Le
lundi 16 décembre 1946.
374> 540.1 - Ils
sont déjà dans les terres qui se ressentent du voisinage de la Mer Morte, en
dehors de toute piste, se dirigeant directement vers le nord-est. À part
l'aspérité du terrain rempli de pierres coupantes et de cristaux de sel, et
couvert d'herbes basses et épineuses, la marche est bonne et surtout
tranquille, car à perte de vue il n'y a pas âme qui vive, et la température
est douce et le terrain est sec.
Ils parlent entre eux. Ils doivent avoir trouvé, les jours précédents, des bergers et avoir séjourné parmi eux, car
ils en parlent. Ils parlent aussi d'un enfant guéri. Doucement, en s'aimant.
Même quand ils se taisent, ils se parlent avec leur cœur en se regardant avec
le regard de quelqu'un qui est heureux d'être avec un ami bien-aimé. Ils
s'assoient pour se reposer et prendre un peu de nourriture, se remettent en
route, toujours avec cet air paisible qui donne la paix à mon cœur rien qu'à
le voir.
"Ici se trouve Galgala"
dit Jésus en montrant en avant un groupe de maisons qui reflètent leur
blancheur au soleil, sur un monticule vers le nord-est. "Désormais, nous
approchons du fleuve."
"Et nous entrons à Galgala pour la nuit ?"
"Non, Jean.
J'ai évité intentionnellement toute ville, et je vais éviter aussi celle-là.
Si nous trouvons quelque autre berger, nous irons avec lui. Si nous voyons
près de la route, que nous allons bientôt atteindre, des caravanes sur le
point de s'arrêter pour la nuit, nous demanderons d'être accueillis sous
leurs tentes. Les nomades du désert sont toujours hospitaliers et c'est
l'époque où on les rencontre facilement. Si personne ne nous reçoit, nous
dormirons à la belle étoile, unis tous les deux sous nos manteaux et nous
serons veillés par les anges."
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375> "Oh ! oui. Tout sera toujours
meilleur que la nuit de tristesse, de la dernière nuit que j'ai passée là-bas
à Bethléem !"
"Mais pourquoi n'es-tu pas venu à Moi tout de suite ?"
"Parce que je me sentais coupable. Et puis je disais aussi : Jésus est
si bon qu'il ne me grondera pas, mais au contraire me consolera, comme tu as
fait. Et alors la pénitence que je voulais faire, où serait-elle allée
?"
"Nous l'aurions faite ensemble, Jean. Moi aussi je suis resté sans
nourriture et sans feu, malgré les aliments et le bois trouvés le
matin."
"Oui. Mais quand on est avec Toi, il n'y a plus rien, rien. Quand je
suis avec Toi, je ne souffre plus de rien. Je te regarde, je t'écoute, et je
suis tout à fait heureux."
"Je le sais. Et je sais aussi qu'en personne, ma pensée ne s'imprime
comme en mon Jean, et je sais aussi que tu sais comprendre et te taire quand
il y a lieu. Tu me comprends, oui, parce que tu m'aimes.
540.2 - Jean, écoute-moi. D'ici quelque
temps..."
"Quoi, Seigneur ?" demande tout de suite Jean en l'interrompant, en
le saisissant par le bras, en l'arrêtant pour le regarder en face, avec des
yeux effrayés et interrogateurs et son visage devenu blême.
"D'ici quelque temps cela fait trois ans que
j'évangélise.
