TEXTES DE LA MESSE.
Missel de saint Pie X en usage à l’époque.
Introït : Psaume
42 (Hébreu 43), 1-3.
Collecte : Daigne, Dieu tout-puissant,
considérer avec faveur ta famille, en sorte que par la largesse de ta grâce,
les corps soient droitement gouvernés, et les âmes gardées par ta
sollicitude. Par N.S.J.C.
Épître : Hébreux 9, 11-15.
Graduel : Psaume 142 (Hébreu 143), 9.10 ; Psaume
17 (Hébreu 18), 48-49.
Trait : Psaume 128 (Hébreu 129), 1-4.
Évangile: Jean 8,46-59.
Offertoire : Psaume 118 (Hébreu 119), 17.107.
Secrète : Que ces offrandes,
Seigneur, fassent tomber les liens de notre malignité et nous obtiennent les
dons de ta miséricorde. Par N.S.J.C.
Communion : 1 Corinthiens 11,24.25.
Postcommunion : Viens à nous,
Seigneur notre Dieu, et ceux que tu as renouvelés par tes mystères sacrés,
défends-les par un constant secours. Par N.S.J.C.

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Dimanche 7 avril 1946.
46> Il me réveille d'un doux sommeil dans lequel je rêvais que
j'étais sur un pré d'herbe courte, nouvelle, d'un vert émeraude, borné par un
mur déjà haut, et pour je ne sais quelle raison je disais : «Il le faut
encore plus haut» et je spécifiais : «pour se défendre»; et en effet le mur
s'élevait jusqu'à atteindre au moins cinq mètres. Vraiment infranchissable,
si lisse et si haut... Je ne voyais que ce grand pré, vierge de toute empreinte
humaine, ce très haut mur et, au-dessus, un ciel bondé de petites étoiles que
l'aube approchante rendait toujours plus petites et pâles. Celui qui me
réveille, c'est mon Seigneur qui m'appelle et me touche la tête. J'ouvre les
yeux et je dis : «Me voici, mon Seigneur, je dormais...», et je suis un peu
confuse à la pensée que j'ai fait comme Pierre, Jacques et Jean qui ont un
peu trop dormi aux heures les plus solennelles de leur Maître : au Thabor et à Gethsémani.
Mais Jésus sourit et dit : «Je veillais sur toi, ma douce
victime qui te consumes par amour pour moi. Je
suis venu te dire que je suis là où une créature souffre sa passion et que je
lui parle par la bouche de tous les esprits célestes, par les figures de
toute la liturgie, en plus de mon amour toujours plus fort et plus présent.
Car je sais ce que c'est que la Passion, avec ses tenants et ses
aboutissants. J'ai une compassion infinie pour qui la souffre pour mon amour
et l'amour des âmes.
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47> Vos angoisses, âmes victimes du monde et de l'amour, je les ai
toutes éprouvées. Jour après jour je te dévoile ma Passion de Maître incompris,
de "Voix" ridiculisée, de Sauveur persécuté, et toi tu t'y
retrouves dans ta mesure de créature, comme tous ceux que j'ai choisis pour
un service extraordinaire. Combien je fixais le regard sur le 'but', sur ce
but lumineux, serein et glorieux de ma souffrance longue et multiforme ! Et
je disais : "Je dois passer par cette étape douloureuse, pour atteindre
l'autre, qui est glorieuse".
Il en va de même pour vous : pour pouvoir avancer dans les ronces cruelles de
votre chemin rempli de serpents et de pièges, pour avancer avec tout votre
poids sur les épaules et atteindre le but : l'immolation, qui est aussi la
réalisation de votre but, c'est-à-dire la corédemption, vous devez toujours
garder les yeux fixés sur ce "but", la charité parfaite pour les
âmes, qui s'accomplit par le sacrifice total de soi-même.
Il n'y a pas d'amour plus grand que celui de qui donne sa propre vie pour ses
frères et ses amis. Je l'ai dit et je l'ai fait. Maria,
ma chère, ma douce Maria, ma violette qui te consumes pour moi,
ton amour, et pour tes frères, et qui de moi seul, reçois un réel retour
d'amour, ma consumée, viens, avance... Marchons ensemble. Le monde et Satan
pourront te haïr, mais pas au-delà de la limite que j'ai fixée, élevée,
insurmontable comme le mur que tu as vu en songe. Eux de l'autre côté, dans
leur monde bruyant et chaotique, sale de toutes les concupiscences, semé des
hérésies les plus toxiques... et toi de ce côté-ci dans le désert de ce pré
qui n'est que sérénité et simple pauvreté, fleuri d'herbes exemptes de toute
corruption. Nous avons fait ce pré, toi et moi ensemble. Moi par mes paroles,
toi par tes obéissances. Vois-tu comme il est grand ? Quelle paix il exhale !
