Vision du samedi 11 mars 1944
26> La vision s'est manifestée alors
que je priais très épuisée et soucieuse et donc bien dans les plus mauvaises
conditions pour penser, de moi-même, à de pareilles choses. Mais l'épuisement
physique et mental et les soucis se sont dissipés dès l'apparition de mon
Jésus et j'écris.
Jésus se trouve sur une route ensoleillée et poussiéreuse qui côtoie les
rives du lac. Il se dirige vers le pays, entouré d'une grande foule qui
l'attendait certainement et qui se presse autour de Lui bien que les apôtres
jouent des bras et des épaules pour qu'il puisse passer et élèvent la voix
pour amener la foule à laisser un peu de place.
Mais Jésus ne s'inquiète pas de cette bousculade. Dépassant de la tête la
foule qui l'entoure, il la regarde avec un doux sourire alors qu'elle se
serre autour de Lui, répond aux saluts, caresse quelque enfant qui réussit à
se faufiler dans la masse des adultes et à s'approcher de Lui, il pose la
main sur la tête des petits enfants que les mères soulèvent au-dessus de la
tête des gens, pour qu'il les touche. Tout en marchant lentement, patiemment
au milieu de tout ce vacarme et de ces continuelles bousculades qui
ennuieraient tout autre que Lui.
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27> Une voix d'homme
crie : "Faites place, faites place."
C'est une voix angoissée et que beaucoup doivent connaître et respecter comme
celle d'un personnage influent car la foule, qui s'ouvre très difficilement
tellement elle est serrée, laisse passer un homme d'une cinquantaine
d'années, vêtu d'un vêtement long et flou, la tête couverte d'un foulard
blanc dont les pans retombent le long du visage et du cou.
Arrivé devant Jésus, il se prosterne à ses pieds et dit :
"Oh ! Maître, pourquoi as-tu été absent si longtemps ?
Ma fillette est si malade. Personne ne peut la guérir. Toi seul, tu es mon
espoir et celui de sa mère. Viens; Maître. Je t'ai attendu avec une angoisse
infinie. Viens, viens, tout de suite. Mon unique enfant est en train de
mourir..." et il pleure.
Jésus pose sa main sur la tête de l'homme en larmes, sur la tête courbée et
que secouent dès sanglots, et il lui répond : "Ne pleure pas. Aie
foi. Ta fillette vivra. Allons auprès d'elle. Lève-toi !
Allons !" Jésus dit ces deux derniers mots sur un ton de commandement.
Tout d'abord, c'était le Consolateur, maintenant c'est le Dominateur qui
parle.
Ils se remettent en marche. Jésus a à son côté le père qui pleure, et il le
tient par la main. Quand un sanglot plus fort secoue le pauvre homme, je vois
Jésus qui le regarde et lui serre la main. Il ne fait rien d'autre, mais
quelle force doit refluer dans une âme quand elle se sent ainsi traitée par
Jésus ! Auparavant, à la place du père, il y avait Jacques, mais Jésus
lui a fait céder la place au pauvre père. Pierre est de l'autre côté. Jean
est à côté de Pierre et il cherche avec lui à opposer une barrière à la
foule, comme font Jacques et l'Iscariote de l'autre côté, près du père qui
pleure. Les autres apôtres sont en partie devant, en partie derrière Jésus. Mais
il en faudrait d'autres ! Surtout les trois qui sont derrière, parmi
lesquels je vois Matthieu, n'arrivent pas à retenir la muraille vivante.
Mais, quand ils crient un peu trop et, pour un peu, insulteraient la foule
indiscrète, Jésus tourne la tête et dit doucement : "Laissez faire
ces petits qui sont à Moi !..."
À un certain moment, cependant, il se
retourne brusquement, il laisse la main du père et il s'arrête. Non seulement
il tourne la tête, mais il se retourne complètement. Il semble encore plus
grand, car il a pris une attitude de roi. Avec la figure et le regard devenu
sévère, inquisiteur, il scrute la foule. Ses yeux envoient des
éclairs qui n'expriment non pas la dureté mais la majesté : "Qui
m'a touché ?" demande-t-il. Personne ne répond. "Qui m'a
touché, je répète" insiste Jésus.
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28>
"Maître" répondent les disciples, "tu ne vois pas comme la
foule te presse de tous côtés ? Tous te touchent, malgré nos
efforts."
