Catéchèse du mardi 30 juillet 1946.
283> 464.17
- Jésus
dit :
"C’est pour ceux qui ont le cœur droit qu’a été donnée cette page
évangélique, inconnue mais tellement éclairante ! Jean, en écrivant son
évangile après des dizaines d’années, fait une brève allusion
à cet épisode Obéissant au désir de son Maître, dont il met en lumière plus que
tout autre évangéliste la nature divine, il révèle aux hommes ce détail
ignoré, et il le révèle avec cette retenue virginale qui enveloppait toutes
ses actions et toutes ses paroles d'une pudeur humble et réservée.
284>
Jean,
mon confident pour les faits les plus graves de ma vie, ne s'est jamais
pompeusement prévalu de ces faveurs que je lui faisais. Mais, au contraire,
lisez attentivement, il semble souffrir de les révéler et dire :
"Je dois dire cela parce que c'est une vérité qui exalte mon Seigneur,
mais je vous demande pardon de devoir montrer que je suis seul à la
connaître" et c'est par des paroles concises qu'il fait allusion au
détail connu de lui seul.
464.18
- Lisez le premier chapitre de son Évangile où il raconte
sa rencontre avec Moi : "Jean Baptiste
se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples... Les deux disciples,
ayant entendu ces paroles... André, frère de Simon Pierre, était l'un des
deux qui avaient entendu les paroles de Jean et qui avaient suivi Jésus. Le
premier qu’André rencontra..." Lui ne se nomme pas, au contraire il se cache derrière
André qu'il met en lumière.
À Cana, il était avec Moi, et il dit : "Jésus était
avec ses disciples... et ses disciples crurent en Lui". C'étaient les
autres qui avaient besoin de croire. Lui croyait déjà, mais il ne fait qu'un
avec les autres, comme s'il avait besoin de voir des miracles pour croire.
Témoin à la première fois que j'ai chassé les marchands du Temple, à l'entretien
avec Nicodème, à l'épisode de la Samaritaine, il ne dit jamais : "J'y étais", mais il
garde la ligne de conduite qu'il avait prise à Cana et il dit :
"Ses disciples" même quand il était seul ou avec un autre. Et il
continue ainsi, sans jamais se nommer, en mettant toujours en avant ses
compagnons; comme s'il n'avait pas été le plus fidèle, le toujours fidèle, le
parfaitement fidèle.
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285> Rappelez-vous la délicatesse avec
laquelle il fait allusion à l'épisode
de la Cène, dont il résulte que c'était lui le
préféré reconnu comme tel même par les autres, qui ont recours à lui quand
ils veulent connaître les secrets du Maître : "Les disciples
commencèrent donc à se regarder l'un l'autre, ne sachant pas à qui le Maître
faisait allusion. L'un d'eux, le préféré de Jésus, reposait sur sa poitrine.
Simon Pierre lui fit signe et il demanda : 'De qui parle-t-il ?'
Celui-ci, appuyé comme il était sur la poitrine de Jésus, Lui demanda :
'Qui est-ce donc, Seigneur ?' "
Il ne se nomme pas non plus en tant qu'appelé
au Gethsémani avec Pierre et Jacques. Il ne dit pas non plus :
"J'ai suivi le Seigneur". Il dit : "Simon Pierre le
suivit avec un autre disciple, et cet autre étant connu par le Pontife entra
avec Jésus dans l'atrium du Pontife". Sans Jean, je n'aurais pas eu le
réconfort de le voir, lui et Pierre, dans les premières heures où je fus
arrêté, mais Jean ne s'en vante pas. Un des principaux personnages dans les
heures de la Passion, l'unique apôtre qui ne cessa pas d'y être présent,
plein d'amour, plein de pitié, héroïquement présent près du Christ, près de la Mère, en face de Jérusalem
déchaînée, il tait son nom même dans l'épisode saillant de la Crucifixion et
des paroles du Mourant : "Femme, voici
ton fils" "Voici ta mère".
C'est "le disciple", le sans nom, sans autre nom que celui qui a
été sa gloire après avoir été sa vocation : "le disciple".
Devenu le "fils" de la Mère de Dieu, même après cet honneur, il ne
s'exalte pas et dans la Résurrection il dit encore : "Pierre et
l'autre disciple (auxquels Marie de Lazare avait parlé du sépulcre vide)
sortirent et allèrent... Ils coururent... mais l'autre disciple courut plus
vite que Pierre et il arriva le premier et, s'étant penché, il vit... mais il
n'entra pas..." Trait de suave humilité ! Lui, le préféré, le
fidèle, il laisse entrer Pierre le premier, Pierre, le chef, bien qu'il eut
péché par lâcheté. Il ne le juge pas. C'est son Pontife. Il le secourt même
par sa sainteté, car les "chefs" eux-mêmes peuvent avoir besoin, et
même ont besoin de leurs sujets pour en être aidés.