Tout ce qu'il fallait dire aux foules, je l'ai dit. Désormais celui qui veut
m'aimer et me suivre a tous les éléments pour le
faire avec assurance. Les autres... Quelques-uns seront persuadés par les
faits, la plupart resteront sourds, même devant ceux-ci. Mais à ces derniers,
j'ai peu de choses à dire. Et je les dirai. Car la justice aussi doit être sauvegardée,
en plus de la miséricorde. Jusqu'à présent, la miséricorde s'est tue bien des
fois et sur beaucoup de choses. Mais avant de se taire pour toujours, le
Maître parlera aussi avec la sévérité d'un juge. Mais je ne voulais pas te
parler de cela. Je voulais te dire que sous peu, ayant dit au troupeau tout
ce qu'il fallait dire pour qu'il m'appartienne, je me recueillerai beaucoup
pour prier et me préparer. Et quand je ne prierai pas, je me consacrerai à
vous. Comme j'ai fait au début, je ferai aussi à la fin. Les femmes
disciples viendront. Ma Mère viendra. Nous nous préparerons tous
à la Pâque. Jean, je te demande dès maintenant de te consacrer beaucoup à ces
disciples. À ma Mère, en particulier..."
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376> "Mon Seigneur, mais que
puis-je donner à ta Mère qu'elle ne possède déjà surabondamment et au point
d'en avoir à donner à nous tous ?"
"Ton amour. Suppose que tu es pour elle comme un second fils. Elle
t'aime et tu l'aimes. Vous avez un unique amour qui vous unit : l'amour pour
Moi. Moi, son Fils selon la chair et le cœur, je serai toujours plus...
absent, absorbé dans mes... occupations. Et elle souffrira, parce qu'elle
sait... Elle sait ce qui va arriver. Tu dois la consoler aussi à ma place,
devenir tellement son ami qu'elle puisse pleurer sur ton cœur et en avoir du
réconfort. Elle n'est pas pour toi une inconnue, ma Mère. Tu as déjà vécu
avec elle. Mais c'est autre chose de le faire comme disciple qui aime d'un
amour respectueux la Mère de son Maître, et autre chose de le faire en fils.
Je veux que tu le fasses en fils pour qu'elle souffre un peu moins quand elle
ne m'aura plus."
540.3 - "Seigneur,
tu vas mourir ? Tu parles comme quelqu'un qui va mourir ! Tu
m'affliges..."
"Je vous l'ai dit plusieurs fois que je dois mourir. C'est comme si je
parlais à des enfants distraits ou qui n'arrivent pas à comprendre. Oui, je
vais à la mort. Je le dirai aussi aux autres, mais plus tard. À toi, je le
dis maintenant. Souviens-t-en, Jean."
"Je m'efforce de me rappeler tes paroles, toujours... Mais celle-là est
si douloureuse..."
"…que tu fais tout ce que tu peux, pour l'oublier, veux-tu dire ? Pauvre
enfant ! Ce n'est pas toi qui oublies, toi qui te rappelles. Ce n'est
pas toi par ta volonté. C'est ton humanité même qui ne peut se rappeler cette
chose trop grande pour qu'elle puisse la supporter, la chose trop grande, et
tu ne sais même pas complètement combien elle sera grande, monstrueuse, la
chose trop grande qui t'étourdit comme une masse tombée de haut sur ta tête.
Et pourtant, c'est ainsi. Bientôt désormais je vais aller à la mort et ma
Mère restera seule. Je mourrai avec une goutte de douceur, dans mon océan de
douleur, si je vois en toi un "fils" pour ma Mère..."
"Oh ! mon Seigneur ! Si je suis capable... s'il ne m'arrive pas comme à
Bethléem, oui, je le ferai. Je veillerai avec un cœur de fils. Mais que
pourrai-je lui donner qui la console si elle te perd Toi ? Que pourrai-je lui
donner si moi aussi je suis comme quelqu'un qui a tout perdu, que la douleur
abrutit ? Comme ferai-je, moi qui n'ai pas su veiller et souffrir maintenant,
dans le calme, pendant une nuit et pour un peu de faim ? Comment ferai-je
?"
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377> "Ne t'agite pas. Prie beaucoup
en ce temps-ci. Je te garderai beaucoup avec Moi et avec ma Mère. Jean tu es
notre paix, et tu le seras encore alors. Ne crains pas, Jean. Ton amour fera
tout."
"Oh ! oui, Seigneur ! Garde-moi beaucoup avec Toi. Moi, tu le sais, je
ne tiens pas à paraître, à faire des miracles, je veux, et je sais, seulement
aimer..."
