Vision du vendredi 21 janvier 1944
(Texte de l’ancienne édition).
57/58> 236.1 - Pour me réconforter de mes
souffrances complexes et me faire oublier les méchancetés des hommes, mon
Jésus m'accorde cette suave contemplation.
Je vois une salle très riche. Un riche lampadaire à becs multiples est
suspendu au milieu et il est tout allumé. Aux murs, des tapis très beaux, des
sièges ornés de marqueterie et incrustés d'ivoire et de lames précieuses, et
aussi des meubles très beaux.
Au milieu, une grande table carrée, mais formée de quatre tables ainsi
réunies.
La
table est certainement disposée de cette manière pour les nombreux convives
(tous des hommes) et elle est couverte de très belles nappes et de riche
vaisselle. Il y a de nombreuses amphores et des coupes précieuses et les
serviteurs se déplacent tout autour, apportant des plats et versant des vins.
Au milieu du carré, il n'y a personne. Je vois le très beau dallage, sur
lequel se reflète la lumière du lampadaire à huile. À l'extérieur, par
contre, il y a de nombreux lits-sièges tous occupés par des convives.
Il me semble me trouver dans l'angle à moitié obscur situé au fond de la
salle, près d'une porte qui est grande ouverte à l'extérieur, mais qui est en
même temps fermée par un lourd tapis ou tapisserie qui pend de son
architrave.
Du côté le plus éloigné de la porte, c’est-à-dire là où il y a les deux
signes, se trouve le maître de maison avec les invités de marque.
C'est
un homme âgé, vêtu d'une ample tunique blanche serrée à la taille par une
ceinture brodée. L'habit a aussi au cou, au bord des manches et du vêtement
lui-même, des bandes de broderies appliquées comme si c'étaient des rubans
brodés ou des galons, si on préfère les appeler ainsi. Mais la figure de ce
petit vieux ne me plaît pas. C'est un visage méchant, froid, orgueilleux et
avide.
À l'opposé, en face de lui, se trouve mon Jésus. Je le vois de côté, je
dirais presque par derrière. Il a son vêtement blanc habituel, des sandales,
les cheveux séparés en deux sur le front et longs comme toujours.
Je remarque que Lui et tous les convives ne sont pas allongés comme je
croyais qu'on l'était sur ces lits-sièges, c'est-à-dire perpendiculairement à
la table, mais parallèlement. Dans la vision des noces de Cana, je n'avais
pas fait beaucoup attention à ce détail, j'avais vu qu'ils mangeaient appuyés
sur le coude gauche, mais il me semblait qu'ils n'étaient pas couchés parce
que les lits étaient moins luxueux et beaucoup plus courts. Ceux-ci sont de
vrais lits, ils ressemblent aux divans modernes, à la mode turque.
Jésus a Jean pour voisin, et comme Jésus s'appuie sur le coude gauche (comme
tout le monde) il en résulte que Jean se trouve encastré entre la table et le
corps du Seigneur, arrivant avec son coude gauche à l'aine du Maître, de
manière à ne pas le gêner pour manger et à lui permettre aussi, s'il le veut,
de s'appuyer confidentiellement sur sa poitrine.
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59> Il n'y a pas de femmes. Tout le
monde parle, et le maître de maison s'adresse de temps en temps à Jésus avec
une familiarité pleine d'affectation et une condescendance manifeste. Il est
clair qu'il veut Lui montrer, et montrer à tous ceux qui sont présents, qu'il
Lui a fait un grand honneur de l'inviter dans sa riche maison, Lui, pauvre
prophète que l'on juge aussi un peu exalté...
Je vois que Jésus répond avec courtoisie, paisiblement .
Il sourit de son léger sourire à ceux qui l'interrogent, il sourit d'un
sourire lumineux si celui qui Lui parle, ou même seulement le regarde, est
Jean.
