Le jeudi 4 janvier
1945.
455> 70.1 – Je vois que Jésus
se dirige vers une petite maison basse et blanche au
milieu de l'oliveraie. Un garçon tout
jeune en sort, le salue. Il semble être de l'endroit car il a
en mains des outils pour arroser et sarcler.
"Dieu soit avec Toi, Rabbi. Ton disciple Jean
est venu et maintenant il est reparti pour aller à ta
rencontre."
"Il y a longtemps ?"
"Non, il vient d'aller sur ce sentier. Nous croyions que tu serais venu
du côté de Béthanie..."
Jésus part en vitesse, bondit dans l'autre sens. Il aperçoit Jean qui descend
presque au pas de course vers la cité et il l'appelle.
Le disciple se retourne et avec un visage qu'illumine la joie, il crie :
"Oh ! mon Maître !" et il revient en arrière en courant.
Jésus lui ouvre les bras et ils s'embrassent tous les deux affectueusement.
"Je venais te chercher ... Je croyais que tu avais été à Béthanie, comme tu l'avais
dit."
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456> "Oui, j’en
avais l’intention. Je dois aussi commencer à évangéliser les alentours de
Jérusalem. Mais ensuite j'ai été retenu en ville pour instruire un nouveau disciple."
"Tout ce que tu fais est bien fait, Maître et réussit. Tu le vois ?
Tout à l'heure, même, nous nous sommes tout de suite retrouvés."
Ils marchent tous les deux. Jésus a un bras sur les épaules de Jean qui,
étant plus petit, le regarde par dessous, bienheureux de cette intimité. Ils
reviennent ainsi vers la petite maison.
"Il y a longtemps que tu es venu ?"
"Non, Maître. Je suis parti de Docco
à l'aube avec Simon
à qui j'ai dit ce que tu voulais. Puis, nous avons fait
une pause dans la campagne de Béthanie en partageant la nourriture et en
parlant de Toi aux paysans que nous rencontrions dans les champs. Quand le
soleil est devenu moins chaud, nous nous sommes séparés. Simon est allé chez un ami auquel il voulait
parler de Toi. C'est le propriétaire de Béthanie presque toute entière. Il le
connaissait auparavant, du vivant de leurs pères à eux deux. Mais demain
Simon vient ici. Il m'a dit de te dire qu'il est heureux de te servir. C'est
un homme très capable, Simon. Je voudrais être comme lui, mais je suis un
garçon ignorant."
"Non Jean. Toi aussi tu fais très bien."
"Est-ce vrai que tu es réellement content de ton pauvre
Jean ?"
"Très content, mon Jean, très."
"Oh! mon Maître !"
Jean se penche affectueusement pour prendre la main de Jésus. Il la baise et
la passe sur son visage comme pour le caresser.
70.2 – Arrivés à la maisonnette, ils
entrent dans la cuisine basse et fumeuse. Le maître de
maison les salue :
"La paix soit avec Toi."
Jésus répond : "Paix à cette maison et à toi et à qui vit avec toi. J'ai
avec moi un disciple."
"Pour lui aussi, il y aura du pain et de l'huile."
"J'ai apporté du poisson séché que m'ont donné Jacques
et Pierre.
Et en passant à Nazareth,
ta Mère
m'a donné du pain et du miel pour Toi. J'ai marché sans arrêt, mais
maintenant il sera dur."
"N'importe Jean, il aura toujours la saveur des mains de la Maman."
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457> Jean tire ses
trésors de la besace où ils étaient dans un coin. Je vois préparer le poisson
sec d'une manière insolite. On le plonge quelques instants dans l'eau chaude,
puis on le beurre avec de l'huile et on le fait griller sur la flamme.
Jésus bénit la nourriture et s'assied à table avec le disciple. A la même
table le propriétaire, que j'entends appeler Jonas et son fils.
La mère va et vient, apportant le poisson, les olives noires, des légumes
cuits à l'eau et assaisonnés avec de l'huile. Jésus offre aussi du miel. Il
l'offre à la mère en l'étendant sur le pain. "C'est de mon rucher,
dit-il. Ma Mère prend soin des abeilles. Mange-le, il est bon. Tu es
tellement bonne avec Moi, toi, Marie,
qui mérites ça et plus encore" il ajoute parce que la femme ne voudrait
pas le priver de ce doux miel.
Le repas se termine rapidement au milieu des conversations. Il est à peine
fini et on a rendu grâces de la nourriture que l'on a prise, Jésus dit à
Jean : "Viens, sortons un peu dans l'oliveraie. La nuit est tiède
et claire. Il fera bon de rester un peu dehors."
Le maître de maison dit :
"Maître, je te salue. Je suis fatigué et mon fils aussi. Nous allons
nous reposer. Je pousse la porte et je laisse la lumière sur la table. Tu
sais comment faire."
"Oui, vas-y Jonas et éteins aussi la lampe. Il fait un si beau clair de
lune que nous y verrons sans lumière."
"Mais ton disciple où dormira-t-il ?"