Jésus dépose encore un baiser sur son front vers les tempes, comme dans la
grotte...
540.4 - Ils sont en vue de la route qui va
au fleuve. Ici, il y a des pèlerins qui aiguillonnent leurs montures ou qui
hâtent leur marche pour être, avant la nuit, dans les endroits où on peut
s'arrêter. Mais tous s'en vont emmitouflés, car après le coucher du soleil,
le froid devient rigoureux et personne ne remarque les deux voyageurs qui
vont rapidement vers le fleuve.
Un cavalier, au trot soutenu, presque au galop, les rejoint
et les dépasse et s'arrête après quelques mètres à cause d'un encombrement
d'ânes près d'un petit pont à cheval sur un gros ruisseau, qui veut se donner
des airs de torrent et qui s'en va en écumant vers le Jourdain ou la Mer
Morte. Pendant qu'il attend son tour pour passer, il se retourne et a un
geste de surprise. Il descend de selle et, en tenant son cheval par les
rênes, il revient en arrière vers Jésus et Jean qui ne l'ont pas remarqué.
"Maître ! Comment donc es-tu ici ? Et seul avec Jean" demande le
cavalier en rejetant en arrière les bords de son couvre-chef, qui étaient
baissés sur son visage pour servir de capuchon et je pourrais dire de masque
pour le protéger du vent et de la poussière. Le visage brun et viril de Manahen apparaît.
"Paix à toi, Manahen. Je vais vers le fleuve pour le passer, mais je
doute que je puisse le faire avant la nuit. Et toi, où allais-tu ?"
"À Machéronte,
dans la dégoûtante tanière. Tu n'as pas où dormir ? Viens avec moi. Je me
rendais vivement à une auberge sur la route des caravanes. Ou, si tu
préfères, je vais dresser la tente sous les arbres du fleuve. J'ai sur la
selle tout ce qu'il faut."
"Je préfère cela. Mais toi, certainement, tu préférerais
l'auberge."
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378> "C'est Toi que je préfère, mon
Seigneur. Je regarde comme une grande grâce de t'avoir rencontré. Allons-y
alors. Je connais les rives du fleuve comme si c'étaient les couloirs de ma
maison. Au pied des coteaux de Galgala, il y a un bois à l'abri des vents,
avec de l'herbe en abondance pour ma bête et du bois pour faire du feu. Nous
y serons bien."
540.5 - Ils s'en vont rapidement en tournant
vraiment du côté de l'orient et en quittant la route qui va au gué ou à
Jéricho. Ils arrivent bientôt à la lisière d'un bois touffu qui descend des
pentes du coteau et s'étend sur la plaine vers les rives.
"Je vais à cette maison. On me connaît. Je vais demander du lait et de
la paille pour tous" dit Manahen en s'en allant avec son cheval et il
revient même vite suivi de deux hommes qui portent des bottes de paille sur
leurs épaules et un petit seau de cuivre rempli de lait.
Ils entrent sous le bois sans parler. Manahen fait
jeter la paille par terre et congédie les deux hommes. Des poches de la
selle, il sort l'amadou et le briquet, et il fait du feu avec les nombreuses
branches qui sont sur le sol. Le feu réjouit et réchauffe. Le chaudron, placé
sur deux pierres que Jean a apportées, chauffe et, pendant ce temps, Manahen,
après avoir enlevé la selle du cheval, monte la tente moelleuse de poil de
chameau, en la liant à deux piquets enfoncés dans le sol et en l'appuyant au tronc
robuste d'un arbre centenaire. Il étend sur l'herbe une peau de brebis qui
était aussi attachée à l'arçon, y place la selle et dit :
"Maître, viens. C'est un abri de cavalier du désert, mais il protège de
la rosée et de l'humidité du sol. Pour nous, la paille suffira. Et je
t'assure, Maître, que les tapis précieux et les baldaquins, les sièges du
palais royal me semblent moins, beaucoup moins beaux que ton trône et que
cette tente et cette paille ; de même les mets succulents que plus d'une
fois j'ai goûtés n'auraient jamais eu la saveur du lait et du pain que nous
allons prendre ensemble là dessous. Je suis heureux, Maître !"
