Qui était Marie d'Agréda ?
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Le chapitre "Naissance de Jésus Notre
Seigneur".
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Joseph et Marie trouvent refuge dans la
grotte. Ils la nettoient et l'aménagent avec l'aide des anges.
§ 469. 307> Le palais que le souverain Roi des
rois et le Seigneur des seigneurs avait préparé dans le monde pour loger son
Fils éternel incarné pour les hommes, était la pauvre et humble cabane ou
grotte dans laquelle la très-pure Marie et Joseph se retirèrent après avoir
été rebutés de ces mêmes hommes, sans en pouvoir obtenir le moindre
témoignage de compassion naturelle, comme il a été dit au chapitre précédent.
308> Ce lieu était si misérable, que; la
ville de Bethléem se trouvant si remplie d'étrangers qu'il n'y avait pas
assez d'hôtelleries pour les recevoir tous, il n'y eut pourtant personne qui
daignât s'en emparer parce qu'en effet il ne pouvait convenir et appartenir
qu'aux maîtres de l'humilité et de la pauvreté, notre Seigneur Jésus-Christ
et sa très-sainte Mère. Et c'est pourquoi la sagesse du Père éternel le leur
réserva, le consacrant, avec les ornements de la solitude et de la pauvreté,
comme le premier temple de la Lumière et la première maison du véritable
Soleil de justice (),
qui devait naître pour ceux qui ont le cœur droit, de Marie, resplendissante
aurore au milieu des ténèbres de la nuit (),
symbole de celles du péché, qui couvraient tout le monde.
§ 470. L'auguste Marie et Joseph
entrèrent dans cet asile qui leur avait été préparé, et, à la lumière que
répandaient les dix mille anges qui les accompagnaient, ils purent facilement
reconnaître avec une grande consolation et des larmes de joie qu'il était
pauvre et solitaire comme ils le souhaitaient. Aussitôt les deux saints
voyageurs se mirent à genoux, louèrent le Seigneur et lui rendirent des
actions de grâces pour ce bienfait, n'ignorant pas qu'il leur avait été
destiné par les secrets jugements de la sagesse éternelle. Notre divine
Princesse fut celle qui pénétra le plus ce grand mystère, parce qu'en
sanctifiant cette petite grotte par sa présence sacrée, elle sentit une
plénitude de joie intérieure qui éleva et vivifia tout son être. 309> Elle pria le Seigneur de récompenser
avec libéralité tous les habitants de la ville, qui lui avaient procuré, en
lui refusant l'hospitalité, un si grand bonheur que celui qu'elle attendait
dans cette pauvre cabane. Elle était pratiquée dans un rocher brut et
naturel, où l'art n'avait ménagé aucune commodité, de sorte que les hommes ne
la jugèrent propre qu'à y loger le bétail mais le Père éternel l'avait
choisie pour servir d'abri et de demeure à son propre Fils.
§ 471. Les esprits angéliques,
milice céleste qui gardait sa Reine, se rangèrent en ordre, comme pour monter
une garde d'honneur dans ce palais royal. Et, sous cette forme corporelle et
humaine qu'ils avaient prise, ils se manifestaient aussi à saint Joseph; car
il était convenable qu'il jouit dans cette occasion de cette faveur, tant
pour diminuer sa peine, en voyant ce pauvre réduit si bien orné et embelli
par les richesses du ciel, que pour soulager et animer son cœur, et l'élever
à la hauteur des événements que le Seigneur préparait cette nuit dans un lieu
si méprisé. La grande Reine du ciel, qui était informée du mystère qui devait
y être célébré, se résolut à nettoyer elle-même cette grotte qui devait
bientôt servir de trône royal et de propitiatoire sacré, afin de ne pas
perdre le mérite de cet exercice d'humilité, et de rendre à son Fils unique
un culte de respect : c'était tout ce qu'elle pouvait faire en cette
circonstance pour l'ornement de son temple.
