aux deux personnes qui lui sont les plus chères: son Fils
et la Mère qui, à leur époque déjà, subirent les offenses les plus odieuses
et les plus douloureuses; mais aujourd’hui qu’ils sont déjà glorifiés depuis
des siècles, ils ne sauraient être offensés sans qu’un châtiment de Dieu
horrible et immédiat ne s’abatte sur les offenseurs.
C’est pourquoi cette dernière évangélisation aura lieu au moment opportun et
d’une manière appropriée, en utilisant de nouveaux moyens, et les personnes
désireuses de Lumière et de Vie les obtiendront en plénitude, parfaitement,
données d’une façon connue par les seuls donateurs, Jésus et Marie. Mais ceux
qui auront choisi les ténèbres et la boue, l’hérésie et la haine contre Dieu
et Marie, en d’autres termes ceux qui sont morts avant d’être morts, les âmes
corrompues, les âmes vendues à Satan et à ses serviteurs, c’est-à-dire les
précurseurs de l’Antéchrist et l’Antéchrist lui-même trouveront les ténèbres,
la boue, les tourments et la haine éternellement — comme cela est juste —,
lorsque celui qui doit venir viendra.
Jésus, dans son corps glorifié d’une beauté inconcevable, n’est pas différent
de ce qu’il était sur terre (Apocalypse 1, 17). Il est différent en ce sens
que tout corps glorifié acquiert une majesté et une perfection qu'aucun
mortel, quelles que soient sa beauté, sa majesté et sa perfection, ne
sauraient avoir. Mais il n’est pas différent parce que la glorification de la
chair n’altère pas les traits de la personne. Dès lors, à la résurrection des
corps, celui qui était grand sera grand, la personne frêle sera frêle, le
robuste sera robuste, le blond et le brun le resteront, et ainsi de suite.
Toutefois, les imperfections disparaîtront, car dans le Royaume de Dieu tout
est beauté, pureté, santé et vie, comme cela aurait dû être le cas au paradis
terrestre, conformément à ce qui était établi, si l’homme n’y avait apporté
le péché, la mort et les souffrances de toutes sortes, depuis les maladies
jusqu’aux haines entre les hommes.
Le paradis terrestre était la figure matérielle de ce que sera le paradis
céleste habité par les corps glorifiés. Les aspects naturels du paradis
terrestre se retrouveront dans le Royaume éternel, mais sous une forme
transfigurée.
Haut de page.
566> De même le soleil, la lune, les étoiles qui étaient des lumières
de puissance différente créées par Dieu pour éclairer la demeure d’Adam,
seront remplacés par le Soleil éternel, par la Lune aimable et toute pure,
par les in nombrables étoiles — par Dieu Lumière qui revêt de sa lumière
Marie qui a pour assise la lune et pour couronne les plus belles étoiles du
ciel; par Marie, la Femme au nom stellaire qui a vaincu Satan par sa pureté
immaculée; et par les saints qui forment les étoiles de ce ciel nouveau,
puisque la splendeur de Dieu se communique aux justes (Apocalypse 21, 23 –
Apocalypse 12, 1 – Matthieu 13,43). Le fleuve qui irriguait le paradis
symbolisait le moyen par lequel l’humanité serait inondée par des eaux qui
allaient la laver de ses péchés et la rendre fertile pour la naissance et la
croissance des vertus, digne de plaire à son Créateur. Ce fleuve avait quatre
bras, comme la croix d’où le fleuve du sang divin se répandit pour laver,
fertiliser et rendre l’humanité déchue agréable à Dieu; il sera remplacé par
le fleuve d’eau vive qui jaillit du Trône de Dieu et de l’Agneau et coule
dans la Cité de Dieu (Apocalypse 22, 1). Quant à l’arbre de vie, lui aussi
symbole de l’Arbre qui al lait rendre la vraie vie à ceux qui l’auront perdue
— la croix où pendait le très saint Fruit qui donne la vie et d’où provint le
Remède à tous les maux de l’être qui peuvent donner la mort véritable —, il sera remplacé par les
arbres "de part et d’autre du fleuve" dont parle l’Apocalypse 22,
2.
