Liste des sigles
SS. Jean-Paul II et Maria Valtorta
Vers la fiche "prière"
Extraits de "L'attente de Dieu" de Simone Weil (1909-1943)
La liturgie des heures expliquée par Jésus
Sélection d'auteurs
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Chapitre troisième - La vie de prière
2697
La prière est la vie du cœur nouveau. Elle doit nous animer à tout moment. Or
nous oublions Celui qui est notre Vie et notre Tout. C’est pourquoi les Pères
spirituels, dans la tradition du Deutéronome et des prophètes, insistent sur
la prière comme " souvenir de Dieu " réveil fréquent de
la " mémoire du cœur " : " Il faut se
souvenir de Dieu plus souvent qu’on ne respire "1. Mais on ne peut pas prier " en tout
temps " si l’on ne prie pas à certains moments, en le
voulant : ce sont les temps forts de la prière chrétienne, en intensité
et en durée.
1. Saint
Grégoire de Naziance, Orationes theolicae 1,4.
La Tradition de
l’Église propose aux fidèles des rythmes de prière destinés à nourrir la
prière continuelle. Certains sont quotidiens : la prière du matin et du
soir, avant et après les repas, la Liturgie des Heures. Le dimanche, centré
sur l’Eucharistie, est sanctifié principalement par la prière. Le cycle de
l’année liturgique et ses grandes fêtes sont les rythmes fondamentaux de la
vie de prière des chrétiens.
2699
Le Seigneur conduit chaque personne par les chemins et de la manière qui
Lui plaisent. Chaque fidèle Lui répond aussi selon la détermination de son
cœur et les expressions personnelles de sa prière. Cependant la tradition
chrétienne a retenu trois expressions majeures de la vie de prière : la
prière vocale, la méditation, l’oraison. Un trait fondamental leur est
commun : le recueillement du cœur. Cette vigilance à garder la Parole et
à demeurer en présence de Dieu fait de ces trois expressions des temps forts
de la vie de prière.
Article 1
Les expressions de la prière
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I. La prière vocale
2700
Par sa Parole, Dieu parle à l’homme. C’est par des paroles, mentales ou
vocales, que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence
du cœur à Celui à qui nous parlons dans la prière. " Que notre
prière soit entendue dépend, non de la quantité des paroles, mais de la
ferveur de nos âmes "1.
1. Saint
Jean Chrysostome, Eclogae ex diversis homiliis 2
2701
La prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne. Aux
disciples, attirés par la prière silencieuse de leur Maître, Celui-ci
enseigne une prière vocale : le " Notre Père ".
Jésus n’a pas seulement prié les prières liturgiques de la synagogue, les
Évangiles nous Le montrent élever la voix pour exprimer sa prière
personnelle, de la bénédiction exultante du Père1 jusqu’à la détresse de Gethsémani2.
1. Cf. Matthieu 11, 25-26. 2. Cf. Marc 14, 36.
2702
Ce besoin d’associer les sens à la prière intérieure répond à une
exigence de notre nature humaine. Nous sommes corps et esprit, et nous
éprouvons le besoin de traduire extérieurement nos sentiments. Il faut prier
avec tout notre être pour donner à notre supplication toute la puissance
possible.
2703
Ce besoin répond aussi à une exigence divine. Dieu cherche des adorateurs
en Esprit et en Vérité, et par conséquent la prière qui monte vivante des
profondeurs de l’âme. Il veut aussi l’expression extérieure qui associe le
corps à la prière intérieure, car elle Lui apporte cet hommage parfait de
tout ce à quoi Il a droit.
2704
Parce qu’extérieure et si pleinement humaine, la prière vocale est par
excellence la prière des foules. Mais aussi la prière la plus intérieure ne
saurait négliger la prière vocale. La prière devient intérieure dans la
mesure où nous prenons conscience de Celui " à qui nous
parlons "1. Alors la prière vocale devient une
première forme de la prière contemplative.
1. Sainte
Thérèse de Jésus (d'Avila), Camino de perfeccion 26.
