Le jeudi 4 octobre
1945.
520> 295.1 - À la
première personne à laquelle ils s'adressent pour demander des nouvelles de Philippe de Jacob, ils se rendent compte du travail qu'a fait le jeune
disciple. Celle qu'ils interrogent, une vieille femme ridée qui porte avec
beaucoup de peine un broc plein d'eau, fixe de ses yeux creusés par l'âge le
beau visage de Jean. Il lui a
posé en souriant la question, en disant auparavant : "La paix soit
avec toi" si doux que la vieille en a été conquise, elle dit :
"Tu es le Messie ?"
"Non, mais son apôtre. Le voici qui vient."
La petite vieille met par terre son broc et s'en va dans la direction
indiquée pour ensuite s'agenouiller devant Jésus.
Jean, resté seul avec Simon devant le broc qui s'est renversé en répandant la moitié
de son contenu, sourit en disant à son compagnon :
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521> "Il convient de prendre ce broc et d'aller
retrouver la petite vieille."
Et il le fait en se mettant en route, alors que son compagnon ajoute :
"Et il servira pour boire, nous avons tous soif."
Ils rejoignent la petite vieille qui, ne sachant
ce qu'elle doit dire précisément, continue de répéter :
"Beau, saint Fils de la plus sainte Mère !"
Elle se tient à genoux buvant des yeux le visage de Jésus qui lui sourit en
disant à son tour :
"Lève-toi, mère. Mais lève-toi donc !"
Quand ils la rejoignent, Jean lui dit :
"Nous avons pris ton broc, mais il s'est renversé. Il y a peu d'eau.
Mais si tu le permets, nous boirons cette eau et puis nous remplirons le
broc."
"Oui, fils, oui. Et il me déplaît de n'avoir
que de l'eau pour vous. Je voudrais avoir du lait, comme quand je nourrissais
mon Jude, pour vous donner la chose la plus douce qui existe sur la
terre : le lait d'une mère. Je voudrais avoir du vin, du meilleur ;
pour vous donner des forces. Mais Marianne
d'Élisée est vieille et
pauvre..."
"Ton eau est pour Moi du vin et du lait,
mère, parce qu'il est donné avec amour" répond Jésus en buvant le
premier au broc que Jean Lui présente. Puis les autres boivent.
La petite vieille, qui à la fin s'est levée, les
regarde comme elle regarderait le Paradis. Elle s'aperçoit quand ils ont tous
bu qu'ils vont jeter l'eau qui reste pour aller à la fontaine qui coule au
bout de la route, voilà qu'alors la petite vieille se jette en avant en
défendant le broc et en disant :
"Non, non. Plus que de l'eau lustrale cette eau est sainte dont Lui a
bu. Je la garderai soigneusement pour qu’on me purifie avec elle, après ma
mort."
Et elle saisit son broc en disant :
"Je l’emporte à la maison. J'en ai d'autres, je les remplirai.
295.2 - Mais
viens d'abord ? Saint, que je te montre la maison de Philippe."
Et elle trottine toute courbée avec un sourire sur son visage ridé et dans
ses yeux que la joie ravive. Elle trottine en tenant un pan du manteau de
Jésus entre ses doigts, comme si elle craignait qu'il puisse lui échapper, et
elle défend son broc contre l'insistance des apôtres qui voudraient la
décharger de ce poids.
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522> Elle trottine bienheureuse, regardant la route déserte
et les maisons d'Arbel qui sont fermées dans le soir qui descend, avec le
regard d'un conquérant heureux de sa victoire.
Finalement on passe de ce chemin secondaire à un
autre plus central où il y a des gens qui se hâtent de rentrer chez eux. Les
gens l'observent étonnés, la montrent du doigt et l'interpellent. Elle, après
avoir attendu qu'il y ait un cercle assez important de gens, crie :
"J'ai avec moi le Messie de Philippe. Courez en donner la nouvelle
partout et d'abord à la maison de Jacob. Qu'ils soient prêts à honorer le
Saint."
Elle crie à en perdre haleine. Elle sait se faire obéir. C'est son heure de
commandement, à la pauvre petite vieille du peuple, seule, inconnue. Et elle
voit toute la ville s'ébranler à son commandement.
