Le mardi 4 septembre
1945
337/338> 270.1 – Jésus est en train de guérir
des malades, sans autre assistance que celle de Manahen. Ils sont dans la maison de
Capharnaüm, dans le jardin ombragé à cette heure matinale. Manahen n'a plus
de précieuse ceinture ni de lame d'or au front. Son vêtement est retenu serré
par un cordon de laine et son couvre-chef par une bande étroite de toile.
Jésus est tête nue comme toujours quand il est à la maison.
Après avoir fini de guérir et de consoler les malades, Jésus
monte avec Manahen dans la chambre du haut et ils s'assoient tous les deux
sur Je bord de la fenêtre qui regarde la colline, parce que le côté du lac
est tout inondé par le soleil, encore bien chaud bien que la canicule soit
passée depuis quelque temps.
"D'ici peu les vendanges vont commencer" dit Manahen,
"Oui, et puis les Tabernacles vont arriver et l'hiver sera vite là, Toi,
quand comptes-tu partir ?"
"Hum !... Moi je ne partirais jamais... Mais je pense au Baptiste,
Hérode
est un faible. Quand on a su l'influencer en bien, il ne devient pas bon, il
reste au moins… non sanguinaire. Mais peu nombreux sont ceux qui lui donnent
de bons conseils. Et cette femme !… Cette femme !… Mais je voudrais rester ici jusqu'au retour de
tes apôtres. Non pas que je présume beaucoup de moi… mais je vaux encore
quelque chose… bien que mon crédit soit très diminué depuis qu'ils ont
compris que je suis les chemins du Bien. Mais cela ne m'importe pas.
270.2 – Je voudrais avoir le vrai
courage de tout abandonner pour te suivre complètement, comme ces disciples
que tu attends, Mais y réussirai-je jamais ? Nous qui ne sommes pas du
peuple, nous hésitons davantage à te suivre, Pourquoi ?"
"Parce que pour vous retenir, vous avez les tentacules des pauvres
richesses."
"À vrai dire je sais aussi que certains qui ne sont pas riches, à
proprement parler, mais savants ou en passe de le devenir, eux aussi ne
viennent pas."
"Eux aussi ont les tentacules des pauvres richesses qui les retiennent.
On n'est pas riche seulement d'argent. Il y a aussi la richesse du savoir.
Peu de gens arrivent à reconnaître comme Salomon : "Vanité des
vanités. Tout n'est que vanité"
reprise et amplifiée non seulement matériellement mais en profondeur dans le Cioelet.
As-tu cette pensée présente à l'esprit ? La science humaine est vanité,
car augmenter seulement le savoir humain "c'est fatigue et affliction de
l'esprit et qui développe la science développe aussi les ennuis",
En vérité je te dis qu'il en est ainsi, Et je dis aussi qu'il n'en serait pas
ainsi si la science humaine était soutenue et consolidée par la sagesse
surnaturelle et le saint amour de Dieu.
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339> Le plaisir est
vanité parce qu'il ne dure pas, mais se dissipe rapidement après avoir brûlé
en laissant cendres et vide, Les biens accumulés par des industries variées
sont vanité pour l'homme qui meurt et qui les laisse à d'autres et qu'avec
ses biens il ne peut repousser la mort. La femme, vue en tant que femme et
désirée comme telle, est vanité. On en conclut que l'unique chose qui ne soit
pas vanité, c'est la sainte crainte de Dieu et l'obéissance à ses
commandements, c'est-à-dire la sagesse de l'homme qui n'est pas seulement
chair mais possède la seconde nature : la spirituelle. Qui sait conclure
ainsi et vouloir, sait se détacher de tout tentacule de pauvre possession et
aller librement à la rencontre du Soleil.
