Vision du vendredi 8
juin 1945.
(ancienne édition).
184> 181.1 - Une aube claire fait briller comme des perles les eaux
du lac et enveloppe les collines d'une brume légère. À travers ce voile de
mousseline, les oliviers et les noyers, les maisons et les villages, juchés
sur les sommets arrondis qui environnent le lac, apparaissent embellis. Les
barques glissent tranquillement et sans bruit en direction de Capharnaüm. Mais, à un certain moment, Pierre tourne la barre du gouvernail si brusquement que la
barque penche d'un côté.
«Que fais-tu ? demande André.
—Je vois la barque d'un hibou ! Elle sort maintenant de Capharnaüm. J'ai de bons yeux et, depuis hier soir, un flair de fin
limier. Je ne veux pas qu'ils nous voient. Je retourne au fleuve. Nous irons
à pied. »
L'autre barque a elle aussi suivi la manœuvre, mais Jacques, qui tient la barre,
demande à Pierre :
«Pourquoi as-tu fait cela ?
—Je te le dirai. Suis-moi.»
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185> Jésus,
qui est assis à la poupe, se réveille quand il est presque à la hauteur du
Jourdain.
«Mais que fais-tu, Simon ? lui demande-t-il.
- On descend ici. Il y a un chacal en vue. On ne peut pas aller à Capharnaüm aujourd'hui.
Je vais y aller, moi d'abord, pour me rendre compte. Simon et Nathanaël viennent avec moi : trois personnes dignes contre
trois indignes... si du moins les indignes ne sont pas plus nombreux.
-Ne vois pas des pièges partout, maintenant ! N'est-ce pas la barque de Simon
le pharisien ?
-C'est bien elle.
-Il n'était pas à la capture de Jean.
-Moi, je n'en sais rien.
-Il est toujours respectueux à mon égard.
-Je n'en sais rien.
-Tu me fais paraître lâche.
-Je n'en sais rien. »
Bien que Jésus n'ait pas envie de rire, il doit sourire devant ce saint
entêtement de Pierre.
«Mais nous devrons quand même aller à Capharnaüm. Si ce n'est pas
aujourd'hui, ce sera plus tard...
- Je t'ai dit que j'y allais d'abord, moi, et je me rendrai compte et... le
cas échéant... je ferai encore cette... ce sera une belle couleuvre à
avaler... mais je le ferai par amour pour toi... J'irai... j'irai chez le centurion lui demander sa protection...
-Mais non, il ne faut pas !»
La barque s'arrête sur une petite plage déserte en face de Bethsaïde. Tous descendent.
«Venez, vous deux. Viens toi aussi, Philippe. Vous, les jeunes, restez ici, Nous aurons vite fait. »
Élie, le nouveau disciple, supplie :
«Viens chez moi, Maître. Je serais si heureux de te donner l'hospitalité...
- Je viens. Simon, tu me rejoindras chez Élie. Adieu, Simon. Va. Mais sois
bon, prudent et miséricordieux. Viens, que je t'embrasse et te bénisse. »
Pierre ne promet pas d'être bon, ni patient, ni miséricordieux. Il se tait et
échange un baiser avec son Maître. Simon le Zélote, Barthélemy et Philippe
échangent eux aussi un baiser d'adieu et les deux groupes se séparent en
prenant deux directions opposées.
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186> 181.2 - À leur entrée dans Chorazeïn,
l'aurore a fait place au grand jour. Il n'est pas une plante qui ne brille de joyaux de
rosée. Les oiseaux chantent de tous côtés. Il y a un air pur, frais, qui
semble même avoir un goût de lait, d'un lait végétal plutôt qu'animal, et
l'odeur des grains de blé qui se forment dans les épis, des amandiers chargés
de fruits... une odeur que j'ai sentie pendant les fraîches matinées dans les
champs fertiles de la plaine du Pô.
Ils arrivent très vite à la maison d'Elie. Mais, à Chorazeïn, beaucoup de
gens savent déjà que le Maître est arrivé et, au moment où Jésus s'apprête à
en franchir le seuil, une mère accourt en criant :
«Jésus, fils de David, pitié pour mon enfant !»
Elle tient dans ses bras une fillette d'une dizaine d'années, au teint cireux
et très amaigrie. Plus que cireux, son teint est jaunâtre.
