Le vendredi 10 mai
1946
16/17> 434.1 - Le
rustique foyer de l'atelier est allumé, après tant de temps qu'il ne servait
plus. L'odeur de la colle qui bout dans un récipient se mêle à l'odeur
caractéristique de la sciure et des rubans qui viennent d'être faits ou qui
tombent encore au pied de l'établi.
Jésus travaille avec entrain pour transformer des planches avec la scie et la
raboteuse, en pieds de chaises, en tiroirs et autres objets. Des meubles, les
modestes meubles de la petite maison de Nazareth, ont été apportés dans
l'atelier. La huche qui a besoin d'être réparée, un des métiers de Marie,
deux tabourets, une échelle de jardin, un petit coffre et la porte
du four, je crois, rongée en bas peut-être par les rats.
Jésus travaille à réparer ce que l'usage
et la vétusté ont abîmé. Thomas,
de son côté, avec tout un outillage de petits instruments d'orfèvre, qu'il a
certainement sorti de son sac qui se trouve sur sa couchette qui comme celle
du Zélote
est contre le mur, travaille d'une main légère sur des
feuilles d'argent. Les coups de son petit marteau sur le burin produisent un
son argentin qui se fond dans le bruit plus fort des instruments de travail
dont se sert Jésus.
De temps à autre, ils échangent quelques mots et Thomas est si heureux d'être
là avec le Maître et à son travail d'orfèvre - et en effet il le dit - que
dans les pauses du dialogue, il sifflote tout doucement. De temps en temps,
il lève les yeux et réfléchit. L'air absorbé, il fixe les murs enfumés de la
pièce.
Jésus le remarque et lui dit :
"Tu tires l'inspiration de ces murs noircis, Thomas ? Il est vrai
que ce qui leur a donné cet aspect, c'est le long travail d'un juste, mais il
ne me semble pas que cela puisse donner des motifs à un orfèvre..."
"Non, Maître, en fait un orfèvre ne peut, avec un riche métal, rendre la
poésie de la sainte pauvreté... Pourtant il peut avec son métal imiter les
belles choses de la nature et ennoblir ainsi l'or et l'argent en reproduisant
avec eux les fleurs, les feuilles qui existent dans la création. Moi, c'est à
ces fleurs, à ces feuilles que je pense et pour m'en rappeler l'aspect, je
m'immobilise ainsi, les yeux tournés vers les murs, mais ce que je vois en
réalité ce sont les bosquets et les prairies de notre patrie, les feuilles
légères, les fleurs qui ressemblent à des coupes ou à des étoiles, le port
des tiges et des feuillages..."
"Tu es un poète, alors, un poète qui chante dans le métal ce que chante
un autre en écrivant sur le parchemin."
"Oui. En effet l'orfèvre est un poète qui inscrit sur le métal les
beautés de la nature, mais notre travail, artistique et beau, ne vaut pas le
tien qui est humble et saint, car le nôtre sert à la vanité des riches, alors
que le tien sert à la sainteté de la maison et à l'utilité des pauvres."
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18> "Tu parles
bien, Thomas" dit le Zélote, qui se montre sur le seuil qui donne sur le
jardin, en vêtement court, les manches retroussées, avec, par devant, un
vieux tablier, et à la main un pot de peinture.
Jésus et Thomas se retournent pour le regarder en souriant. Et Thomas
répond :
"Oui, je dis bien. Pourtant je veux que pour une fois le travail de l'orfèvre serve à orner une... chose bonne,
sainte..."
"Quoi ?"
"Un secret. Il y a si longtemps que j'y pense. Depuis que nous avons été
à Rama
que je porte avec moi un petit outillage d'orfèvre en attendant ce moment...
434.2 - Et
ton travail, Simon ?"
"Oh ! moi, je ne suis pas un parfait artiste comme toi, Thomas.
C'est la première fois que je tiens un pinceau dans les mains et mes
peintures sont imparfaites bien que j'y mette toute ma bonne volonté. Aussi
j'ai commencé par les endroits les plus... humbles... pour me faire la main
... et je t'assure que ma maladresse a fait rire de bon cœur la fillette.
