"L'Évangile tel qu'il m'a été
révélé" |
aucun accent |
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Lundi 3 décembre 29 (8 Tébeth)
- Jésus n'entre
pas dans Galgala 581 - S'il est avec
Jésus, Jean ne souffre de rien 582 - Jésus confie sa mère à Jean 582 - Qui offre l'hospitalité sous sa tente 585 - Des nouvelles
de Lazare et de Jérusalem 586 - Où l'on
manigance sans trêve contre Jésus 586 - Discours
(L'homme et la création 587 - Être humain
avec les animaux 589 - Rien d'inutile
dans la création 589 - L'obéissance
des êtres sans raison) 589 - L'attachement
de Manaën à Jésus 590 - Jean fait le
guet 590 - [Commentaire
de Jésus : Rien d'inutile dans l'Œuvre 591 - Qui sera aussi
un signe de contradiction] 592 |
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581> Ils sont déjà dans
les terres qui se ressentent du voisinage de la Mer Morte, en dehors de toute
piste, se dirigeant directement vers le nord-est. À part l'aspérité du
terrain rempli de pierres coupantes et de cristaux de sel, et couvert
d'herbes basses et épineuses, la marche est bonne et surtout tranquille, car
à perte de vue il n'y a pas âme qui vive, et la température est douce et le
terrain est sec. Ils parlent entre eux. Ils doivent
avoir trouvé, les jours précédents, des bergers et avoir séjourné
parmi eux, car ils en parlent. 582> Ils parlent aussi
d'un enfant guéri. Doucement, en s'aimant. Même quand ils se taisent, ils se
parlent avec leur cœur en se regardant avec le regard de quelqu'un qui est
heureux d'être avec un ami bien-aimé. Ils s'assoient pour se reposer et
prendre un peu de nourriture, se remettent en route, toujours avec cet air
paisible qui donne la paix à mon cœur rien qu'à le voir. "Ici se trouve Galgala" dit Jésus en montrant en avant
un groupe de maisons qui reflètent leur blancheur au soleil, sur un monticule
vers le nord-est. "Désormais, nous approchons du fleuve." "Et nous entrons à Galgala pour
la nuit ?" "Non, Jean. J'ai évité intentionnellement toute ville, et
je vais éviter aussi celle-là. Si nous trouvons quelque autre berger, nous
irons avec lui. Si nous voyons près de la route, que nous allons bientôt
atteindre, des caravanes sur le point de s'arrêter pour la nuit, nous
demanderons d'être accueillis sous leurs tentes. Les nomades du désert sont
toujours hospitaliers et c'est l'époque où on les rencontre facilement. Si
personne ne nous reçoit, nous dormirons à la belle étoile, unis tous les deux
sous nos manteaux et nous serons veillés par les anges." "Oh ! oui. Tout sera toujours
meilleur que la nuit de tristesse, de la dernière
nuit que j'ai passée là-bas à Bethléem !" "Mais pourquoi n'es-tu pas venu à
Moi tout de suite ?" "Parce que je me sentais
coupable. Et puis je disais aussi : Jésus est si bon qu'il ne me grondera
pas, mais au contraire me consolera, comme tu as fait. Et alors la pénitence
que je voulais faire, où serait-elle allée ?" "Nous l'aurions faite ensemble,
Jean. Moi aussi je suis resté sans nourriture et sans feu, malgré les
aliments et le bois trouvés le matin." "Oui. Mais quand on est avec Toi,
il n'y a plus rien, rien. Quand je suis avec Toi, je ne souffre plus de rien.
Je te regarde, je t'écoute, et je suis tout à fait heureux." "Je le sais. Et je sais aussi
qu'en personne ma pensée ne s'imprime comme en mon Jean, et je sais aussi que
tu sais comprendre et te taire quand il y a lieu. Tu me comprends, oui, parce
que tu m'aimes. Jean, écoute-moi. D'ici quelque temps..." "Quoi, Seigneur ?" demande
tout de suite Jean en l'interrompant, en le saisissant par le bras, en
l'arrêtant pour le regarder en face, avec des yeux effrayés et interrogateurs
et son visage devenu blême. 583> "D'ici quelque
temps cela fait trois ans que j'évangélise [1]. Tout ce qu'il
fallait dire aux foules, je l'ai dit. Désormais celui qui veut m'aimer et me
suivre a tous les éléments pour le faire avec assurance. Les autres...
