Le jeudi 9 novembre 1944.
424> […]
64.1 – Le même jour, 9 novembre
(1944) tout de suite après.
Je vois les rives du lac de Génésareth et je vois les barques des pécheurs
tirées sur la rive. Là adossés aux barques se trouvent Pierre
et André,
occupés à ranger les filets que les commis leur apportent tout dégoûtants
après les avoir débarrassés dans le lac des débris qui y sont restés
accrochés.
Haut de page.
425> À une dizaine de
mètres Jean
et Jacques
penchés sur leur barque, s'occupent à tout mettre en
ordre, aidés par un garçon et par un homme de cinquante-cinquante-cinq ans
qui, je pense, est Zébédée car le garçon l'appelle "patron" et il
ressemble tout à fait à Jacques.
Maison de la belle-mère de Pierre
d'après un dessin de Luigi Ferri,
sur les indications de Maria Valtorta.
Pierre
et André, les épaules appuyées à la barque, travaillent, silencieusement à
rattacher les mailles et les flotteurs en position. De temps à autre
seulement ils échangent quelques paroles au sujet de leur travail qui, je le
comprends a été infructueux. Pierre ne se plaint pas pour sa bourse vide, ni
pour la fatigue inutile, mais il dit : "Cela me déplait... car comment
ferons-nous pour donner de la nourriture à ces pauvres gens ? Il ne nous
arrive que de rares offrandes et ces 10 deniers et 7 drachmes que
nous avons reçus pendant ces quatre jours, je n'y touche pas. Seul le Maître
doit nous indiquer à qui doit aller cet argent. Et Lui, ne revient pas avant
le Sabbat ! Si nous avions fait bonne pêche ! ...Le menu fretin je
l'aurais cuisiné et donné, à ces pauvres gens... et si quelqu'un
s'était trouvé pour bougonner à la maison, cela ne m'aurait rien fait. Les
gens bien portants peuvent aller aux vivres, mais les malades !...
"
"Ce paralytique !... Et puis ils ont déjà fait tant de chemin pour
l'amener ici..." dit André.
"Écoute, frère. Moi je pense... qu'on peut rester séparés et je ne sais
pas pourquoi le Maître ne nous veut pas toujours avec Lui. Au moins... je ne
verrai plus ces pauvres gens que je ne puis secourir, et quand je les verrai,
je pourrai leur dire : "Lui est ici "
64.2 – "Je suis ici !"
Jésus s'est approché en marchant doucement
sur le sable mou.
Pierre et André sursautent. Ils poussent un cri :
"Oh ! Maître ! "
Et ils appellent:
"Jacques, Jean ! C'est le Maître, venez ! "
Les deux accourent et tous se serrent près de Jésus : C'est à qui
embrasse son habit, à qui ses mains, Jean va jusqu'à Lui passer le bras
autour de la taille et poser sa tête sur sa poitrine. Jésus l'embrasse sur
les cheveux.
Haut de page.
426> "De quoi
parliez-vous ?"
"Maître... nous disions que nous t'aurions bien voulu ici."
"Pourquoi ? Amis."
"Pour te voir et jouir de ta vue, et puis pour des pauvres et des
malades. Ils t'attendent depuis deux jours et plus... J'ai fait ce que je
pouvais. Je les ai mis là, tu vois, dans cette cabane, dans ce champ inculte.
C'est là que les artisans qui s'occupent des barques travaillent aux
réparations. J'y ai abrité un paralytique, un homme en proie à une forte
fièvre, un enfant qui se meurt sur le sein de sa mère. Je ne pouvais les
envoyer à ta recherche."
"Tu as bien fait. Mais comment as-tu pu les secourir eux et ceux qui les
ont amenés ? Tu m'as dit qu'ils sont pauvres !"
"Certainement, Maître. Les riches ont des chars et des
chevaux. Les pauvres, n'ont que leurs jambes. Ils sont en trop mauvais état
pour venir te trouver. J'ai fait comme j'ai pu. Regarde voici l'obole que
j'ai reçue. Je n'y ai pas touché. Tu t'en chargeras."