236.2 - Je vois se lever la riche
tapisserie qui couvre l'embrasure de la porte et entrer une femme jeune, très
belle, richement vêtue et soigneusement coiffée. La chevelure blonde très
épaisse fait sur sa tête un véritable ornement de mèches artistement
tressées. Elle semble porter un casque d'or tout en relief, tellement la
chevelure est fournie et brillante. Elle a un vêtement dont je dirais qu'il
est très excentrique et compliqué si je le compare à celui que j'ai toujours
vu à la Vierge Marie. Des boucles sur les épaules, des bijoux pour retenir
les froncis en haut de la poitrine, des chaînettes d'or pour dessiner la
poitrine, une ceinture avec des boucles d'or et des pierres précieuses. Un
vêtement provocant qui fait ressortir les lignes de son très beau corps. Sur
la tête un voile si léger... qu'il ne voile rien. Ce n'est qu'une parure,
c'est tout. Aux pieds de très riches sandales avec des boucles d'or, des
sandales de cuir rouge avec des brides entrelacées aux chevilles. Tous, sauf
Jésus, se retournent pour la regarder. Jean l'observe un instant, puis il se
tourne vers Jésus. Les autres la fixent avec une visible et mauvaise
gourmandise. Mais la femme ne les regarde pas du tout et ne se soucie pas du
murmure qui s'est élevé à son entrée et des clins d’œil de tous les convives,
excepté Jésus et le disciple. Jésus fait voir qu'il ne s'aperçoit de rien, il
continue de parler en terminant la conversation qu'il avait engagée avec le
maître de maison.
La femme se dirige vers Jésus et s'agenouille près des pieds du Maître. Elle
pose par terre un petit vase en forme d'amphore très ventrue, enlève de sa
tête son voile en détachant l'épingle précieuse qui le retenait fixé aux
cheveux, elle enlève les bagues de ses doigts et pose le tout sur le
lit-siège près des pieds de Jésus.
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59> Elle prend ensuite dans ses mains
les pieds de Jésus d'abord celui de droite, puis celui de gauche et en délace
les sandales, les dépose sur le sol, puis elle Lui baise les pieds en
sanglotant et y appuie son front, elle les caresse et ses larmes tombent
comme une pluie qui brille à la lumière du lampadaire et qui arrose la peau
de ces pieds adorables.
236.3 - Jésus tourne lentement la
tête, à peine, et son regard bleu sombre se pose un instant sur la tête
inclinée. Un regard qui absout. Puis il regarde de nouveau vers le milieu. Il
la laisse libre dans son épanchement.
Mais les autres, non. Ils plaisantent entre eux, font des clins d’œil,
ricanent. Et le pharisien se met assis un moment pour mieux voir et son
regard exprime désir, contrariété, ironie. C'est de sa part la convoitise
pour la femme, ce sentiment est évident. Il est fâché d'autre part qu'elle
soit entrée si librement, ce qui pourrait faire penser aux autres que la
femme est... une habituée de la maison. C'est enfin un coup d’œil ironique à
Jésus...
Mais la femme ne fait attention à rien. Elle continue de verser des larmes
abondantes, sans un cri. Seulement de grosses larmes et de rares sanglots.
Ensuite elle dénoue ses cheveux en en retirant les épingles d'or qui tenaient
en place sa coiffure compliquée et elle pose aussi ces épingles près des
bagues et de la grosse épingle qui maintenait le voile. Les écheveaux d'or se
déroulent sur les épaules. Elle les prend à deux mains, les ramène sur sa
poitrine et les passe sur les pieds mouillés de Jésus, jusqu'à ce qu'ils
soient secs. Puis elle plonge les doigts dans le petit vase et en retire une
pommade légèrement jaune et très odorante. Un parfum qui tient du lys et de
la tubéreuse se répand dans toute la salle. La femme y puise largement, elle
étend, elle enduit, baise et caresse.
Jésus, de temps en temps, la regarde avec une affectueuse pitié. Jean, qui
s'est retourné, étonné en entendant les sanglots, ne peut détacher le regard
du groupe de Jésus et de la femme. Il regarde alternativement l'un et
l'autre. Le visage du pharisien est de plus en plus hargneux.
236.4 - J'entends ici les paroles
connues de l'Évangile
et je les entends dites sur un ton et
accompagnées d'un regard qui
font baisser la tête au vieillard haineux.
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