Quelques-uns seront persuadés par les faits, la plupart resteront sourds,
même devant ceux-ci. Mais à ces derniers, j'ai peu de choses à dire. Et je
les dirai. Car la justice aussi doit être sauvegardée, en plus de la
miséricorde. Jusqu'à présent, la miséricorde s'est tue bien des fois et sur
beaucoup de choses. Mais avant de se taire pour toujours, le Maître parlera
aussi avec la sévérité d'un juge. Mais je ne voulais pas te parler de cela.
Je voulais te dire que sous peu, ayant dit au troupeau tout ce qu'il fallait
dire pour qu'il m'appartienne, je me recueillerai beaucoup pour prier et me
préparer. Et quand je ne prierai pas, je me consacrerai à vous. Comme j'ai
fait au début, je ferai aussi à la fin. Les femmes
disciples viendront. Ma Mère viendra. Nous nous
préparerons tous à la Pâque. Jean, je te demande dès maintenant de te
consacrer beaucoup à ces disciples. À ma Mère, en particulier..." "Mon Seigneur, mais que puis-je
donner à ta Mère qu'elle ne possède déjà surabondamment et au point d'en
avoir à donner à nous tous ?" "Ton amour. Suppose que tu es
pour elle comme un second fils. Elle t'aime et tu l'aimes. Vous avez un
unique amour qui vous unit : l'amour pour Moi. Moi, son Fils selon la chair
et le cœur, je serai toujours plus... absent, absorbé dans mes...
occupations. Et elle souffrira, parce qu'elle sait... Elle sait ce qui va
arriver. Tu dois la consoler aussi à ma place, devenir tellement son ami
qu'elle puisse pleurer sur ton cœur et en avoir du réconfort. Elle n'est pas
pour toi une inconnue, ma Mère. Tu as déjà vécu avec elle. Mais c'est autre
chose de le faire comme disciple qui aime d'un amour respectueux la Mère de
son Maître, et autre chose de le faire en fils. Je veux que tu le fasses en
fils pour qu'elle souffre un peu moins quand elle ne m'aura plus." "Seigneur, tu
vas mourir ? Tu parles comme quelqu'un qui va mourir ! Tu m'affliges..."
"Je vous l'ai dit plusieurs fois
que je dois mourir. C'est comme si je parlais à des enfants distraits ou qui
n'arrivent pas à comprendre. Oui, je vais à la mort. Je le dirai aussi aux
autres, mais plus tard. À toi, je le dis maintenant. Souviens-t-en,
Jean." "Je m'efforce de me rappeler tes
paroles, toujours... Mais celle-là est si douloureuse..." "Que tu fais tout ce que tu peux,
pour l'oublier, veux-tu dire ? Pauvre enfant ! Ce n'est pas toi qui oublies,
toi qui te rappelles. 584> Ce n'est pas toi par ta volonté. C'est ton
humanité même qui ne peut se rappeler cette chose trop grande pour qu'elle
puisse la supporter, la chose trop grande, et tu ne sais même pas
complètement combien elle sera grande, monstrueuse, la chose trop grande qui
t'étourdit comme une masse tombée de haut sur ta tête. Et pourtant, c'est ainsi.
