Le mardi 24 septembre
1946.
11> 501.1 – Une belle matinée d'automne. À
part les feuilles jaunes rouges qui couvrent le sol et rappellent la saison,
l'herbe est si verte avec quelques fleurs qui sortent des buissons qui ont
repris vie avec les pluies d'octobre, si serein l'air qui circule à travers
les branches déjà en partie dépouillées, que cela fait penser à un début de
printemps, d'autant plus que les arbres à feuilles persistantes, qui se mêlent aux arbres à feuilles caduques, mettent une note de gaieté
avec leurs nouvelles feuilles de couleur émeraude qui ont poussé au bout des
branches, près des branches dépouillées des autres arbres, et elles semblent
ainsi sortir leurs premières feuilles. Les brebis sortent des enclos et se
dirigent en bêlant vers les pâturages avec les agneaux des portées d'automne.
L'eau d'une fontaine, qui se trouve au début du village, brille comme du
diamant liquide sous le baiser du soleil et, en retombant dans un sombre
bassin, elle produit un scintillement multicolore contre une maisonnette dont
le temps a noirci les murs.
Jésus
est assis sur un muret qui d'un côté borde le chemin, et il attend. Les siens
l'entourent et aussi les habitants du village, alors que les bergers que
leurs troupeaux obligent à ne pas trop s'écarter, au lieu de monter plus
haut, se répandent sur les deux côtés de la route vers la plaine.
De la route qui de la vallée monte au Nébo, pour le moment, il ne vient
personne.
"Il viendra ?" demandent les apôtres.
"Il viendra et nous allons l'attendre. Je ne veux pas décevoir une
espérance qui se forme et détruire une foi future" répond Jésus.
"N'êtes-vous pas bien parmi nous ? Nous avons donné ce que nous avions
de meilleur" dit un vieillard qui se chauffe au soleil.
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12> "Mieux qu'ailleurs, père. Et
Dieu récompensera votre bonté" lui répond Jésus.
"Alors, parle-nous encore. Ici, il vient parfois des pharisiens zélés et
des scribes orgueilleux. Mais ils n'ont rien à nous dire. C'est juste. Élevés
au-dessus de... tout, ils sont les séparés
et les sages. Nous... Mais alors nous, nous devons rien
savoir, parce que le sort nous a fait naître ici ?"
"Dans la Maison de mon Père, il n'y a pas de
séparations ni de différences pour ceux qui arrivent à croire en Lui et à
pratiquer sa Loi qui est le code de sa volonté, pourvu que l'homme vive en
juste pour avoir une récompense éternelle dans son Royaume.
501.2 – Écoutez.
Un père avait plusieurs fils. Certains avaient toujours vécu en contact
étroit avec lui, d'autres, pour diverses raisons, avaient été relativement
plus éloignés de leur père. Mais pourtant, connaissant les désirs paternels,
malgré leur éloignement, ils pouvaient agir comme s'il avait été présent.
D'autres encore étaient encore plus éloignés, et depuis le premier jour de
leur naissance, élevés au milieu de serviteurs qui parlaient d'autres langues
et avaient d'autres usages, ils s'efforçaient de servir le père suivant le peu que, par instinct plutôt que par science, ils savaient devoir
être agréable à leur père. Un jour le père, qui n'ignorait pas comment,
malgré ses ordres, ses serviteurs s'étaient abstenus de faire connaître les
pensées du père à ceux qui étaient loin, parce que dans leur orgueil ils les
considéraient comme inférieurs, non aimés seulement parce qu'ils ne
cohabitaient pas avec le père, voulut rassembler toute sa descendance. Et il
l'appela à lui. Eh bien, croyez-vous qu'il ait jugé selon le droit humain en
donnant la possession de ses biens à ceux seulement qui étaient toujours
restés dans sa maison, ou trop peu éloignés pour être empêchés de connaître
ses ordres et ses désirs ? Lui, au contraire, suivit une toute
autre manière de juger. Observant les actions de ceux qui avaient été justes
par amour du père qu'ils connaissaient seulement de nom et qu'ils avaient
honoré par toutes leurs actions, il les appela près de lui pour leur dire :
"Vous avez double mérite d'être justes puisque vous l'avez été par votre
seule volonté et sans être aidés. Venez m'entourer. Vous en avez bien le
droit ! Les premiers m'ont toujours possédé et toutes leurs actions étaient
réglées par mes conseils et récompensées par mon sourire.