II. La méditation
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2705
La méditation est
surtout une recherche. L’esprit cherche à comprendre le pourquoi et le
comment de la vie chrétienne, afin d’adhérer et de répondre à ce que le
Seigneur demande. Il y faut une attention difficile à discipliner.
Habituellement, on s’aide d’un livre, et les chrétiens n’en manquent
pas : les saintes Écritures, l’Évangile singulièrement, les saintes
icônes, les textes liturgiques du jour ou du temps, les écrits des Pères
spirituels, les ouvrages de spiritualité, le grand livre de la création et
celui de l’histoire, la page de "l’Aujourd’hui" de Dieu.
2706
Méditer ce qu’on lit conduit à se l’approprier en le confrontant avec
soi-même. Ici, un autre livre est ouvert : celui de la vie. On passe des
pensées à la réalité. A la mesure de l’humilité et de la foi, on y découvre
les mouvements qui agitent le cœur et on peut les discerner. Il s’agit de
faire la vérité pour venir à la Lumière : " Seigneur, que
veux-tu que je fasse ? ".
2707
Les méthodes de méditation sont aussi diverses que les maîtres
spirituels. Un chrétien se doit de vouloir méditer régulièrement, sinon il
ressemble aux trois premiers terrains de la parabole du semeur1. Mais une méthode n’est qu’un guide ; l’important est
d’avancer, avec l’Esprit Saint, sur l’unique chemin de la prière : le
Christ Jésus.
1. Cf. Marc 4, 4-7. 15-19
2708
La méditation met en œuvre la pensée, l’imagination, l’émotion et le désir.
Cette mobilisation est nécessaire pour approfondir les convictions de foi,
susciter la conversion du cœur et fortifier la volonté de suivre le Christ.
La prière chrétienne s’applique de préférence à méditer " les
mystères du Christ ", comme dans la " lectio
divina " ou le Rosaire. Cette forme de
réflexion priante est de grande valeur, mais la prière chrétienne doit tendre
plus loin : à la connaissance d’amour du Seigneur Jésus, à l’union avec
Lui.
III.
L’oraison
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2709
Qu’est-ce que l’oraison ? Ste. Thérèse répond : "L’oraison
mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on
s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé"1.
L’oraison cherche "celui que mon cœur aime"2. C’est Jésus, et en lui, le Père. Il est cherché, parce que le
désirer est toujours le commencement de l’amour, et il est cherché dans la
foi pure, cette foi qui nous fait naître de lui et vivre en lui. On peut
méditer encore dans l’oraison, toutefois le regard porte sur le Seigneur.
1. Sainte
Thérèse de Jésus (d'Avila) Libro de la
vida 8. 2. Cantique des cantiques 1, 7 ; cf.
Cantique des cantiques 3, 1-4.
2710
Le choix du temps et de la durée de l’oraison relève d’une volonté
déterminée, révélatrice des secrets du cœur. On ne fait pas oraison quand on
a le temps : on prend le temps d’être pour le Seigneur, avec la ferme
détermination de ne pas le lui reprendre en cours de route, quelles que
soient les épreuves et la sécheresse de la rencontre. On ne peut pas toujours
méditer, on peut toujours entrer en oraison, indépendamment des conditions de
santé, de travail ou d’affectivité. Le cœur est le lieu de la recherche et de
la rencontre, dans la pauvreté et dans la foi.
2711
L’entrée en oraison est analogue à celle de la Liturgie
eucharistique : "rassembler" le cœur, recueillir tout notre
être sous la mouvance de l’Esprit Saint, habiter la demeure du Seigneur que
nous sommes, éveiller la foi pour entrer en la Présence de Celui qui nous
attend, faire tomber nos masques et retourner notre cœur vers le Seigneur qui
nous aime afin de nous remettre à Lui comme une offrande à purifier et à
transformer.
2712
L’oraison est la prière de l’enfant de Dieu, du pécheur pardonné qui
consent à accueillir l’amour dont il est aimé et qui veut y répondre en
aimant plus encore1. Mais il sait que son amour en retour
est celui que l’Esprit répand dans son cœur, car tout est grâce de la part de
Dieu. L’oraison est la remise humble et pauvre à la volonté aimante du Père
en union de plus en plus profonde à son Fils bien-aimé.