Bientôt désormais je vais aller à la mort et ma Mère restera seule. Je
mourrai avec une goutte de douceur, dans mon océan de douleur, si je vois en
toi un "fils" pour ma Mère..." "Oh ! mon Seigneur ! Si je suis
capable... s'il ne m'arrive pas comme à Bethléem, oui, je le ferai. Je
veillerai avec un cœur de fils. Mais que pourrai-je lui donner qui la console
si elle te perd Toi ? Que pourrai-je lui donner si moi aussi je suis comme
quelqu'un qui a tout perdu, que la douleur abruti ? Comme ferai-je, moi qui
n'ai pas su veiller et souffrir maintenant, dans le calme, pendant une nuit
et pour un peu de faim ? Comment ferai-je ?" "Ne t'agite pas. Prie beaucoup en
ce temps-ci. Je te garderai beaucoup avec Moi et avec ma Mère. Jean tu es
notre paix, et tu le seras encore alors. Ne crains pas, Jean. Ton amour fera
tout." "Oh ! oui, Seigneur ! Garde-moi
beaucoup avec Toi. Moi, tu le sais, je ne tiens pas à paraître, à faire des
miracles, je veux, et je sais, seulement aimer..." Jésus dépose encore un baiser sur son
front vers les tempes, comme dans la grotte... Ils sont en vue de la route qui va au
fleuve. Ici, il y a des pèlerins qui aiguillonnent leurs montures ou qui
hâtent leur marche pour être, avant la nuit, dans les endroits où on peut
s'arrêter. Mais tous s'en vont emmitouflés, car après le coucher du soleil,
le froid devient rigoureux et personne ne remarque les deux voyageurs qui
vont rapidement vers le fleuve. Un cavalier, au trot
soutenu, presque au galop, les rejoint et les dépasse et s'arrête après
quelques mètres à cause d'un encombrement d'ânes près d'un petit pont à
cheval sur un gros ruisseau, qui veut se donner des airs de torrent et qui
s'en va en écumant vers le Jourdain ou la Mer Morte. Pendant qu'il attend son
tour pour passer, il se retourne et a un geste de surprise. Il descend de
selle et, en tenant son cheval par les rênes, il revient en arrière vers
Jésus et Jean qui ne l'ont pas remarqué. "Maître ! Comment donc es-tu ici
? Et seul avec Jean" demande le cavalier en rejetant en arrière les
bords de son couvre-chef, qui étaient baissés sur son visage pour servir de
capuchon et je pourrais dire de masque pour le protéger du vent et de la
poussière. Le visage brun et viril de Manaën apparaît. 585> "Paix à toi,
Manaën. Je vais vers le fleuve pour le passer, mais je doute que je puisse le
faire avant la nuit. Et toi, où allais-tu ?" "À Machéronte, dans la dégoûtante
tanière. Tu n'as pas où dormir ? Viens avec moi. Je me rendais vivement à une
auberge sur la route des caravanes. Ou, si tu préfères, je vais dresser la
tente sous les arbres du fleuve. J'ai sur la selle tout ce qu'il faut." "Je préfère cela. Mais toi,
certainement, tu préférerais l'auberge." "C'est Toi que je préfère, mon
Seigneur. Je regarde comme une grande grâce de t'avoir rencontré. Allons-y
alors. Je connais les rives du fleuve comme si c'étaient les couloirs de ma
maison. Au pied des coteaux de Galgala, il y a un bois à l'abri des vents,
avec de l'herbe en abondance pour ma bête et du bois pour faire du feu. Nous
y serons bien." Ils s'en vont rapidement en tournant
vraiment du côté de l'orient et en quittant la route qui va au gué ou à
Jéricho. Ils arrivent bientôt à la lisière d'un bois touffu qui descend des
pentes du coteau et s'étend sur la plaine vers les rives. "Je vais à cette maison. On me
connaît. Je vais demander du lait et de la paille pour tous" dit Manaën
en s'en allant avec son cheval et il revient même vite suivi de deux hommes
qui portent des bottes de paille sur leurs épaules et un petit seau de cuivre
rempli de lait.
586> "Moi aussi,
Manaën, et Jean aussi certainement. La Providence nous a réunis ce soir pour
notre commune joie." "Ce soir et demain, Maître, et
aussi après-demain jusqu'à ce que je te sache en sûreté parmi tes apôtres. Je
pense que tu vas les rejoindre..." "Oui, je vais les retrouver. Ils
m'attendent dans la maison de Salomon." Manaën le regarde, puis il dit :
"Je suis passé par Jérusalem... Et j'ai été informé. Par Béthanie. Et
j'ai compris pourquoi tu ne t'y étais pas arrêté. Tu fais bien de te retirer.