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13> Vous, vous avez dû agir seulement
par foi et par amour. Venez, car dans ma maison votre place est prête, et
prête depuis longtemps, et à mes yeux ce qui constitue la différence ce n'est
pas d'avoir toujours été de la maison ou d'en avoir été loin mais ce qui fait
la différence ce sont les actions que, près ou loin de moi, mes fils ont accomplies".
C'est la parabole et voici son explication : les scribes ou les pharisiens,
qui vivent autour du Temple, peuvent au Jour éternel n'être pas dans la
Maison de Dieu et beaucoup qui sont assez loin pour ne connaître que
succinctement les choses de Dieu, pourront être alors dans son Sein. Car ce
qui donne le Royaume,
c'est la volonté de l'homme tendue vers l'obéissance à Dieu et non un amas de
pratiques et de science.
Faites donc ce que je vous ai expliqué hier. Faites-le sans la crainte
excessive qui paralyse, faites-le sans compter d'éviter ainsi le châtiment.
Faites-le donc seulement par amour pour Dieu qui vous a créés pour vous aimer
et être aimé de vous. Et vous aurez une place dans la Maison
paternelle."
501.3 – "Oh ! parle-nous encore
!"
"Que dois-je vous dire ?"
"Tu disais hier qu'il y a des sacrifices
plus agréables à Dieu que celui des agneaux et des béliers, et aussi qu'il y
a des lèpres plus honteuses que celles de la chair. Je n'ai pas bien compris
ta pensée" dit un berger et il termine : "Avant qu'un
agneau ait un an et qu'il soit le plus beau du troupeau, sans tache et sans défauts, sais-tu combien de sacrifices il
faut faire et combien de fois il faut vaincre la tentation d'en faire le
mouton du troupeau ou de le vendre comme tel ? Or si pendant un an on résiste
à toute tentation et si on le soigne et si on s'attache à lui, perle du
troupeau, sais-tu comme est grand le sacrifice de l'immoler sans profit et
avec douleur ? Peut-il y avoir un sacrifice plus grand à offrir au Seigneur
?"
"Homme, je te dis en vérité que le sacrifice ne réside pas dans
la bête immolée, mais dans l'effort que tu as fait pour la garder pour
l'immolation. En vérité je vous dis qu'il va venir le jour où, comme le dit
la parole inspirée,
Dieu dira : "Je n'ai pas besoin du sacrifice des agneaux et des
béliers" et Il exigera un sacrifice unique et parfait, et à dater de
cette heure, tout sacrifice sera spirituel.
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14> Mais on a dit déjà depuis des
siècles quel sacrifice préfère le Seigneur. David s'écrie en pleurant :
"Si tu avais désiré un sacrifice je te l'aurais offert, mais les
holocaustes ne te plaisent pas. Le sacrifice à Dieu, c'est l'esprit contrit (et
Moi j'ajoute : obéissant et affectueux, car on peut accomplir aussi un
sacrifice de louange, de joie et d'amour et non seulement d'expiation). Le
sacrifice à Dieu, c'est l'esprit brisé, le cœur contrit et humilié, Toi, ô
Dieu, tu ne le méprises pas" .
Non, II ne méprise pas non plus le cœur qui a péché et s'est humilié, votre
Père. Et alors comment accueillera-t-il le sacrifice du cœur pur, juste, qui
l'aime ? Voilà le sacrifice le plus agréable : le sacrifice quotidien de
la volonté humaine à la volonté divine, qui se montre dans la Loi, les
inspirations et dans les événements journaliers. Et aussi, ce n'est pas la
lèpre de la chair la plus honteuse et qui exclut de la vue des hommes et des
lieux de prière, mais c'est la lèpre du péché. Il est vrai qu'elle passe bien
souvent ignorée des hommes. Mais vivez-vous pour les hommes ou pour le
Seigneur ? Est-ce que tout se termine ici, ou bien continue dans l'autre vie
? Vous le savez. Et alors soyez saints pour n'être pas lépreux aux yeux de
Dieu qui voit le cœur des hommes, et gardez-vous purs dans votre esprit pour
pouvoir vivre éternellement."
"Et si quelqu'un a gravement péché ?"