§ 472. 310> Le saint
époux Joseph, attentif à la majesté de sa divine épouse, qu'elle-même
oubliait pour ainsi dire en vue de l'humilité, la supplia de ne pas le priver
de cet emploi, qui maintenant lui revenait; et la prévenant, il commença à
balayer et nettoyer tous les endroits de la grotte, sans qu'il pût néanmoins
empêcher notre humble Dame de le seconder. À leur tour les saints anges,
témoins pour ainsi dire confus dans leur forme humaine et visible, de cette
pieuse lutte de l'humilité de leur Reine, se hâtèrent avec une sainte
émulation d'aider à la besogne, ou, pour mieux dire, ils nettoyèrent en
très-peu de temps cette grotte, la mirent dans un état de propreté décente,
et la rendirent toute parfumée. Saint Joseph alluma du feu avec les petits
instruments dont il s'était muni à cet effet, Et comme le froid était grand,
ils s'en approchèrent pour recevoir quelque soulagement; ensuite ils
entamèrent pour souper les frugales provisions qu'ils avaient, et ce fut avec
une joie inexprimable, quoique la Reine de l'univers se trouvât à cette heure
si proche de ses divines couches, tellement absorbée dans le mystère, qu'elle
n'aurait rien. mangé, si ce n'eût été pour obéir à son époux.
Le moment de l'accouchement arrivant,
Joseph et Marie se mettent en oraison. Ils sont transportés en extase et pénètrent
le mystère de l'Incarnation.
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§ 473. Après avoir mangé, ils
rendirent grâces au Seigneur selon leur coutume. Ils employèrent quelques
instants à cette prière et à s'entretenir des mystères du Verbe incarné; mais
bientôt la très-prudente Vierge reconnut que ses très-heureuses couches
étaient fort proches. Elle engagea son époux Joseph à prendre quelque repos,
parce que la nuit était déjà bien avancée. 311> L'homme de Dieu obéit à son épouse, et la supplia
d'en faire autant; et pour lui en donner le moyen, il ajusta et garnit avec
les hardes qu'ils portaient une crèche assez large, pratiquée dans l'aire de
la grotte pour servir aux animaux qui s'y réfugiaient. Et, laissant l'auguste
Marie s'installer dans ce petit lit, il se retira dans un recoin de l'entrée,
où il se mit en oraison. Il y fut aussitôt visité de l'Esprit divin, et il
sentit une force aussi douce qu'extraordinaire qui le ravit en une extase où
lui fut montré tout ce qui arriva cette nuit dans la grotte fortunée; car il
demeura dans ce ravissement sans avoir aucun usage de ses sens, jusqu'à ce
que sa divine épouse l'appela. Et le mystérieux sommeil envoyé à saint Joseph
fut bien plus sublime et plus heureux que celui d'Adam dans le paradis ().
§ 474. La Reine des créatures
étant dans la crèche, fut au même moment excitée par une forte vocation du
Très-Haut et par une douce et efficace transformation, qui la transporta
au-dessus de tout ce qui est créé, et elle ressentit de nouveaux effets du
pouvoir divin; car cette extase fut une des plus rares et des plus admirables
de sa très-sainte vie. Bientôt elle s'éleva plus haut encore pour arriver à
la claire vision de la Divinité par de nouvelles lumières et par des
propriétés spéciales que le Seigneur lui accorda, dans le genre de celles que
j'ai fait connaître en d'autres rencontres. 312> Par ces dispositions le voile lui fut ôté, et elle
vit Dieu intuitivement, avec tant de gloire et de plénitude de science, que
ni les hommes ni même les anges ne sauraient ni l'exprimer ni le comprendre.
La connaissance des mystères de la divinité et de la très-sainte humanité de
son Fils qu'elle avait reçue dans les autres visions, lui fut renouvelée, et
elle découvrit d'autres secrets renfermés dans le sein de Dieu (),
cette source inépuisable. Je n'ai pas de termes assez forts pour rendre ce
que j'en ai appris par la divine lumière, car la grandeur et l'abondance de
la matière ne fait qu'affaiblir et amoindrir mes paroles.
