Le lundi 24 septembre 1945.
450/451> 285.1 – "Lazare, mon
ami, je te demande de venir avec Moi" dit Jésus en apparaissant
sur le seuil de la salle où Lazare se trouve à demi-couché sur un lit,
en train de lire un rouleau.
"Tout de suite, Maître. où allons-nous ?" demande Lazare en se
levant immédiatement.
"Dans la campagne. J'ai besoin d'être seul avec toi."
Lazare le regarde troublé, et demande :
"As-tu de tristes nouvelles à me donner secrètement ? Ou bien.
..Non, je ne veux pas y penser..."
"Non, j'ai à prendre conseil de toi et l'air lui-même ne doit pas savoir
ce que nous dirons. Commande le char parce que je ne veux pas te fatiguer.
Quand nous serons en pleine campagne, je te parlerai."
"Alors c'est moi qui conduis. Ainsi même le serviteur ne saura pas ce
que nous aurons dit."
"Oui, c'est d'accord."
"J'y vais tout de suite, Maître. Dans un moment je vais être prêt"
Il sort. Jésus sort aussi, après être resté un peu pensif au milieu de la
riche pièce. Tout en pensant, il a déplacé machinalement deux ou trois
objets, ramasse le rouleau tombé par terre et enfin, en le remettant en place
sur une étagère, par cet instinct inné de l'ordre qui est si fort en Jésus,
il reste, les bras levés, à regarder des objets d'un art pour le moins
étrange, différent de celui courant en Palestine, alignés sur les degrés de
l'étagère. Ce sont des amphores et des coupes très anciennes, semble-t-il, en
métal repoussé, ornées de dessins reproduisant des détails des temples de
l'ancienne Grèce, et des urnes funéraires. Ce qu'il voit Lui-même, au-delà de
l'objet, je ne sais pas... Il sort et va dans la cour intérieure où se
trouvent les apôtres.
"Où allons-nous, Maître ?" demandent-ils, en voyant Jésus
mettre son manteau.
"Nulle part. Moi, je sors avec Lazare. Vous restez ici à m'attendre,
tous ensemble. Je serai vite de retour."
Les douze se regardent entre eux... Ils sont peu contents... Pierre dit :
"Tu vas seul ? Fais attention..."
"Ne crains rien. Tout en m'attendant, ne restez pas oisifs. Instruisez
encore Hermastée pour qu'il connaisse toujours plus la Loi et soyez de bons
compagnons. Pas de disputes ni d'impolitesses. Soyez gentils,
aimez-vous."
Il se dirige vers le jardin et tous le suivent. Tout de suite arrive un char
léger et couvert, sur lequel est déjà Lazare.
"Tu pars avec le char ?"
"Oui, pour que Lazare ne se fatigue pas les jambes. Adieu, Marziam. Sois bon. La paix à vous tous."
Il monte sur le char qui, en faisant grincer le gravier du chemin, sort du
jardin en prenant la grand-route.
"Tu vas à "La Belle Eau", Maître ?" lui crie par
derrière Thomas.
"Non. Je vous dis encore une fois : soyez bons."
285.2 – Le
cheval part rapidement au trot. La route, qui va de Béthanie à Jéricho, passe
à travers la campagne qui se dépouille et on remarque la mort de la nature à
mesure que l'on descend vers la plaine.
Haut de page.
452> Jésus réfléchit. Lazare se tait occupé seulement à la
conduite du cheval. Quand ils sont bien dans la plaine, une plaine fertile
déjà toute prête pour nourrir la semence du futur grain, aux vignobles déjà
tout endormis comme une femme qui vient de mettre au jour son fruit et se
repose de sa douce fatigue, Jésus lui fait signe d'arrêter. Et Lazare,
obéissant, s'arrête et conduit le cheval sur un petit chemin secondaire qui
mène à des maisons éloignées... et il explique : "Ici nous serons
encore plus tranquilles que sur la grand-route. Ces arbres nous cachent à la
vue de beaucoup." En effet un bouquet d'arbres bas et feuillus fait
office de paravent contre la curiosité des passants. Et Lazare se tient
debout devant Jésus, dans l'attente.
"Lazare, il faut que j'éloigne Jean d'En-Dor et Syntica. Tu
vois que la prudence le conseille et aussi la charité. Pour l'un et pour
l'autre, ce serait une épreuve dangereuse, une souffrance inutile de
connaître les persécutions lancées contre eux... et qui pourrait, au moins
pour l'un d'eux, provoquer des surprises très pénibles."