"Moi aussi, Manahen, et Jean aussi certainement. La Providence nous a
réunis ce soir pour notre commune joie."
"Ce soir et demain, Maître, et aussi après-demain jusqu'à ce que je te
sache en sûreté parmi tes apôtres. Je pense que tu vas les rejoindre..."
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379> "Oui, je vais les retrouver.
Ils m'attendent dans la maison de Salomon."
540.6 - Manahen le regarde, puis il dit :
"Je suis passé par Jérusalem... Et j'ai été informé. Par Béthanie. Et
j'ai compris pourquoi tu ne t'y étais pas arrêté. Tu fais bien de te retirer.
Jérusalem est un corps rempli de poison et de pourriture, plus que le pauvre Lazare..."
"Tu l'as vu ?"
"Oui. Affligé par les tourments du corps et par ceux du cœur, pour Toi.
Il meurt très affligé, Lazare... Mais je voudrais mourir moi aussi plutôt que
de voir le péché de nos compatriotes."
"Elle était en fermentation la ville ?" demande Jean, qui surveille
le feu.
"Très. Divisée en deux partis. Et, chose étrange, les romains ont usé de
clémence envers certains arrêtés pour sédition la veille. On dit en secret
que c'est pour ne pas augmenter l'agitation. On dit aussi que le Proconsul
viendra bientôt à Jérusalem, plus tôt que prévu. Sera-ce un bien, je ne sais.
Je sais que certainement Hérode
l'imitera, et ce sera certainement un bien pour moi car je pourrai être près
de Toi. Avec un bon cheval — et les écuries de l'Antipas ont de rapides
chevaux arabes — ce sera vite fait d'aller de la ville au fleuve, si tu t'y
arrêtes..."
"Oui, je m'y arrête. Pour l'instant, du moins..."
Jean apporte le lait chaud dans lequel chacun trempe son pain, après que
Jésus ait offert et béni. Manahen offre des dattes, blondes comme du miel.
"Mais où avais-tu tant de choses ?" demande Jean étonné.
"La selle d'un cavalier est un petit marché, Jean. Il y a de tout pour
l'homme et pour la bête" répond Manahen avec un sourire franc sur son
visage brun.
540.7 - Il réfléchit un moment, puis il
demande :
"Maître, est-il permis d'aimer les animaux qui nous servent et qui si
souvent le font avec plus de fidélité que l'homme ?"
"Pourquoi cette question ?"
"Parce que récemment, j'ai essuyé des mépris et des reproches de la part
de certains qui m'ont vu recouvrir avec la couverture, qui maintenant nous
sert de tente, mon cheval tout en sueur de la course qu'il avait faite."
"Et ils ne t'ont pas dit autre chose ?"
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380> Manahen, interdit, regarde Jésus...
et se tait.
"Parle avec sincérité. Ce n'est pas murmurer et ce n'est pas m'offenser
de dire ce qu'ils t'ont dit, pour lancer une nouvelle poignée de boue contre
Moi."
"Maître, tu sais tout. Vraiment tu sais tout et il est inutile de
vouloir te cacher nos pensées ou celles des autres. Oui, ils m'ont dit :
"On voit que tu es un disciple de ce samaritain. Tu es un païen comme
Lui qui viole même les sabbats pour se rendre impur en touchant des animaux
impurs".
"Ah ! c'était sûrement Ismaël
!" s'écrie Jean.