§ 475. Le Très-Haut annonça à sa
Mère vierge qu'il était temps qu'il sortit de son sein virginal pour venir au
monde, et en quelle manière la chose devait s'accomplir. La très-prudente
Dame connut dans cette vision les sublimes raisons et les très-hautes fins
qui déterminaient des couvres si admirables et des mystères si profonds, tant
du côté du Seigneur qu'en ce qui regardait les créatures, pour qui
directement le tout était ordonné. Elle se prosterna devant le trône de la
Divinité, et lui rendant honneur, gloire, louanges et actions de grâces, en
son nom et en celui de toutes les créatures qui devaient reconnaître une
miséricorde si ineffable et une telle preuve de l'amour infini du Seigneur,
elle lui demanda une nouvelle lumière et une grâce spéciale pour opérer
dignement en tout ce qui concernait le service du Verbe incarné, qu'elle
devait bientôt recevoir entre ses bras et nourrir de son lait virginal. 313> La divine Mère fit cette demande avec
une très-profonde humilité, parce qu'elle comprenait la sublimité d'un
ministère aussi nouveau que l'était celui d'allaiter et de traiter comme mère
un Dieu fait homme, et parce qu'elle se jugeait indigne d'un tel office, dont
les plus hauts séraphins n'étaient pas capables de s'acquitter. La Mère de la
Sagesse ()
considérait et pesait toutes ces choses avec prudence et avec humilité. Et
c'est parce qu'elle s'abaissa jusqu'à la poussière, parce qu'elle s'anéantit
en la présence du Très-Haut ()
, que sa divine Majesté l'éleva, lui donna de nouveau le titre de sa propre
Mère, et lui commanda d'exercer cet office et ce ministère comme Mère
légitime et véritable, en le traitant comme Fils du Père éternel, mais en
même temps comme fils de ses entrailles. Tout cela pouvait bien être confié à
une telle Mère (),
et dans cette qualité je renferme tout ce que je ne puis expliquer par mes
paroles.
Marie resplendit de lumière et accouche
dans un ravissement. Jésus naît un dimanche à minuit.
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§ 476. La très-pure Marie jouit
plus d'une heure de cette vision béatifique, dont il plut à Dieu de la
gratifier immédiatement avant sa divine délivrance. Et au moment où elle en
sortait et reprenait ses sens, elle reconnut et vit que le corps de
l’Enfant-Dieu se remuait dans son sein virginal, se dégageant et prenant pour
ainsi dire congé de ce lieu naturel où il avait demeuré neuf mois, et qu'il
se préparait à sortir de ce sacré tabernacle. 314> Ce mouvement de l'enfant, non-seulement ne causa
point de douleur à la Vierge-Mère, comme il arrive aux autres filles d'Adam
et d'Ève lorsqu'elles enfantent ();
mais au contraire, il la renouvela toute dans les transports d'une joie
ineffable, de sorte que son âme et son très-chaste corps éprouvèrent des
effets si divins et si sublimes, qu'ils surpassent tout ce que l'entendement
créé peut concevoir. Son corps, resplendissant d'une beauté céleste, se
spiritualisa au point qu'elle ne paraissait plus une créature humaine et
terrestre. Son visage jetait des rayons de lumière comme un soleil brillant
de tout son éclat. Une majesté admirable était répandue sur toute sa
physionomie, et son cœur était enflammé d'un fervent amour de Dieu. Elle se
tenait à genoux dans la crèche, les yeux élevés au ciel, les mains jointes
contre la poitrine, l'esprit perdu dans la divinité qui la transformait.
C'est dans cet état, en sortant de ce divin ravissement, que notre
très-auguste Princesse donna au monde le Fils unique du Père et le sien (),
notre Sauveur, Jésus, Dieu et homme véritable, à l'heure de minuit, un jour
de dimanche, et en l'année de la création du monde que l'Église romaine
enseigne être cinq mille cent quatre-vingt-dix neuf, et il m'a été déclaré
que cette supputation est certaine et exacte.
§ 477. 315> Tous les
fidèles présupposent plusieurs autres circonstances miraculeuses de ce divin
accouchement; toutefois, comme elles n'eurent point d'autres témoins que la
Reine du ciel elle-même et ses courtisans, on ne peut pas les savoir toutes
en détail, excepté celles que le Seigneur a manifestées de diverses manières
à sa sainte Église en général ou en particulier à quelques âmes. Et comme il
y a, je crois, des opinions contraires sur ce sujet, qui est très-relevé et
de tout point vénérable, ayant déclaré à mes supérieurs qui me conduisent ce
que j'ai été chargée d'écrire sur ces mystères, ils m'ordonnèrent de les
approfondir de nouveau à la divine lumière, et de demander à la Princesse du
ciel, ma Mère et ma Maîtresse, et aux saints anges qui m'assistent et
résolvent les difficultés que je rencontre, quelques particularités dont
l'indication était nécessaire pour compléter le récit des couches sacrées de
Marie, Mère de Jésus notre Rédempteur ().