... Et en haut, la sérénité du ciel et les innombrables étoiles qui
t'attendent, ce sont tes amis du Ciel, ma douce épouse.
Ma lumière les fait paraître plus petits et plus pâles. Mais quand je te
quitte, ils me succèdent avec leur lumière paradisiaque et ils te
réconfortent. Seule, mais jamais seule, tu avances, jusqu'à la fin.
Puis, dans un rayon d'étoile, de ton Étoile du matin, tu seras absorbée, âme
consacrée par la douleur, Maria consumée pour ton Dieu et pour les âmes; que
cela soit écrit sur ta tombe, ô petite martyre, cela et rien de plus
parmi tout ce qui te rappellera aux hommes ; tu seras absorbée vers le lieu
de l'éternelle Paix d'où tu rayonneras de lumière sur les hommes.
Les pages que tu as écrites en toute obéissance pour fixer mes Paroles sur le
papier seront une lumière d'amour et de vérité, les hommes bons se
souviendront de toi comme d'une lumière. Les hommes bons !... Même en
cela tu me ressembles, parce que rares furent les hommes de mon temps qui
surent aimer et accueillir mon infinie lumière. Les autres, les ténèbres, ne
voulurent pas m'accueillir et restèrent ténèbres. Pour ton réconfort je te
bénis par tout mon amour de prédilection, pour ton réconfort, pour ton
réconfort ! »
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48> Je reste ainsi, émue et bienheureuse... jusqu'à ce que mon
Azarias commence son explication.
Azarias dit :
«Viens à notre sainte messe des voix, à ta sainte messe
des passionnés. Parle et prie avec le
Christ, comme le Christ. Tourne-toi vers le Père avec les paroles du Fils que
le Saint-Esprit m'accorde d'expliquer.
"Sois mon juge, ô Dieu".
Seuls ceux qui ont le cœur droit peuvent parler ainsi, dans l'intimité de
leur conscience. Car, s'il est facile de flatter les hommes, en prenant Dieu
à témoin - et nous ne comprenons pas, nous les anges, comment l'on peut faire
une telle chose sans trembler de peur, ou plutôt nous ne le comprenons qu'en
mesurant combien Satan fait déchoir l'homme et le rend satanique au point de
lui donner la force d'oser invoquer Dieu sans craindre ses propres mauvaises
actions -, si donc il est facile
de tromper les hommes par cette invocation, qui est sacrilège dans certaines
bouches, il n'est pas facile, il n'est pas possible de le faire quand le
colloque est intime, avec pour seul témoin l'ange gardien.
Oh ! L'homme coupable et impénitent n'ose pas invoquer Dieu, à
moins qu'il ne retire un certain réconfort de la présence d'autres qui lui
sont semblables ! Même le plus rompu à tous les délits, au mensonge, au
sacrilège, même un homme qui, si le Seigneur Jésus revenait sur terre, serait
capable de le clouer de nouveau sur le bois, parce que Satan lui montrerait
le Christ comme un simple homme et lui ferait considérer comme une bagatelle
l'assassinat d'un homme, même celui-là n'ose pas, quand il est seul avec
lui-même, devant sa propre conscience et devant l'infini mystère de Dieu,
dire impudemment : "Sois mon, juge, ô Dieu".
Les coupables, depuis Adam et Eve, ne savent que fuir, ou tenter de fuir la
Face de Dieu. Même celui qui nie qu'il
y a un Dieu : par une réflexion imprévue, s'il admet le temps d'un éclair que
l'existence de Dieu est aussi possible, il ne fait que fuir... pour oublier cette existence.
C'est ainsi qu'agissent l'assassin, le voleur, le corrupteur, tous les
coupables, et ils le font d'autant plus que leur faute est grande, d'autant plus
qu'elle est fréquente.