Mais j'en suis content ! Elle renaît d'heure en heure à une vie sereine
et il faut cela pour effacer le passé et la rendre toute nouvelle pour Toi, Maître."
"Hé ! mais peut-être Valeria
ne cédera pas..." dit Thomas.
"Oh ! que veux-tu que cela lui importe de l'avoir ou non ? Si
elle la gardait, c'était pour ne pas la laisser perdue dans le monde et
sûrement ce serait bien que la fillette fût sauvée pour toujours et en tout,
pour l'esprit surtout. N'est-ce pas, Maître ?"
"C'est vrai. Il faut beaucoup prier pour cela. Cette créature est simple
et réellement bonne et, élevée dans la Vérité, elle pourrait donner beaucoup.
Elle tend instinctivement à la Lumière."
"Bien sûr ! Elle n'a pas de réconfort sur la Terre... et elle le
cherche au Ciel, la malheureuse ! Moi, je crois que quand ta Bonne
Nouvelle pourra être annoncée par le monde, les premiers à l'accueillir et
les plus nombreux seront justement les esclaves, ceux qui n'ont aucun
réconfort humain et se réfugieront dans tes promesses pour le trouver... Et
je dis que s'il me revient justement l'honneur de t'annoncer, j'aurais un
amour spécial pour ces malheureux..."
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19> "Et tu feras bien,
Thomas" dit Jésus.
"Oui. Mais comment les approcheras-tu ?"
"Oh ! Je serai orfèvre pour les dames et... maître pour leurs
esclaves. Un orfèvre entre dans les maisons des riches ou leurs serviteurs
viennent dans sa maison... et je travaillerai... Deux métaux : ceux de
la Terre pour les riches... et ceux de l'esprit pour les esclaves."
"Que Dieu te bénisse pour tes projets, Thomas. Persévère dans cette
intention..."
"Oui, Maître."
434.3 - "Eh
bien, maintenant que tu as répondu à Thomas, viens avec moi, Maître... pour
voir mon travail et me dire ce que je dois peindre maintenant. Des choses humbles encore car je suis un garçon très
incapable."
"Allons, Simon..." et Jésus pose ses outils et sort avec le
Zélote... Ils reviennent après un moment et Jésus lui montre l'escalier du
jardin :
"Peins-le. La peinture rend le bois imperméable et le conserve plus
longtemps, outre qu'il le rend plus beau. C'est comme la protection et
l'embellissement de vertus sur le cœur de l'homme. Il peut être brut,
grossier... mais lorsque les vertus le revêtent, il devient beau, agréable.
Tu vois, pour obtenir une belle peinture et réellement efficace, il faut tant
de soins. Pour commencer : prendre avec attention ce qu'il faut pour la
former, à savoir un récipient débarrassé de terre ou de restes de vieilles peintures,
de bonnes huiles et de bonnes couleurs, et les mélanger avec patience, les
travailler et en faire un liquide qui ne soit ni trop épais ni trop liquide.
Ne pas se lasser de travailler jusqu'à ce que le plus petit grumeau soit
dissous. Cela fait, prendre un pinceau, un pinceau qui ne perde pas ses
soies, qu'elles ne soient ni trop dures ni trop souples, que le pinceau soit
bien débarrassé de toute ancienne couleur, et avant d'appliquer la peinture
débarrasser le bois des rugosités, des croûtes d'ancienne peinture, de la
boue, de tout, et puis, avec ordre, d'une main assurée, en allant toujours
dans le même sens, étendre avec patience, avec beaucoup de patience, la
peinture. En effet sur la même planche, il y a des résistances différentes.
Sur les nœuds, par exemple, la peinture reste plus lisse, c'est vrai, mais
sur eux la peinture se fixe mal car le bois la repousse. Par contre, sur les
parties molles du bois la peinture se fixe tout de suite, mais généralement
les parties molles sont moins lisses et alors il peut se former des
boursouflures ou des rainures...