"Oui, et d'autres avec lui. J'ai répliqué : "Je vous comprendrais
si vous me disiez que je suis impur parce que je vis auprès de la cour
d'Antipas et non pas parce que j'ai soin d'un animal qui a été créé par
Dieu". Ils m'ont répondu, car dans le groupe il y avait aussi des
hérodiens — il est facile d'en voir depuis quelque temps et cela aussi est
absolument étonnant car auparavant il y avait entre eux une brouille sérieuse
— ils m'ont répondu : "Nous ne jugeons pas les actions de l'Antipas,
mais les tiennes. Jean le Baptiste lui-même était à Machéronte, et il avait
des relations avec le roi. Mais il est toujours resté un juste. Toi, au
contraire, tu es un idolâtre..." Les gens se groupaient et je me suis
arrêté pour ne pas les exciter. Depuis quelque temps cette excitation est
entretenue par certains de tes faux fidèles qui les poussent à se révolter
contre ceux qui s'opposent à Toi, ou qui commettent des injustices en se
disant tes disciples envoyés par Toi..."
"Mais c'en est trop ! Maître ? Jusqu'où iront-ils ?" demande Jean
agité.
"Pas au-delà de la limite qu'ils pourront atteindre. Au-delà de cette
limite, c'est Moi seul qui m'avancerai et la Lumière resplendira et personne
ne pourra plus douter que je suis le Fils de Dieu.
540.8 - Mais venez ici près de Moi et
écoutez. Auparavant, alimentez le feu."
Les deux, bien contents, se jettent sur l'épaisse peau de brebis étendue sur
le sol sous les pieds de Jésus qui est assis sur la selle écarlate contre la
tente, appuyée au tronc de l'arbre. Manahen est presque allongé, le coude
appuyé au sol, la tête appuyée sur la main, les yeux dans les yeux de Jésus.
Jean est assis sur ses talons, et appuie sa tête contre la poitrine de Jésus,
l'entourant d'un bras dans sa pose habituelle.
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381> "Quand le Créateur eut créé la
Création, et lui eut donné pour roi l'homme créé à son image et à sa
ressemblance, Il montra à l'homme toutes les créatures créées et Il voulut
que l'homme leur donnât un nom pour les distinguer les unes des autres, et on
lit dans la Genèse "que tout nom qu'Adam donna aux animaux était bon,
c'était le vrai nom".
Et on lit encore dans la Genèse que Dieu, ayant créé l'Homme et la Femme, dit
: "Faisons l'Homme à notre image et à notre ressemblance pour qu'il soit
le maître des poissons de la mer, des volatiles du ciel, des bêtes, et de
toute la Terre et des reptiles qui rampent sur elle".
Et quand Il eut créé une compagne pour Adam, la femme, faite comme lui à
l'image et à la ressemblance de Dieu, comme il ne convenait pas que la
Tentation aux aguets tentât et corrompît encore plus hideusement le mâle créé
à l'image de Dieu, Dieu dit à l'homme et à la femme : "Croissez,
multipliez-vous, et remplissez la Terre et faites en sorte qu'elle vous soit
soumise, et soyez les maîtres des poissons de la mer, des volatiles du ciel
et de tous les animaux qui se meuvent sur la Terre".
Et Il dit encore : "Voilà que Je vous ai donné toutes les plantes qui
font une semence sur la Terre et tous les arbres qui ont en eux la semence de
leur espèce pour qu'ils servent de nourriture à vous et à tous les animaux de
la Terre et aux oiseaux du ciel et à ce qui se meut sur la terre et a en soi
une âme vivante, pour qu'ils aient la vie".
Les animaux et les plantes et tout ce que le Créateur a créé pour l'utilité
de l'homme représentent donc un don d'amour et un patrimoine donné en garde
par le Père à ses fils, afin qu'ils en usent dans leur intérêt et avec
gratitude envers Celui qui a donné toute providence. Il faut donc les aimer
et les traiter avec un soin convenable.
Que diriez-vous d'un fils auquel le père a donné des vêtements, des meubles,
de l'argent, des champs, des maisons, en lui disant : "Je te les donne
pour toi et pour tes descendants pour que vous ayez de quoi être heureux.