Toutes les imperfections disparaîtront, ai-je dit. Les habitants de la
Jérusalem céleste, désormais parvenus à la perfection et plus susceptibles de
pécher — car si les pécheurs encore impurs ne peuvent entrer dans la Cité de
Dieu, c’est impossible également à tout ce qui peut occasionner impureté,
abomination ou mensonge —, n’auront plus aucune imperfection de quelque
nature que ce soit. Si le grand Séducteur a pu pénétrer dans le paradis
sensible, il ne pourra s’insinuer au paradis céleste (Isaïe 14, 12-15).
Lucifer, déjà précipité du ciel dans les enfers à cause de sa rébellion, sera
enseveli et deviendra "néant" à la fin des temps, avant que ne
viennent le nouveau ciel et la nouvelle terre, pour qu’il ne puisse plus
agir, nuire ou faire souffrir ceux qui, après avoir surmonté toutes sortes
d’épreuves et de purifications, vivront dans le Seigneur.
Haut de page.
567> Aucune imperfection de l’esprit et de l’intelligence ne
subsistera donc. Les imperfections physiques elles-mêmes disparaîtront, elles
qui auront été croix et tourment, qu’elles soient méritées du fait d’une vie
immonde, ou imméritées si elles proviennent de l’hérédité ou de la férocité
des hommes. Les corps glorifiés des enfants de Dieu seront tels qu’ils
auraient été si l’homme était resté intact en tout point, comme Dieu l’avait
créé, et les trois parties qui le composent seront aussi parfaites qu’à sa
création par Dieu.
Jésus, l’Homme-Dieu, est absolument parfait puisqu’il est Dieu incarné. Il
est intact puisque innocent et saint, sans lésion qui pourrait constituer
pour lui un handicap ou un motif de honte dans aucune de ses composantes, car
ses cinq plaies sont des joyaux de gloire et non des marques d’infamie. Il
est parfaitement lumineux puisqu’il est
"lumière" en tant que Dieu, "très glorieux" en
tant qu’homme, à tel point que son corps, ses cheveux et ses vêtements
paraissent blancs, comme il le devint au Thabor, en soutane puisqu’il est
"prêtre selon l’ordre de Melchisédech" (Psaume 110, 4),
c’est-à-dire par une ordination directement divine, devenu tel par le Père, et
portant une ceinture en or en tant que Pontife éternel. Il apparaîtra donc à
tous tel qu’il était comme homme et chacun le reconnaîtra, et dans la gloire
qu’il possède pour avoir, par obéissance à l’Amour, fait l’expérience de la
mort pour donner à tous la Vie. Et les bienheureux se réjouiront de le voir.
"Je suis le premier et le dernier." (Apocalypse 1, 8 –
Apocalypse 21, 6 – Apocalypse 22, 13)
Haut de page.
Comme Dieu n’a pas de
commencement, le Verbe de Dieu n’en a pas non plus. Il a néanmoins un
commencement mystérieux, celui qu’indique Jean — qui était inspiré — au début
de son évangile de la Lumière: "Au commencement était le Verbe." Ce
commencement sans commencement, sans la moindre époque qui permette de le
situer étant donné que l’Éternel ne connaît pas de limite de temps mais une
immensité sans fin d’éternité, qu’était-il donc ? C’est l’un des mystères de
que le Verbe éclairera personnellement aux âmes quand elles seront dans son
Royaume. Car c’est là, dans son Royaume, que le Verbe illuminera tout et
rendra tout connaissable.
568> Mais pour les hommes — à qui la chair et
l’exil rendent impossible la pénétration des mystères et difficile leur
compréhension, même dans la mesure de ce qui est compréhensible à ceux qui
vivent sur la terre —, il faut dire que ce commencement sans commencement
existe depuis que Dieu est et, parce qu’il est, engendre et aime ce qu’il
engendre: autant dire depuis toujours,
car le premier être engendré de son sein fécond d’amour ardent et parfait au
plus haut point, c’est son Verbe, éternel comme lui.
À ceux qui ont le plus de mal à comprendre, on pourrait dire que le premier
embrasement de la Charité engendra le Verbe et suscita la procession de
l’Esprit Saint. Mais étant donné qu’il n’y a pas de premier flamboiement de
la Charité pour quelqu’un d’éternel, il vaut mieux dire que la parfaite Unité
et Trinité de Dieu n’a pas connu de commencement au sens que les humains
donnent à ce mot, et que le mystère, étant mystère, nous sera révélé
seulement quand nous ne ferons qu’un avec Dieu, comme le Christ l’a demandé
et l’a obtenu pour nous.