Et ayant obéi à cet ordre, je reçus les mêmes communications, et il me fut
déclaré que la chose arriva comme il suit.
Marie d'Agréda explique plus
précisément les circonstances de la naissance de Jésus.
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§ 478. À peine la Mère toujours
vierge fut-elle sortie de la vision béatifique dont je viens de parler, que
le Soleil de justice, le Fils du Père éternel et le sien, naquit d'elle,
radieux de beauté et de pureté, la laissant dans son intégrité virginale
toujours plus consacrée et plus divinisée (),
car il ne fit que passer sans aucune altération matérielle à travers les
parois du tabernacle immaculé, comme les rayons du soleil qui pénètrent une
glace de cristal sans l'ébrécher, et la rendent plus belle et plus éclatante.
316> Et avant que d'expliquer la manière
miraculeuse avec laquelle cela eut lieu, je dis que l'Enfant-Dieu naquit sans
cette membrane appelée secondine, qui
embarrasse les autres enfants à leur naissance et les enveloppe dans le sein
de leur mère. Je ne m'arrête point à expliquer comment a pu se répandre
l'erreur de l'opinion contraire. Il suffit de savoir et de présupposer qu'en
la génération du Verbe humanisé et en sa naissance, le puissant bras du
Très-Haut prit et choisit de la nature tout ce qui appartenait à la réalité
et à la substance de la génération humaine, afin qu'on pût véritablement dire
que le Verbe fait homme a été réellement conçu et engendré de la substance,
et est né vrai fils de sa mère toujours vierge. Quant aux autres conditions,
qui sont simplement accidentelles et non point essentielles à la génération
et à la naissance, on doit en écarter de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa
très-sainte Mère non-seulement celles qui proviennent du péché originel ou
actuel, ou qui s'y rattachent; mais encore beaucoup d'autres qui ne dérogent
point à la substance de la génération ou de la naissance, et qui renferment
dans les termes de la nature soit quelque chose d'impur, soit quelque chose
de superflu, qui n'était pas nécessaire pour qu'on pût appeler la Reine du
ciel, Mère véritable, et notre Seigneur Jésus-Christ son propre Fils, et
qu'on pût dire qu'il est né d'elle. En effet, ces suites du péché ou ces
opérations de la nature, n'étaient essentielles ni à la réalité de
l'incarnation humaine de l'Enfant-Dieu, ni à son office de Rédempteur et de
Maître, et tout ce que n exigeait pas l'accomplissement de ces trois fins, et
dont d'ailleurs l’exemption devait contribuer à la plus grande excellence de
Jésus-Christ et de sa très-pure Mère, il ne faut l'admettre ni pour l'un ni
pour l'autre. 317> Quant aux
miracles qui furent nécessaires pour cela, il n'y a pas lieu de les
marchander, ni avec l'auteur de la nature et de la grâce, ni avec celle qui
fut sa digne Mère, prévenue, ornée et toujours comblée de ses faveurs, car
la. droite du Tout-Puissant n'a cessé de l'enrichir en tout temps de grâces
et de dons, et a mis en elle tout ce qu'une simple créature était capable de
recevoir.
§ 479. En conséquence, il ne
dérogeait point à la qualité de mère véritable, que Marie demeurant toujours
vierge, fût vierge en concevant et en enfantant par l'opération du
Saint-Esprit. Sans doute la nature eût pu perdre ce privilège sans lui faire
commettre aucun péché; mais en ce cas la divine Mère eût été privée d'une si
rare et si particulière excellence : et pour qu'il n'en fût point ainsi, pour
que rien ne lui manquât, le pouvoir de son très-saint Fils lui accorda encore
cette grâce exceptionnelle. L'Enfant-Dieu eût pu naître aussi avec cette
tunique ou membrane qui enveloppe les autres enfants; mais cela n'était point
nécessaire pour qu'il naquît comme fils de sa mère légitime; et c'est pour
cette raison qu'il ne l'emporta point en sortant du sein virginal et
maternel; cet enfantement ne paya pas non plus à la nature les autres tributs
humiliants auxquels est assujetti celui de toutes les mères dans l'ordre
commun de la naissance. 318> Il n'était pas juste que le Verbe
humanisé passât par les lois communes des enfants d'Adam : au contraire, il
devait comme résulter du mode miraculeux de sa naissance, qu'il fût
privilégié et exempt de tout ce qui eût pu être matière de corruption ou d'une
moindre pureté; ainsi il ne fallait point que cette membrane ou secondine qui avait si intimement adhéré à son
très-saint corps, et qui était une partie du sang et de la substance de sa
mère, pût se corrompre hors du sein virginal; il n'était point non plus
convenable de la garder, ni qu'elle fût douée des qualités et des privilèges
que cet adorable corps reçut, pour sortir de celui de sa très-pure Mère, en
traversant son très chaste sein, comme je le dirai bientôt. Car le miracle
dont aurait dû être l'objet cette membrane sacrée, si elle fût sortie de ce
tabernacle vivant, pouvait bien mieux y être opéré en y restant, sans en
sortir.