1. Cf. Luc 7, 36-50 ; 19, 1-10.
2713
Ainsi l’oraison est-elle l’expression la plus simple du mystère de la
prière. L’oraison est un don, une grâce ; elle ne peut être
accueillie que dans l’humilité et la pauvreté. L’oraison est une relation d’alliance
établie par Dieu au fond de notre être1.
L’oraison est communion : la Trinité Sainte y conforme l’homme,
image de Dieu, "à sa ressemblance".
1. Cf. Jérémie 31,33.
2714
L’oraison est aussi le temps fort par excellence de la prière.
Dans l’oraison, le Père nous " arme de puissance par son Esprit
pour que se fortifie en nous l’homme intérieur, que le Christ habite en nos
cœurs par la foi et que nous soyons enracinés, fondés dans
l’amour "1.
1.
Éphésiens 3, 16-17.
2715
La contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus. "Je
L’avise et Il m’avise", disait, au temps de son saint curé, le paysan
d’Ars en prière devant le Tabernacle1. Cette
attention à Lui est renoncement au " moi ". Son regard
purifie le cœur. La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre
cœur ; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de
sa compassion pour tous les hommes. La contemplation porte aussi son regard
sur les mystères de la vie du Christ. Elle apprend ainsi " la
connaissance intérieure du Seigneur " pour L’aimer et Le suivre
davantage2.
1. Cf. F. Trochu, Le curé d’Ars Saint
Jean Marie Vianney, p. 223-224. 2.
Cf. Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels 104.
2716
L’oraison est écoute de la Parole de Dieu. Loin d’être passive,
cette écoute est l’obéissance de la foi, accueil inconditionnel du serviteur
et adhésion aimante de l’enfant. Elle participe au
" oui " du Fils devenu Serviteur et au " fiat "
de son humble servante.
2717
L’oraison est silence, ce "symbole du monde qui vient"1 ou "silencieux amour"2.
Les paroles dans l’oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui
alimentent le feu de l’amour. C’est dans ce silence, insupportable à l’homme
"extérieur", que le Père nous dit son Verbe incarné, souffrant,
mort et ressuscité, et que l’Esprit filial nous fait participer à la prière
de Jésus.
1. Saint
Isaac de Ninive, Tractatus mystici, editio Bedjan 66. 2. Saint Jean de la Croix
2718
L’oraison est union à la prière du Christ dans la mesure où elle fait
participer à son Mystère. Le Mystère du Christ est célébré par l’Église dans
l’Eucharistie, et l’Esprit Saint le fait vivre dans l’oraison, afin qu’il
soit manifesté par la charité en acte.
2719
L’oraison est une communion d’amour porteuse de Vie pour la multitude,
dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. La
Nuit pascale de la Résurrection passe par celle de l’agonie et du tombeau. Ce
sont ces trois temps forts de l’Heure de Jésus que son Esprit (et non la
"chair qui est faible") fait vivre dans l’oraison. Il faut
consentir à "veiller une heure avec lui"1.
1. Cf. Matthieu 26, 40.
En bref
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2720
L’Église invite les fidèles à une prière régulière : prières quotidiennes,
Liturgie des Heures, Eucharistie dominicale, fêtes de l’année liturgique.
2721
La tradition chrétienne comprend trois expressions majeures de la vie de
prière : la prière vocale, la méditation et l’oraison. Elles ont en
commun le recueillement du cœur.
2722
La prière vocale, fondée sur l’union du corps et de l’esprit dans la nature
humaine, associe le corps à la prière intérieure du cœur, à l’exemple du
Christ priant son Père et enseignant le "Notre Père" à ses
disciples.
2723
La méditation est une recherche priante qui met en œuvre la pensée,
l’imagination, l’émotion, le désir. Elle a pour but l’appropriation croyante
du sujet considéré, confronté avec la réalité de notre vie.
2724
L’oraison mentale est l’expression simple du mystère de la prière. Elle est
un regard de foi fixé sur Jésus, une écoute de la Parole de Dieu, un
silencieux amour. Elle réalise l’union à la prière du Christ dans la mesure
où elle nous fait participer à son Mystère.