"Pierre, tu pouvais la donner toi-même. Bien sûr ... mon Pierre je suis
peiné qu'à cause de Moi tu aies eu reproches et fatigues."
"Non, Seigneur, tu ne dois pas t'en affliger. Moi, je n'en souffre pas.
Cela me peine seulement de n'avoir pu avoir plus de charité. Mais crois-le,
j'ai fait, nous avons tous fait ce que nous avons pu."
"Je le sais. Je sais que tu as travaillé pour rien. Mais, en l'absence
de la nourriture, ta charité reste vivante, active, sainte aux yeux de
Dieu."
64.3 – Des enfants sont accourus en
criant :
"C'est le Maître ! C'est le Maître ! Voici Jésus, voici
Jésus !"
Ils s'attachent à Lui qui les caresse tout en parlant à ses disciples.
"Simon, j'entre dans ta maison. Toi et vous autres allez dire que je
suis arrivé et puis, amenez-moi les malades."
Les disciples s'en vont rapidement dans plusieurs directions. Mais, que Jésus
soit arrivé, tout Capharnaüm le sait, grâce aux enfants qui semblent
des abeilles sorties de la ruche pour aller aux fleurs : les maisons, dans
ces cas, les rues, les places.
Haut de page.
427> Ils vont et viennent
tout joyeux, portant la nouvelle aux mamans, aux passants, aux vieux qui sont
assis au soleil et puis, ils reviennent se faire caresser encore par Celui
qui les aime. L'un d’eux, hardi, lui dit : "Parle-nous, parle pour nous,
Jésus, aujourd'hui. Nous t'aimons bien, tu sais, et nous sommes meilleurs que
les hommes."
Jésus sourit au petit psychologue et promet : "Je parlerai tout à
fait pour vous." Et suivi par les enfants il va à la maison en saluant
avec son salut de paix: "La paix soit dans cette maison."
Les gens affluent dans la pièce qui est derrière, réservée aux filets,
cordages, paniers, rames, voiles et provisions. On voit que Pierre l'a mise à
la disposition de Jésus. Il a tout entassé dans un coin pour faire de la
place. De là on ne voit pas le lac, on entend seulement le léger
clapotement des vagues. On voit par contre le muret verdâtre du jardin avec
la vieille vigne et le figuier feuillu. Il y a des gens jusque sur la route,
débordant de la pièce dans le jardin, et de là sur le chemin.
64.4 – Jésus commence à parler. Au
premier rang, des gens qui se sont fait donner de la place avec des gestes
autoritaires, et grâce à la crainte qu'ils inspirent au peuple, cinq
personnages de haut rang. Leurs larges manteaux, leurs riches habits et
leur orgueil, tout indique que ce sont des pharisiens et des docteurs. Jésus
cependant tient à avoir autour de Lui ses petits. Une couronne de petits
visages innocents, aux yeux clairs; aux sourires angéliques qui se dressent
pour le contempler. Jésus parle, et tout en parlant, caresse de temps à autre
la tête frisée d'un bambin qui s'est assis à ses pieds et tient sa tête
appuyée sur ses genoux, avec ses bras croisés. Jésus parle assis sur un grand
tas de filets et de paniers.
"Mon bien-aimé est descendu
dans son jardin, au parterre des parfums, pour se rassasier au milieu des
jardins et cueillir des lys..., Lui, se
rassasie parmi les lys" ce sont les paroles de Salomon de
David dont je descends, Moi, Messie d'Israël.
Mon jardin ! Quel jardin plus beau et
plus digne de Dieu, du Ciel celui dont les fleurs sont les anges que Dieu a
créés ?
Haut de page.
428> Et pourtant non.