§ 480. L'Enfant-Dieu naquit donc
de la très-pure , Marie exempt. de tous ces tributs. Il en sortit glorieux et
transfiguré, car la Sagesse infinie disposa et ordonna que la gloire de l'âme
très-sainte rejaillit sur le corps du divin Enfant au moment de sa naissance,
et qu'il participât des dons de gloire comme il arriva depuis sur le Thabor,
en présence des trois apôtres ().
Ce prodige ne fut pourtant pas nécessaire pour traverser le très-chaste sein
de la Mère, tout en le laissant intact dans son intégrité virginale; car Dieu
eût pu, sans ces dons, faire d'autres miracles, par lesquels l'enfant serait
né laissant sa mère toujours vierge, comme le disent les saints docteurs, qui
ne, connurent point d'autre mystère dans cette nativité. 319> Mais la volonté divine ordonna que la
bienheureuse Mère vit la première fois son Fils, Homme-Dieu, glorieux en son
corps; et cela pour deux fins. L'une, pour qu'à la vue de cet objet divin, la
très-prudente Vierge comprit avec quel profond respect elle devait traiter
son Fils, Dieu et homme véritable. Et quoiqu'elle en eût déjà été instruite,
le Seigneur disposa néanmoins que par ce moyen, comme expérimental, elle
reçût une nouvelle infusion de grâces, proportionnée à la connaissance
qu'elle acquérait par ses propres yeux de l'excellence divine de son
très-doux Fils, de sa majesté et de ses grandeurs. L'autre fin de ce prodige
fut de récompenser la fidélité et la sainteté de la divine Mère, de sorte que
ces yeux très-purs et très-chastes, qui s'étaient fermés à tout ce qui était
terrestre pour l'amour de son très-saint Fils; le vissent à l'instant même de
sa naissance avec une si grande gloire, et reçussent cette joie et ce prix de
leur inviolable pureté.
Saint Michel et saint Gabriel reçoivent
le corps de Jésus
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§ 481. L'évangéliste saint Luc dit
()
que la Mère Vierge ayant enfanté son Fils premier-né, l'enveloppa de langes
et le coucha dans une crèche. Et il ne déclare point qui le lui mit entre les
mains, récemment sorti de son sein virginal, parce que cela n'entrait point
dans le plan de son récit. Mais les deux princes saint Michel et saint
Gabriel furent chargés de cette mission; car comme ils assistaient au
mystère, sous une forme humaine et corporelle, à l'instant où le Verbe
incarné, traversant par sa propre vertu le très-chaste sein de Marie, vint au
monde, ils le reçurent entre leurs mains, à une distance convenable, et avec
une vénération sans égale; et en la manière que le prêtre expose la sacrée
hostie aux adorations du peuple, ainsi ces deux ministres célestes
présentèrent aux yeux de la divine Mère son Fils glorieux et resplendissant.
Tout cela se passa en fort peu de temps. Et au moment où les saints anges
présentèrent l'Enfant-Dieu à sa Mère, le Fils et la Mère se regardèrent
réciproquement, et dans ce regard elle blessa (?) le cœur du très-doux Enfant, et fut en même temps ravie et
transformée en lui ().