Article 2
Le combat de la prière
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2725
La prière est un don de la grâce et une réponse décidée de notre part. Elle
suppose toujours un effort. Les grands priants de l’Ancienne Alliance avant
le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous
l’apprennent : la prière est un combat. Contre qui ? contre
nous-mêmes et contre les ruses du Tentateur qui fait tout pour détourner
l’homme de la prière, de l’union à son Dieu. On prie comme on vit, parce
qu’on vit comme on prie. Si l’on ne veut pas habituellement agir selon
l’Esprit du Christ, on ne peut pas non plus habituellement prier en son Nom.
Le " combat spirituel " de la vie nouvelle du chrétien
est inséparable du combat de la prière.
I. Les objections à la prière
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2726
Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour
de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certaines y voient
une simple opération psychologique, d’autres un effort de concentration pour
arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles
rituelles. Dans l’inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une
occupation incompatible avec tout ce qu’ils ont à faire : ils n’ont pas
le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce
qu’ils ignorent que la prière vient aussi de l’Esprit Saint et non pas d’eux
seuls.
2727
Nous avons aussi à faire face à des mentalités de " ce
monde-ci " ; elles nous pénètrent si nous ne sommes pas
vigilants, par exemple : le vrai serait seulement ce qui est vérifié par
la raison et la science (or prier est un mystère qui déborde notre conscience
et notre inconscient) ; les valeurs de production et de rendement (la
prière, improductive, est donc inutile) ; le sensualisme et le confort,
critères du vrai, du bien et du beau (or la prière, " amour de la
Beauté " [philocalie], est éprise de la Gloire du Dieu vivant et
vrai) ; en réaction contre l’activisme, voici la prière présentée comme
fuite du monde (or la prière chrétienne n’est pas une sortie de l’histoire ni
un divorce avec la vie).
2728
Enfin, notre combat doit faire face à ce que nous ressentons comme nos
échecs dans la prière : découragement devant nos
sécheresses, tristesse de ne pas tout donner au Seigneur, car
nous avons "de grands biens" (cf. Marc 10, 22), déception de ne pas
être exaucés selon notre volonté propre, blessure de notre orgueil qui se
durcit sur notre indignité de pécheur, allergie à la gratuité de la prière,
etc. La conclusion est toujours la même : à quoi bon prier ? Pour vaincre
ces obstacles, il faut combattre pour l’humilié, la confiance et la
persévérance.
II. L’humble vigilance du cœur
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Face aux difficultés de la prière
2729
La difficulté habituelle de notre prière est la distraction. Elle peut
porter sur les mots et leur sens, dans la prière vocale ; elle peut
porter, plus profondément, sur Celui que nous prions, dans la prière vocale (liturgique
ou personnelle), dans la méditation et dans l’oraison. Partir à la chasse des
distractions serait tomber dans leurs pièges, alors
qu’il suffit de revenir à notre cœur : une distraction nous révèle ce à
quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le
Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour lui, en lui offrant
résolument notre cœur pour qu’il le purifie. Là se situe le combat, le choix
du Maître à servir (cf. Mt 6, 21. 24).
2730 Positivement, le combat contre notre moi possessif et dominateur
est la vigilance, la sobriété du cœur. Quand Jésus insiste sur la
vigilance, elle est toujours relative à Lui, à sa Venue, au dernier jour et
chaque jour : " aujourd’hui ". L’Epoux vient au
milieu de la nuit ; la lumière qui ne doit pas s’éteindre est celle de
la foi : " De toi mon cœur a dit : ‘Cherche sa
Face’ " (Ps 27, 8).
2731 Une autre difficulté, spécialement pour ceux qui veulent
sincèrement prier, est la sécheresse. Elle fait partie de l’oraison où
le cœur est sevré, sans goût pour les pensées, souvenirs et sentiments, même
spirituels. C’est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement avec Jésus
dans l’agonie et au tombeau. " Le grain de blé, s’il meurt, porte
beaucoup de fruit " (Jean 12, 24). Si la sécheresse est due au
manque de racine, parce que la Parole est tombée sur du roc, le combat relève
de la conversion (cf. Lc 8, 6. 13).