C'est un autre jardin qu'a voulu le Fils unique du Père, le Fils de l'homme,
car pour l'homme, je me suis revêtu de chair sans laquelle je ne pourrais
racheter les fautes de la chair de l'homme .
Ce jardin aurait pu être de peu inférieur au jardin du Ciel, si, du Paradis
terrestre s'étaient répandus, comme les douces abeilles au sortir d'une
ruche, les fils d'Adam, les fils de Dieu, pour peupler la terre d'un peuple
de saints tout entier destiné au Ciel. Mais l'Ennemi a semé les ronces et les
épines au cœur d'Adam, et de là, ronces et épines se sont répandues sur la
terre. Ce n'est plus un jardin, mais une forêt sauvage et cruelle où réside
la fièvre et où se niche le serpent.
Mais pourtant le Bien-Aimé du Père a encore un jardin sur cette terre où
règne Mammon. Le jardin où il va se rassasier de
sa céleste nourriture : amour et pureté; le parterre où il cueille les
fleurs qui lui sont chères, où ne se trouvent pas les taches de la
sensualité, de la convoitise; de l'orgueil. Ceux-ci. (Jésus caresse le plus
de bambins qu'il peut, passant la main sur la couronne des petites têtes
attentives, une unique caresse qui les effleure et les fait sourire de joie.)
Voici mes lys.
Salomon n'eut pas, au milieu de ses richesses
un vêtement plus beau que le lys qui parfume la vallée, ni de diadème d'une
beauté plus immatérielle et plus resplendissante que celle du lys en son
calice au teint de perle. Et pourtant, pour mon cœur, il n'y a pas de lys qui
vaille un seul de ces tout petits.
Il n'y a pas de parterre, il n'y a pas de jardin de riches, cultivé
uniquement de lys, qui vaille autant qu'un seul de ces purs, innocents,
sincères et simples enfants.
O hommes ! O femmes d'Israël ! O vous,
grands et humbles pour la fortune et la situation, écoutez ! Vous qui
êtes ici pour me connaître et m'aimer, sachez donc quelle est la première
condition pour être à Moi. Je ne vous dis pas des paroles difficiles. Je
ne vous donne pas d'exemples plus difficiles encore. Je vous dis
"Prenez exemple sur ceux-ci".
Haut de page.
429> Qui d'entre vous n'a
pas un fils, un neveu, un petit frère encore enfant, encore tout petit dans
sa maison ? N'est-il pas repos, un réconfort, un lien entre les époux,
entre les parent entre les amis, un de ces innocents dont l'âme est pure
comme une aube sereine dont le visage dissipe les nuages et fait naître
l'espoir, dont les caresses sèchent les larmes et déversent un force
vitale ? Pourquoi en eux, un tel pouvoir ? En eux : faibles
désarmés, encore ignorants ? Parce qu'en eux ils ont Dieu, ils ont la force
et la sagesse de Dieu. La vraie sagesse : ils savent aimer et croire.
Ils savent croire et vouloir. Ils savent vivre dans cet amour et dans cette
foi. Soyez comme eux : simples, purs aimants, sincères, croyants.
Il n'y a pas de sage en Israël qui soit plus grand que le plus petit de
ceux-ci, dont l'âme est à Dieu et à laquelle appartient son Royaume. Bénis du
Père, aimés par le Fils du Père, fleurs de mon jardin, que ma paix soit sur
vous et sur ceux qui vous imiteront pour mon amour."
Jésus a fini.
64.5 – "Maître ! crie
Pierre du milieu de la foule, il y a ici des malades. Deux peuvent
attendre que tu sortes, mais celui-ci est bloqué par la foule... et puis il
ne peut se tenir debout, et nous ne pouvons passer, Dois-je le renvoyer ?"
"Non, descendez-le par le toit."
"Bien, nous le faisons tout de suite."