"Qui m'a touché pour obtenir un miracle, je le demande. J'ai senti un
pouvoir miraculeux sortir de Moi parce qu'un cœur le demandait avec foi. Quel
est ce cœur ?"
Les yeux de Jésus s'abaissent deux ou trois fois, pendant qu'il parle, sur
une petite femme d'environ quarante ans, très pauvrement vêtue et très ridée,
qui cherche à s'éclipser dans la foule, à se dissimuler dans la cohue. Ces
yeux doivent la brûler, elle se rend compte qu'elle ne peut s'enfuir, revient
en avant et se jette à ses pieds, le visage presque dans la poussière, les
mains tendues en avant qui, cependant, n'osent pas toucher Jésus.
"Pardon ! C'est moi. J'étais malade. Douze ans que j'étais
malade ! Tout le monde me fuyait. Mon mari m'a abandonnée. J'ai dépensé
tout mon avoir pour qu'on ne me considère pas comme déshonorée, pour vivre
comme tout le monde. Mais personne n'a pu me guérir. Tu vois, Maître ?
Je suis vieille avant l'âge. Ma force s'en est allée avec ce flux
inguérissable et avec elle ma paix. On m'a dit que tu es bon. Celui qui me
l'a dit a été guéri par Toi de sa lèpre
et qui, pour avoir vu pendant tant d'années tout le monde le fuir, n'a pas
éprouvé de répulsion pour moi. Je n'ai pas osé le dire avant. Pardon !
J'ai pensé que si je te touchais, je serais guérie. Mais je ne t'ai pas rendu
impur. J'ai à peine effleuré le bord de ton vêtement là où il traîne sur le
sol, sur les ordures du sol... Moi aussi, je suis une ordure... Mais je suis
guérie, que tu sois béni ! Au moment où j'ai touché ton vêtement, mon
mal s'est arrêté. Je suis redevenue comme toutes les femmes. Je ne serai plus
évitée par tout le monde. Mon mari, mes enfants, mes parents pourront rester
avec moi, je pourrai les caresser. Je serai utile dans ma maison. Merci
Jésus, bon Maître. Que tu sois éternellement béni !"
Jésus la regarde avec une infinie bonté. Il lui sourit et lui dit :
"Va en paix, ma fille. Ta foi t'a sauvée. Sois définitivement guérie.
Sois bonne et heureuse. Va."
Pendant qu'il parle encore, arrive un homme,
un serviteur je pense. Il s'adresse au père resté pendant tout ce temps dans
une attitude respectueuse mais tourmentée comme s'il était sur la braise.
"Ta fille est morte, il est inutile d'importuner le Maître davantage. Elle a rendu l'esprit, et déjà les femmes chantent les lamentations.
La mère t'envoie dire cela et te prie de venir tout de suite."
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29> Le pauvre père
pousse un gémissement. Il porte ses mains au front et le serre en se
comprimant les yeux et en se courbant comme s'il avait reçu un coup.
Jésus, qui paraît ne devoir rien voir ni rien entendre, attentif comme il
l'est à écouter la femme et à lui répondre, se tourne au contraire et pose la
main sur les épaules courbées du pauvre père. "Homme, je te l'ai
dit : "aie foi". Je te répète : "aie foi". Ne
crains pas. Ta fillette vivra. Allons la trouver." Et il se met en route
en tenant étroitement serré contre Lui l'homme anéanti. La foule, devant
cette douleur et là grâce déjà survenue, s'arrête intimidée, s'écarte, laisse
passer librement Jésus et les siens et puis suit comme un sillage la Grâce
qui passe.
Ils font ainsi une centaine de mètres environ, peut-être plus - je ne sais
pas calculer - et pénètrent toujours plus au centre du pays. Il y a un
rassemblement de gens devant une maison de belle apparence, qui commente à
haute voix l'évènement, répondant par des cris perçants à des cris plus aigus
qui viennent de la porte grande ouverte. Ce sont des cris perçants, aigus,
tenus sur une note fixe et qui semblent être dirigés par une voix plus aiguë
qui s'élève toute seule et à laquelle répond un groupe de voix plus faibles,
puis un autre chœur de voix plus pleines. C'est un vacarme qui ferait mourir
quelqu'un qui se porte bien.