Face aux tentations dans la prière
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2732 La tentation la plus courante, la plus cachée, est notre manque
de foi. Elle s’exprime moins par une incrédulité déclarée que par une
préférence de fait. Quand nous commençons à prier, mille travaux ou soucis,
estimés urgents, se présentent comme prioritaires ; de nouveau, c’est le
moment de la vérité du cœur et de son amour de préférence. Tantôt nous nous
tournons vers le Seigneur comme le dernier recours : mais y croit-on
vraiment ? Tantôt nous prenons le Seigneur comme allié, mais le cœur est
encore dans la présomption. Dans tous les cas, notre manque de foi révèle que
nous ne sommes pas encore dans la disposition du cœur humble :
" Hors de moi, vous ne pouvez rien faire " (Jean
15, 5).
2733 Une autre tentation, à laquelle la présomption ouvre la porte,
est l’acédie. Les Pères spirituels
entendent par là une forme de dépression due au relâchement de l’ascèse, à la
baisse de la vigilance, à la négligence du cœur. " L’esprit est
ardent, mais la chair est faible " (Mt 26, 41). Plus on tombe de
haut, plus on se fait mal. Le découragement, douloureux, est l’envers de la
présomption. Qui est humble ne s’étonne pas de sa misère, elle le porte à
plus de confiance, à tenir ferme dans la constance.
III. La confiance filiale
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2734
La confiance filiale est éprouvée – elle se prouve – dans la tribulation (cf.
Romains 5, 3-5). La difficulté principale concerne la prière de demande,
pour soi ou pour les autres dans l’intercession. Certains cessent même de
prier parce que, pensent-ils, leur demande n’est pas exaucée. Ici deux
questions se posent : Pourquoi pensons-nous que notre demande n’a pas
été exaucée ? Comment notre prière est-elle exaucée,
"efficace" ?
Pourquoi nous plaindre de ne pas être exaucés ?
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2735
Une constatation devrait d’abord nous étonner. Quand nous louons Dieu ou lui
rendons grâces pour ses bienfaits en général, nous ne sommes guère inquiets
de savoir si notre prière lui est agréable. Par contre, nous exigeons de voir
le résultat de notre demande. Quelle est donc l’image de Dieu qui motive
notre prière : un moyen à utiliser ou le Père de notre Seigneur
Jésus-Christ ?
2736
Sommes-nous convaincus que " nous ne savons que demander pour
prier comme il faut " (Romains 8, 26) ? Demandons-nous à Dieu
" les biens convenables " ? Notre Père sait bien ce
qu’il nous faut, avant que nous le lui demandions (cf. Mt 6, 8) mais il
attend notre demande parce que la dignité de ses enfants est dans leur
liberté. Or il faut prier avec son Esprit de liberté, pour pouvoir connaître
en vérité son désir (cf. Romains 8, 27).
2737
"Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et
ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos
passions " (Jacques 4, 2-3 ; cf. tout le contexte Jacques 4,
1-10 ; 1, 5-8 ; 5, 16). Si nous demandons avec un cœur partagé,
" adultère " (Jacques 4, 4), Dieu ne peut nous exaucer,
car il veut notre bien, notre vie. " Pensez-vous que l’Écriture
dise en vain : il désire avec jalousie l’Esprit qu’il a mis en
vous " (Jacques 4, 5) ? Notre Dieu est
" jaloux " de nous, ce qui est le signe de la vérité de
son amour. Entrons dans le désir de son Esprit et nous serons exaucés :
Ne t’afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu lui
demandes ; c’est qu’il veut te faire plus de bien encore par ta
persévérance à demeurer avec lui dans la prière (Evagre,
or. 34 : PG 79, 1173). Il veut que notre désir s’éprouve dans la prière.
Ainsi, il nous dispose à recevoir ce qu’il est prêt à nous donner (S.
Augustin, ep. 130, 8, 17 : PL 33, 500).
Comment notre prière est-elle efficace ?