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49> Ils parviennent même à commettre de nouvelles fautes pour
s'étourdir avec la pseudo-certitude que Dieu n'existe pas puisqu'il les
laisse faire. Le fait de pouvoir tuer, exercer des sévices, voler, usurper,
est pour eux la preuve qu'ils sont des "surhommes", des
"dieux", et que personne n'est au-dessus d'eux. Les péchés répétés
et toujours plus graves des grands pécheurs s'expliquent justement par
cette raison qu'ils veulent se dire qu'ils sont des "dieux",
que Dieu n'existe pas, qu'il n'y a ni seconde vie ni jugement ni châtiment,
que chacun est libre de faire ce qui lui est utile, quoi qu'il en coûte et
par quelque moyen que ce soit.
Mais seuls face à l'Unique ils ne tiennent pas, ils fuient. Coupables devant
le Juge, ils ne savent pas se dresser et s'écrier : "Sois mon juge, ô
Dieu". Bien qu'ils nient Dieu et s'en moquent, ils en ont une peur
instinctive comme le fauve à l'égard de l'homme, quand celui-ci avance
courageusement contre la bête, avec audace et habileté à manier une arme ;
ils ont cette peur instinctive et enragée des fauves envers le dompteur dont
ils craignent la punition et ressentent la puissance. Ils cherchent à
détruire l'idée de Dieu par un subtil coup de griffes, mais ils ne font que
la contourner ; ils ne savent ni ne peuvent l'affronter de face. Elle est
trop haute, cette idée, il est trop puissant, ce Dieu Il les foudroie, les
écrase comme des pygmées sur lesquels tombe un rocher de marbre, comme des
vermisseaux sous les pieds du géant. Alors ils fuient...
Seules les âmes honnêtes peuvent s'écrier : "Sois mon
juge, ô Dieu". L'honnêteté a de nombreuses figures. Il n'y a pas que
l'honnêteté matérielle relative à l'argent, aux poids et mesures, au respect
des fruits, des récoltes, des biens d'autrui ; il n'y a pas que l'honnêteté
morale relative à la bonne réputation, à la sincérité, à l'amitié, au respect
de la femme ou de la position de l'autre. Mais il y a aussi l'honnêteté
spirituelle, c'est-à-dire paraître en vérité ce que l'on est spirituellement,
et pas un atome de plus.
Dans ton cas, dans votre cas, instruments extraordinaires, c'est vraiment
et principalement de cette honnêteté qu'il est question.
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50> Même ceux qui sont, en apparence seulement, chrétiens et
catholiques sont spirituellement malhonnêtes. S'il leur était possible de
revenir vingt siècles en arrière, ils seraient de parfaits exemples de
pharisiens, c'est-à-dire qu'ils n'ont que l'apparence du respect dû à Dieu, à
sa Loi et à la sainte Église romaine catholique et apostolique, alors qu'en
réalité, sortis de la scène et retournés à leur demeures, à leur commerces, à
leurs devoirs ou à leurs occupations, ils sont tout à fait antichrétiens et
méprisent tous les articles et préceptes du christianisme, en commençant par
celui de l'amour de Dieu, des parents, des subordonnés, du prochain. Selon
leurs actes mensongers, ils seront jugés et rétribués comme des malhonnêtes
par le Juge qui est plein de pitié pour les fautes involontaires, mais inexorable
pour les impénitents
voués aux hypocrisies calculées.
Mais
vous, les "voix", les instruments extraordinaires, vous devez
exercer l'honnêteté des honnêtetés : celle de ne rien ajouter au trésor,
de ne rien dilapider du trésor, et de toujours reconnaître que ce n'est pas
votre œuvre, mais que c'est l'œuvre de Dieu.
Être à genoux, toujours, les bras tendus pour recevoir, pour
soutenir le poids qui vous est donné et que vous devez tenir élevé dans une
offrande continuelle au Très-Haut qui en est l'auteur. Souvenez-vous : ce
que vous recevez doit être offert à celui qui vous le donne, tout comme
dans la Loi antique on offrait en sacrifice ce que Dieu avait donné :
les agneaux, les béliers, les rayons de miel, l'huile, les épis de blé,
toutes choses qui existaient parce qu'il les avait créées. De même, dans la
nouvelle Loi, on offre des sacrifices. Mais avec quoi ? Avec le Corps et le
Sang de celui que le Père vous a donné: l'Agneau très saint qui enlève les
péchés du monde. Il doit être offert avec les honneurs qui conviennent à une
chose sacrée, c'est-à-dire avec des mains pures, des vêtements purs, sur un
drap précieux, sur une précieuse patène.