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20> Voilà alors que l'on doit réparer
en appliquant soigneusement la main pour étendre la couleur. Et puis il y a
dans les vieux meubles des parties neuves comme cette marche, par exemple, et
pour ne pas faire voir que le pauvre escalier est rapiécé, mais très vieux,
il faut faire en sorte que la marche neuve soit pareille
aux anciennes... Voilà, ainsi !" Jésus, qui est penché au pied de
l'escalier, parle tout en travaillant...
434.4 - Thomas,
qui a quitté ses burins pour venir voir de près, demande :
"Pourquoi as-tu commencé par le bas plutôt que par le haut ? Ne
valait-il pas mieux faire le contraire ?"
"Cela semblerait préférable, mais ne l'est pas. En effet le bas est plus
abîmé et amené à s'abîmer en reposant sur la terre. Il faut donc qu'il soit
travaillé plusieurs fois : une première couche, puis une seconde, puis une troisième s'il est besoin... Et pour ne pas
rester à rien faire pendant que le bas sèche, pour qu'il puisse recevoir une
nouvelle couche, peindre pendant ce temps le haut puis le milieu de
l'escalier."
"Mais en le faisant, on peut tacher ses vêtements et abîmer les parties
déjà peintes."
"Avec de l'adresse on ne se tache pas et on n'abîme rien. Tu vois ?
On fait ainsi. On serre ses vêtements et on se tient à l'écart. Ce n'est pas
par dégoût de la peinture, mais pour ne pas abîmer la peinture qui est
délicate parce que fraîchement appliquée" et Jésus, les bras levés,
peint maintenant le haut de l'escalier.
Et il continue à parler :
"On agit ainsi avec les âmes. J'ai dit, au début, que la peinture est
comme l'embellissement des vertus sur le cœur humain. Elle embellit et
préserve le bois des vers, de la pluie, du soleil. Malheur au maître de
maison qui ne s'occupe pas des objets peints et les laisse périr ! Quand
on voit que le bois perd sa peinture, il ne faut pas perdre de temps et en
mettre de nouveau, rafraîchir la peinture... Les vertus aussi, d'un premier
élan vers la justice, peuvent périr ou disparaître complètement si le maître
de maison ne veille pas. La chair et l'esprit, mis à nu, exposés aux
intempéries et aux parasites, c'est-à-dire aux passions et à la dissipation,
peuvent être attaqués, perdre le revêtement qui les rendait beaux, finir par
n'être plus bons que... pour le feu.
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21> Aussi que ce soit en nous ou en
ceux que nous aimons comme nos disciples, quand on remarque que se dégradent,
se délavent les vertus qui servent à défendre notre moi, il faut tout
de suite y parer par un travail assidu, patient jusqu'à la fin de la vie,
pour pouvoir s'endormir dans la mort avec une chair et un esprit, dignes de
la résurrection glorieuse.
Pour que les vertus soient vraies, bonnes,
commencer avec une intention pure, courageuse, qui enlève tout déchet, toute
souillure, et s'appliquer à ne pas laisser d'imperfection dans la formation à
la vertu et ensuite prendre une attitude ni trop dure ni trop indulgente, car
l'intransigeance et l'indulgence excessives sont nuisibles. Et le
pinceau : la volonté qu'elle soit nette de toute tendance humaine
préexistante, qui pourrait veiner la teinte spirituelle par des rayures
matérielles, et se préparer soi-même ou préparer les autres, par des opérations
opportunes, fatigantes, il est vrai, mais nécessaires, pour purifier le vieux
moi de toute ancienne lèpre afin qu'il soit pur pour recevoir la
vertu. On ne peut en effet mélanger le vieux et le nouveau.