"Qu'il n'imite pas Caïn, qu'il n'imite pas Adam et Eve, mais qu'il coure
aux pieds de Dieu et qu'avec un vrai repentir il Lui demande pitié. Un
malade, un blessé, va au médecin pour guérir. Qu'un pécheur aille à Dieu pour
avoir son pardon. Moi..."
501.4 – "Toi ici, Maître ?"
crie quelqu'un qui monte par le chemin, tout enveloppé dans son
manteau au milieu de plusieurs autres.
Jésus se retourne pour le regarder.
"Tu ne me reconnais pas ? Je suis le rabbi Sadoq. De temps à autre nous nous
rencontrons."
"Le monde est toujours petit quand Dieu veut que deux personnes se rencontrent.
Nous nous rencontrerons encore, rabbi. En attendant, que la paix soit avec
toi."
L'autre ne rend pas le salut de paix, mais il demande :
"Que fais-tu ici ?"
"Ce que tu vas faire, j'ai fait. Cette montagne n'est-elle pas sacrée
pour toi ?"
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15> "Tu l'as dit, et j'y viens
avec mes disciples. Mais moi, je suis un scribe !"
"Et Moi, je suis un fils de la Loi. Je vénère donc Moïse comme tu le
vénères."
"C'est un mensonge. Tu annules sa parole avec la tienne et tu prétends
que l'on obéisse à Toi, non plus à nous."
"A vous, non. L'obéissance à votre égard n'est pas
nécessaire..."
"Elle n'est pas nécessaire ? Horreur !"
"Non, pas plus que ne sont nécessaires dans ton vêtement, pour te garder
de l'air automnal, les zizits flottants et nombreux qui ornent
ton vêtement. C'est ton vêtement qui te protège. Ainsi en est-il des
nombreuses paroles que l'on enseigne, Moi j'accepte celles qui sont
nécessaires et saintes, celles de Moïse, et je ne m'occupe pas des
autres."
"Samaritain ! Tu ne crois pas aux prophètes !"
"Les prophètes, vous non plus vous ne les observez pas. Si vous les
observiez, vous ne me diriez pas samaritain."
"Mais laisse-le, Sadoc. Veux-tu parler avec un démon ?" dit un
autre pèlerin qui arrive avec d'autres personnes.
Puis, en tournant son dur regard sur le groupe qui entoure Jésus, il voit Judas de Kérioth
et le salue en se moquant.
501.5 – Peut-être arriverait-il quelque
incident car les gens du village veulent défendre Jésus. Mais voilà qu'en
criant se fraie un chemin l'homme de Pétra
suivi d'un serviteur. Lui et le serviteur ont un enfant dans les bras.
"Laissez-moi passer. Seigneur, je me suis trop fait attendre ?"
"Non, homme, viens vers Moi."
Les gens s'écartent pour le laisser passer. Il vient à Jésus et il
s'agenouille pour déposer par terre une fillette dont la tête est bandée de
lin. Le serviteur l'imite en mettant par terre un garçon aux yeux éteints.
"Mes enfants, Maître Seigneur !" dit-il, et dans cette
courte phrase, tremble toute la souffrance et l'espérance d'un père.
"Tu as eu beaucoup de foi, homme. Et si je t'avais déçu ? Si tu ne
m'avais pas trouvé ? Si je te disais que je ne puis les guérir ?"
"Je ne te croirais pas. Je ne croirais même pas à l'évidence de ne pas
te voir. Je dirais que tu t'es caché pour éprouver ma foi et je te
chercherais jusqu'à ce que je te trouve".
"Et la caravane ? Et ton gain ?"
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16> "Ces choses ? Et que
sont-elles par rapport à Toi qui peux guérir mes enfants et me donner une foi
pleine d'assurance en Toi ?"
501.6 – "Découvre le visage de la
fillette" ordonne Jésus.
"Je le garde couvert car elle souffre beaucoup de la lumière."
"Ce ne sera qu'un moment de souffrance" dit Jésus.
Mais la petite se met à pleurer désespérément et ne veut pas qu'on enlève la
bande.
"C'est qu'elle croit que tu vas la tourmenter avec le feu, comme les
médecins" explique le père qui se débat pour enlever de dessus la bande
les menottes de la fillette.
"Oh ! Ne crains pas, fillette. Comment t'appelles-tu ?".