"Avec Moi. Sur ma natte, il y a encore de la place pour lui, n'est-ce
pas Jean ?"
Jean est ravi à l’idée de dormir à côté de Jésus.
70.3 – Ils sortent dans l'oliveraie,
mais auparavant, Jean a pris quelque chose dans le sac posé dans le coin. Ils
font quelques pas et arrivent sur un talus d'où on voit toute la ville de
Jérusalem.
"Asseyons-nous ici et parlons entre nous" dit Jésus. Mais Jean
préfère s'asseoir à ses pieds sur l'herbe courte et il reste, le bras appuyé
sur les genoux de Jésus, la tête appuyée sur son bras, jetant de temps à
autre un regard sur son Jésus. On dirait un enfant, près de la personne qui
lui est la plus chère. "C'est beau, ici aussi, Maître. Regarde comme la
cité semble grande, la nuit. Plus que le jour."
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458> "C'est parce que la lumière de
la lune en estompe les contours. Vois, on dirait qu'une lumière argentée en
recule les limites. Regarde le sommet du Temple, là-haut. Ne semble-t-il pas
suspendu dans le vide ?"
"Il semble que ce sont les anges qui le portent sur leurs ailes
d'argent."
Jésus soupire. "Pourquoi soupires-tu, Maître ?"
"Parce que les anges ont
abandonné le Temple. Son aspect de pureté et de sainteté se limite aux murs.
Ceux qui devraient lui donner une âme - parce que chaque lieu a son âme,
c'est à dire l'esprit pour lequel il fut édifié; le Temple devrait avoir
l'âme de prière, de sainteté - mais ceux-là dis-je sont les premiers à la
leur enlever. On ne peut donner ce qu'on ne possède plus, Jean. Et s'il y a
beaucoup de prêtres et de lévites qui vivent là, il n'y en a même pas un sur
dix qui soit en état de donner la vie au Lieu Saint. C'est la mort qu'ils
donnent. Ils lui communiquent la mort qui est en leur esprit, mort à ce qui
est saint. Ils ont les formules mais ils n'ont pas la vie qui devrait les
animer. Ce sont des cadavres qui n'ont de chaleur que celle qui leur vient de
la putréfaction qui les gonfle."
"Est-ce qu'ils t'ont fait du mal, Maître ?"
Jean est tout désolé.
"Non, ils m'ont même laissé parler quand je leur ai demandé de le
faire."
"Tu l'as demandé ?
Pourquoi ?"
"Parce que je ne veux pas être Moi, celui qui déclare
la guerre.
La guerre viendra quand même, car certains auront de Moi une sotte peur
humaine, et je serai un reproche pour d'autres. Mais cela doit être sur leur
livre pas sur le mien."
70.4 – Après un moment de silence,
Jean reprend :
"Maître... Moi, je connais Hanne
et Caïphe. Ma famille a avec eux des rapports
d'affaires
et quand je me suis trouvé en Judée, à cause de Jean le Baptiste,
je venais aussi au Temple et eux étaient gentils avec le fils de Zébédée. Mon père leur réserve
toujours le meilleur poisson; c'est la coutume, sais-tu ? Quand on veut les
avoir pour amis, garder leur amitié, il faut agir ainsi..."
"Je le sais."
Le visage de Jésus s'assombrit.
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459> "Eh ! bien si tu es d'accord, je
parlerai de Toi au Grand-Prêtre. Et puis... si tu veux, je connais quelqu'un
qui a des rapports d'affaires avec mon père. C'est un riche
marchand de poisson. Il a une belle et grande maison
près de l'Hippique, car ce sont des gens riches, mais aussi très bons. Tu y
serais plus à ton aise et tu te fatiguerais moins. Pour arriver jusqu'ici on
doit passer aussi par ce faubourg d'Ophel, si turbulent et toujours encombré
d'ânes et de garçons querelleurs."
"Non, Jean. Je te remercie. Mais je suis bien ici. Vois-tu quelle
paix ? Je l'ai dit aussi à l'autre disciple qui me faisait la même proposition.
Lui disait : "Pour être mieux considéré"
"Moi, je disais pour que tu te fatigues moins."
"Je ne me fatigue pas. Je marcherai tant et ne me fatiguerai jamais.
Sais-tu ce qui me fatigue ? L'indifférence. Oh ! ça quel poids;
c'est comme si j'avais un poids sur le cœur."
"Moi, je t'aime, Jésus."
"Oui, et tu me soulages. Je t'aime tant, Jean, et t'aimerai toujours,
car toi, tu ne me trahiras jamais."
"Te trahir ! Oh !"
"Et pourtant ils seront nombreux à me trahir.
70.5 – Jean, écoute. Je t'ai dit que
je me suis attardé pour instruire un nouveau disciple. C'est un jeune juif,
instruit et connu."
"Alors, tu auras beaucoup moins de mal qu'avec nous, Maître. Je suis
content que tu aies quelqu'un de plus capable que nous."
"Tu crois que j'aurai moins de mal ?"