Et se trouvant entre les mains des deux princes célestes, le Roi de l'univers
dit à sa bienheureuse Mère : "Ma
Mère, devenez semblable à moi; car je veux, en échange de l'être humain que
vous m'avez donné, vous en donner dès aujourd'hui, par des grâces plus
sublimes, un autre tout nouveau, qui fasse, par une parfaite imitation,
ressembler une simple créature à moi qui suis Dieu et homme." La
très-prudente Mère répondit : "Attirez-moi,
Seigneur, et nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums." ()
320> Ici furent accomplis plusieurs mystères des
Cantiques; et l’Enfant-Dieu et sa Mère Vierge se livrèrent aux autres divins
colloques qui y sont rapportés, tels que ceux-ci : Mon bien-aimé est tout
à moi, et je suis toute à lui, et ses regards se tournent vers moi. Vous êtes
belle, ma bien-aimée, vos yeux sont des yeux de colombe; mon bien-aimé, c'est
vous qui êtes beau () !
Et tant d'autres, que, pour les citer, il faudrait étendre ce chapitre au
delà des justes bornes.
§ 482. En même temps que l'auguste
Marie entendait les paroles de la bouche de son bien-aimé Fils, les actes
intérieurs de son âme très-sainte unie à la Divinité lui furent découverts,
afin qu'elle devint semblable à lui en les imitant. Et ce fut le plus grand
bienfait que la très-fidèle et très-heureuse Mère reçût de son Fils homme et
Dieu véritable; non-seulement parce qu'il le lui continua dès ce jour-là
pendant toute sa vie, mais parce qu'il lui servit d'un exemplaire vivant sur
lequel elle modela la sienne avec toute la ressemblance qui était possible
entre une pure créature et le Verbe incarné. Aussitôt notre divine Mère
reconnut et sentit la présence de la très-sainte Trinité, et elle entendit la
voix du l'ère éternel qui disait "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en
qui je me plais uniquement" ().
Et la très-prudente Mère toute divinisée parmi des mystères si relevés,
répondit : "Père éternel, Dieu
infini, Seigneur et Créateur de l'univers, donnez-moi de nouveau votre
bénédiction, afin qu'avec elle je reçoive entre mes bras le Désiré de toutes
les nations ();
et apprenez à la fidèle esclave de votre divine volonté à s'acquitter malgré
son in dignité de l'office de mère." 321> Aussitôt elle entendit une voix qui lui disait :
"Recevez votre Fils unique,
imitez-le et allaitez-le; et sachez que vous devrez me le sacrifier quand je
vous le demanderai. Nourrissez-le comme mère, et honorez-le comme votre Dieu
véritable." La divine Mère répondit : "Voici l'ouvrage de vos divines mains,
ornez-moi de votre grâce, afin que votre Fils et mon Dieu m'agrée pour sa
servante; que fortifiée par votre grand Pouvoir, j'aie le bonheur de lui
rendre mon service agréable, et que je ne commette point une témérité si
humble créature je porte cuire mes mains, et je nourris de mon propre lait
mon Seigneur et mon Créateur."
L'action de grâce de Marie. Exhortation
aux hommes et joie dans le Ciel.
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§ 483. Ces entretiens si remplis
de mystères divins étant achevés, l'Enfant-Dieu suspendit le miracle, ou
plutôt, continua de nouveau celui qui ôtait à son très-saint corps les dons
de gloire, en les arrêtant dans son âme de sorte qu'il se montra tout à coup
en son être naturel et passible. Sa très-pure Mère le vit dans cet état, et
l'adorant en l'humble posture où elle était avec une très-profonde révérence,
elle le reçut des mains des saints anges. Et quand elle l’eut entre les
siennes, elle lui dit : "Mon
très-doux amour, lumière de mes yeux, être de mon âme; venez à la bonne heure
au monde, Soleil de justice ()!
322> Pour
bannir les ténèbres du péché et de la mort ().
Dieu véritable de Dieu véritable, rachetez vos serviteurs (),
et faites que toute chair voit Celui qui lui apporte le salut ().
Recevez votre servante à votre service, et suppléez à mon insuffisance.
Rendez-moi, mon très-cher Fils, telle que vous voulez que je sois envers vous."
Ensuite la très-prudente Mère offrit son Fils unique au Père éternel, et lui
dit : "Suprême Créateur de
l'univers, voici l'autel et voici le sacrifice agréable à vos yeux ().
Regardez maintenant le genre humain avec miséricorde; et quoique nous
méritions votre indignation, il est temps de l'apaiser en vue de votre Fils
et du mien. Que désormais la justice se repose, et que votre miséricorde se
magnifie; puisque c'est pour cela que le Verbe divin s'est revêtu de la
ressemblance de la chair du péché (),
et qu'il est devenu frère des mortels et des pécheurs ().