Puis commencer le travail, avec ordre, avec réflexion. Ne pas sauter d'un
endroit à l'autre sans un motif sérieux. Ne pas aller un peu dans un sens un
peu dans un autre. On se fatiguerait moins, c'est vrai, mais la peinture
serait irrégulière. C'est ce qui arrive dans les âmes désordonnées. Elles
présentent des endroits qui sont parfaits, puis à côté, voilà des
déformations, des couleurs différentes… Insister sur les endroits qui
prennent mal la peinture, sur les nœuds : défauts de la matière ou des
passions déréglées, mortifiés oui, par la volonté semblable à une raboteuse
qui les a péniblement lissés, mais qui restent pour faire résistance comme un
nœud amputé, mais pas détruit. Et ils trompent quelquefois parce qu'ils
paraissent bien couverts de vertus alors qu'il n'y a qu'une mince couche qui
a vite fait de tomber. Attention aux nœuds des concupiscences. Faites en
sorte qu'ils soient recouverts à plusieurs reprises par la vertu pour qu'ils
ne ressortent pas en souillant le nouveau moi. Et sur les parties
molles, celles qui prennent facilement la peinture, mais la reçoivent
capricieusement avec des boursouflures et des rayures, passer plusieurs fois
la peau de poisson pour lisser, lisser, lisser pour passer une ou plusieurs
couches de peinture afin que ces parties aussi soient lisses comme un émail
compact.
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22> Et attention à ne pas surcharger.
Un excès de zèle dans les vertus fait que la créature se révolte, bouillonne
et s'écaille au premier choc. Non. Ni trop, ni trop peu. Une juste mesure
dans le travail sur soi et sur les créatures faites de chair et d'âme.
434.5 - Dans
la plupart des cas – car les Aurea sont l'exception et non pas la règle - il
y a des parties neuves mêlées à des anciennes, ainsi pour les israélites qui
passent de Moïse au Christ, ainsi pour les païens avec leur mosaïque de
croyances qui ne pourront disparaître tout d'un coup et affleureront avec des
nostalgies et des souvenirs, au moins dans les choses les plus pures, alors
il faut encore plus d'attention et de tact et insister pour que le vieux se
fonde harmonieusement avec le nouveau en utilisant les choses préexistantes
pour compléter les nouvelles vertus. Ainsi, chez les romains, le patriotisme et
le courage viril sont des éléments importants, ces deux choses sont pour
ainsi dire mythiques. Eh bien, il ne faut pas les détruire, mais inculquer un
esprit nouveau au patriotisme, c'est-à-dire l'intention de donner à Rome une
grandeur même spirituelle en en faisant le centre de la Chrétienté.
Servez-vous de la virilité romaine pour rendre courageux dans la Foi ceux qui
sont courageux au combat. Un autre exemple : Aurea. Le dégoût d'une révélation brutale
la pousse à aimer ce qui est pur et à haïr ce qui est impur, Eh bien, utilisez ces deux sentiments
pour l'amener à une parfaite pureté en haïssant la corruption comme si
c'était le romain brutal. Me comprenez-vous ?
Et des coutumes faites-en des moyens de pénétration. Ne détruisez pas
brutalement. Vous n'auriez pas tout de suite ce qu'il faut pour construire.
Mais remplacez tout doucement ce qui ne doit pas rester dans un
converti, avec charité, patience, ténacité. Et puisque la matière domine surtout chez
les païens, même convertis, et qu'ils resteront toujours en relation avec ce
milieu où ils doivent vivre, insistez beaucoup sur la fuite des plaisirs
sensuels. C'est par les sens que pénètre aussi le reste. Vous, surveillez les
sensations exaspérées chez les païens et, avouons-le, très vives aussi parmi
nous, et quand vous voyez que le contact avec le monde effrite la peinture
protectrice, ne continuez pas de peindre le haut, mais revenez au bas pour
maintenir en équilibre l'esprit et la chair, le haut et le bas.
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23> Mais commencez toujours par la
chair, par le vice matériel, pour préparer la réception de l'Hôte qui
n'habite pas dans les corps impurs, ni avec les esprits qui exhalent la
puanteur des corruptions charnelles... Me comprenez-vous ?
Et ne craignez pas de vous corrompre en touchant avec vos vêtements les
parties basses, matérielles, de ceux dont vous soignez l'esprit. Avec
prudence pour ne pas ruiner au lieu de construire. Vivez dans votre moi nourri
de Dieu, enveloppé par les vertus, allez-y avec délicatesse surtout quand
vous devez vous occuper du moi spirituel très sensible d'autrui, et
certainement vous réussirez à faire, même des êtres les plus méprisables, des
êtres dignes du Ciel."