"Je veux me rappeler ces paroles. Combien tu m'as donné en ces
jours ! Maintenant je peux aller dans les laideurs de la Cour, qui ne
paraît lumineuse qu'aux sots, qui paraît puissante et libre et n'est que
misère, prison et ténèbre, et y aller avec un
trésor qui me permettra d'y vivre mieux en attendant le mieux. Mais
arriverai-je jamais à ce mieux qui consiste à t'appartenir
totalement ?"
"Tu y arriveras."
"Quand ? L'an prochain ? Ou plus tard ? Ou quand la
vieillesse me rendra sage ?"
"Tu y arriveras en atteignant la maturité d'esprit et la perfection du
vouloir dans le déroulement de quelques heures."
Manahen le regard pensif, interrogateur... Mais il ne demande pas autre
chose.
Un silence. Puis Jésus dit :
"As-tu jamais approché Lazare de Béthanie ?"
"Non, Maître. Je peux dire que non. Que s'il y a
eu quelque rencontre, cela ne peut s'appeler amitié. Tu sais... Hérode avec
moi, et Hérode contre lui... Donc..."
"Lazare maintenant te verrait au-delà des choses, en Dieu. Tu dois
chercher à t'en approcher comme condisciple."
"Je le ferai, si tu le veux..."
270.3 – Des voix de gens agités se
font entendre dans1e jardin. Ils demandent avec anxiété :
"Le Maître ! Le Maître ! Est-il ici ?"
La voix chantante de la maîtresse de maison leur répond :
"Il est dans la chambre du haut. Qui êtes-vous ? Des
malades ?"
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340> "Non, des disciples de Jean et nous voulons Jésus
de Nazareth."
Jésus se présente à la fenêtre en disant :
"La paix soit à vous... Oh ! C'est vous ? Venez !
Venez !"
Ce sont les trois bergers : Jean, Matthias et Siméon.
"Oh! Maître !" disent-ils en levant
la tête et en montrant un visage affligé. Même la vue de Jésus ne les
rassérène pas.
Jésus quitte la pièce en allant à leur rencontre sur la terrasse. Manahen le
suit. Ils se rencontrent justement là où l'escalier débouche sur la terrasse
ensoleillée.
Les trois s'agenouillent en baisant le sol. Et puis Jean dit, au nom de
tous :
"C'est l'heure de nous recueillir, Seigneur, parce que nous sommes ton héritage"
et des larmes descendent sur le visage du disciple et de ses compagnons.
Jésus et Manahen poussent un seul cri : "Jean !?"
"On l'a tué..."
La parole tombe comme si c'était un énorme fracas qui couvre toute rumeur du
monde. Et pourtant elle a été dite très doucement. Mais elle pétrifie celui
qui la dit et ceux qui l'entendent. Il semble que la terre, pour la
recueillir et pour frémir d'horreur, suspende toute rumeur tant il y a un
moment de silence profond et de profonde immobilité chez les animaux, dans
les frondaisons, dans l'air. Suspendu le roucoulement des colombes, coupée la
flûte d'un merle, rendu muet le chœur des passereaux, et comme si s'était
brisé tout d'un coup son organe, une cigale qui stridule se tait à
l'improviste pendant que s'arrête le vent qui caressait les pampres et les
feuilles, en faisant un bruit qui imite le froissement de la soie et le
grincement des pieux.
270.4 – Jésus devient d'une pâleur
d'ivoire alors que ses yeux se dilatent en s'humectant de larmes. Il ouvre
les bras en parlant, et sa voix est profonde par l'effort qu'il fait pour la
rendre assurée : "Paix au martyr de la justice et à mon Précurseur"
Puis il croise les bras et recueille son esprit et certainement il prie, en
s'unissant à l'Esprit de Dieu et à celui du Baptiste.
Manahen n'ose pas faire un geste. Au contraire de Jésus, il a vivement rougi
et il a eu un mouvement de colère. Puis il s'est raidi, et tout son trouble
se manifeste par le mouvement mécanique de sa main droite qui tiraille le
cordon de son vêtement et de sa main gauche qui, involontairement, cherche le
poignard...