À ce titre je les reconnais pour mes enfants (),
et je prie pour eux du plus profond de mon cœur. Vous m'avez faite, Seigneur
Tout-Puissant, Mère de votre Fils unique, sans l'a voir mérité, car cette
dignité est au-dessus de tous les mérites des créatures; mais je dois en
partie aux hommes l'occasion qu'ils ont donnée à mon bonheur incomparable,
puisque c'est pour eux que je suis Mère du Verbe fait homme passible, et
Rédempteur de tous. Je ne leur refuserai ni mon amour, ni mes soins pour leur
procurer le remède. Agréez, Dieu éternel, mes désirs et mes prières pour tout
ce qui regarde votre bon plaisir et votre sainte volonté."
§ 484. 323> La Mère de
miséricorde s'adressa aussi à tous les mortels, et leur dit : "Que les affligés se consolent, que ceux
qui sont tombés se relèvent, que les craintifs se rassurent, que les morts
ressuscitent, que les justes et les saints se réjouissent, que les esprits
célestes reçoivent une nouvelle joie, que les prophètes et les patriarches
des limbes se raniment, et que toutes les générations louent et glorifient le
Seigneur qui a renouvelé ses merveilles. Venez, venez, pauvres;
approchez-vous, petits, sans crainte, car j'ai dans mes bras Celui qui
s'appelle Lion changé en un doux Agneau; le puissant devenu faible, et
l'invincible vaincu. Venez à la vie, cherchez le salut, approchez-vous du
repos éternel, car je le tiens pour tous; il se donnera gratuitement à vous ,
et je le communiquerai sans envie. O enfants des hommes, hâtez-vous, n'ayez
point le cœur appesanti ! Et vous, le doux bien de mon âme, permettez
que je reçoive de vous ce baiser
désiré de toutes les créatures ()."
À l'instant la très-heureuse Mère appliqua sa divine et très-chaste bouche à
faire de tendres et amoureuses caresses à l'Enfant-Dieu, qui les attendait
comme son fils véritable. Et le gardant dans ses bras, elle servit d'autel et
de sanctuaire où les dix mille anges adorèrent sous la forme humaine leur
Créateur fait homme. 324> Et comme la
très-sainte Trinité assistait d'une manière spéciale à la naissance du Verbe
incarné, le ciel se trouva comme privé de ses habitants, parce que tous les
citoyens de cette cité invisible se rendirent en l'heureuse grotte de
Bethléem, pour y adorer leur Créateur sous son costume étranger et nouveau ().
Et les saints anges entonnèrent à sa louange ce cantique jusqu'alors inouï :
"Gloire à Dieu au plus haut des
cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté" ();
et ils le redirent avec une très douce et très-agréable harmonie, ravis des
nouvelles merveilles qu'ils voyaient se réaliser, et de la prudence, de la
grâce, de l'humilité et de la beauté extraordinaire d'une jeune fille de
quinze ans, digne dépositaire et dispensatrice de tant de sublimes mystères ().
§ 485. Il était temps que la
très-prudente Dame appelât son très-fidèle époux Joseph, qui était, comme
j'ai dit, plongé dans une extase divine où lui furent révélés tous les
mystères de l'enfantement sacré qui furent célébrés en cette nuit. En effet,
il était convenable qu'il vit et touchât par les sens corporels le Verbe
humanisé, qu'il lui offrit son culte et ses adorations plus tôt qu'aucun
autre des mortels, puisqu'il était le seul choisi entre tous pour être le
dispensateur fidèle d'un mystère si sublime. Il sortit de cette extase par le
moyen de la volonté de sa divine épouse; et, revenu à lui-même, le premier
objet qu'il aperçut, ce fut l'Enfant-Dieu entre les bras de sa Mère Vierge,
appuyé sur son sein et sur son visage sacrés. 325> C'est là qu'il l'adora avec la plus profonde
humilité, ému jusqu'aux larmes. Il lui baisa les pieds avec une nouvelle joie
et avec une admiration telle, qu'elle lui eût arraché la vie si une vertu
divine ne la lui eût conservée; il eût au moins perdu l'usage de ses sens, si
Dieu n'eût voulu qu'il pût s'en servir dans cette occasion. Après que saint
Joseph eut adoré l'Enfant, la très-prudente Mère demanda à son Fils la
permission de s'asseoir (car elle était restée jusqu'alors à genoux); et le
saint lui donnant les langes qu'ils avaient apportés, elle l'en enveloppa ()
avec une révérence, une dévotion et un soin incomparables. Lorsqu'il fut
ainsi emmailloté, la très-sainte Mère, avec une sagesse divine, le coucha
dans la crèche, comme le dit l'évangéliste saint Luc, en mettant quelque peu
de paille et de foin sur une pierre, pour placer plus commodément le Verbe
incarné dans le premier lit qu'il eut sur la terre hors des bras de sa Mère.