"Dans ma maison..."
"Non. Pas même dans ta maison. Ils ne seraient pas, peut-être, touchés
matériellement. Mais ils seraient moralement humiliés. Le monde est cruel. Il
brise ses victimes. Moi, je ne veux pas que ces deux belles énergies se
perdent ainsi. Par conséquent, comme j'ai uni un jour le vieil Ismaël à Sara, maintenant je vais unir mon pauvre Jean à Syntica. Je
veux qu'il meure en paix et qu'il ne soit pas seul, et avec l'illusion d'être
envoyé ailleurs non parce que c'est "l'ancien galérien", mais parce
que c'est le disciple prosélyte qu'on peut envoyer ailleurs pour prêcher .le
Maître. Et Syntica l'aidera... Syntica est une belle âme et sera une grande
force dans l'Église future et pour l'Église future.
285.3 – Peux-tu
me conseiller où les envoyer ? Pas en Judée, en Galilée, ni même dans la
Décapole, là où je vais et avec Moi les apôtres et les disciples. Pas dans le
monde païen. Où, alors ? Où pour qu'ils soient utiles et en
sécurité ?"
"Maître... moi... Mais-moi te conseiller !"
"Non, non. Parle. Tu m'aimes bien, tu ne trahis pas. Tu aimes ceux que
j'aime, tu n'as pas de pensées étroites comme d'autres."
Haut de page.
453> "Moi... Oui. Je te conseillerais de les envoyer là
où j'ai des amis. À Chypre ou en Syrie. Choisis. À Chypre j'ai des personnes
sûres. Et en Syrie !... J'ai encore là-bas une petite maison dirigée par
un intendant, fidèle plus qu'une brebis. Notre Philippe ! Pour moi, il
fera tout ce que je dis. Et, si tu me le permets, eux qu'Israël persécute et
qui te sont chers, pourront se dire mes hôtes dès maintenant, en sécurité
dans la maison... Oh ! ce n'est pas un palais ! C'est une maison où
Philippe habite seul avec un petit-fils qui s'occupe des jardins d'Antigonio . Les jardins que ma mère aimait. Nous les avons gardés
en souvenir d'elle. Elle y avait apporté des plantes de ses jardins de Judée,
c'étaient des essences rares... Maman... Avec elles que de bien elle faisait
aux pauvres... C'était son fief secret... Ma mère... Maître, j'irai vite lui
dire : "Réjouis-toi, bonne mère. Le Sauveur est sur la terre".
Elle t'attendait..."
Il y a deux traces de pleurs sur le visage souffrant de Lazare. Jésus le
regarde et sourit.
Lazare se remet :
285.4 – "Mais
parlons de Toi. L'endroit te paraît bon ?"
"Oui. Et une fois de plus, je te remercie pour Moi et pour eux. Tu
m'enlèves un grand poids..."
"Quand partiront-ils ? Je le demande pour
préparer une lettre pour Philippe. Je dirai que ce sont deux de mes amis
d'ici qui ont besoin de paix. Et cela suffira."
"Oui, cela suffira. Cependant, je t'en prie, que l'air lui-même ne sache
pas tout cela. Tu le vois ! Je suis espionné..."
"Je le vois. Je n'en parlerai même pas à mes sœurs. Mais comment
feras-tu pour les conduire là ? Tu as les apôtres avec Toi…"
"Maintenant je vais remonter jusqu'à Aëra sans Judas de Simon, Thomas,
Philippe et Barthélemy. Pendant ce temps, j'instruirai à fond Syntica et
Jean... pour qu'ils partent avec une grande provision de Vérité. Puis je
descendrai au Mérom et de là à Capharnaüm. Et là... et là je renverrai encore
les quatre avec d'autres missions, et alors je ferai partir les deux pour
Antioche. J'y suis obligé..."
"À devoir craindre des tiens. Tu as raison... Maître, je souffre de te
voir tourmenté..."
"Mais ta bonne amitié me réconforte tellement... Lazare, je te
remercie... Après-demain je pars et j'emmène tes sœurs. J'ai besoin de
nombreuses disciples pour que Syntica se confonde avec elles. Jeanne de Kouza vient aussi. De
Méron, elle ira à Tibériade parce qu'elle y passera l'hiver. Ainsi le veut
son mari pour l'avoir plus près de lui. Car Hérode revient à Tibériade pour
quelque temps."