Jésus, tellement plus grand qu'elle, lui sourit
quand elle le regarde de temps à autre, et pose sa main sur sa tête sénile en
la caressant comme un fils, ce qui la fait presque s'évanouir de joie.
295.3 - La
maison de Jacob est dans une rue du centre. Toute ouverte et illuminée, elle
présente après le portail une longue entrée où des gens s'agitent avec des
lampes et sortent joyeux dès que Jésus apparaît sur le chemin. Le jeune
disciple Philippe, puis la mère et le père, les parents, les serviteurs, les
amis.
Jésus s'arrête et répond avec majesté au salut
profond de Jacob,
puis il s'incline sur la mère de Philippe qui le vénère à genoux, il la fait
lever la bénit et lui dit :
"Sois toujours heureuse pour ta foi."
Puis il salue le disciple qui est accouru avec son ami, que Jésus salue
aussi.
La vieille Marianne, malgré tout, ne lâche pas le
pan du manteau et sa place à côté de Jésus jusqu'à ce qu'ils soient sur le
point de poser le pied dans l'atrium. Alors elle gémit :
"Une bénédiction pour que je sois heureuse ! Maintenant tu restes
ici... moi, je vais dans ma pauvre maison et... toute cette belle chose est
finie !"
Quel chagrin dans la voix sénile !
Jacob, auquel sa femme a parlé doucement,
dit :
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523> "Non, Marianne d'Elisée. Reste, toi aussi dans ma
maison comme si tu étais une disciple. Reste tant que le Maître sera avec
nous et sois heureuse."
"Dieu te bénisse, homme. Tu comprends la
charité."
"Maître... Elle t'a conduit dans ma maison.
Tu m'as fait grâce et charité. Je ne fais que rendre, et toujours d'une
manière mesquine, le beaucoup que j'ai reçu de Toi. Entre, entrez et que ma
maison vous soit accueillante."
La foule, de dehors sur le chemin, le voit entrer
et elle crie :
"Et nous ? Nous voulons entendre ta parole."
Jésus se retourne :
"Il fait nuit. Vous êtes fatigués, Préparez votre âme par un saint repos
et demain vous entendrez la Voix de Dieu. Pour l'instant que soient avec vous
paix et bénédiction."
Et le portail se ferme sur la félicité de cette maison.
Jacques de Zébédée dit au
Seigneur pendant la purification qui suit le voyage :
"Peut-être il aurait mieux valu parler tout de suite et partir à l'aube.
Les pharisiens sont dans la ville. Philippe me l'a dit. Ils vont te causer des
ennuis."
"Ceux qui auraient pu être ennuyés par eux
sont loin d'ici. Les ennuis qu'ils pourront me causer n'ont pas de
valeur. Il y a l'amour pour les annuler."
295.4 - Le
lendemain matin... La sortie joyeuse parmi les familiers de Philippe et les
apôtres. La petite vieille est derrière. La rencontre avec ceux d'Arbel qui
attendent patiemment. L'arrivée à la place principale où Jésus commence à
parler.
"On lit au huitième chapitre du second livre
d'Esdras ce que maintenant je vous répète ici : "Au début
du septième mois..." (Jésus me dit : "N'ajoute rien d'autre.
Je répète intégralement les paroles du livre").
Quand est-ce qu'un peuple est rapatrié ?
Quand il revient dans les terres de ses pères. Moi, je viens vous ramener
dans les terres de votre Père, dans le Royaume du Père. Et je le puis parce
que j'ai été envoyé pour cela. Je viens donc vous amener au Royaume de Dieu
et par conséquent il est juste de vous comparer à ceux qui furent rapatriés
avec Zorobabel à Jérusalem, la cité du Seigneur, et il est juste de faire
avec vous comme le scribe Esdras fit avec le peuple rassemblé de nouveau dans
les murs sacrés.
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524> Car reconstruire une cité en la dédiant au Seigneur,
mais ne pas reconstruire les âmes qui sont semblables à autant de petites
cités de Dieu, c'est une sottise sans pareille.