Usez de tout cela avec amour en souvenir de mon amour qui vous le
donne", et si ensuite ils laissaient tout tomber en ruines ou
dilapidaient tous ses biens ? Vous diriez qu'ils n'ont pas fait honneur à
leur père et qu'ils n'ont pas aimé leur père et ses dons. Pareillement l'homme
doit avoir soin de ce que Dieu, avec un soin providentiel, a mis à sa
disposition.
Soin ne veut pas dire idolâtrie, ni affection déréglée pour les bêtes ou les
plantes, ou quelque autre chose. Soin veut dire sentiment de pitié et de
reconnaissance pour les choses de moindre importance qui nous servent et qui
ont leur vie, c'est-à-dire leur sensibilité.
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382> 540.9 - L'âme
vivante des créatures inférieures dont parle la
Genèse n'est pas une âme telle que celle de l'homme. C'est la vie, simplement
la vie, c'est-à-dire d'être sensible aux choses actuelles tant matérielles
qu'affectives. Quand un animal est mort, il est insensible car avec la mort,
pour lui, c'est la vraie fin. Il n'y a pas d'avenir pour lui, mais tant qu'il
est vivant, il souffre de la faim, du froid, de la lassitude et il est
sensible aux blessures, à la souffrance, à la jouissance, à l'amour, à la
haine, à la maladie et à la mort. Et l'homme, en souvenir de Dieu qui lui a
donné ce moyen pour rendre moins dur son exil sur la Terre, doit être humain
envers les serviteurs inférieurs que sont pour lui les animaux. Dans le livre
de Moïse, n'est-il pas prescrit peut-être d'avoir des sentiments d'humanité
même pour les animaux, que ce soit volatiles ou quadrupèdes ?
En vérité je vous dis qu'il faut savoir regarder avec justice les œuvres du
Créateur. Si on les regarde avec justice, on voit qu'elles sont
"bonnes". Et une chose bonne doit toujours être aimée. On voit que
ce sont des choses données à bonne fin et par une impulsion d'amour, et que
comme telles nous pouvons, nous devons les aimer en voyant, au-delà de l'être
fini, l'Être Infini qui les a créées pour nous. On voit que ce sont des
choses utiles et qui, comme telles, doivent être aimées. Rien, rappelez-vous-le bien, n'a été fait
sans but dans l'Univers. Dieu ne perd pas sa parfaite Puissance en des choses
inutiles. Ce brin d'herbe n'est pas moins utile que le tronc puissant auquel
s'appuie notre asile temporaire. La goutte de rosée, la petite perle de
givre, ne sont pas moins utiles que l'immense mer. Le moucheron n'est pas
moins utile que l'éléphant, et le ver qui vit dans la boue n'est pas moins
utile que la baleine. Il n'y a rien d'inutile dans la Création. Dieu a tout
fait à bonne fin, par amour pour l'homme. L'homme doit user de tout avec une
intention droite et avec amour pour Dieu qui lui a donné tout ce qui existe
sur la Terre, pour que ce soit soumis au roi de la Création.
540.10 - Tu as dit, ô Manahen, que l'animal
sert souvent mieux les hommes que les hommes. Je dis que les animaux, les
plantes, les minéraux, les éléments sont tous supérieurs à l'homme pour
l'obéissance, en suivant, passivement, les lois de la Création, ou en suivant
activement l'instinct qu'a mis en eux le Créateur, ou en se prêtant à la
domestication dans le but pour lequel ils ont été créés.
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383> L'homme, qui devrait être la perle
de la Création, en est trop souvent la laideur. Il devrait être la note qui
répond davantage au chœur des êtres célestes pour louer Dieu, et trop souvent
il est la note discordante qui lance des imprécations ou des blasphèmes, ou
se révolte, ou dédie son chant à la louange de la créature au lieu de
l'adresser au Créateur. L'idolâtrie, par conséquent. Donc l'offense, donc la
souillure. Et cela c'est le péché.
Sois donc en paix, Manahen. Ta pitié pour un cheval qui est trempé de sueur
pour t'avoir servi, n'est pas un péché. Le péché, ce sont les larmes que l'on
fait verser à ses semblables et les amours effrénés qui sont une offense
envers Dieu, qui est digne de tout l'amour de l'homme".