On entend marcher sur le toit de la pièce qui ne faisant pas vraiment partie de
la maison n'a pas de terrasse de ciment, mais une sorte de couverture de
fascines sur lesquelles il y a quelque chose qui ressemble à des ardoises. Je
ne sais quelle pierre ce peut être. On pratique une ouverture et avec des
cordes on descend le grabat sur lequel se trouve l'infirme. il arrive juste
devant Jésus. La foule se presse plus encore, pour mieux voir.
"Tu as eu une grande foi comme aussi tes
porteurs."
"Oh ! Seigneur ! Comment ne pas l'avoir pour Toi ?"
"C'est bien, Moi, je te dis : fils (l'homme est jeune) tous tes
péchés te sont remis."
L'homme le regarde en pleurant... Peut-être reste-t-il un peu insatisfait
parce qu'il espérait une guérison corporelle. Les pharisiens et les docteurs
chuchotent entre eux [3]. Du nez, du front
et de la bouche, ils font une grimace dédaigneuse.
Haut de page.
430> "Pourquoi ces murmures,
dans vos cœurs, plus encore que sur vos lèvres ? D'après vous est-il
plus facile de dire au paralytique : "Tes péchés te sont
remis", ou bien : "Lève-toi, prends ton grabat et
marche" ? Vous pensez que Dieu seul peut remettre les péchés. Mais
vous ne savez pas dire quelle est la plus grande chose, car cet homme, qui a
perdu l'usage de ses facultés corporelles, a dépensé toutes ses ressources
sans qu'on puisse le guérir. Il n'y a en effet que Dieu qui ait ce pouvoir.
Or, pour que vous sachiez que je peux tout, pour que vous sachiez que le Fils
de l'homme a pouvoir sur la chair et sur l'âme, sur
la terre et au Ciel, je dis à cet homme : "Lève-toi,
prends ton lit et marche. Va à ta maison et sois saint"
L'homme se secoue, pousse un cri, se dresse debout, se jette aux pieds de
Jésus, les embrasse et les caresse, pleure et rit à la fois et avec lui ses
parents et la foule qui ensuite se range pour qu'il passe en triomphe et le
suit en lui faisant fête. La foule, mais pas les cinq orgueilleux qui s'en
vont hautains et raides comme des pieux.
64.6 – De cette façon, la mère peut
entrer avec son petit encore au sein, mais absolument squelettique. Elle le
tend à Jésus en lui disant seulement :
"Jésus, tu les aimes, ces petits. Tu l'as dit. Au nom de ton amour, et
de ta Mère !... " et elle pleure.
Jésus prend le poupon vraiment moribond, l'applique contre son cœur. Il le
garde un moment contre sa bouche, avec son petit visage de cire, ses lèvres
violacées, les paupières déjà closes. Un moment, il le garde ainsi... et
quand il le détache de sa barbe blonde, le petit visage est rose, la petite
bouche esquisse un sourire enfantin. Ses yeux regardent tout autour de lui,
vivants et curieux. Ses mains, d'abord contractées, jouent dans la chevelure
et la barbe de Jésus, qui rit.
"Oh ! mon fils !" crie la maman bienheureuse.
"Prends-le, femme, sois heureuse et bonne."
Et la femme prend le bébé revenu à la vie, le serre sur son
sein et le petit fait valoir tout de suite ses droits à la nourriture.
fouille, ouvre et tette, avide et heureux.
Jésus bénit et passe. Il va sur le seuil, où se trouve le malade qui a une
forte fièvre.
"Maître, sois bon !"
"Et toi aussi. Consacre à la justice les forces retrouvées."
Haut de page.
431> Il le caresse et
sort.
64.7 – Il retourne sur le rivage,
suivi, précédé, béni de nombreuses gens qui le supplient :
"Nous, nous ne t'avons pas entendu. Nous ne pouvions pas entrer. Parle à
nous aussi."
Jésus fait signe que oui et comme la foule le serre à l'étouffe il monte sur
la barque de Pierre. Cela ne suffit pas. On le suit jusqu'au banc de la
barque. "Mets la barque à la mer et écarte toi un peu."
|