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2738
La révélation de la prière dans l’Economie du salut nous apprend que la foi
s’appuie sur l’action de Dieu dans l’histoire. La confiance filiale est
suscitée par son action par excellence : la Passion et la Résurrection
de son Fils. La prière chrétienne est coopération à sa Providence, à son
Dessein d’amour pour les hommes.
2739
Chez S. Paul, cette confiance est audacieuse (cf. Romains 10, 12-13), fondée
sur la prière de l’Esprit en nous et sur l’amour fidèle du Père qui nous a
donné son Fils unique (cf. Romains 8, 26-39). La transformation du cœur qui
prie est la première réponse à notre demande.
2740 La prière de Jésus fait de la prière chrétienne une demande
efficace. Il en est le modèle, Il prie en nous et avec nous. Puisque le cœur
du Fils ne cherche que ce qui plaît au Père, comment celui des enfants
d’adoption s’attacherait-il aux dons plutôt qu’au Donateur ?
2741 Jésus prie aussi pour nous, à notre place et en notre faveur.
Toutes nos demandes ont été recueillies une fois pour toutes dans son Cri sur
la Croix et exaucées par le Père dans sa Résurrection et c’est pourquoi il ne
cesse d’intercéder pour nous auprès du Père (cf. He 5, 7 ; 7, 25 ;
9, 24). Si notre prière est résolument unie à celle de Jésus, dans la
confiance et l’audace filiale, nous obtenons tout ce que nous demandons en
son Nom, bien davantage que ceci ou cela : l’Esprit Saint lui-même, qui
contient tous les dons.
IV. Persévérer dans l’amour
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2742
"Priez sans
cesse" (1 Th 5, 17), " en tout temps et à tout propos, rendez
grâces à Dieu le Père au Nom de notre Seigneur Jésus Christ " (Ep 5, 20), " vivez dans la prière et les
supplications ; priez en tout temps dans l’Esprit, apportez-y une
vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints " (Ep 6, 18). " Il ne nous a pas été prescrit de
travailler, de veiller et de jeûner constamment, tandis que c’est pour nous
une loi de prier sans cesse " (Evagre,
cap. pract. 49 : PG 40, 1245C). Cette ardeur
inlassable ne peut venir que de l’amour. Contre notre pesanteur et notre
paresse le combat de la prière est celui de l’amour humble, confiant
et persévérant. Cet amour ouvre nos cœurs sur trois évidences de foi,
lumineuses et vivifiantes :
2743 Prier est toujours possible : Le temps du chrétien est
celui du Christ ressuscité qui est " avec nous, tous les
jours " (Mt 28, 20), quelles que soient les tempêtes (cf. Lc 8, 24). Notre temps est dans la main de Dieu :
Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une
fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train
d’acheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine (S. Jean Chrysostome, ecl. 2 : PG 63, 585A).
2744 Prier est une nécessité vitale. La preuve par le contraire
n’est pas moins convaincante : si nous ne laissons pas mener par
l’Esprit, nous retombons sous l’esclavage du péché (cf. Ga 5, 16-25). Comment
l’Esprit Saint peut-il être " notre Vie " si notre cœur
est loin de lui ?
Rien ne vaut la prière ; elle rend possible ce qui est impossible,
facile ce qui est difficile. Il est impossible que l’homme qui prie puisse
pécher (S. Jean Chrysostome, Anna 4, 5 : PG 54, 666).
Qui prie, se sauve certainement ; qui ne prie pas se damne certainement
(S. Alphonse de Liguori, mez.).
2745 Prière et vie chrétiennes sont inséparables car il
s’agit du même amour et du même renoncement qui procède de
l’amour. La même conformité filiale et aimante au Dessein d’amour du Père. La
même union transformante dans l’Esprit Saint qui
nous conforme toujours plus au Christ Jésus. Le même amour pour tous les
hommes, de cet amour dont Jésus nous a aimés. " Tout ce que vous
demanderez au Père en mon Nom, il vous l’accordera. Ce que je vous commande,
c’est de vous aimer les uns les autres " (Jean 15, 16-17).
Celui-là prie sans cesse qui unit la prière aux œuvres et les œuvres à la
prière. Ainsi seulement nous pouvons considérer comme réalisable le principe
de prier sans cesse (Origène, or. 12).