"Mais, en restant près de l'Antipas, est-ce que je pèche ?"
"Dans quel but y restes-tu ? Par plaisir ?"
"Non, Maître. Pour veiller sur Toi. Tu le sais. Maintenant aussi j'y
allais pour cela, car je sais qu'ils ont envoyé des messagers à Hérode pour
l'exciter contre Toi."
"Et alors, il n'y a pas de péché. N'aimerais-tu pas mieux rester avec
Moi, dans ma pauvreté de vie ?"
"Et tu me le demandes ? Je l'ai dit au début. Cette nuit sous la tente,
la pauvre nourriture que nous avons mangée, sont incomparables pour moi. Oh !
si ce n'était que pour écouter les sifflements des serpents il faut rester
près de leur tanière, je resterais avec Toi ! J'ai compris la vérité de ta
mission. Je me suis trompé un jour,
mais cela m'a servi à comprendre et je ne sortirai plus de la justice."
"Tu vois ! Il n'y a rien d'inutile. Même l'erreur pour celui qui tend au
Bien est un moyen pour le Bien. L'erreur tombe comme l'enveloppe d'une
chrysalide, et voilà que sort le papillon qui n'est pas difforme, qui ne pue pas, qui ne rampe pas, mais vole pour chercher les
calices des fleurs et les rayons de la lumière. Et les âmes qui sont bonnes
sont ainsi. Elles peuvent se laisser, pour un moment, envelopper par les
misères et les difficultés mortifiantes, mais ensuite elles s'en dégagent et
volent de fleur en fleur, de vertu en vertu, vers la Lumière, vers la
Perfection. Louons le Seigneur pour ses œuvres de continuelle miséricorde,
qui agissent même à l'insu de l'homme dans le cœur de l'homme et autour de
lui."
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384> 540.11 - Et Jésus prie, se mettant à genoux,
car la tente, basse et étroite, ne permet pas d'autre position. Puis, après
avoir alimenté le feu devant la tente, attaché le cheval, ils se préparent au
repos, se promettant de veiller à tour de rôle sur le feu et l'animal, sur
lequel Manahen a jeté la lourde toison pour lui servir de couverture et le
protéger de la fraîcheur de la nuit.
Jésus et Manahen se jettent sur la litière de paille et s'enveloppent dans
leurs manteaux pour dormir. Jean, craignant d'être pris par le sommeil, fait
les cent pas en dehors de la tente pour nourrir le feu et surveiller le
cheval, qui le regarde de son œil noir intelligent et bat le sol en mesure
avec son sabot en secouant la tête, faisant retentir les chaînettes d'argent
de son harnachement et en broutant les tiges aromatiques de fenouil sauvage
poussées au pied de l'arbre auquel il est attaché. Et comme Jean lui en offre
de plus belles, poussées un peu plus loin, il hennit de plaisir et il cherche
à frotter ses naseaux doux et rosés contre le cou de l'apôtre. Au loin, dans
le grand silence de la nuit, on entend venir le calme bruissement du fleuve.
540.12 - Jésus dit :
"Et même la troisième année de vie publique prend fin. Maintenant arrive la période préparatoire à la
Passion. Celle dans laquelle en apparence tout semble se borner à un petit
nombre d'actions et à un petit nombre de personnes. C'est comme si ma figure
et ma mission s'estompaient. En réalité Celui qui paraissait vaincu et
écrasé, était le héros qui se préparait à l'apothéose et autour de Lui ce
n'étaient pas les personnes mais les passions des personnes qui se
concentraient et se portaient a leurs limites extrêmes.