Jérusalem est un corps rempli de poison et de pourriture, plus que le pauvre Lazare..." "Tu l'as vu ?" "Oui. Affligé par les tourments
du corps et par ceux du cœur, pour Toi. Il meurt très affligé, Lazare... Mais
je voudrais mourir moi aussi plutôt que de voir le péché de nos
compatriotes." "Elle était en fermentation la
ville ?" demande Jean, qui surveille le feu. "Très. Divisée en deux partis.
Et, chose étrange, les romains ont usé de clémence envers certains arrêtés
pour sédition la veille. On dit en secret que c'est pour ne pas augmenter
l'agitation. On dit aussi que le Proconsul viendra bientôt à
Jérusalem, plus tôt que prévu. Sera-ce un bien, je ne sais. Je sais que
certainement Hérode l'imitera, et ce
sera certainement un bien pour moi car je pourrai être près de Toi. Avec un bon
cheval — et les écuries de l'Antipas ont de rapides chevaux arabes — ce sera
vite fait d'aller de la ville au fleuve, si tu t'y arrêtes..." "Oui, je m'y arrête. Pour
l'instant, du moins..." Jean apporte le lait chaud dans lequel
chacun trempe son pain, après que Jésus ait offert et béni. Manaën offre des
dattes, blondes comme du miel. "Mais où avais-tu tant de choses
?" demande Jean étonné. "La selle d'un cavalier est un
petit marché, Jean. Il y a de tout pour l'homme et pour la bête" répond
Manaën avec un sourire franc sur son visage brun. Il réfléchit un moment,
puis il demande : "Maître, est-il permis d'aimer les animaux qui nous
servent et qui si souvent le font avec plus de fidélité que l'homme ?" "Pourquoi cette question ?" "Parce que récemment, j'ai essuyé
des mépris et des reproches de la part de certains qui m'ont vu recouvrir
avec la couverture, qui maintenant nous sert de tente, mon cheval tout en
sueur de la course qu'il avait faite." 587> "Et ils ne
t'ont pas dit autre chose ?" Manaën, interdit, regarde Jésus... et
se tait. "Parle avec sincérité. Ce n'est
pas murmurer et ce n'est pas m'offenser de dire ce qu'ils t'ont dit, pour
lancer une nouvelle poignée de boue contre Moi." "Maître, tu sais tout. Vraiment
tu sais tout et il est inutile de vouloir te cacher nos pensées ou celles des
autres. Oui, ils m'ont dit : "On voit que tu es un disciple de ce
samaritain. Tu es un païen comme Lui qui viole même les sabbats pour se
rendre impur en touchant des animaux impurs". "Ah ! c'était sûrement Ismaël !" s'écrie Jean. "Oui, et d'autres avec lui. J'ai
répliqué : "Je vous comprendrais si vous me disiez que je suis impur
parce que je vis auprès de la cour d'Antipas et non pas parce que j'ai soin
d'un animal qui a été créé par Dieu". Ils m'ont répondu, car dans le
groupe il y avait aussi des hérodiens — il est facile d'en voir depuis
quelque temps et cela aussi est absolument étonnant car auparavant il y avait
entre eux une brouille sérieuse — ils m'ont répondu : "Nous ne jugeons
pas les actions de l'Antipas, mais les tiennes. Jean le Baptiste lui-même
était à Machéronte, et il avait des relations avec
le roi. Mais il est toujours resté un juste. Toi, au contraire, tu es un
idolâtre..." Les gens se groupaient et je me suis arrêté pour ne pas les
exciter. Depuis quelque temps cette excitation est entretenue par certains de
tes faux fidèles qui les poussent à se révolter contre ceux qui s'opposent à
Toi, ou qui commettent des injustices en se disant tes disciples envoyés par
Toi..." "Mais c'en est trop ! Maître ?