434.6 - "Quelle
belle parabole tu nous as dite ! Je veux l'écrire pour Marziam !" dit le Zélote.
"Et pour moi qu'il faut faire toute belle pour le Seigneur" dit
lentement, en cherchant les mots, Aurea qui depuis un moment est, les pieds
nus, debout sur le seuil du jardin.
"Oh ! Aurea ! Tu nous écoutais ?" demande Jésus.
"Je t'écoutais. C'est si beau ! Ai-je mal fait ?"
"Non, fillette. Il y a longtemps que tu es ici ?"
"Non. Et je regrette car je ne sais pas ce que tu as dit avant. Ta Mère
m'a envoyé te dire que c'est bientôt l'heure du repas. On va défourner le
pain. J'ai appris à le faire, moi... Comme c'est beau ! Et j'ai appris à
blanchir la toile, et sur le pain et la toile, ta Mère m'a fait deux autres
paraboles."
"Ah ! oui ? Que t'a-t-elle dit ?"
"Que je suis comme une farine qui est
encore sur le blutoir, mais
que ta bonté m'épure, que ta grâce me travaille, et que ton apostolat me
forme, que ton amour me cuit et que, de farine grossière mélangée à tant de
son, je finirai, si je me laisse travailler par Toi, par être une farine
d'hostie, farine et pain de sacrifice, bon pour l'Autel. Et sur la toile qui
était sombre, huileuse, rêche, et qui, après tant d'herbe borit
et tant de coups de mortification était devenue propre et souple, maintenant
le soleil enverra ses rayons et elle deviendra blanche...
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24> Et elle dit que c'est ainsi que le
Soleil de Dieu fera de moi, si je reste toujours sous le Soleil et si
j'accepte les lavages et aussi les mortifications pour devenir digne du Roi
des rois, de Toi, mon Seigneur.
434.7 - Que
de belles choses j'apprends... Il me semble que je rêve... Beau !
Beau ! Beau ! Tout est beau ici... Ne m'envoie pas ailleurs,
Seigneur !"
"N'irais-tu pas volontiers avec Myrta
et Noémi ?"
"Je préférerais ici... Mais pourtant... même avec elles. Mais pas avec
les romains, non, non, Seigneur..."
"Prie, fillette !" dit Jésus en mettant sa main sur les
cheveux couleur de miel blond. "As-tu appris la prière ?"
"Oh ! oui ! Qu'il est beau de
dire : "Mon Père !" et de penser au Ciel… Mais... la
volonté de Dieu me fait un peu peur... parce que je ne sais pas si Dieu veut
ce que moi, je veux..."
"Dieu veut ton bien."
"Oui ? Tu le dis ? Alors, je n'ai plus peur... Je sens que je
resterai en Israël... pour connaître de plus en plus ce Père qui est mien...
Et... à être la première disciple de Gaule, ô mon Seigneur !"
"Ta foi sera exaucée parce qu'elle est bonne. Allons…" Et ils
sortent tous pour se laver au bassin sous la source, alors qu'Aurea rejoint
en courant Marie, et l'on entend les deux voix féminines, la voix de Marie
qui s'exprime avec une parfaite aisance, celle incertaine de l'autre qui
cherche ses mots, puis des rires pétillants pour quelque erreur de langage
que Marie corrige doucement...
"Elle apprend vite et bien, la fillette" observe Thomas.
"Oui, elle est bonne et pleine de bonne volonté."
"Et puis ! Elle a ta Mère pour maîtresse !... Satan lui-même
ne lui résisterait pas !..." dit le Zélote.
Jésus soupire sans parler...
"Pourquoi soupires-tu ainsi, Maître ? Je n'ai pas bien
parlé ?"
"Si, très bien. Mais il y a des hommes
qui résistent plus que Satan, qui au moins fuit à la vue de Marie. Il y a des hommes qui
sont dans son voisinage et qui, instruits par elle, n'arrivent pas à
s’améliorer…"
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