Tout ce qui a précédé, et qui peut-être pour certains épisodes a paru sans
but pour des lecteurs mal disposés ou superficiels, s'éclaire ici d'une
lumière sombre ou resplendissante. Et surtout les figures les plus
importantes. Celles que beaucoup ne veulent pas reconnaître utiles à
connaître, justement parce que s'y trouvent
les leçons pour les maîtres de maintenant qui ont plus que jamais besoin
d'être instruis pour devenir de vrais maîtres de l'esprit. Comme je l'ai dit
à Jean et à Manahen, rien n'est inutile de ce que Dieu fait, pas même le
mince brin d'herbe. Ainsi, il n'est rien de superflu dans ce travail. Ni les
figures resplendissantes ni celles qui sont faibles et ténébreuses. Au
contraire, pour les maîtres de l'esprit, les figures faibles et ténébreuses
sont d'une plus grande utilité que les figures bien dessinées et héroïques.
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385> Comme du haut d'une montagne, près
du sommet, on peut embrasser toute la configuration de la montagne, et
la raison d'être des bois, des torrents, des prés et des pentes, pour arriver
de la plaine au sommet, et d'où on voit toute la beauté du panorama, et plus
on se persuade fortement que les œuvres de Dieu sont toutes utiles et
superbes et que l'une sert et complète l'autre et que toutes concourent pour
former la beauté de la Création.
De la même façon, pour celui qui a l'esprit droit, la diversité des figures,
des épisodes, des leçons, de ces trois années de vie évangélique, contemplées
comme du haut du sommet du mont de mon œuvre de Maître, servent à donner la
vision exacte de ce complexe politique, religieux, social, collectif,
spirituel, égoïste jusqu'au crime ou altruiste jusqu'au sacrifice, où je fus
un Maître et où je suis devenu Rédempteur. Le caractère grandiose du drame ne
se voit pas dans une seule scène, mais dans toutes les parties de ce drame.
La figure du protagoniste émerge des lumières diverses dont l'illuminent les
parties secondaires.
Désormais près du sommet, et le sommet c'était le Sacrifice
pour lequel je m'étais incarné, une fois dévoilés tous les replis secrets des
cœurs et toutes les menées des sectes, il n'y a qu'à faire comme le voyageur
arrivé prés de la cime : regarder, regarder toutes
les choses et tous les gens. Connaître le monde hébraïque. Connaître ce que
j'étais : l'Homme au-dessus des sens, de l'égoïsme, de la rancœur, l'Homme
qui a dû être tenté, par tout un monde, pour la vengeance, le pouvoir, même
les joies honnêtes du mariage et du foyer, qui a dû tout supporter pour vivre
au contact du monde et en souffrir car infinie était la distance entre
l'imperfection et le péché du monde et ma Perfection et qui, à toutes les
voix, à toutes les séductions, à toutes les réactions du monde, de Satan et
du moi, a su répondre : "Non", et rester pur, doux, fidèle,
miséricordieux, humble, obéissant, jusqu'à la mort de la Croix.
540.13 - Comprendra-t-elle tout cela, la
société de maintenant à laquelle je donne cette connaissance de Moi-même pour
la rendre forte contre les assauts de plus en plus violents de Satan et du
monde ?
Aujourd'hui aussi, comme il y a maintenant vingt siècles, il y aura la
contradiction parmi ceux pour qui je me révèle. Je suis encore une fois un
signe de contradiction. Mais non pas Moi, par Moi-même, mais par rapport à ce
que je suscite en eux.
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386> Les bons, ceux de bonne volonté,
auront les réactions bonnes des bergers et des humbles. Les autres auront des
réactions mauvaises comme les scribes, les pharisiens, les sadducéens et les
prêtres de ce temps Chacun donne ce qu'il a. Le bon qui vient au contact des
mauvais déchaîne en eux un bouillonnement de plus grande perversité. Et le
jugement sera déjà fait pour les hommes, comme il le fut le Vendredi de la
Parascève, d'après la manière dont ils auront jugé, accepté et suivi le
Maître qui dans une nouvelle tentative d'infinie miséricorde, s'est fait
connaître une fois encore.
À ceux qui ouvriront les yeux et me reconnaîtront et diront : "C'est Lui
! Était-ce pour cela que notre cœur brûlait dans notre poitrine pendant qu'il
nous parlait et nous expliquait les Écritures ?".
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