Comment
reconstruire ces petites cités spirituelles que tant de raisons ont
démolies ? Quels matériaux employer pour les faire solides, belles,
durables ?
Les matériaux
sont dans les préceptes du Seigneur. Les dix commandements, et vous les
connaissez parce que Philippe, votre fils et mon disciple, vous les a
rappelés. Les deux saints parmi les saints préceptes : "Aime Dieu
avec tout toi-même. Aime le prochain comme toi-même". C'est l'abrégé de
la Loi et ce sont ceux-ci que je prêche parce que, avec eux,
on est sûr de conquérir le Royaume de Dieu. Dans l'amour se trouve la force
de se conserver saint ou de le devenir, la force de pardonner, la force de
l'héroïsme dans la vertu. Tout se trouve dans l'amour.
295.5 - Ce n'est
pas la peur qui sauve. La peur du jugement de Dieu, la peur des sanctions
humaines, la peur des maladies. La peur n'est jamais constructive. Elle
provoque l'éboulement, l'effritement, la dislocation, la ruine. La peur porte
au désespoir, elle porte aux astuces pour cacher la mauvaise conduite, elle
porte seulement à craindre quand la crainte est désormais inutile parce que
le mal est désormais en nous. Qui pense, pendant qu'il est en bonne santé, à
agir avec prudence par pitié pour son corps ? Personne. Mais dès que le
premier frisson de fièvre court dans les veines, ou qu'une tache fait penser
à des maladies immondes, voici alors qu'arrive la peur, tourment qui s'ajoute
à la maladie, force de désagrégation dans un corps que déjà la maladie désagrège.
L'amour
au contraire est constructeur. Il construit, affermit, maintient compact,
préserve. L'amour apporte l'espérance en Dieu. L'amour fait fuir le mal.
L'amour porte à la prudence envers sa propre personne qui n'est pas le centre
de l'univers, comme le croient et le font les égoïstes, les faux amoureux
d'eux-mêmes car ils n'aiment qu'une partie d'eux-mêmes : la moins noble,
au détriment de la partie immortelle et sainte; mais
c'est un devoir, cependant, de toujours en prendre soin pour la conserver en
bonne santé tant qu'il plaira à Dieu, pour être utile à soi-même, aux
parents, à sa cité, à son pays tout entier.
Il est inévitable que surviennent les maladies. Il n'est pas dit que toute
maladie soit la conséquence d'un vice ou d'une punition.
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525> Il y a les
saintes maladies envoyées par le Seigneur à ses justes pour que dans le
monde, qui fait du plaisir son tout et qui lui fait tout servir, il y ait des
saints qui sont comme des otages de guerre pour le salut des autres, et qui
paient de leur personne pour que soit expiée par leurs souffrances la masse
de fautes que le monde accumule journellement et qui finirait par s'écrouler
sur l'Humanité en l'ensevelissant sous sa malédiction. Vous vous souvenez de
Moïse devenu vieux et qui priait pendant que Josué combattait au nom du
Seigneur ? Vous devez savoir que celui qui souffre
saintement livre la plus grande bataille au plus féroce guerrier qui existe
dans le monde, caché sous les apparences des hommes et des peuples, à Satan,
le Tortionnaire, l'Origine de tout mal, et qu'il se bat pour tous les autres
hommes. Mais quelle différence entre ces maladies saintes que Dieu envoie et
celles qui proviennent du vice par suite d'un amour coupable pour les
plaisirs sensuels ! Les premières, preuves de la volonté bienfaisante de
Dieu : les secondes, preuves de la corruption satanique.
Il faut donc aimer pour être saints parce que
l'amour crée, préserve, sanctifie.
295.6 - Moi
aussi, en vous annonçant cette vérité, je vous parle comme Néhémie et
Esdras : "Ce jour est consacré au Seigneur notre Dieu. Pas de
deuil, pas de pleurs". Car tout deuil
cesse quand on vit le jour du Seigneur. La mort perd sa dureté, car la perte
d'un fils, d'un époux, d'un père, d'une mère ou d'un frère, devient une
séparation momentanée et limitée. Momentanée parce qu'elle cesse avec notre
propre mort. Limitée parce qu'elle se limite au corps, au sens. L'âme ne perd
rien par la mort d'un parent qui s'est éteint. Mais au contraire, la liberté n'est limitée que d'un côté :
celui du survivant dont l'âme est encore enserrée dans la chair, alors que l'autre côté, celui qui est passé
à une seconde vie, jouit de la liberté et de la possibilité de veiller sur
nous et de nous obtenir davantage, bien davantage que quand il nous aimait
dans la prison du corps.