Quels sont-ils ? Votre vie purifiée, votre esprit qui doit se faire jour
après jour plus précieux de vertus, votre cœur immolé avec l'Immolé.
Oh ! Bénis ! Ne pleurez pas dans votre souffrance ! Ne pleure pas, Maria
chérie du Seigneur, dans ta souffrance ! C'est cela qui te rend chère : ta
souffrance.
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51> Écoute : qu'est-ce qui a eu de la valeur aux yeux de Dieu ? Ta
naissance ? Ta culture ? Ta position sociale ? Rien de cela. Qu'étais-tu,
tant que tu étais uniquement Maria, la fille de Giuseppe et d'Iside, éduquée
comme une fille de famille aisée ? Tu étais une
âme commune comme il y en a des millions parmi les chrétiens fidèles. Sur ton
autel il n'y avait qu'un seul ornement. Sais-tu lequel ? Ton amour pour Jésus
souffrant. Le reste était ni plus ni moins celui de la grande masse des
catholiques, le strict minimum pour ne pas être au nombre des grands
pécheurs.
Puis la souffrance t'a portée à l'amour de la souffrance. Tu as
compris, grâce à ton amour relatif et à l'amour infini de Dieu Four toi, ce
qu'est la douleur de Dieu et comment on la console... Tu t'es faite hostie,
et Dieu t'a accueillie comme hostie.
La
souffrance ! C'est ta gloire.
Mon âme
chérie, tu croyais peut-être que la chair seule était destinée à être
consumée ? Tout au plus allais-tu jusqu'à envisager les possibilités de
souffrir moralement ? Non, Maria. Quand un incendie envahit une maison,
celle-ci brûle du sous-sol jusqu'en haut du toit, n'est-ce pas ? Le Feu du
Ciel est descendu sur toi, non pour te punir mais
pour t'absorber en lui-même. Il a tout pris de toi.
Tout s'est changé en douleur. Ton chrême. Vois : même cette joie béatifique
d'entendre parler le Seigneur Jésus est une douleur.
Les superficiels diront : "On ne peut connaître la douleur
quand on jouit de l'union avec Dieu !" Le Verbe incarné ne connut-il pas
une continuelle douleur quand il était Jésus de Nazareth ? Pourtant, l'heure
de la rigueur suprême et de l'immolation totale exceptée, il était uni au Père et
à l'Esprit !
Celle qui est pleine de grâce et sans tache ne connut-elle pas la souffrance
comme fidèle compagne dans sa vie d'orpheline, d'épouse, de mère, de reine
des apôtres? Pourtant, elle ne méritait pas la souffrance, étant sans faute
et si parfaitement unie à Dieu, au point de l'avoir pour Époux, pour Fils et
pour Père.
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52> Mon âme chérie, ne pleure pas ! Réjouis-toi donc de ce que tout
en toi porte le chrême de la douleur : cela conforme ta vie à celles du très saint
Seigneur Jésus et de la très sainte Vierge Marie. Aie confiance dans le
Seigneur. Tu peux l'appeler et dire : "Sois mon juge, ô Dieu !"
Comme
il doit vous être doux, ô créatures de la terre, de pouvoir dire : "Sois
mon juge" à Dieu votre Père ! Cette parole est vraiment pleine de
confiance filiale, tout comme le fait de vous réfugier contre votre Dieu, que
vous ne craignez pas parce que la bonne conscience vous assure de ne l'avoir
pas offensé. Mettez-vous sous sa puissante protection qui vous défend
"contre le monde profane" et vous libère de "l'homme inique et
trompeur" parce que Dieu est
votre force. Combien d'humilité, d'amour, combien de sécurité et de paix dans
ce filial recours qui témoigne que vous savez être un "rien" aimé
et justifié par le Tout.
Mais oui ! Il ne faut pas pleurer ! Lui, ton Dieu, fera
resplendir sa lumière et sa vérité. Pas seulement sur toi : cela, il le fait
tellement qu'il te parle comme à sa disciple de prédilection. Mais aussi sur
la vérité de ta mission. Tu l'as entendu dans les premières heures du jour, dans
sa lumineuse promesse : "Les hommes bons se souviendront de toi comme
d'une lumière." S'ils se souviennent de toi comme d'une lumière, c'est
signe que tu es dans la Lumière. Ceux qui ne sont pas bons ne croiront pas.