«Qu'a ta fille ?
- Les fièvres. Elle les a attrapées aux pâturages le long du Jourdain, car nous sommes les bergers d'un homme riche. J'ai été
appelée par son père auprès de la petite malade. Actuellement, il est reparti
à la montagne. Mais toi, tu sais qu'avec cette maladie on ne peut aller en
altitude. Comment puis-je rester ici ? Le maître m'a laissée
jusqu'à présent. Mais moi, je suis à la laine et à la mise bas. Le temps du
travail arrive pour nous, les bergers. Nous serons renvoyés ou séparés si je
reste ici. Et je verrai mourir ma fille si je monte sur l'Hermon.
- As-tu foi que je puisse le faire ?
- J'en ai parlé à Daniel, le berger d'Elisée. Il m'a dit : "Notre
Enfant guérit toute maladie. Va trouver le Messie. " Je suis venue
d'au-delà de Mérom à ta recherche en la portant dans mes bras. J'aurais
toujours marché jusqu'à ce que je te trouve...
- Ne marche plus que pour retourner chez toi, à ton paisible travail. Ta
fille est guérie, car je le veux. Va en paix.»
La femme regarde sa fille et Jésus tour à tour. Peut-être espère-t-elle voir
l'enfant redevenir à l'instant même potelée et avec de belles couleurs. Voilà
que la fillette écarquille ses yeux fatigués, qu'auparavant elle tenait
fermés, en regardant Jésus et elle sourit.
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187> "Ne
crains rien, femme. Je ne te trompe pas. Sa fièvre a disparu pour toujours. De
jour en jour, elle va reprendre meilleure mine. Laisse-la marcher. Elle ne
chancellera plus et ne sentira pas la fatigue.»
La mère pose par terre sa fille qui se tient bien droite et sourit d'un air
toujours plus joyeux. À la fin, elle gazouille de sa voix argentine :
"Bénis le Seigneur, maman ! Je suis bien guérie ! Je le sens.»
Et, dans sa simplicité de pastourelle et de fillette, elle s'élance au cou de
Jésus et lui donne un baiser. La mère, réservée comme l'âge l'enseigne, se
prosterne et baise le vêtement du Seigneur en le bénissant.
"Allez. Souvenez-vous du bienfait que vous avez obtenu de Dieu et soyez
bonnes. Que la paix soit avec vous. »
181.3 - Mais la
foule s'attroupe dans le petit jardin de la maison d'Élie et réclame la
parole du Maître. Et, bien que Jésus n'ait guère envie de parler, affligé
comme il l'est par la capture de Jean-Baptiste et par la façon dont elle est survenue, il cède et, à
l'ombre des arbres, il commence à parler.
"En cette belle période où les épis de blés se
forment, je veux vous proposer une parabole empruntée au grain de blé. Écoutez.
Le Royaume des Cieux est semblable à un homme qui a semé du bon grain dans
son champ. Mais, pendant que l'homme et ses serviteurs dormaient, son ennemi
est arrivé et a semé des graines d'ivraie sur les sillons puis s'en est allé.
Personne, au début, ne s'aperçut de rien. L'hiver vint, apportant pluies et
givre. À la fin du mois de Tébet, le grain germa, et l'on vit apparaître le vert tendre
des petites herbes qui pointaient à peine. Dans leur enfance innocente, elles
paraissaient toutes semblables. Vint le mois de Shebat puis celui d'Adar. Les
plantes grandirent et les épis formèrent leurs grains. On vit alors que le vert
n'était pas que du grain, mais qu'il y avait aussi de l'ivraie bien enroulée avec ses vrilles fines et tenaces sur les
tiges du blé.
Les serviteurs du maître allèrent chez lui et lui dirent : "Seigneur,
quelles graines as-tu semées ? Est-ce que ce n'étaient pas des graines de
choix qui n'étaient pas mélangées à d'autres semences ?
- Bien sûr que si ! J'en ai choisi les grains, tous de même qualité. Et
j'aurais bien vu s'il y avait eu d'autres semences.
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188> — Alors
pourquoi autant d'ivraie a-t-elle poussé parmi ton bon grain ?"
Le maître réfléchit, puis il répondit : "C'est un ennemi qui m'a
fait cela pour me nuire."