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341> Et Manahen secoue la tête en se plaignant de la
faiblesse de son esprit qui ne se souvient pas qu'il s'est désarmé pour être
"le disciple de Celui qui est doux, auprès de Celui qui est doux"
Jésus rouvre sa bouche et ses yeux. Son visage, son regard, sa voix ont
repris la majesté divine qui Lui est habituelle. Il ne Lui reste qu'une
tristesse grave que tempère la paix.
"Venez. Vous allez me raconter. À partir d'aujourd'hui vous êtes
miens."
Et il les conduit dans la pièce dont il ferme la porte laissant les rideaux à
demi-fermés pour tempérer la lumière et créer une atmosphère de recueillement
autour de leur douleur et de la beauté de la mort du Baptiste, pour mettre
une séparation entre cette perfection de vie et le monde corrompu.
"Parlez" commande-t-il.
Manahen semble pétrifié. Il est près du groupe mais ne dit pas un mot.
270.5 – "C'était le soir de la fête...
L'événement était imprévisible... Deux heures seulement auparavant, Hérode
s'était entretenu avec Jean et l'avait congédié avec bienveillance... Et peu,
peu avant qu'arrivât... l'homicide, le martyre, le crime, la glorification,
il avait envoyé au prisonnier un serviteur avec des fruits glacés et des vins
rares. Jean nous avait distribué ces choses... Lui n'a jamais changé son
austérité... Il n'y avait que nous parce que, grâce à Manahen, nous étions au
palais pour servir aux cuisines et aux écuries. Et c'était une faveur qui
nous permettait de voir toujours notre Jean... Nous étions aux cuisines, Jean
et moi, pendant que Siméon surveillait les serviteurs de l'écurie pour qu'ils
traitassent avec soin les montures des hôtes... Le palais était plein de
grands, de chefs militaires et de seigneurs de Galilée. Hérodiade s'était
enfermée dans ses appartements à la suite d'une violente scène entre elle et
Hérode, survenue le matin..."
Manahen interrompt :
"Mais quand la hyène est-elle
venue ?"
"Deux jours avant. On ne l'attendait pas... Elle avait dit au monarque
qu'elle ne pouvait vivre loin de lui et être absente le jour de sa fête.
Vipère et magicienne comme toujours, elle avait fait d'Hérode un jouet...
Mais le matin de ce jour Hérode, bien que déjà ivre de vin et de luxure,
avait refusé d'accorder à la femme ce qu'elle demandait à grands cris... Et
personne ne pensait que c'était la vie de Jean !...
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342> Elle était restée dans ses appartements, dédaigneuse.
Elle avait renvoyé les mets royaux envoyés par Hérode dans de la vaisselle
précieuse. Elle avait gardé seulement un plateau précieux plein de fruits, et
en échange elle avait donné pour Hérode une amphore de vin drogué,..
Drogué... Ah ! Ivre comme il l'était, sa nature vicieuse suffisait bien
pour le pousser au crime !
Par ceux qui faisaient le service de la table nous avons su, qu'après la
danse des mimes de la cour ou plutôt au milieu, Salomé avait fait irruption
en dansant dans la salle du banquet, et les mimes, devant la princesse,
s'étaient plaquées contre les murs. La danse était parfaite, nous a-t-on dit,
lubrique et parfaite. Digne des hôtes... Hérode... Oh ! peut-être un
nouveau désir d'inceste fermentait en son intérieur !... Hérode, à la
fin de cette danse dit, enthousiasmé, à Salomé : "Tu as bien dansé ! Je jure que tu as
mérité une récompense. Je jure que je te la donnerai. Je jure que je te
donnerai tout ce que tu peux me demander. Je le jure en présence de tous. Et
une parole de roi est fidèle, même sans serments. Demande donc ce que tu
veux".