La petite pleure et ne répond pas. Le père répond pour elle :
"Tamar,
du lieu où elle est née. Et le garçon, Fara."
"Ne pleure pas, Tamar. Je ne te fais pas mal. Tu sens mes mains :
je n'ai rien dans les doigts. Viens sur mes genoux. En attendant je vais
guérir ton frère et lui te dira ce qu'il a éprouvé. Viens ici, petit."
Le serviteur Lui pousse près de ses genoux le pauvre
petit aveugle, aux yeux éteints par le trachome .
Jésus le caresse sur la tête et lui demande :
"Sais-tu qui je suis ?"
"Jésus le Nazaréen, le Rabbi d'Israël, le Fils
de Dieu."
"Veux-tu croire en Moi ?"
"Oui."
Jésus lui met la main sur les yeux en lui couvrant plus de la moitié du
visage. Il dit :
"Je le veux ! Et que la lumière des pupilles ouvre le chemin à la
lumière de la Foi."
Il enlève sa main. L'enfant pousse un cri en portant les mains à ses yeux, et
puis il dit :
"Père ! Je vois !"
Mais il ne court pas vers son père. Dans sa spontanéité enfantine, il
s'attache au cou de Jésus et Lui dépose un baiser sur les joues et il reste
ainsi, attaché à son cou, avec sa petite tête qui se réfugie sur l'épaule de
Jésus pour réhabituer ses pupilles au soleil. La foule crie au
miracle pendant que le père voudrait bien enlever l'enfant du cou de Jésus.
"Laisse-le. Il ne m'ennuie pas. Seulement, Fara, dis à ta sœur ce
que je t'ai fait."
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17> "Une caresse, Tamar. Comme la
main de maman. Oh ! sois guérie toi aussi, et nous jouerons encore !"
501.7 – La fillette, avec encore un
peu d'hésitation, se fait mettre sur les genoux de Jésus qui voudrait la
guérir sans même toucher la bande. Mais les scribes et leurs compagnons se
mettent à crier :
"C'est un truc : la fillette y voit. Un coup monté pour abuser de votre
bonne foi, ô habitants d'ici."
"Ma fille est malade. Moi..."
"Laisse-les. Toi, maintenant, Tamar, sois gentille et laisse-moi
t'enlever les bandes."
La fillette, convaincue, laisse faire. Quel spectacle, quand tombe la
dernière bande ! Deux plaies rouges, croûteuses, enflées, occupent la place
des yeux et il en coule des larmes et du pus. Les gens font entendre un
murmure d'horreur et de pitié alors que la fillette porte ses menottes à son
visage pour se mettre à l'abri de la lumière qui doit la faire souffrir
horriblement. Sur les tempes rougissent de récentes brûlures.
Jésus écarte les petites mains et il
effleure légèrement cette ruine en y appuyant la main et en disant :
"Père, qui as créé la lumière pour la joie des vivants, et qui as donné
des pupilles même aux moucherons, rends la lumière à cette créature qui est
tienne pour qu'elle te voie et croie en Toi, et que de la lumière de la Terre
elle entre par la Foi dans la lumière de ton Royaume."
Il enlève sa main...
"Oh !" crient tous les gens.
Il n'y a plus de plaies, mais la petite garde les yeux fermés.
"Ouvre-les, Tamar. Ne crains pas. La lumière ne te fera pas mal".
La fillette obéit, un peu craintive et, en ouvrant ses paupières, elle
découvre deux petits yeux noirs bien vifs.
"Mon père ! Je te vois !"
Et elle aussi s'abandonne sur l'épaule de Jésus pour s'habituer lentement à
la lumière.
La foule est en émoi alors que l'homme de Pétra se jette aux pieds de Jésus
en sanglotant de joie.
"Ta foi a eu sa récompense. Dorénavant que ta reconnaissance porte ta
foi dans l'Homme à une plus haute sphère : à la foi dans le vrai Dieu.
Lève-toi et partons."
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18> Jésus met à terre la fillette qui
sourit de bonheur, et se sépare du garçon en se levant. Il
les caresse encore et voudrait fendre le cercle des gens qui l'entourent pour
voir les yeux guéris.
501.8 – "Tu devrais demander la
guérison toi aussi pour tes yeux voilés" dit un disciple à un vieil
homme que l'on conduit par la main, tant il a la vue brouillée.