Haut de page.
454> "Il sera fait comme tu le désires. Mes sœurs sont
à Toi, comme je le suis, moi, mes maisons, mes serviteurs, mes biens. Tout
t'appartient, Maître. Uses-en pour le bien. Je te préparerai la lettre pour
Philippe. Il vaut mieux que tu l'aies directement."
"Merci, Lazare."
"C'est tout ce que je puis faire... Si j'étais en bonne santé, je
viendrais... Guéris-moi, Maître, et je viendrai."
"Non, ami, j'ai besoin de toi comme tu es."
"Même si je ne fais rien ?"
"Même. Oh ! mon Lazare !"
Jésus l’étreint et l'embrasse.
285.5 – Ils
remontent sur le char et reviennent. Maintenant c'est Lazare qui est très
silencieux et pensif, et Jésus lui en demande la raison.
"Je pense que je perds Syntica. J'étais attiré par sa science et sa
bonté..."
"C'est Jésus qui l'acquiert..."
"C'est vrai, c'est vrai. Quand te reverrai-je, Maître ?"
"Au printemps."
"Plus jusqu'au printemps ? L'an passé tu étais chez moi pour les Encénies..."
"Cette année je contente les apôtres. Mais l'an prochain je serai
beaucoup avec toi. Je te le promets."
Béthanie apparaît sous le soleil d'octobre. Ils sont sur le point d'arriver
lorsque Lazare arrête le cheval pour dire :
"Maître, tu fais bien d'éloigner l'homme de Kérioth. J'ai peur de lui. Il ne t'aime pas. Il ne me plaît pas.
Il ne m'a jamais plu. C'est un sensuel et un avide. Aussi il est capable
d'arriver à n'importe quel péché : Maître, c'est lui qui t'a
dénoncé..."
"En as-tu les preuves ?"
"Non."
"Alors ne juge pas. Tu n'es pas très expert en fait de jugement.
Rappelle-toi que tu jugeais ta Marie inexorablement perdue... Ne dis pas que
c'est grâce à Moi. C'est elle qui m'a d'abord cherché."
"C'est vrai cela aussi. Mais, enfin, méfie-toi de Judas."
Peu après ils entrent dans le jardin où les apôtres les attendent avec
curiosité.
Haut de page.
455> 285.6 – L'absence
des quatre apôtres et surtout de Judas rend plus intime et plus épanoui le
groupe de ceux qui restent. C'est vraiment une famille, dont les chefs sont
Jésus et Marie, celle qui en tournant le dos à Béthanie en une sereine
matinée d'octobre, se dirige vers Jéricho pour passer sur la rive opposée du
Jourdain. Les femmes se groupent autour de Marie et il ne manque qu'Annalia
au groupe des femmes disciples,
c'est-à-dire des trois Marie, Jeanne, Suzanne, Élise, Marcelle, Sara et
Syntica. Groupés autour de Jésus, Pierre, André, Jacques et Jude d'Alphée,
Mathieu, Jean et Jacques de Zébédée, Simon le Zélote, Jean d'En-Dor,
Hermastée et Timon, alors que Marziam, sautant comme un chevreau, fait la
navette entre les deux groupes qui avancent à quelques mètres l'un de
l'autre. Chargés de sacs pesants, ils vont joyeux sur la route doucement
ensoleillée, dans le repos solennel de la campagne.
285.7 – Jean
d'En-Dor avance péniblement sous le poids qui charge ses épaules. Pierre s'en
aperçoit et dit :
"Donne-le donc, puisque tu as voulu reprendre ce fardeau. Tu en avais la
nostalgie ?"
"C'est le Maître qui me l'a ordonné."
"Oui ? Oh ! par exemple ! Pourquoi donc ?"
"Je ne sais pas. Hier soir il m'a dit : "Reprends tes livres
et suis-moi avec eux. "
"Oh ! très bien, très bien !... Mais si Lui
l'a dit, c'est certainement une bonne chose. Peut-être est-ce pour
cette femme. Que de choses elle sait, hein ? Les sais-tu, toi
aussi ?"
"À peu près autant qu'elle. Elle est très instruite."
"Mais tu ne peux pas continuer à nous suivre avec ce fardeau,
hein ?"