Et Salomé, feignant l'embarras, l'innocence et la modestie, s'enveloppant de
ses voiles, avec une moue pudique, après tant d'impudicité, dit :
"Permets-moi. ô grand, de réfléchir un moment.
Je vais me retirer et puis je reviendrai, parce que ta faveur m'a
troublée"... et elle se retira pour aller trouver sa mère.
Selma m'a dit qu'elle entra en riant et en disant :
"Mère, tu as gagné. Donne-moi le plateau" Hérodiade, avec un cri de triomphe, ordonna à l'esclave de
remettre à sa fille le plateau qu'elle avait conservé auparavant, en
disant : "Va, et reviens avec la tête haïe et je t'habillerai de
perles et d'or". Et Selma, horrifiée, obéit...
Salomé rentra en dansant dans la salle et, en dansant, alla se prosterner aux
pieds du roi, Elle dit : "Sur ce plateau que tu as envoyé à ma
mère, pour marquer que tu l'aimes et que tu m'aimes, je veux la tête de Jean.
Et puis je danserai encore, puisque cela te plaît tant. Je danserai la danse
de la victoire parce que j'ai vaincu ! Je t'ai vaincu, roi ! J'ai
vaincu la vie et je suis heureuse !" Voilà ce qu'elle a dit et que
nous a répété un échanson ami.
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343> Et Hérode se troubla, pris entre deux décisions :
être fidèle à sa parole, être juste. Mais il ne sut pas être juste, car c'est
un injuste. Il fit signe au bourreau qui était derrière le siège royal, et
celui-ci, ayant pris des mains de Salomé le plateau qu'elle présentait,
descendit de la salle du festin vers les pièces du bas. Nous le vîmes, Jean
et moi, traverser la cour... et peu après nous entendîmes le cri de
Siméon : "Assassins !" et puis nous le vîmes repasser
avec la tête sur le plateau... Jean, ton Précurseur était mort..."
270.6 – "Siméon, peux-tu me dire
comment il est mort ?" demande Jésus après un moment.
"Oui. Il était en prière... Il m'avait dit auparavant : "D'ici
peu les deux envoyés vont revenir et ceux qui ne croient pas croiront. Mais,
cependant, rappelle-toi que si je ne vivais plus à leur retour, comme
quelqu'un qui est près de la mort, je te dis encore pour que tu le leur
redises : 'Jésus de Nazareth est le vrai Messie' ". Il pensait
toujours à Toi... Le bourreau entra. Je criai à haute voix. Jean leva la tête
et le vit, Il se leva et dit : "Tu ne peux que m'enlever la vie.
Mais la vérité qui dure, c'est qu'il n'est pas permis de faire le mal".
Et il allait me dire quelque chose quand le bourreau fit tournoyer sa lourde
épée, pendant que Jean était debout, et la tête tomba du buste avec un grand
flot de sang qui rougit sa peau de chèvre et rendit blanc comme de la cire le
visage maigre où les yeux restèrent vivants, ouverts, accusateurs. Elle roula
à mes pieds... Je tombai en même temps que son corps, évanoui par le trop de
douleur... Après... après… Après qu'Hérodiade l'eut lacérée, la tête fut jetée
aux chiens. Mais nous la recueillîmes promptement et nous l'attachâmes avec
le tronc dans un voile précieux. De nuit nous avons recomposé le corps et
nous l'avons transporté hors de Machéronte. Nous l'avons embaumé dans un
bosquet d'acacias tout près de là dès le lever du soleil avec l'aide d'autres
disciples... Mais il fut encore pris pour être de nouveau lacéré. Car elle ne
peut le détruire et elle ne peut lui pardonner... Et ses esclaves, craignant
d'être mis à mort, ont été plus féroces que des chacals pour nous enlever
cette tête.
270.7 – Si tu avais été là,
Manahen..."
"Si j'y avais été... Mais c'est sa malédiction, cette tête... Cela
n'enlève rien à la gloire du Précurseur même si le corps est incomplet.