Bientôt un bœuf accourut (par la volonté divine) en toute hâte des champs
voisins; il entra clans la grotte et se joignit au petit âne qui avait porté
notre auguste Reine. Et elle leur commanda d'adorer et de reconnaître leur
Créateur avec le respect que pouvaient témoigner des êtres irraisonnables.
Les humbles animaux obéirent au commandement de leur Maîtresse; ils se prosternèrent
devant l’Enfant; ils le réchauffèrent de leur haleine, et lui rendirent le
service que les hommes lui avaient refusé. 326> Ainsi Dieu fait homme fut enveloppé de langes et
couché dans la crèche entre deux animaux : et c'est alors que fut accomplie
miraculeusement la prophétie conçue en ces termes : "Le bœuf connut
celui à qui il appartenait, et l'âne la crèche de son Maître; mais Israël ne
le connut point, et son peuple était sans entendement" ().
Instruction que je reçus de la Vierge
Marie
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§ 486. Ma fille, si les mortels avaient le
cœur débarrassé et le jugement sain pour considérer dignement ce grand
mystère de piété que le Très-Haut a opéré pour eux, le souvenir qu'ils en auraient
suffirait pour les faire entrer dans le chemin de la vie et les porter à
l'amour de leur Créateur et de leur Rédempteur. Car les hommes étant capables
de raison, s'ils en. usaient avec la dignité et la liberté qu'ils doivent,
qui d'entre eux serait si insensible et si endurci que de ne pas s'attendrir
à la vite de son Dieu humanisé et humilié au point de naître pauvre, méprisé,
inconnu, dans une crèche, entre des bêtes brutes, sans autre secours humain
que celui d'une Mère pauvre et rebuté par la folie et l'arrogance du monde? 327> Avec la connaissance d'une si haute
sagesse et d'un mystère si sublime, qui pousserait la témérité jusqu'à aimer
la vanité et jusqu'à se livrer à l'orgueil, que le Créateur du ciel et de la
terre abhorre et condamne par son exemple? On ne pourrait non plus avoir
horreur de l'humilité, de la pauvreté, du dénuement, que le Seigneur lui-même
a aimés et choisis pour, lui enseigner le véritable moyen d'acquérir la vie
éternelle. Il y en a fort peu qui s'arrêtent à considérer cette vérité et cet
exemple; et par une si noire ingratitude, il y en a également peu qui
obtiennent le fruit de mystères si augustes.
§ 487. Mais si mon très-saint Fils
s'est montré si bon et si libéral envers vous en vous éclairant de la
connaissance de tant de faveurs admirables qu'il a faites au genre humain,
vous devez, ma très-chère fille, bien considérer vos obligations, et peser
comment et combien vous devez agir par la lumière que vous recevez. Et, pour
vous faire correspondre à ce devoir, je vous exhorte de nouveau d'oublier
tout ce qui est terrestre, de le perdre de vue, de ne désirer et de
n'accepter du monde autre chose que ce qui peut vous en éloigner et vous
cacher à ses habitants; afin qu'ayant le cœur libre et dépouillé de toutes
les affections terrestres, vous vous disposiez à y célébrer les mystères de
la pauvreté, de l'humilité et de l'amour de votre Dieu humanisé. Apprenez
avec quel honneur, quelle crainte et quel respect vous devez le traiter, par
l'exemple que je vous ai donné quand je le tenais entre mes bras : 328> vous pratiquerez ces leçons quand vous
le recevrez dans votre sein par la participation au vénérable sacrement de
l'Eucharistie, où réside le même Dieu et homme véritable qui naquit de mes
entrailles. Dans cet auguste sacrement, vous le, recevez et vous le possédez
véritablement d'une manière si intime, qu'il se trouve en vous avec la même
réalité que je l'avais et que je le portais, quoique sous une forme
différente.
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