Cela
servira à te rendre plus semblable au Verbe que les ténèbres n'ont pas voulu
reconnaître.
Pourquoi te préoccuper ? Souviens-toi de ces paroles de Jésus : "Par leur incrédulité ils
accumulent les pierres avec lesquelles ils seront lapidés". Toi, avance sur ta
voie. Va sans détour sur la montagne de Dieu, vers les tabernacles éternels
dont parle le psaume de l'introït.
Prions : "Nous te supplions, Dieu tout-puissant, de regarder
ta famille, afin qu'elle soit gouvernée par ta grâce dans son corps et
protégée dans son âme", et cela par les
mérites de ton Verbe béni, incarné et mort pour les hommes.
"Ta famille" ! Tous les fidèles sont la famille de Dieu. Mais,
dans toute famille, il y a les préférés, les plus proches du chef de famille.
Dans cette famille de fidèles, c'est vous qui êtes les préférées, âmes
victimes et appelées à un destin extraordinaire. Dieu ne décevra pas cette
prière ; comme Père il te protégera parce que, Paul le dit, tu appartiens à la
part élue que Jésus a rachetée par son sacrifice.
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53> Lisons Paul et méditons-le. Comment Jésus Christ, venu comme
grand-prêtre des biens futurs, entra-t-il une fois pour toutes dans le
sanctuaire ?
Les anciens israélites, dans leur grande majorité et – ce qui est doublement
coupable, justement dans la majorité cultivée –n'ont pas compris comment le
Christ était le grand-prêtre éternel, ni en quoi auraient consisté son règne
et son sacerdoce. Ils le haïrent par leur peur non fondée, venue d'une foi
dénaturée, avilie en matérialité: la peur d'être dépouillés de leurs
prérogatives de puissance.
Or Jésus n'avait pas de visées humaines. Il ne tendait pas les mains vers la
tiare ni vers la couronne. Il ne tendait les mains que pour recueillir les
fils de son Père, avilis, devenus misérables, bâtards, malades, blessés,
dispersés... afin de les guérir, les instruire, les guider, les consacrer de
nouveau dans leur dignité de fils du Père. Pour y parvenir, Jésus n'utilisa
pas les moyens et lieux communs, "mais franchissant un tabernacle plus grand et plus
parfait qui n'est pas fait par des mains humaines", c'est-à-dire : se
servant de sa nature divine et toute-puissante pour racheter la faute,
impossible à racheter d'une autre manière, il se réduit à la
condition d'homme, restreignant dans la
tente mortelle de la chair, le Saint des Saints qu'il était, pour s'immoler
lui-même à la place des boucs et des veaux, et, par son sang versé pour la
rédemption des hommes, pouvoir entrer à la tête des rachetés dans le
sanctuaire éternel une fois pour toujours.
Voici comment vous avez été rachetés par celui dont l'Église raconte en ces
jours la très sainte épopée, qui s'est terminée par l'ultime cri du Golgotha. Voici ce par quoi ta
conscience fut préparée à la pureté nécessaire pour recevoir ses Paroles, et
ton esprit à accomplir les œuvres de vie que Dieu juge bonnes pour les
hommes. Sans son Sang, sans son immolation accomplie par l'Esprit Saint,
c'est-à-dire par l'Amour, tu n'aurais pu servir le Dieu vivant ni sur terre,
ni au ciel.
À cause même de ce que tu lui coûtes, ne doutes pas de son amour. Par
la puissance de cet amour, qui l'a poussé à mourir pour te rendre digne de
l'écouter et de le comprendre, n'aie aucun doute sur sa miséricorde. Comme
grand-prêtre éternel, il peut bien introduire dans le sanctuaire ceux qu'il
élit.
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54> C'est cela, la nouvelle alliance. Ce n'est plus la volonté
des hommes, l'argent, les conspirations, les amitiés entre castes
sociales qui se haïssent et pourtant se soutiennent pour nuire aux élus
solitaires, et usurpent, en prévaricateurs qu'ils sont, la place des désignés
de Dieu ; mais c'est Dieu lui-même qui élit ses instruments, et ces
appelés reçoivent, par la promesse de Jésus-Christ et par son immolation,
l'héritage éternel.