Les serviteurs demandèrent alors : "Veux-tu que nous passions au
milieu des sillons et que, patiemment, nous dégagions les épis de l'ivraie en
arrachant cette dernière ? Si tu l'ordonnes, nous le ferons."
Mais le maître répondit : "Non. En le faisant, vous risqueriez
d'arracher aussi le bon grain et presque certainement d'abîmer les épis
encore tendres. Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson. Alors, je
dirai aux moissonneurs : 'Fauchez tout ensemble ; puis, avant de lier les
gerbes, maintenant que la sécheresse a rendu friables les vrilles de l'ivraie
et que les épis serrés sont plus robustes et plus durs, séparez l'ivraie du
bon grain et faites-en des bottes à part. Vous les brûlerez ensuite, cela
formera une fumure pour le sol. Quant au bon grain, vous le porterez dans les
greniers et il servira à faire un excellent pain, à la honte de l'ennemi qui
n'y aura rien gagné d'autre que d'être méprisable aux yeux de Dieu à cause de
sa méchanceté."
Maintenant, réfléchissez en votre for intérieur : combien de fois et
avec quelle abondance l'Ennemi sème-t-il dans vos cœurs ? Et comprenez comme
il faut veiller avec patience et constance afin que peu d'ivraie se mélange
au grain choisi. Le sort de l'ivraie, c'est de brûler. Voulez-vous brûler ou
devenir citoyens du Royaume ? Vous dites que vous voulez être citoyens du
Royaume. Eh bien, sachez l'être ! Le bon Dieu vous donne la Parole. L'Ennemi
veille pour la rendre nuisible, car la farine de grain mélangée à de la
farine d'ivraie donne un pain amer et nocif pour les intestins. S'il y a de l'ivraie dans votre âme, sachez, par votre
bonne volonté, la mettre à part pour la jeter, afin de ne pas être indignes
de Dieu. Allez, mes enfants, que la paix soit avec vous. »
181.4 - Les
gens se dispersent lentement. Il ne reste dans le jardin que les huit
apôtres, plus Élie, son frère, sa mère et le vieil Isaac qui se nourrit l'âme à regarder son Sauveur.
«Venez autour de moi et écoutez. Je vous explique le sens complet de cette
parabole, qui a encore deux aspects en plus de celui que j'ai montré à la
foule.
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189> Dans son
sens universel, la parabole s'explique de la façon suivante : le champ, c'est
le monde. La bonne semence, ce sont les fils du Royaume de Dieu semés par
Dieu dans le monde en attendant d'arriver à leur fin et d'être coupés par la
Faucheuse et amenés au Maître du monde pour qu'il les engrange dans ses
greniers. L'ivraie, ce sont les fils du Malin répandus, à leur tour, sur le
champ de Dieu dans l'intention de faire de la peine au Maître du monde et de
nuire aussi aux épis de Dieu. Par un sortilège, l'Ennemi de Dieu les a semés
exprès, car vraiment le diable dénature l'homme jusqu'à en faire une créature
qui soit sienne, et il la sème pour corrompre les autres qu'il n'a pas pu
asservir autrement.
La moisson, ou plutôt la formation des gerbes et leur transport dans les
greniers, c'est la fin du monde et ce sont les anges qui en sont chargés. Il
leur a été ordonné de rassembler les créatures après la fenaison et de
séparer le bon grain de l'ivraie, et de même que, dans la parabole, on brûle
cette dernière, ainsi, au Jugement dernier, les damnés seront brûlés dans le
feu éternel.
Le Fils de l'Homme enverra ses anges pour extirper de son Royaume tous les
artisans de scandale et d'iniquité. Car alors le Royaume se trouvera sur la
terre et au Ciel, et aux citoyens du Royaume sur la terre seront mêlés de
nombreux fils de l'Ennemi. Ceux-ci atteindront, comme l'annoncent les
prophètes, la perfection du scandale et de l'abomination dans
toute leur activité terrestre et ils causeront de terribles tracas aux fils
de l'Esprit. Dans le Royaume de Dieu, aux Cieux, on aura déjà expulsé les
corrompus, car la corruption n'entre pas au Ciel. Donc, en passant la faux
dans les rangs de la dernière récolte, les anges du Seigneur faucheront et
sépareront le bon grain de l'ivraie ; ils jetteront cette dernière dans la
fournaise ardente où il n'y a que pleurs et grincements de dents, et ils
emmèneront les justes, le grain de choix, dans la Jérusalem éternelle où ils
resplendiront comme autant de soleils dans le Royaume de mon Père, qui est
aussi le vôtre.