Jusqu'où iront-ils ?" demande Jean agité. "Pas au-delà de la limite qu'ils
pourront atteindre. Au-delà de cette limite, c'est Moi seul qui m'avancerai
et la Lumière resplendira et personne ne pourra plus douter que je suis le
Fils de Dieu. Mais venez ici près de Moi et écoutez. Auparavant, alimentez le
feu." Les deux, bien contents, se jettent
sur l'épaisse peau de brebis étendue sur le sol sous les pieds de Jésus qui
est assis sur la selle écarlate contre la tente, appuyée au tronc de l'arbre.
Manaën est presque allongé, le coude appuyé au sol, la tête appuyée sur la
main, les yeux dans les yeux de Jésus. Jean est assis sur ses talons, et
appuie sa tête contre la poitrine de Jésus, l'entourant d'un bras dans sa
pose habituelle. 588> Et quand Il eut créé une compagne pour
Adam, la femme, faite comme lui à l'image et à la ressemblance de Dieu, comme
il ne convenait pas que la Tentation aux aguets tentât et corrompît encore
plus hideusement le mâle créé à l'image de Dieu, Dieu dit à l'homme et à la
femme : "Croissez, multipliez-vous, et remplissez la Terre et faites en
sorte qu'elle vous soit soumise, et soyez les maîtres des poissons de la mer,
des volatiles du ciel et de tous les animaux qui se meuvent sur la
Terre" [4]. Et Il dit encore :
"Voilà que Je vous ai donné toutes les plantes qui font une semence sur
la Terre et tous les arbres qui ont en eux la semence de leur espèce pour
qu'ils servent de nourriture à vous et à tous les animaux de la Terre et aux
oiseaux du ciel et à ce qui se meut sur la terre et a en soi une âme vivante,
pour qu'ils aient la vie" [5]. Les animaux et les plantes et tout ce
que le Créateur a créé pour l'utilité de l'homme représentent donc un don
d'amour et un patrimoine donné en garde par le Père à ses fils, afin qu'ils
en usent dans leur intérêt et avec gratitude envers Celui qui a donné toute
providence. Il faut donc les aimer et les traiter avec un soin convenable. Que diriez-vous d'un fils auquel le
père a donné des vêtements, des meubles, de l'argent, des champs, des
maisons, en lui disant : "Je te les donne pour toi et pour tes
descendants pour que vous ayez de quoi être heureux. Usez de tout cela avec
amour en souvenir de mon amour qui vous le donne", et si ensuite ils
laissaient tout tomber en ruines ou dilapidaient tous ses biens ? Vous diriez
qu'ils n'ont pas fait honneur à leur père et qu'ils n'ont pas aimé leur père
et ses dons. Pareillement l'homme doit avoir soin de ce que Dieu, avec un
soin providentiel, a mis à sa disposition. Soin ne veut pas dire idolâtrie, ni
affection déréglée pour les bêtes ou les plantes, ou quelque autre chose.
Soin veut dire sentiment de pitié et de reconnaissance pour les choses de
moindre importance qui nous servent et qui ont leur vie, c'est-à-dire leur
sensibilité. 589> En vérité je vous dis qu'il faut
savoir regarder avec justice les œuvres du Créateur. Si on les regarde avec
justice, on voit qu'elles sont "bonnes". Et une chose bonne doit
toujours être aimée. On voit que ce sont des choses données à bonne fin et
par une impulsion d'amour, et que comme telles nous pouvons, nous devons les
aimer en voyant, au-delà de l'être fini, l'Être Infini qui les a créées pour
nous. On voit que ce sont des choses utiles et qui, comme telles, doivent
être aimées. Tu as dit, ô Manaën, que l'animal sert
souvent mieux les hommes que les hommes. Je dis que les animaux, les plantes,
les minéraux, les éléments sont tous supérieurs à l'homme pour l'obéissance,
en suivant, passivement, les lois de la Création, ou en suivant activement
l'instinct qu'a mis en eux le Créateur, ou en se prêtant à la domestication
dans le but pour lequel ils ont été créés. L'homme, qui devrait être la perle
de la Création, en est trop souvent la laideur. 590> Il devrait être la
note qui répond davantage au chœur des êtres célestes pour louer Dieu, et
trop souvent il est la note discordante qui lance des imprécations ou des
blasphèmes, ou se révolte, ou dédie son chant à la louange de la créature au
lieu de l'adresser au Créateur. L'idolâtrie, par conséquent. Donc l'offense,
donc la souillure. Et cela c'est le péché. Sois donc en paix, Manaën. Ta pitié
pour un cheval qui est trempé de sueur pour t'avoir servi, n'est pas un
péché. Le péché, ce sont les larmes que l'on fait verser à ses semblables et
les amours effrénés qui sont une offense envers Dieu, qui est digne de tout l'amour
de l'homme". "Mais, en restant près de
l'Antipas, est-ce que je pèche ?" "Dans quel but y restes-tu ? Par
plaisir ?" "Non, Maître. Pour veiller sur
Toi. Tu le sais. Maintenant aussi j'y allais pour cela, car je sais qu'ils
ont envoyé des messagers à Hérode pour l'exciter contre Toi." "Et alors, il n'y a pas de péché.