"Moi ?! Moi ?! Je ne veux pas avoir la lumière d'un démon. Au contraire,
je crie vers toi, ô Dieu éternel ! Écoute-moi. À moi ! À moi, les ténèbres
absolues ! Mais que je ne voie pas le visage du démon, de ce démon, de ce
sacrilège, de cet usurpateur, de ce blasphémateur, de ce déicide ! Que
tombent les ombres sur mes yeux pour toujours. Les ténèbres, les ténèbres
pour ne pas le voir, jamais, jamais, jamais !"
On dirait un démon lui ! Dans son paroxysme, il se frappe les orbites comme
s'il voulait faire éclater ses yeux.
"Ne crains pas. Tu ne me verras pas.
Les Ténèbres
ne veulent pas de la Lumière et la Lumière ne s'impose pas à celui qui la
repousse. Je m'en vais, Ô vieil homme. Tu ne me verras plus sur la Terre.
Mais tu me verras tout de même ailleurs."
Et Jésus, avec un abattement qui accentue la démarche particulière des gens
de haute taille, légèrement penchée en avant, se met en route par la
descente. Il est si abattu qu'il semble déjà le Condamné qui descend le
Moriah chargé de la Croix... Et les cris des ennemis, excités par le vieil
homme furieux, ressemblent beaucoup aux cris de la foule de Jérusalem le
Vendredi Saint.
L'homme de Pétra, mortifié, avec sa fillette qui pleure effrayée dans ses
bras, murmure :
"Pour moi Seigneur ! À cause de moi ! Toi, tant d'amour pour moi ! Et
moi pour Toi ! J'ai mis dans la tente sur le chameau des choses pour Toi.
Mais que sont-elles à côté des insultes que je t'ai procurées ? J'ai honte
d'être venu à Toi..."
"Non, homme. C'est mon pain amer de chaque jour, et tu es le miel qui
l'adoucit. De pain, il y en a toujours plus que de miel, mais il suffit d'une
goutte de miel pour rendre doux beaucoup de pain."
"Tu es bon... Mais dis-moi au moins ce que je dois faire pour soigner
ces blessures."
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19> "Garde la foi en Moi. Pour le
moment, comme tu le peux et autant que tu le peux. D'ici peu... Oui, mes
disciples viendront jusqu'à Pétra et au-delà. Alors suis leur doctrine car
c'est Moi qui parlerai en eux. Et pour le moment, parle à ceux de Pétra de ce
que j'ai fait pour toi. Ainsi, quand ceux qui m'entourent, et d'autres,
viendront en mon Nom, que mon Nom ne leur soit pas inconnu."
501.9 – En bas de la descente, sur la
voie romaine, sont arrêtés trois chameaux. L'un avec seulement la
selle, les autres avec un baldaquin. Un serviteur les surveille.
L'homme va à une tente et y prend des paquets :
"Voilà, dit-il, en les offrant à Jésus. Ils te seront utiles. Ne me
remercie pas. C'est moi qui dois te bénir pour ce que tu m'as donné. Si tu
peux le faire pour des incirconcis, bénis-moi, avec mes enfants, ô Seigneur
!"
Et il s'agenouille avec les enfants. Les serviteurs l'imitent. Jésus étend
les mains et prie à voix basse, les yeux fixés au Ciel.
"Va ! Sois juste et tu trouveras Dieu sur ton chemin et tu le suivras
sans plus le perdre. Adieu, Tamar ! Adieu, Fara !"
Il les caresse avant qu'ils montent avec les serviteurs, un par chameau. Les
bêtes se lèvent au crrr, crrr des chameliers et ils se tournent pour aller au
trot par le chemin qui va vers le sud. Deux petites mains brunes se penchent
à travers les rideaux et on entend deux voix enfantines :
"Adieu, Seigneur Jésus ! Adieu, père !"
L'homme va monter à son tour. Il se penche jusqu'à terre et il baise le
vêtement de Jésus, puis il monte en selle et part vers le nord.
"Et maintenant, allons" dit Jésus en se dirigeant à son tour vers
le nord.
"Comment ? Tu ne vas plus où tu voulais ?" demandent les apôtres.
"Non. Nous ne pouvons plus aller !... Les voix du monde avaient raison
!... Et cela parce que le monde est astucieux et connaît les œuvres du
démon... Nous allons à Jéricho..."
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