Le samedi 9 juin 1945.
193> 182.1 - Pierre
arrive seulement le matin suivant. Il est plus calme qu'au départ car il n'a
trouvé qu'un bon accueil à Capharnaüm et la cité débarrassée d'Éli
et de Joachim.
"Ce doit être eux les auteurs du complot. J'ai en effet demandé à des
amis quand est-ce qu'ils sont partis et j'ai compris qu'ils n'étaient plus revenus
après avoir été chez le Baptiste comme pénitents. Et je crois qu'ils ne
reviendront pas de sitôt, maintenant que j'ai dit qu'ils étaient présents à
l'arrestation... Il y a grand émoi pour cette arrestation du Baptiste... Et
je m'appliquerai à le faire savoir même aux moustiques... C'est l'arme la
meilleure pour nous. J'ai rencontré aussi le pharisien Simon
et... Mais s'il est comme il m'a paru, il me semble bien disposé. Il m'a
dit : "Conseille au Maître de ne pas suivre le Jourdain par la
vallée occidentale. L'autre côté est plus sûr"
m'a-t-il dit en appuyant sur les mots. Et il m'a dit pour finir :
"Je ne t'ai pas vu. Je ne t'ai pas parlé. Rappelle-le-toi, et agis en
conséquence pour mon bien, le tien et celui de tous. Dis au Maître que je
suis son ami", et il regardait en l'air comme s'il parlait au vent.
Toujours, même quand ils agissent bien, ils sont faux et. ..et je
dirai : étranges, pour ne pas encourir tes reproches. Cependant...
hé ! cependant je suis allé faire une petite visite au centurion.
Comme cela... en lui disant : "Il va bien ton
serviteur ?" et lui me l'ayant confirmé, j'ai dit :
"Heureusement ! Fais attention à le conserver en bonne santé, car
on cherche à faire tomber le Maître dans un piège. Le Baptiste est déjà
pris..." et le romain a saisi au vol. Il est malin le bonhomme ! Il
a répondu : "Là où sera une enseigne romaine, ce sera une
sauvegarde pour Lui et il y aura quelqu'un pour rappeler aux israélites que
sous les enseignes romaines il n'est pas permis de comploter sans s’exposer à
la mort ou à la galère".
Ce sont des païens... mais je l'aurais embrassé. J'aime bien les gens qui
comprennent et qui agissent ! Nous pouvons y aller, alors."
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194> "Allons-y. Mais il n 'y avait
pas besoin de tout cela" dit Jésus.
"Il le fallait, il le fallait !"
Jésus prend congé de la famille qui Lui a donné l'hospitalité et aussi du
nouveau disciple auquel il a donné des instructions.
182.2 - Ils
sont de nouveau seuls : le Maître avec les apôtres, et ils s'en vont à
travers la fraîche campagne, par une route qu'a prise Jésus, à l'étonnement de Pierre qui voulait en prendre une autre.
"Cela nous éloigne du lac..."
"Nous arriverons toujours à temps pour ce que je dois faire."
Les apôtres ne parlent plus et se dirigent vers un petit village, quelques
maisons dispersées dans la campagne.
Il y a un grand bruit de sonnailles de troupeaux qui s'en vont vers les
pâturages des montagnes.
Quand Jésus s'arrête pour laisser passer un troupeau nombreux, les bergers se
le montrent en se réunissant en groupe. Ils se consultent, mais ils n'osent
faire plus.
Jésus rompt les hésitations et les incertitudes en traversant le troupeau qui
s'est arrêté pour brouter l'herbe épaisse. Il va tout droit caresser un
pastoureau qui se trouve au milieu de la masse laineuse et bêlante des
brebis. Il lui demande :
"Elles sont à toi ?"
Jésus sait bien qu'elles ne sont pas à l'enfant, mais il veut le faire
parler.
"Non, Seigneur. Je suis avec eux, et les troupeaux appartiennent à
plusieurs maîtres. Nous sommes réunis à cause des bandits."
"Comment t'appelles-tu ?"
"Zacharie, fils d'Isaac, mais mon père est mort et je suis entré en
service parce que nous sommes pauvres et la maman a trois autres enfants plus
petits que moi."
"Il y a longtemps qu'il est mort ?"
"Trois ans, Seigneur... et je n'ai plus ri parce que la maman pleure
toujours et je n'ai plus personne qui me caresse... Je suis l'aîné et la mort
du père a fait de moi un homme, alors que je n'étais qu'un enfant... Je ne
dois pas pleurer mais gagner... Mais c'est si difficile !"
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195> En effet les larmes coulent encore
maintenant sur le petit visage trop sérieux pour son âge.
Les bergers se sont approchés ainsi que les apôtres. Un groupe d'hommes dans
un mouvement de brebis.
"Tu n'es pas sans père, Zacharie. Tu as au Ciel un Père saint qui t'aime
toujours si tu es bon et ton père n'a pas cessé de t'aimer parce qu'il est
dans le sein d'Abraham. Tu dois le croire et à cause de cette foi être
toujours meilleur." Jésus parle doucement et caresse l'enfant.
182.3 - Un
berger ose demander :
"Tu es le Messie, n'est-ce pas ?"
"Oui, je le suis. Comment me
connais-tu ?"
"Je sais que tu es à travers la Palestine et je sais que tu dis des
paroles saintes. C'est à cela que je te reconnais."
"Vous allez loin ?"
"Sur les hautes montagnes.