Je vous dis comme Néhémie et Esdras :
"Allez manger de la viande grasse et boire du vin doux, et envoyez-en
des parts a ceux qui n'en ont pas, car c'est un jour saint pour le Seigneur
et personne ne doit souffrir ce jour-là. Ne vous attristez pas, car la joie du
Seigneur qui est parmi vous est la force de celui qui reçoit la grâce du
Seigneur Très-Haut dans ses murs et dans son cœur".
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526> Vous ne pouvez plus faire les Tabernacles. Le temps en est passé, mais élevez-en de spirituels
dans vos cœurs. Gravissez la montagne, c'est-à-dire montez vers la
Perfection. Cueillez des branches d'oliviers, de myrtes, de palmiers, de
chênes, d'hysopes, de tous les arbres les plus beaux. Rameaux des vertus de
paix, de pureté, d'héroïsme, de mortification, de force, d'espérance, de
justice, de toutes, toutes les vertus. Ornez-vous l'esprit en célébrant la
fête du Seigneur. Ses tabernacles vous attendent. Les siens. Et
ils sont beaux, saints, éternels, ouverts à tous ceux qui vivent dans le
Seigneur. Et avec Moi, aujourd'hui, proposez-vous de faire pénitence pour le
passé et de commencer une vie nouvelle.
Ne
craignez rien du Seigneur. Lui vous appelle parce qu'il vous aime. Ne
craignez pas. Soyez ses fils comme tous ceux d'Israël. C'est aussi pour vous
qu'Il a fait la Création et le Ciel, qu'il a suscité Abraham et Moïse, qu'il
a ouvert la mer et créé la nuée qui indique la route, et qu'il est descendu
du Ciel pour donner la Loi, qu'il a ouvert les nuées pour faire pleuvoir la
manne, et qu'il a rendu le rocher fécond pour qu'il vous donne de l'eau. Et
maintenant, oh ! maintenant que pour vous aussi, il envoie le Pain
vivant du Ciel pour votre faim, la vraie Vigne et la Source de la Vie
éternelle pour votre soif. Et par ma bouche il vous dit : "Entrez
pour posséder la Terre sur laquelle J'ai levé la main pour vous la
donner". Ma Terre spirituelle : le Royaume des Cieux."
295.7 - La foule
échange des paroles enthousiastes...
Puis voilà les malades. Si nombreux. Jésus les fait ranger sur deux files et,
pendant que cela se fait, il demande à Philippe d'Arbel :
"Pourquoi ne les as-tu pas guéris ?"
"Pour qu'ils aient ce que moi j'ai eu :
la guérison par tes mains."
Jésus passe en bénissant, un par un, les malades et c'est le prodige habituel
qui se répète : des aveugles qui voient et des sourds qui entendent, des
muets qui parlent, des bossus qui se redressent, des fièvres qui tombent, des
faiblesses qui disparaissent.
295.8 - Les
guérisons sont terminées.
Puis, après le dernier malade, il y a les deux pharisiens qui étaient allés à
Bozra et deux autres.
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527> "La paix à Toi, Maître. Et à nous, tu ne dis
rien ?"
"J'ai parlé, pour tout le monde."
"Mais nous n'avions pas besoin de ces
paroles. Nous sommes les saints d'Israël."
"À vous qui êtes des maîtres, je dis :
commentez entre vous le chapitre suivant, le neuvième du second livre
d'Esdras, en vous rappelant combien de fois Dieu a usé jusqu'ici de
miséricorde envers vous, et dites en vous frappant la poitrine, comme si
c'était une prière, la conclusion du chapitre."
"Bien dit, bien dit, Maître ! Et tes
disciples, ils le font ?"