"Oh ! je ne crois pas, mais je ne sais pas. Mais je peux encore le
porter..."
"Non, mon ami. Je tiens à ce que tu ne sois pas malade. Tu n'es pas
bien, le sais-tu ?"
"Je le sais, je me sens mourir."
"Ne fais pas de blagues ! Laisse-nous au moins arriver à
Capharnaüm. On est si bien, maintenant que nous
sommes entre nous sans ce... Maudite langue ! J'ai encore manqué à la
promesse faite au Maître !...
285.8 – Maître !
Maître !"
"Que veux-tu, Simon ?"
Haut de page.
456> "J'ai dit du mal de Judas et je t'avais promis que
je ne l'aurais plus fait. Pardonne-moi."
"Oui, essaie de ne plus le faire."
"J'ai encore 489 fois à avoir ton pardon..."
"Mais que dis-tu, frère ?" demande André étonné.
Et Pierre, avec un éclair de malice sur son bon visage, avec le cou de
travers sous le poids du sac de Jean d'En-Dor :
"Et tu ne te souviens pas que Lui a dit de pardonner septante fois sept ? Par conséquent j'ai encore à recevoir 489
pardons. Je tiendrai soigneusement les comptes..."
Tout le monde rit, Jésus même est obligé de sourire. Mais il répond :
"Tu ferais mieux de tenir les comptes de toutes les fois que tu sais
être bon, ô grand enfant que tu es."
Pierre va près de Lui et de son bras droit il entoure la taille de Jésus en
disant :
"Mon Maître chéri ! Comme je suis heureux d'être avec Toi sans...
Allons ! Tu es content Toi aussi... Et tu comprends ce que je veux dire.
Nous sommes entre nous. Il y a ta Mère. Il y a l'enfant. On va vers
Capharnaüm. La saison est belle.., Cinq raisons d'être heureux. Oh !
c'est vraiment beau de venir avec Toi ! Où nous arrêtons-nous ce
soir ?"
"À Jéricho."
"L'an dernier nous y avons vu la femme voilée. Mais qui sait ce qu'elle
est devenue... Je serais curieux de le savoir... Et nous avons trouvé celui
des vignes ..."
L'éclat de rire de Pierre est contagieux tant il est bruyant. Tout le monde
rit en pensant de nouveau à la scène de la rencontre avec Judas de Kérioth.
"Mais tu es incorrigible, Simon !" lui reproche Jésus.
"Je n'ai rien dit, Maître. Mais je n'ai pu m'empêcher de rire en pensant
à la tête qu'il a faite quand il nous a trouvés là... dans ses vignes..."
Pierre rit de si bon cœur qu'il doit s'arrêter pendant que les autres
continuent, riant malgré eux.
285.9 – Pierre
est rejoint par les femmes. Marie lui demande doucement :
"Qu'est-ce que tu as Simon ?"
Haut de page.
457> "Ah ! Je ne peux pas le dire car je
manquerais une autre fois à la charité. Mais... voilà, Mère, dis-moi un peu toi qui es sage, Si je
fais une insinuation ou, pis encore une calomnie, je pèche, naturellement.
Mais si je ris d'une chose connue de tous, d'un fait que tous connaissent,
d'un fait qui fait rire comme par exemple de rappeler la surprise d'un
menteur, son embarras, ses excuses, et se remettre à rire comme alors nous
avons ri, est-ce encore mal ?"
"C'est une imperfection pour la charité. Ce n'est pas un péché comme la
médisance et la calomnie et même comme 1’insinuation, mais c'est toujours un
manquement à la charité. C’est comme un fil enlevé dans un tissu. Ce n'est
pas une vraie déchirure, ce n'est pas non plus une étoffe usée; mais c'est
toujours une chose qui atteint l'intégrité de l'étoffe et sa beauté, quelque
chose qui prépare des déchirures et des trous. ne crois-tu pas ?"
Pierre se frotte le front et dit un peu mortifié :
"Oui. Je n'y avais jamais pensé."
"Penses-y maintenant et ne le fais plus. Il y a des éclats de rire qui
blessent la charité plus que des gifles. Quelqu'un a-t-il péché ?
L'avons-nous pris à mentir ou à commettre une autre faute ? Eh
bien ? Pourquoi le rappeler ? Et y faire penser les autres ?