N'aimerais-tu pas mieux rester avec Moi, dans ma pauvreté de vie ?" "Et tu me le demandes ? Je l'ai
dit au début. Cette nuit sous la tente, la pauvre nourriture que nous avons
mangée, sont incomparables pour moi. Oh ! si ce n'était que pour écouter les
sifflements des serpents il faut rester près de leur tanière, je resterais
avec Toi ! J'ai compris la vérité de ta mission. Je me suis trompé un jour [6], mais cela m'a servi
à comprendre et je ne sortirai plus de la justice." "Tu vois ! Il n'y a rien
d'inutile. Même l'erreur pour celui qui tend au Bien est un moyen pour le
Bien. L'erreur tombe comme l'enveloppe d'une chrysalide, et voilà que sort le
papillon qui n'est pas difforme, qui ne pue pas, qui ne rampe pas, mais vole
pour chercher les calices des fleurs et les rayons de la lumière. Et les âmes
qui sont bonnes sont ainsi. Elles peuvent se laisser, pour un moment,
envelopper par les misères et les difficultés mortifiantes, mais ensuite
elles s'en dégagent et volent de fleur en fleur, de vertu en vertu, vers la
Lumière, vers la Perfection. Louons le Seigneur pour ses œuvres de
continuelle miséricorde, qui agissent même à l'insu de l'homme dans le cœur
de l'homme et autour de lui." Et Jésus prie, se mettant à genoux,
car la tente, basse et étroite, ne permet pas d'autre position. Puis, après
avoir alimenté le feu devant la tente, attaché le cheval, ils se préparent au
repos, se promettant de veiller à tour de rôle sur le feu et l'animal, sur
lequel Manaën a jeté la lourde toison pour lui servir de couverture et le
protéger de la fraîcheur de la nuit. 591> Jésus et Manaën se
jettent sur la litière de paille et s'enveloppent dans leurs manteaux pour
dormir. Jean, craignant d'être pris par le sommeil, fait les cent pas en
dehors de la tente pour nourrir le feu et surveiller le cheval, qui le
regarde de son œil noir intelligent et bat le sol en mesure avec son sabot en
secouant la tête, faisant retentir les chaînettes d'argent de son
harnachement et en broutant les tiges aromatiques de fenouil sauvage poussées
au pied de l'arbre auquel il est attaché. Et comme Jean lui en offre de plus
belles, poussées un peu plus loin, il hennit de plaisir et il cherche à
frotter ses naseaux doux et rosés contre le cou de l'apôtre. Au loin, dans le
grand silence de la nuit, on entend venir le calme bruissement du fleuve. Jésus dit :
Tout ce qui a précédé, et qui peut-être
pour certains épisodes a paru sans but pour des lecteurs mal disposés ou
superficiels, s'éclaire ici d'une lumière sombre ou resplendissante. Et
surtout les figures les plus importantes. Celles que beaucoup ne veulent pas
reconnaître utiles à connaître, justement parce que s'y trouvent les leçons pour les maîtres de maintenant qui ont
plus que jamais besoin d'être instruis pour devenir de vrais maîtres de
l'esprit. Comme je l'ai dit à Jean et à Manaën, rien n'est inutile de ce que
Dieu fait, pas même le mince brin d'herbe. Ainsi, il n'est rien de superflu
dans ce travail. Ni les figures resplendissantes ni celles qui sont faibles
et ténébreuses. Au contraire, pour les maîtres de l'esprit, les figures
faibles et ténébreuses sont d'une plus grande utilité que les figures bien
dessinées et héroïques. Comme du haut d'une montagne, près du
sommet, on peut embrasser toute la configuration de la montagne, et la