Courage ! Ne pleure pas, âme-hostie. Ou plutôt pleure avec le Christ qui
prit de la nature humaine même la faiblesse et l'amertume des larmes,
inconnues au ciel.
Tu l'as vu verser des larmes et du sang... le premier masque
sanglant de sa face bénie est bien venu par sa douleur. La couronne d'épines,
les lacérations sanglantes de la flagellation ne firent que maintenir ce
masque sur ce visage que désormais les hommes ne méritaient plus de voir dans
la perfection de sa beauté pacifique. Conforme-toi, conforme-toi à ton
Maître. Il est ton Maître en doctrine et ton Maître en immolation.
Il a lui aussi répandu ses ultimes pleurs de créature humaine, écrasé qu'il
était contre la pierre de Gethsémani, oppressé par toute la douleur du
monde, par toute la rigueur du ciel. Sa chair a gémi alors sa dernière
plainte contre les derniers spasmes imminents. "Seigneur, s'il est
possible, que ce calice passe loin de moi !"
À ceux qui ne parviennent pas à croire que Jésus était vraiment homme et
avait de l'homme l'attachement à la vie et l'horreur de la mort, ce cri
est la réponse qui dit: "Celui-ci avait une vraie chair".
"Non pas ma volonté, Père, mais que ta volonté soit faite". À ceux
qui ne parviennent pas à croire que Jésus était vraiment Dieu, et que de
Dieu il avait les perfections, ce cri est la réponse qui dit:
"Celui-ci était vraiment Dieu."
À ceux qui ne parviennent pas à croire que tu puisses être le
"porte-parole", la façon dont tu vis, dont tu souffres, dont tu
meurs après avoir bu toutes les amertumes en disant "que ta volonté soit
faite", est la réponse qui dit que tu es bien le "porte-parole",
celui que Dieu a pris en raison d'un insondable mystère qui ne sera connu
qu'au ciel, pour faire de toi l'instrument d'une œuvre de grande miséricorde.
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15> Pleure avec lui, avec ton Maître souffrant : "Libère-moi
des peuples furieux !" et professe : "Toi seul, tu peux m'exalter
et me sauver au-dessus des adversaires et des injustes qui ne te connaissent
pas, et qui me haïssent à cause ton Nom qui brille sur mes actions".
Pleure avec lui ton grand abandon : "Beaucoup m'ont tourmenté dès ma
jeunesse". Oui. Tu es venue à lui à travers bien des luttes et des
tourments, et tu as été martyre à cause de ta fidélité à son appel. Mais
"ils n'ont pu te vaincre", parce que, pardessus toute autre voix,
tu suivais celle de ton Jésus.
Maintenant que tu es à ses pieds, que tu es son instrument, il est naturel
que les ennemis de la vérité fabriquent sur ton dos un édifice de calomnies
pour t'écraser. Les "autres Christ" ont en commun la passion et la
crucifixion, mais ils ont aussi en commun la résurrection. Et si les hommes
enferment la voix de Dieu dans les sépulcres, croyant ainsi l'enterrer pour
toujours, les forces de la nature, obéissantes à Dieu, secouent les inutiles
fermetures, et les pierres proclament Dieu triomphateur en lui-même et dans
ses serviteurs en s'ouvrant, en laissant sortir des parfums et la lumière des
viscères fermées où le juste ne se décompose pas, mais repose pour resurgir
plus fort et plus beau.
En attendant cette heure, à ceux qui veulent t'accuser ou te faire
peur par des doutes, forte de la sincérité de tes œuvres, tu dois répondre
avec ton Maître: "Qui de vous me convaincra de péché?"
Et à qui voudrait t'exalter et ainsi te détruire par l'orgueil comme les
premiers l'ont voulu par le découragement, réponds: "Je ne cherche pas ma gloire, car mon Père en prend
soin. La gloire que je me donnerais à moi-même ou que vous voulez me donner
ne vaut rien. En revanche celle que Dieu me donnera avec sa paix éternelle, pour
l'honneur que je lui ai rendu, cette gloire existe."
Sois
en paix. Tu auras la Vie par sa Parole, par son sacrement d'amour, par son
sacrifice de la croix et par le tien en "victime" Bénissons le
Seigneur.»
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56> « Grâces soient rendues à Dieu. »
« Gloire au Père, et au Fils, et au Saint Esprit. »
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