Jetons un voile sur les fautes d'un frère, en pensant toujours :
"Si j'étais le coupable est-ce que j'aimerais qu'un autre rappelle cette
faute ou y fasse penser ?" Il y a des choses qui font rougir
intérieurement, Simon, qui font tant souffrir. Ne secoue pas la tête. Je sais
ce que tu veux dire... Mais les coupables aussi en souffrent, crois-le. Pars, pars toujours de cette pensée :
"Aimerais-je cela pour moi ?" Tu verras que tu ne pécheras
jamais plus contre la charité et tu auras toujours une si grande paix en toi.
Regarde là Marziam, avec quelle joie il saute et il chante. C'est parce que
lui n'a aucune pensée dans le cœur. Lui n'a pas à penser à des itinéraires, à
des dépenses, à des paroles à dire. Lui sait que d'autres pensent à tout cela
pour lui. Toi aussi, agis de même. Abandonne tout à
Dieu, même le jugement sur les personnes. Tant que tu peux être comme un
enfant que le bon Dieu conduit, pourquoi vouloir te charger du poids de
décider et de juger ? Le moment viendra où tu devras être juge et
arbitre, et alors tu diras : "Oh ! comme c'était plus facile
alors, moins dangereux !" et tu te traiteras de sot pour avoir
voulu te charger avant le temps de tant de responsabilités. Juger !
Quelle chose difficile ! Tu as entendu ce qu'a dit Syntica, il y a
quelques jours ? "Ce que l'on recherche par les sens, est toujours
imparfait". Elle a très bien parlé. Bien des fois nous jugeons d'après
les réactions de nos sens, avec une très grande imperfection, par conséquent.
Ne juge pas..."
Haut de page.
458/459> 285.10 – "Oui,
Marie. À toi, je le promets vraiment. Mais toutes les belles choses que sait
Syntica, je ne les connais pas !"
"Et tu t'en affliges, homme ? Ne sais-tu pas que moi, je veux m'en
débarrasser pour prendre seulement ce que tu sais ?"
"Vraiment ? Pourquoi ?"
"Parce qu'avec la science tu peux te conduire sur la terre, mais c'est
avec la sagesse que tu conquiers le Ciel. J'ai la science, tu as la
sagesse."
"Mais avec ta science, tu as su venir à Jésus ! C'est donc une
bonne chose."
"Mêlée à tant d'erreurs dont je voudrais me dépouiller pour me revêtir
de la seule sagesse. Loin de moi les vêtements parés et inutiles. Que mon
vêtement soit le vêtement sévère et sans apparence extérieure de la Sagesse
qui revêt d'un vêtement impérissable non ce qui est corruptible mais ce qui
est immortel. La lumière de la Science tremble et vacille. La lumière de la
Sagesse resplendit uniforme et invariablement constante comme le Divin qui
l'engendre."
Jésus a ralenti son pas pour entendre. Il se retourne et dit à la
grecque :
"Tu ne dois pas aspirer à te dépouiller de tout ce que tu sais, mais tu
dois choisir dans ce que tu connais ce qui est un atome de l'Intelligence
éternelle, conquis par des esprits d'une valeur indéniable."
"Ces esprits ont donc réalisé en eux-mêmes le mythe du feu dérobé aux
dieux ?"
"Oui, femme. Mais ici ils ne l'ont pas dérobé, mais ils ont su le
recueillir quand la Divinité les effleurait de ses feux, en les caressant
comme des exemples, répandus dans une humanité déchue, de ce qu'est l'homme,
être doué de raison."
"Maître, tu devrais m'indiquer ce que je dois garder et ce que je dois
laisser. Moi, je ne serais pas bon juge et puis, pour combler les vides,
mettre les lumières de ta Sagesse."
"C'est ce que j'ai l'intention de faire. Je t'indiquerai jusqu'à quel
point est sage la pensée que tu connais et je la prolongerai, à partir de ce
point jusqu'au bout de l'idée vraie. Pour que tu saches. Ce sera bon aussi
pour ceux qui sont destinés à avoir dans l'avenir beaucoup de contacts avec
les gentils."
"Nous n'y comprendrons rien, Seigneur" gémit Jacques de Zébédée.
"Peu de chose pour le moment. Mais un jour vous comprendrez et les
instructions présentes et leur nécessité. Et toi, Syntica, expose-moi les
points qui sont pour toi les plus obscurs. Pendant les haltes, je te les
éclaircirai."
|