181.5 - Voilà
donc le sens universel . Mais pour vous, il y en a un autre qui répond à des
questions que vous vous êtes posées plusieurs fois, en particulier depuis
hier soir. Vous vous demandez : "Mais, dans la masse des disciples,
il peut donc y avoir des traîtres ?" et en votre cœur vous frémissez d'horreur et de
peur. Il peut y en avoir. Il y en a certainement.
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190> Le
semeur répand le bon grain. Dans ce cas, plus que répandre on pourrait
dire : "choisit", car le Maître, que ce soit moi ou
Jean-Baptiste, avait choisi ses disciples. Comment donc se sont-ils dévoyés ?
Non, ce n'est pas cela qu'il faut dire. Je me suis mal exprimé en parlant de
"semence" pour les disciples. Vous pourriez mal comprendre. Mieux
vaut dire : "champ". Autant de disciples autant de champs,
choisis par le Maître pour former l'aire du Royaume de Dieu, les biens de
Dieu. Le Maître ne ménage pas ses efforts pour les cultiver afin qu'ils
produisent cent pour cent. Il leur donne tous les soins, tous. Avec patience.
Avec amour. Avec sagesse. Avec effort. Avec constance. Il voit aussi leurs
mauvaises tendances, leur aridité et leur avidité. Il voit leurs entêtements
et leurs faiblesses. Mais il espère toujours, et il fortifie son espérance
par la prière et la pénitence, car il veut les amener à la perfection.
Mais les champs sont ouverts. Ce ne sont pas des jardins bien
clos, entourés de murailles, dont le maître est le seul propriétaire et où il
est seul à pouvoir entrer. Ils sont ouverts, placés au milieu du monde, dans
le monde. Tous peuvent s'en approcher, tous peuvent y pénétrer. Tous et tout.
Ah ! il n'y a pas que de l'ivraie comme mauvaise semence ! L'ivraie, ce
pourrait être le symbole de la légèreté amère de l'esprit du monde. Mais
voilà que, jetées par l'ennemi, toutes les autres semences y germent :
voici les orties, le chiendent, la cuscute, le liseron, voici enfin la ciguë et les herbes
toxiques. Pourquoi ? Pourquoi ? De quoi s'agit-il ?
Les orties, ce sont les esprits piquants, indomptables, qui blessent par
surabondance de venin et causent tant de désagrément. Le chiendent, ce sont
les parasites qui épuisent le maître et qui ne savent que ramper et sucer,
profitant de son travail et faisant du tort aux personnes de bonne volonté
qui tireraient vraiment davantage de fruit si le maître n'était pas troublé
et dérangé par les soins qu'exige le chiendent. Le liseron inerte, ce sont
ceux qui ne s'élèvent de terre qu'en profitant des autres. Les cuscutes, ce
sont ceux qui causent du tourment sur le chemin déjà pénible du maître et
pour les disciples fidèles qui le suivent. Ils s'accrochent. s'enfoncent, déchirent,
griffent, créent méfiance et souffrance. Quant aux herbes toxiques, ce sont
les disciples criminels, ceux qui en arrivent à trahir et à éteindre la vie
comme la ciguë et les autres plantes vénéneuses. Avez-vous déjà vu comme
elles sont belles, avec leurs petites fleurs qui deviennent autant de petites
boules blanches, rouges, bleu-violet ?
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191> Qui pourrait
croire que cette corolle étoilée, blanche ou à peine rosée, avec son petit
cœur d'or, qui pourrait croire que ces coraux multicolores si semblables aux
autres baies qui font les délices des oiseaux et des enfants peuvent, une
fois arrivés à maturité, donner la mort ? Personne. Et les innocents se font
piéger. Ils les croient bons comme eux-mêmes... Ils les cueillent et en
meurent.