La prière de l’heure de Jésus
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2746
Quand son Heure est venue, Jésus prie le Père (cf. Jean 17). Sa prière, la
plus longue transmise par l’Evangile, embrasse toute l’Economie de la
création et du salut, comme sa Mort et sa Résurrection. La prière de l’Heure
de Jésus demeure toujours la sienne, de même que sa Pâque, advenue
" une fois pour toutes ", demeure présente dans la
Liturgie de son Église.
2747 La tradition chrétienne l’appelle à juste titre la prière
" sacerdotale " de Jésus. Elle est celle de notre Grand Prêtre,
elle est inséparable de son Sacrifice, de son " passage "
[pâque] vers le Père où il est " consacré " tout entier
au Père (cf. Jean 17, 11. 13. 19).
2748 Dans cette prière pascale, sacrificielle, tout est
" récapitulé " en Lui (cf. Ep
1, 10) : Dieu et le monde, le Verbe et la chair, la vie éternelle et le
temps, l’amour qui se livre et le péché qui le trahit, les disciples présents
et ceux qui croiront en Lui par leur parole, l’abaissement et la Gloire. Elle
est la prière de l’Unité.
2749 Jésus a tout accompli de l’œuvre du Père et sa prière, comme son
Sacrifice, s’étend jusqu’à la consommation du temps. La prière de l’Heure
emplit les derniers temps et les porte vers leur consommation. Jésus, le Fils
à qui le Père a tout donné, est tout remis au Père, et, en même temps, il
s’exprime avec une liberté souveraine (cf. Jean 17, 11. 13. 19. 24) de par le
pouvoir que le Père lui a donné sur toute chair. Le Fils, qui s’est fait
Serviteur, est le Seigneur, le Pantocratôr.
Notre Grand Prêtre qui prie pour nous est aussi Celui qui prie en nous et le
Dieu qui nous exauce.
2750
C’est en entrant dans le saint Nom du Seigneur Jésus que nous pouvons
accueillir, du dedans, la prière qu’il nous apprend : "Notre
Père !". Sa prière sacerdotale inspire, du dedans, les grandes
demandes du Pater : le souci du Nom du Père (cf. Jean 17,6. 11. 12. 26),
la passion de son Règne (la Gloire ; cf. Jean 17,1. 5. 10. 24. 23-26),
l’accomplissement de la volonté du Père, de son Dessein de salut (cf. Jean
17,2. 4. 6. 9. 11. 12. 24) et la libération du mal (cf. Jean 17,15).
2751
Enfin, c’est dans cette prière que Jésus nous révèle et nous donne la
" connaissance " indissociable du Père et du Fils (cf.
Jean 17, 3. 6-10. 25) qui est le mystère même de la Vie de prière.
En bref
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2752
La prière suppose un effort et une lutte contre nous mêmes et contre les
ruses du Tentateur. Le combat de la prière est inséparable du
" combat spirituel " nécessaire pour agir habituellement
selon l’Esprit du Christ : On prie comme on vit, parce qu’on vit comme
on prie.
2753
Dans le combat de la prière nous devons faire face à des conceptions
erronées, à divers courants de mentalité, à l’expérience de nos échecs. A ces
tentations qui jettent le doute sur l’utilité ou la possibilité même de la
prière il convient de répondre par l’humilité, la confiance et la
persévérance.
2754
Les difficultés principales dans l’exercice de la prière sont la distraction
et la sécheresse. Le remède est dans la foi, la conversion et la vigilance du
cœur.
2755
Deux tentations fréquentes menacent la prière : le manque de foi et l’acédie qui est une forme de dépression due au
relâchement de l’ascèse et portant au découragement.
2756
La confiance filiale est mise à l’épreuve quand nous avons le sentiment de
n’être pas toujours exaucés. L’Évangile nous invite à nous interroger sur la
conformité de notre prière au désir de l’Esprit.
2757
"Priez sans cesse" (1 Th 5, 17). Prier est toujours possible. C’est
même une nécessité vitale. Prière et vie chrétienne sont inséparables.
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