raison d'être des bois, des torrents, des prés et des pentes, pour arriver de
la plaine au sommet, et d'où on voit toute la beauté du panorama, et plus on
se persuade fortement que les œuvres de Dieu sont toutes utiles et superbes
et que l'une sert et complète l'autre et que toutes concourent pour former la
beauté de la Création; de la même façon, pour celui qui a l'esprit droit, la
diversité des figures, des épisodes, des leçons, de ces trois années de vie
évangélique, contemplées comme du haut du sommet du mont de mon œuvre de
Maître, servent à donner la vision exacte de ce complexe politique,
religieux, social, collectif, spirituel, égoïste jusqu'au crime ou altruiste
jusqu'au sacrifice, où je fus un Maître et où je suis devenu Rédempteur. Le
caractère grandiose du drame ne se voit pas dans une seule scène, mais dans
toutes les parties de ce drame. La figure du protagoniste émerge des lumières
diverses dont l'illuminent les parties secondaires. 592> Désormais près du
sommet, et le sommet c'était le Sacrifice pour lequel je m'étais incarné, une
fois dévoilés tous les replis secrets des cœurs et toutes les menées des
sectes, il n'y a qu'à faire comme le voyageur arrivé prés de la cime :
regarder, regarder toutes les choses et tous les gens. Connaître le monde
hébraïque. Connaître ce que j'étais : l'Homme au-dessus des sens, de
l'égoïsme, de la rancœur, l'Homme qui a dû être tenté, par tout un monde,
pour la vengeance, le pouvoir, même les joies honnêtes du mariage et du
foyer, qui a dû tout supporter pour vivre au contact du monde et en souffrir
car infinie était la distance entre l'imperfection et le péché du monde et ma
Perfection et qui, à toutes les voix, à toutes les séductions, à toutes les
réactions du monde, de Satan et du moi, a su répondre : "Non", et
rester pur, doux, fidèle, miséricordieux, humble, obéissant, jusqu'à la mort
de la Croix. Comprendra-t-elle tout cela, la société
de maintenant à laquelle je donne cette connaissance de Moi-même pour la
rendre forte contre les assauts de plus en plus violents de Satan et du monde
? Aujourd'hui aussi, comme il y a
maintenant vingt siècles, il y aura la contradiction parmi ceux pour qui je
me révèle. Je suis encore une fois un signe de contradiction. Mais non pas
Moi, par Moi-même, mais par rapport à ce que je suscite en eux. Les bons,
ceux de bonne volonté, auront les réactions bonnes des bergers et des
humbles. Les autres auront des réactions mauvaises comme les scribes, les
pharisiens, les sadducéens et les prêtres de ce temps Chacun donne ce qu'il
a. Le bon qui vient au contact des mauvais déchaîne en eux un bouillonnement
de plus grande perversité. Et le jugement sera déjà fait pour les hommes,
comme il le fut le Vendredi de la Parascève, d'après la manière dont ils
auront jugé, accepté et suivi le Maître qui. dans une nouvelle tentative
d'infinie miséricorde, s'est fait connaître une fois encore. À ceux qui ouvriront les yeux et me
reconnaîtront et diront : "C'est Lui ! Était-ce pour cela que notre cœur
brûlait dans notre poitrine pendant qu'il nous parlait et nous expliquait les
Écritures ?". [7] |
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Ma paix à eux et a
toi, petit, fidèle, affectueux Jean." |
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