Les bons croient les autres aussi bons qu'eux-mêmes ! Ah, quelle vérité qui
élève le maître et condamne celui qui le trahit ! Comment ? La bonté ne désarme-t-elle pas ? Ne
rend-elle pas inoffensif l'homme malveillant ? Non. Elle ne le rend pas tel,
car l'homme tombé, devenu la proie de l'Ennemi, est insensible à tout ce qui
est supérieur. À ses yeux, tout ce qui est supérieur change d'aspect. La
bonté devient une faiblesse qu'il est permis de fouler aux pieds et qui
exacerbe sa malveillance comme, chez un fauve, la volonté d'égorger est
exacerbée par l'odeur du sang. Le maître lui-même est toujours un innocent...
et il laisse le traître l'empoisonner car il ne veut et ne peut laisser
penser aux autres qu'un homme puisse être le meurtrier d'un innocent.
181.6 - Les
ennemis viennent chez les disciples, ces champs du Maître. Ils sont très
nombreux. Le premier, c'est Satan. Les autres, ses serviteurs, à savoir les
hommes, les passions, le monde et la chair. Pour eux, le disciple le plus
facile à atteindre est celui qui ne reste pas tout près du Maître, mais qui
se tient à mi-chemin entre le Maître et le monde. Il ne sait pas et ne veut
pas se séparer de ce qui est jouissance, pour être tout entier à celui qui
l'amène à Dieu. Les démons répandent sur lui leurs semences : l'or, la
puissance, la femme, l'orgueil, la peur d'être mal jugé par le monde,
l'esprit d'arrivisme. "Les grands sont les plus forts. Je les sers pour
m'en faire des amis." C'est ainsi qu'on devient criminel et qu'on se
damne pour ces misérables vanités...
Pourquoi le Maître, qui voit l'imperfection de son disciple, même s'il ne
veut pas se rendre à la pensée : "Celui-ci me donnera la
mort", ne le renvoie-t-il pas immédiatement de sa suite ? C'est ce que
vous vous demandez.
Parce qu'il est inutile de le faire.
S'il le faisait, cela ne l'empêcherait pas de l'avoir pour ennemi, doublement
ennemi et d'autant plus acharné, à cause de la rage ou de la douleur d'être
découvert ou d'être chassé. La douleur, oui, car parfois le disciple ne se
rend pas compte qu'il est mauvais.
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191> L'œuvre
du démon est tellement subtile qu'il ne le remarque pas. Il devient un démon
sans soupçonner qu'il subit cette transformation. La rage aussi, oui : il
enrage d'être connu pour ce qu'il est quand il est conscient de l'œuvre en
lui de Satan et de ses adeptes, autrement dit de ceux qui profitent des
faiblesses du faible pour lui faire supprimer le saint qui les offense, quand
ils comparent sa bonté à leur propre noirceur.
Quant au saint, il prie et s'abandonne à Dieu. "Que soit fait ce que tu
permets qu'il se fasse", dit-il. Il ajoute seulement cette
réserve : "pourvu que cela serve à tes fins." Le saint sait
que l'heure viendra où la mauvaise ivraie sera séparée de sa moisson. Par qui
? Par Dieu lui-même, qui ne permet pas que l'on s'oppose, plus qu'il n'est
utile, au triomphe de sa volonté d'amour.
181.7 - Mais
si tu admets que les coupables sont toujours Satan et ses adeptes... il me
semble que la responsabilité du disciple en est amoindrie, objecte Matthieu.
— Ne pense pas cela. Si le Mal existe, le Bien existe aussi, et l'homme a la
faculté de discerner, donc la liberté de choisir.
—Tu dis que Dieu ne permet pas que l'on s'oppose, plus qu'il n'est utile, au
triomphe de sa volonté d'amour. Donc cette erreur elle-même est utile, s'il la permet,
et elle sert au triomphe de la volonté divine, ajoute Judas.
—Et tu en déduis, comme Matthieu, que cela justifie le crime du disciple. Dieu
avait créé le lion sans férocité et le serpent sans venin. Maintenant, l'un
est féroce, l'autre est venimeux. Mais Dieu les a séparés de l'homme pour
cette raison. Médite là-dessus et fais-en l'application. Entrons dans la
maison. Le soleil est déjà fort, trop fort, comme pour un début d'orage, et
vous êtes fatigués par une nuit sans sommeil.
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191> - En
haut de la maison se trouve une pièce grande et fraîche. Vous pourrez vous y
reposer" dit Élie.
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