N'est-ce pas, Maître ?"
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344> "C'est vrai. Même si les chiens l'avaient détruit,
sa gloire n'aurait pas changé."
"Et sa parole n'a pas changé, Maître. Ses yeux, bien que blessés,
lacérés, disent encore : "Cela ne t'est pas permis". Mais nous
l'avons perdu !" dit Mathias.
"Et maintenant nous sommes à Toi, parce que c'est ce que lui a dit, en
disant aussi que tu le sais déjà."
"Oui. Depuis des mois vous m'appartenez. Comment êtes-vous
venus ?"
"À pied, par étapes. Long, pénible le chemin, sous le soleil brûlant et
parmi les sables brûlants, encore plus brûlant par la douleur. Il y a environ
vingt jours que nous marchons..."
"Maintenant vous allez vous reposer."
Manahen demande :
"Dites : est-ce que Hérode ne s'est pas étonné de mon
absence ?"
"Si. Il a été d'abord inquiet, puis furieux mais passée sa fureur, il a
dit : "Un juge de moins". C'est ce que nous a rapporté l'échanson
ami."
Jésus dit :
"Un juge de moins ! Il a Dieu pour juge et cela lui suffit. Venez
où nous dormons. Vous êtes fatigués et poussiéreux, vous trouverez des
vêtements et des sandales de vos compagnons. Prenez-les, changez-vous. Ce qui
appartient à l'un, appartient à tous. Toi, Mathias, qui es grand, tu peux
prendre l’un de mes vêtements. Puis nous pourvoirons. Dans la soirée, puisque
c'est la veille du sabbat, mes apôtres viendront. La semaine prochaine Isaac
viendra avec ses disciples, puis viendront Benjamin et Daniel, après les
Tabernacles, Élie, Joseph et Lévi viendront aussi. Il est temps qu'aux douze
s'unissent les autres. Allez maintenant vous reposer."
Manahen les accompagne et puis revient.
270.8 – Jésus reste avec Manahen. Il
s'assied, pensif, visiblement attristé, la tête inclinée sur la main, le coude
appuyé sur le genou pour le soutenir. Manahen est assis près de la table et
ne bouge pas. Mais il est sombre. Son visage est une tempête.
Longtemps après, Jésus lève la tête, le regarde et demande :
"Et toi ? Que vas-tu faire maintenant ?"
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345> "Je ne le sais pas encore... Le projet de rester à
Machéronte est fini. Mais je voudrais encore rester près de la cour, pour
savoir... et ainsi pouvoir te protéger."
"Il te conviendrait mieux de me suivre sans atermoiement. Mais je ne te
force pas. Tu viendras quand sera détruit, molécule après molécule, le vieux
Manahen."
"Je voudrais aussi enlever cette tête à cette femme. Elle n'est pas
digne de la posséder..."
Jésus esquisse un pâle sourire et dit franchement :
"Et puis, tu n'es pas encore mort aux richesses humaines, mais tu m'es
quand même cher. Je sais que je ne te perds pas, même si j'attends. Je sais
attendre..."
"Maître, je voudrais te donner ma générosité pour te consoler... parce
que tu souffres. Je le vois."
"C'est vrai. Je souffre. Beaucoup ! Beaucoup ! ..."
"Seulement pour Jean ? Je ne crois pas. Tu le sais en paix."
"Je le sais en paix et je le sens tout près."
"Et alors ?"
"Et alors !... Manahen, qu'est-ce que l'aube précède ?"
"Le jour, Maître. Pourquoi le demandes-tu ?"
"Parce que la mort de Jean précède le jour où je serai le Rédempteur. Et
ce qu'il y a d'humain en Moi frémit à cette pensée... Manahen, je vais sur la
colline. Toi reste pour recevoir ceux qui viennent, pour secourir ceux qui
sont déjà venus. Reste jusqu'à mon retour. Puis... tu feras ce que tu
voudras. Adieu."
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