Les faveurs accordées aux âmes par une intercession confiante.
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27> Je repense à notre dernier entretien
et à votre souhait que je dise si je me suis rendu compte
d’avoir fait un peu de bien aux âmes.
Oui. Par la bonté de Dieu. Par mon mérite, c’est pour le moins douteux,
excepté dans quelques cas où j’ai payé de ma propre personne.
Jusqu’en 1923,
j’ai essayé d’amener les âmes au bien, mais à un bien purement humain. Je me
suis montrée droite, sérieuse, passablement bonne pour amener les autres à
l’être également. Mais je n’avais pas d’objectifs surnaturels. Disons que
c’était une œuvre de bonification strictement limitée à un code de morale
humaine. L’idée de faire une chose agréable à Dieu, utile aux âmes, était
étrangère à ma façon d’agir. J’obéissais à mon instinct, naturellement droit,
me réjouissant même d’être citée en exemple. C’était peut-être le fruit de
tant de prières pures faites au collège pendant l’enfance et l’adolescence,
lesquelles m’obtenaient la grâce de rester bonne, du moins selon le
concept humain, et d’amener ainsi d’autres à l’être.
Et puis, la lumière se fit en moi : je compris qu’il fallait élever la
bonté du plan naturel à un plan surnaturel, se préoccupant, non de l’utilité
que peut avoir dans cette vie le fait d’être bon, mais de l’utilité qui en
découlera pour la vie éternelle. Je compris qu’il fallait être bon et amener
les autres à l’être, non pour notre joie, mais par “courtoisie” envers Jésus.
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28> Et voilà. Ayant trouvé cette vérité,
je trouvai tout, et tout changea. Tout mon mode d’existence se fonda sur l’amour
et, par conséquent, ma façon d’agir changea de méthode et d’aspiration.
C’est pourquoi à partir de 1923, je laissai
tomber toujours plus bas et repoussai dans l’ombre mon moi humain,
avec toutes ses humaines sensations, idées, œuvres, etc., et sans plus jamais
réfléchir à ce que pouvait m’apporter, sur le plan humain, le fait de
suivre la voie de Dieu, je m’occupai seulement de cette voie dans laquelle je
m’engageai, en aspirant en amener beaucoup à ma suite.
La première créature amenée à Dieu par la parole
et la prière — je vous l’ai déjà dit
- fut une petite vieille de plus de 70 ans, et puis, d’une façon ou d’une
autre, j’ai pêché bien d’autres petits poissons que j’ai mis dans le vivier
du Seigneur. Malheureusement, j’en ai eu de si... vifs qu’aussitôt pêchés,
ils se sont esquivés, préférant la fange et l’eau putride et stagnante à
l’onde pure, cristalline, béatifiante du divin vivier.
Mais les quelques désertions, les défaites
ne m’ont pas effrayée. J’ai quand même continué à parler de Dieu même
lorsque j’avais la conviction de parler à un cœur impénétrable. J’ai
continué à parler et à agir sans me soucier des ironies, des impolitesses,
des déceptions. Quelque chose restera bien dans ces cœurs ! Vous ne pensez
pas ? Dieu fera le reste. Les défaites servent à me montrer que, sans l’aide
de Dieu, je suis moins que rien. Les victoires, elles, servent à me montrer
que la bienveillance de Dieu est si grande
et si paternelle qu’elle est toujours prête à nous écouter, quand nous
demandons des choses justes, et à nous venir en aide quand nous nous donnons
du mal en son honneur.
Je vous ai parlé de cette petite fille
sauvée de la mort.
Je ne me répéterai pas. De vive voix je vous ai dit que pas un de ceux que
j’ai recommandés au Seigneur, parmi les combattants, n’a péri. Je
peux aussi ajouter que j’obtiens un grand nombre des choses que je
demande au nom des autres. Je dirais même qu’il est bien difficile que je ne
les obtienne pas. Jésus est si bon qu’il ne me refuse rien de ce que je lui
demande pour mes frères. C’est avec moi qu’il est plus réticent, pour les
choses que je demande pour moi-même.
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29> Mais cela dépend peut-être du fait que je prie
davantage pour les autres que pour moi, et aussi que pour moi, je n’ai pas
recours à certains moyens... draconiens qui mettent Jésus dans
l’impossibilité de refuser.
C’est peut-être aussi que je... sais dire “merci” à Jésus lorsqu’il m’accorde
une faveur. Ils sont peu nombreux ceux qui savent lui dire ce “merci” qu’on
ne refuserait même pas au balayeur qui nettoie le trottoir ! ... On traite le
bon Dieu comme un serviteur obligé de nous contenter... et le bon Dieu
souhaite tellement s’entendre dire : “Merci, Père !”.
De mes filles,
je peux affirmer que j’ai laissé en elles une trace qui ne disparaîtra pas,
même si, pour l’instant, elle semble détruite en une d’elles au moins. C’est
vrai de mes amis aussi et de mes anciennes auditrices du temps où je donnais
des conférences.
Oui, je peux dire sans fausse modestie que
je ne suis pas passée inutilement sur la terre. Comme je peux dire que j’ai
vu et continue de voir pleuvoir dans mes mains les grâces que je demande.
Douce pluie que je répands dans les cœurs, heureuse si, grâce à elle, et même
si elle a été obtenue à prix de sang, une âme se tourne vers Dieu et
se serre contre lui de plus en plus.
Je suis tellement contente quand j’entends dire d’un de ceux pour qui j’ai
prié : “J’ai obtenu la grâce ! “. Contente parce que je pense qu’en
cet instant, celui-là a le cœur heureux et il est donc bon, contente parce que je suis de plus en plus convaincue que
Jésus m’aime.
Une de mes religieuses, maintenant Mère Provinciale à Rome, dit ouvertement
qu’elle s’est aperçue que j’obtiens ce que je demande et que, par conséquent,
elle compte sur moi. Oh ! Mais la pauvre Maria obtient tout parce qu’elle a
su faire comme Jésus : se mettre en croix.
Et puis, faire confiance, faire confiance à Jésus, avec
une confiance beaucoup plus grande que celle que j’avais en mon père.
Beaucoup n’obtiennent pas la grâce parce qu’ils
ne savent pas se tourner vers Dieu comme vers un père, un frère, un époux, et
qu’ils lui parlent avec affectation. On dirait les discours ampoulés des
tragédies anciennes ou des ambassadeurs : “Sire, en ce faste jour... Notre
âme se jette humblement à vos pieds...”. Oh ! Non ! Ce n’est pas mon style.
Moi, je parle à Jésus avec le sourire, avec les larmes, je lui parle avec
simplicité, avec insistance, avec assurance, jusqu’à ce qu’il sourit.., et
lorsqu’il sourit, la grâce est certaine.
Et ce n’est pas parce que je demande peu. Je suis une quêteuse jamais
satisfaite ! Mais le Seigneur est si heureux d’être le roi qui distribue ses
trésors ! Parfois, la pluie de grâces que j’obtiens est telle que j’en suis
stupéfaite, émue, extasiée.
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