Il est inutile de chercher auparavant à pénétrer et à connaître la vérité de
ce mystère. Le mystique le plus ardent, le contemplatif le plus profond,
l’adorateur le plus véridique ont beau presque oublier leurs exigences
humaines, se plonger dans cette immensité de hauteur qu’est la Divinité, y
sombrer, y brûler, s’en élever, se lancer vers elle pour connaître dans le
but d’aimer toujours mieux, pour implorer l’Objet de leur unique amour de
leur dévoiler la Vérité, de leur donner la révélation de ce mystère pour
pouvoir l’expliquer à tant de gens qui, en le connaissant, seraient attirés
vers l’Amour, ils ne pourront jamais obtenir la pleine connaissance de ce
mystère tant qu’ils seront revêtus de chair.
Il faut croire, par foi, par pure foi. Croire sans les limites des
investigations humaines. Accueillir les vérités qui nous sont proposées sans
vouloir se les expliquer. Croire fermement, simplement, totalement. Plus l’on
croit de cette manière, plus le voile du mystère devient fin, à tel point
qu’on a par moments la sensation spirituelle qu’il se déchire un instant;
cela confirme alors l’âme dans ses espérances surnaturelles de posséder Dieu,
et cela produit un embrasement d’amour plus ardent qui, en nous unissant de
plus en plus à Dieu, favorise un nouvel éclair de révélation de ce mystère
sublime. Ce sont là des instants relatifs et anticipés de la connaissance qui
formera notre béatitude éternelle. Alors nous connaîtrons tout ce que nous
avons à peine entrevu ici-bas de la Vérité, plus ou moins relativement et en
proportion de notre vie d’identification au Christ, Sagesse, Vérité et
Connaissance du Père, et de notre union à la Divinité.
Haut
de page.
569> Nous connaîtrons Dieu, ce Dieu qui est depuis toujours.
Nous connaîtrons le Verbe, ce Verbe qui est depuis toujours et qui est
pourtant engendré par le Père sans avoir eu pour autant un moment initial de
génération. Ce Verbe "consubstantiel au Père" au ciel et sur la
terre, pendant son existence d’homme. Ce Verbe qui ne fait qu’un avec le Père
et en est cependant distinct par la Personne qui, elle, ne fait pas qu’un
avec celle du Père, mais est une Personne propre, et une Personne divine.
Quand le Verbe prit une nature humaine, elle ne fut pas effacée ou absente
pour autant, mais s’unit à celle qui demeurait bien distincte dans le Christ,
comme elles sont unies dans l’admirable Unité trine; c’est un vrai témoignage
que l’union à Dieu peut bien exister en l’homme, devenu par la grâce fils de
Dieu ou créature divinisée. Cette union est absolument parfaite et unique
dans le Verbe fait homme qui, tout en restant Dieu, a pris un corps mortel.
Et cette union est relative, mais
pas moins vraie, chez l’homme qui est élevé de l’état de créature naturelle
et raisonnable à celui de créature divinisée par participation à la vie
surnaturelle.
Après tout ce qui précède, on voit que Jésus Christ, qui viendra au moment
voulu et de la bonne manière parce qu’il est l’Éternel, est appelé à juste
titre "le Premier et le Dernier″.
Il est premier par l’être et premier par l’enseignement. D’abord par sa
Parole de sagesse qui s’adressait aux patriarches et aux prophètes par des
voies surnaturelles, puis comme Maître aux foules de Palestine, et encore
plus tard à ses serviteurs et instruments qui vivent sur la terre, de nouveau
par des moyens surnaturels. De même, il est le dernier en ce qui concerne l’enseignement, car au ciel, pour les
esprits bienheureux puis pour les ressuscités, il sera le Verbe; or c’est par
le Verbe, par Jésus, que les citoyens du ciel recevront leur ultime
enseignement, l’enseignement parfait et complet qui leur fera connaître
toutes les vérités — incompréhensibles puisqu’il s’agit de "mystères de
la foi" — que les docteurs, contemplatifs et mystiques se seront
vainement efforcés de comprendre.
Haut de page.
570> Il est le Maître éternel, le premier et dernier Maître.