"Oui. C'est la première chose que
j'exige."
"Tous ? Même les homicides qui sont dans
tes rangs ?"
"Vous sentez l'odeur du sang ?"
"C'est une voix qui crie vers le Ciel."
"Efforcez-vous alors de ne pas imiter ceux
qui le répandent."
"Nous ne sommes pas des
assassins !"
Jésus les fixe en les transperçant de son regard.
Ils n'osent pas ajouter un mot pendant quelque temps, mais ils suivent le
groupe qui revient à la maison de Philippe qui croit devoir les inviter à
entrer en prenant part au banquet.
"Très volontiers ! Nous serons plus
longtemps avec le Maître" disent-ils avec de grandes révérences.
Mais arrivés dans la maison, ils semblent des
limiers... Ils regardent, jettent dans toutes les directions des regards
furtifs, posent des questions astucieuses aux serviteurs et jusqu'à la petite
vieille qui me semble attirée par Jésus comme le fer par l'aimant. Mais elle
répond vivement :
"Moi, hier, je n'ai vu qu'eux. Vous rêvez. Moi, je les ai accompagnés
ici, et en fait de Jean, il n'y avait que ce garçon blond et bon comme un
ange."
Ils foudroient la petite vieille en l'insultant et
se tournent dans une autre direction.
Mais un serviteur, sans leur répondre directement, se penche sur Jésus qui
est assis et parle avec le maître de maison, et il Lui demande :
"Où est Jean d'En-Dor ? Ce seigneur le cherche."
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528> Le pharisien foudroie du regard le serviteur et le
traite d'imbécile. Mais Jésus est au courant de leurs intentions et il faut y
remédier comme on peut. Le pharisien dit donc :
"C'était pour nous féliciter de ce miracle de ton enseignement, Maître,
et te faire honneur pour cette conversion."
"Jean est pour toujours au loin et le sera de
plus en plus."
"Il est retombé dans son péché ?"
"Non. Il monte vers le Ciel. Imitez-le, et
dans l'autre vie vous le trouverez."
Les quatre ne savent plus que dire et prudemment
parlent d'autre chose. Les serviteurs annoncent que les tables sont prêtes et
tout le monde passe dans la salle du festin.
FIN DU TOME 4 DE LA NOUVELLE ÉDITION.
[…][10]
C'est vrai. L'espoir s'allume plus vivement... Et par qui serai-je
recueillie ? Moi qui suis si mal et qui suis rongée par la torture de
Satan comme par un ver rongeur ? Il ne me donne pas de trêve. Ne pouvant
me prendre autrement, il me prend ainsi : il insinue que c'est moi qui
écris et que ce n'est pas Jésus qui montre et qui dicte. Il sait que s'il
pouvait me persuader je me replierais dans la désolation et dans la terreur
d'avoir péché et que j'aurais peur de la mort et du Jugement. Oh ! s'il
me torture ! Il m'abasourdit tellement par ses propos ininterrompus que
moi, lorsque Jésus met fin à la vision et à ses paroles, je perds toute
possibilité de jouir de ce qui est ma vie, c'est-à-dire de ce surnaturel qui
m'enveloppe et fait de moi un "porte-parole".
À vous qui lisez, paraissent-ils si
beaux ces épisodes ? Autrefois, j'avais aussi ces impressions.
Maintenant, à part le côté artistique, je n'éprouve rien d'autre. C'est
inutilement que je cherche et cherche encore les phrases qui au moment où
elles m'étaient dites m'élevaient vers la béatitude. C'est inutilement que je
pense et repense aux attitudes dont la douceur m'avait tant frappée pendant
que je les voyais... Tout est éteint, tout est cendre. Le Paradis, car c'est
un paradis, a perdu sa splendeur ou plutôt il s'ouvre tant que dure mon
service journalier de porte-parole, en m'inondant de toute sa lumière, de son
chant, de sa douceur, de sa joie. Et puis, le travail terminé, voilà que tout
se ferme hermétiquement et que je suis enveloppée et submergée par la brume
et l'obscurité sans autre voix que celle du Doute et de la Négation qui me
pique et me raille, N'est-ce pas une grande peine cela ?
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