"Et s'il est moins ignorant que nous, il te comprendra mieux et te
servira mieux, surtout s'il t'aime mieux."
"Voilà : tu as bien dit. Mais l'amour ne se proportionne pas à
l'instruction, ni non plus à l'éducation. Un cœur vierge aime avec toute la
force de son premier amour. Cela vaut aussi pour la virginité de la pensée.
Et l'amour s'imprime davantage dans un cœur et une pensée vierges que là où
ont existé déjà d'autres amours. Mais si Dieu le veut... Écoute, Jean. Je te
prie d'être pour lui un ami. Mon cœur tremble de te mettre, toi agneau jamais
encore tondu, près de celui qui connaît la vie. Mais aussi pourtant, il sera
réservé parce qu'il sait que tu seras agneau, mais aussi un aigle, et si,
blasé, il veut te faire toucher le sol, le sol fangeux, le sol du bon sens
humain, toi, d'un coup d'aile, tu sauras te libérer et ne vouloir que l'azur
et le soleil. Dans ce but, je te prie - en te gardant toi, tel que tu es -
d'être l'ami du nouveau disciple que n'aimera pas Simon Pierre ni non plus
les autres, pour faire passer en lui ton cœur ..."
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460> "Oh !
Maître, mais n'y suffis-tu pas ?"
"Moi, je suis le Maître auquel il ne dira pas tout. Tu es le
condisciple, beaucoup plus jeune, avec qui il est plus facile de s'ouvrir. Je
ne te dis pas de me répéter ce que lui te diras. Je hais les espions et les
délateurs, mais je te demande de l'évangéliser par ta foi et ta charité, par
ta pureté, Jean. C'est une terre que souillent des eaux stagnantes. Il faut
que le soleil de l'amour l'assainisse; que la purifie l'honnêteté des
pensées, des désirs, des œuvres; que la foi la cultive. Tu peux le faire."
"Si tu crois que je le puisse... Oh ! oui. Si Tu me dis que je peux
le faire, je le ferai. Par amour pour Toi."
"Merci, Jean."
70.6 – "Maître, tu as parlé de
Simon Pierre, et il me revient à l'esprit ce que je devais te dire d'abord.
Mais la joie de t'entendre me l’a fait oublier la pensée. De retour à
Capharnaüm depuis la Pentecôte, nous avons tout de suite trouvé la somme habituelle
de cet inconnu .
L'enfant
l'avait portée à ma Mère.
Je l'ai donnée à Pierre et lui me l'a rendue en me disant d'y puiser un peu
pour le retour et le séjour à Docco. Il m'avait dit de t'apporter le reste
pour tes possibles besoins... parce que Pierre pensait qu'ici tout ne serait
pas confortable... mais Toi, tu dis le contraire... Je n'ai pris que deux
deniers pour deux pauvres rencontrés près d'Éphraïm Pour le reste j'ai
vécu avec ce que m'avait donné ma mère et ce que m'ont donné de braves gens
auxquels j'avais annoncé ton Nom. Voici la bourse."
"Je la distribuerai demain aux pauvres. Ainsi Judas
apprendra nos habitudes."
"Ton cousin Jude
est venu ?
Comment a-t-il fait pour être si rapide ? Il était à Nazareth
et ne m'a pas parlé de partir ..."
"Non. Judas, c'est le nouveau disciple. Il est de Kérioth, mais tu l'as vu à Pâques, ici, le
soir de la guérison de Simon. Il était avec Thomas."
"Ah ! c'est lui ?" Jean est un peu interdit "C'est
lui. Et Thomas que fait-il ?"
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461> "Il a obéi à ton ordre en se
séparant de Simon le Cananéen et en allant le long de la mer à la rencontre
de Philippe et Barthélemy."
"Oui, je veux que vous vous aimiez sans
préférences, en vous aidant réciproquement, en vous faisant l'un à l'autre
bon visage. Personne n'est parfait, Jean. Ni les jeunes, ni les vieux. Mais
avec de la bonne volonté, vous atteindrez la perfection et ce qui vous
manquera, je le mettrai en vous. Vous êtes comme les fils d'une famille
sainte. Il y a en elle bien des caractères différents.
L'un est rude, l'autre doux, l'un est courageux, l'autre timide, l'un
impulsif, l'autre réservé. Si vous étiez tous pareils, il y en aurait un qui
s'imposerait par la force, et tous les autres en seraient amoindris. Ainsi,
au contraire, vous formez une union parfaite, parce que vous vous complétez
les uns les autres. L'amour vous unit, doit vous unir, pour la cause de
Dieu."
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164> "Et pour Toi,
Jésus."
"D'abord la cause de Dieu, et puis l'amour pour son Christ."
"Qu'est-ce que je suis, moi, dans notre famille ?"
"Tu es la paix aimante du Christ de Dieu.
70.7 – Es-tu fatigué, Jean ?
Veux-tu rentrer ? Moi, je reste à prier."
"Je reste aussi à prier avec Toi."
"Eh ! bien reste."
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