Il sera encore le Maître quand toutes les écoles de docteurs auront cessé
d’être. Il est le Maître qui comblera toutes les lacunes séculaires et
millénaires sur la connaissance de Dieu, qui illuminera la profondeur du
mystère demeuré obscur aux intelligences humaines et effacera les erreurs de
toutes les écoles humaines. Par son premier "fiat" en tant que
premier Maître qui sait parfaitement comment chaque chose doit être faite
pour être bonne, il donna l’existence à la création sensible; de même, son
dernier "fiat" provoquera la fin de tout ce qui est soumis à la
corruption et sera jugé "bonne chose" qui n’existe plus; c’est
alors que naîtra le monde nouveau: tout sera établi d’une manière nouvelle et
immuable, conformément à sa volonté de Maître parfait et de Juge suprême, à
qui le Père a accordé tout pouvoir du Royaume de Dieu dans les cieux, du
Royaume de Dieu dans les cœurs, du jugement sur toutes les créatures —
angéliques, rationnelles ou infernales — afin que toutes, au ciel, sur terre
et aux enfers, adorent, connaissent et perçoivent qu’il est celui qui est, le
Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, l’Alpha est l’Oméga, le
Tout-Puissant.
Chapitre
II
Haut de page.
L’Apocalypse est un livre
de révélation, certes. Mieux, elle conclut la grande Révélation. Mais c’est
aussi un livre prophétique.
Révélation et prophétie proviennent toutes deux de Dieu. En effet, seul Dieu
les inspire. Seul Dieu peut les inspirer puisque, étant la Vérité même, il
est le seul à la connaître. Et il connaît tous les événements à venir
puisqu’il est l’Éternel, l’Omniscient, le Tout-Puissant.
La prophétie est comme la projection d’événements futurs, vus par Dieu seul
et illuminés pour ceux qui vivent dans les brumes de leur présent provisoire.
Or nombreux sont ceux qui réduisent leur vie chrétienne à recevoir les
sacrements, à obéir au précepte d’observer les jours d’obligation, à prendre
part aux processions, à aller écouter les sermons - oui, même cela -, mais qui,
si on les interroge, ne savent pas répondre à la plupart des questions, ne
connaissent pas la signification de certains mots alors que les mots "
prophéties et prophètes″, "apôtres" ou d’autres encore
revêtent des sens différents.
Haut
de page.
571> Ils confondent ce qui est bon, ce qui est lumière, et ce
qui n’est pas bon, ce qui ne vient pas de la lumière, parce qu’ils ne savent
pas. C’est pourquoi, de même qu’ailleurs on a utilisé la comparaison d’un polyèdre
à trois faces pour leur expliquer l’Unité et la Trinité de Dieu, la
comparaison se base cette fois, pour faire comprendre à ces analphabètes de
la religion ce qu’est la révélation et ce qu’est la prophétie - peut-être
comprendront-ils -, sur la projection de faits réels mais survenus dans un
autre endroit et à une époque antérieure, ou au contraire sur la projection
d’événements qui adviendront certainement, mais ne sont pas encore; or une
seule Intelligence les connaît, une seule Pupille les voit, une seule Parole
peut les illustrer.
Au cours des siècles, l’homme a fait maintes inventions et découvertes,
certaines bonnes, d’autres mauvaises, d’autres encore qui auraient pu être
bonnes en ce sens qu’elles pouvaient être des moyens de formation, d’instruction,
et même d’élévation, mais sont devenues mauvaises parce qu’elles ont servi à
exciter les bas appétits de la partie inférieure de l’homme, à corrompre
l’intelligence, donc à nuire à l’âme. L’une de ces choses qui aurait pu être
bonne mais est devenue mauvaise pour avoir servi à illustrer le vice, le
crime, le péché, c’est le cinéma. La presse en est une autre. Mais la
première sert à faire passer nos idées. Par ses films, le cinéma peut
illustrer des événements et des personnages du passé. Avec plus ou moins
d’exactitude historique, d’ailleurs, car l’homme fait rarement bien ce qu’il
fait, et plus rarement encore dans le respect de la vérité des choses. Quoi
qu’il en soit, il est possible, grâce à ses inventions, de montrer à des
personnes vivantes des événements ou des us et coutumes des siècles ou des
millénaires passés. Le film passe et l’homme regarde.
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