Les chaleurs arrivent... Tu nous diras ta parole ? Là-haut où nous
sommes, il n'y a que les vents qui nous parlent et parfois le
loup parle et fait du carnage, comme pour le père de Zacharie. Nous avons
désiré te voir pendant tout l'hiver, mais jamais nous ne t'avons trouvé."
"Venez à l'ombre de ce bosquet, je vous parlerai."
Jésus s'y rend le premier, tenant par la main le pastoureau et caressant de
l'autre main les agnelles qui lèvent le museau en bêlant. Les bergers rassemblent
le troupeau sous le taillis et pendant que les brebis se couchent pour
ruminer, ou bien broutent et se frottent aux troncs, Jésus parle.
182.4 - "Vous
avez dit : "Là-haut où nous sommes, il n'y a que le vent qui parle
et parfois le loup qui fait du carnage". Ce qui arrive là-haut arrive
dans les cœurs par le travail de Dieu, de l'homme et de Satan. Vous pouvez
donc avoir là-haut ce que vous avez en tout lieu.
Avez-vous une connaissance suffisante de la
Loi pour savoir ses dix commandements ? Et toi aussi, enfant ? Et
alors vous en savez assez. Si vous pratiquez avec fidélité ce que Dieu a
indiqué par ses commandements vous serez saints. Ne vous lamentez pas d'être éloignés
du monde. Vous êtes ainsi préservés d'une grande corruption. Et Dieu n'est
pas loin de vous, mais plus proche dans cette solitude où sa voix parle par
les vents qu'il a créés, par les plantes et par les eaux plus qu'au milieu
des hommes.
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196> Ce troupeau vous enseigne une
grande, une très grande vertu. Il est doux et obéissant. Il se contente de
peu et il est reconnaissant pour ce qu'il a. Il sait aimer et reconnaître
celui qui le soigne et l'aime. Faites de même en disant : "Dieu est
notre Berger et nous sommes ses brebis. Son œil est sur nous. Il nous protège
et nous procure, non ce qui est source de vice mais ce qui est nécessaire à
la vie". Et tenez loin du cœur le loup. Les loups ce sont les hommes méchants qui
vous incitent en vous séduisant à de mauvaises actions sur l'ordre de Satan
et c'est Satan lui-même qui vous incite au péché pour vous déchiqueter.
Veillez. Vous, bergers, vous connaissez les habitudes du loup.
Il est astucieux autant que les brebis sont simples et innocentes. Il
s'approche doucement après avoir observé d'en haut les habitudes du troupeau,
il s'approche en se glissant parmi les buissons et, pour ne pas attirer
l'attention, il se tient immobile comme une pierre. Ne semble-t-il pas une
grosse masse arrondie parmi les herbes ? Mais ensuite, quand il est sûr
que personne ne veille, il saute et saisit l'agneau entre ses crocs. Ainsi
fait Satan, il vous surveille pour connaître vos points faibles, il rôde
autour de vous, il paraît inoffensif et absent, toujours ailleurs alors
qu'il vous tient à l’œil et puis saute à l'improviste pour vous entraîner
dans le péché, et il y réussit quelquefois.
Mais, près de vous, il y a un médecin et un ami compatissant. Dieu et votre
ange. Si vous êtes blessés, si vous êtes tombés malades, ne vous éloignez pas
d'eux comme fait le chien devenu enragé. Mais, au contraire, criez leur en
pleurant : "À l'aide !" Dieu pardonne à qui se repent et
votre ange est tout disposé à supplier Dieu pour vous et avec vous.
182.5 - Aimez-vous
bien et aimez cet enfant. Chacun de vous doit se sentir un peu père de
l'orphelin. Que la présence d'un enfant parmi vous modère tous vos actes par le frein saint du respect envers
l'enfant. Que votre présence près de lui supplée ce que la mort lui a
enlevé. Il faut aimer le prochain. Cet enfant est le prochain que Dieu vous
confie d'une manière spéciale. Rendez-le par votre
éducation bon et croyant, honnête et sans vices. Lui est bien plus que
l'une de ces brebis. Maintenant, si vous avez soin de celles-ci parce
qu'elles appartiennent au maître qui vous punirait si vous les laissiez
périr, bien plus vous devez avoir soin de cette âme que Dieu vous confie en
son Nom et au nom de son père mort.
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197> Sa condition d'orphelin est bien
triste. Ne la rendez pas plus difficile. Ne profitez pas de sa jeunesse pour
le tourmenter. Pensez que Dieu voit les actions et les larmes de chacun des
hommes et qu'Il tient compte de tout pour récompenser et pour punir.
Et toi, enfant, rappelle-toi que tu n'es jamais seul. Dieu te voit et aussi
l'esprit de ton père. Quand quelque chose te trouble et te porte au mal,
dis : "Non. Je ne veux pas être éternellement orphelin". Tu le
serais si tu damnais ton cœur par le péché.
Soyez bons. Je vous bénis pour que tout le bien soit en vous. Si nous avions
suivi la même route, je vous aurais parlé encore longuement. Mais le soleil
monte à l'horizon et vous devez partir et Moi aussi. Vous pour mettre les
brebis à l'abri de l'ardeur du soleil, Moi pour enlever des cœurs à une autre
ardeur plus redoutable.
Priez pour qu'ils voient en Moi le Berger. Adieu, Zacharie. Sois bon. Paix à
vous."
Jésus baise le pastoureau et le bénit et pendant que le troupeau s'éloigne
lentement, il le suit du regard, puis reprend sa route.
182.6 - "Tu
as dit que nous allons enlever des cœurs à une autre ardeur... Où
allons-nous ?" demande l'Iscariote.
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