Jésus ordonne aux siens de rester devant la sortie et il appelle avec Lui
Pierre, Jean et Jacques. Il entre avec eux dans la maison en tenant toujours
serré le bras du père en larmes. Il semble vouloir lui infuser par cette
étreinte la certitude que Lui est là pour le rendre heureux. Les...
pleureuses (je dirais : celles qui hurlent) en voyant le chef de famille
et le Maître redoublent leurs cris. Elles battent des mains, agitent des
tambourins, font résonner des triangles et sur cet... accompagnement appuient
leurs lamentations.
"Taisez-vous" dit Jésus. "Il ne faut pas pleurer. La fillette
n'est pas morte, elle dort."
Les femmes poussent des cris plus forts, et certaines se roulent, par terre,
se griffent, s'arrachent les cheveux (ou plutôt font semblant) pour montrer
qu'elle est bien morte. Les musiciens et les amis secouent la tête devant
l'illusion de Jésus. Ils croient bien qu'il s'illusionne. Mais Lui répète
un : "Taisez-vous !" tellement énergique que le vacarme,
s'il ne cesse pas complètement, devient un bourdonnement et il avance.
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30> Il entre dans une
petite chambre. Sur le lit est étendue une fillette morte. Maigre, pâle, elle
gît déjà revêtue et ses cheveux bruns sont coiffés avec soin. La mère, à
droite, pleure près du petit lit et baise la petite main cireuse de la morte.
Jésus... comme il est beau en ce moment ! Comme je l'ai vu peu de
fois ! Jésus s'approche avec empressement, il semble glisser sur le sol,
en volant, tant il se hâte vers ce petit lit.
Les trois apôtres restent contre la porte qu'ils ferment au nez des curieux.
Le père s'arrête au pied du lit.
Jésus va à la gauche du lit, il tend la main gauche et prend avec elle la
petite main de la morte qui s'abandonne. J'ai bien vu. C'est la main gauche
de Jésus et la main gauche de la petite. Il lève le bras droit en portant sa
main ouverte à la hauteur de ses épaules et puis l'abaisse comme quelqu'un
qui jure ou commande. Il dit : "Fillette, je te le dis,
lève-toi !"
Un instant où tous, sauf Jésus et la morte, restent en suspens. Les apôtres
allongent le cou pour mieux voir. Le père et la mère regardent leur enfant,
les yeux mornes. Un instant. Puis un soupir soulève la poitrine de la petite
morte. Une légère couleur monte au visage de cire et en fait disparaître la
teinte livide de la mort. Un sourire se dessine sur les lèvres pâles avant
encore que s'ouvrent les yeux, comme si la fillette faisait un beau rêve.
Jésus tient toujours la main dans sa main. La fillette ouvre doucement les
yeux, elle regarde tout autour d'elle comme si elle venait de s'éveiller.
Elle voit d'abord le visage de Jésus qui là fixe de ses yeux magnifiques et
qui lui sourit avec une bonté qui l'encourage, et elle Lui sourit.
"Lève-toi" répète Jésus et, écartant avec sa main les préparatifs
funèbres répandus sur le lit et à côté (fleurs, voiles, etc.), il l'aide à
descendre, à lui faire faire ses premiers pas en la tenant toujours par la
main.
"Donnez-lui à manger, maintenant" commande-t-il. "Elle est
guérie. Dieu vous l'a rendue. Remerciez-le, et ne parlez à personne de ce qui
est arrivé. Vous savez ce qui lui était arrivé, vous avez cru et vous avez
mérité le miracle. Les autres n'ont pas eu foi, il est inutile de chercher à
les persuader. À ceux qui nient le miracle, Dieu ne se manifeste pas. Et toi,
fillette, sois bonne. Adieu ! Paix à cette maison !" et il
sort en refermant la porte derrière Lui.
La vision cesse.
31> Je vous dirai que
les deux détails qui m'ont particulièrement réjoui ont été ceux où Jésus
cherche dans la foule qui l'a touché et surtout quand debout près de la
petite morte, il lui prend la main et lui ordonne de se lever. La paix, la
sécurité sont entrées en moi. Il n'est pas possible que quelqu'un qui a pitié
comme Lui et qui est puissant puisse n'avoir pas pitié de nous et ne pas
vaincre le Mal qui nous fait mourir.
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