Combien de subordonnés sont meilleurs que des "chefs" ! Ne
refusez jamais, ô sujets saints, votre pitié aux "chefs" qui
fléchissent sous un fardeau qu'ils ne savent pas porter ou qui sont aveuglés
et enivrés par la fumée des honneurs.
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286> Soyez, ô sujets saints, les Cyrénéens de vos
Supérieurs, soyez, sois, ô mon petit Jean, car c'est à toi que je parle pour
tous, les "Jean" qui courent en avant et qui guident les
"Pierre", et ensuite s'arrêtent pour les laisser entrer par respect
pour leur charge, et qui – oh ! chef d’œuvre d'humilité ! - et qui
pour ne pas mortifier les "Pierre" qui ne savent pas comprendre et
croire, en arrivent à paraître et à laisser croire, qu'ils sont obtus et
incrédules eux aussi, comme les "Pierre".
Lisez le dernier épisode sur le lac de Tibériade. C'est encore Jean qui, en
répétant l'acte fait d'autres fois, reconnaît le Seigneur dans l'Homme qui
est debout sur la rive et, après que l'on eut partagé la nourriture ensemble,
dans la demande de Pierre : "Et de celui-ci, qu'en
sera-t-il ?" c'est toujours "le disciple", rien de plus.
Pour ce qui le concerne, lui, il s'anéantit. Mais quand il s'agit de dire
quelque chose qui fasse resplendir d'une lumière de plus en plus divine le
Verbe de Dieu Incarné, voilà que Jean relève les voiles et révèle un secret.
464.19
- Au sixième chapitre de l'Évangile, il dit :
"S'étant aperçu qu'ils voulaient l'enlever pour le faire roi, il
s'enfuit de nouveau tout seul sur la montagne". Et il fait connaître
aux croyants cette heure du Christ, pour que les croyants sachent que
multiples et complexes furent les tentations et les luttes auxquelles on
soumit le Christ
en ses diverses qualités d'Homme, de Maître, de Messie, de Rédempteur, de Roi,
et que les hommes et Satan, l'éternel instigateur des hommes, n'épargnèrent
aucune embûche au Christ pour le diminuer, l'abattre, le détruire. Contre
l'Homme, contre le Prêtre Éternel, contre le Maître, aussi bien que contre le
Seigneur, montèrent à l'assaut les méchancetés sataniques et humaines,
larvées de prétextes présentés comme bons. Les passions du citoyen, du
patriote, du fils, de l'homme, furent toutes piquées ou essayées pour
découvrir le point faible sous lequel on ferait levier.
Ah ! mes enfants, vous qui ne réfléchissez qu'à la tentation du début et
à la tentation de la fin. De mes fatigues de Rédempteur ne vous paraissent
"fatigues" que les dernières, et douloureuses seules les dernières
heures, et amères et décevantes les seules dernières expériences. Mettez-vous
pour un instant à ma place. Imaginez que c'est à vous que l'on fait entrevoir
la paix avec les compatriotes, leur aide, la possibilité d'accomplir les
purifications nécessaires pour rendre saint le Pays aimé, la possibilité de restaurer,
de réunir les membres séparés d'Israël, de mettre fin à la douleur, au
servage, au sacrilège.
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287> Et je ne dis pas de vous mettre à
ma place en pensant que l'on vous offre une couronne. Je vous dis seulement
d'avoir pour une heure mon cœur d'Homme, et dites-moi: la proposition
séduisante, comment vous aurait-elle laissés ? Triomphateurs fidèles à
la divine Idée, ou plutôt vaincus ? En seriez-vous sortis plus que
jamais saints et spirituels, ou vous seriez-vous détruits vous-mêmes en
adhérant à la tentation ou en cédant aux menaces ? Et avec quel cœur en
seriez-vous sortis, après avoir constaté jusqu'à quel point Satan poussait
ses armes pour me blesser dans ma mission et dans mes affections, en faisant
égarer sur le mauvais chemin mes bons disciples et en me mettant en lutte
ouverte avec mes ennemis, désormais démasqués, rendus féroces pour avoir été
découverts dans leurs complots ?
464.20
- Ne restez pas avec le compas et la mesure en mains, avec
le microscope et la science humaine, ne restez pas avec des raisonnements
pédants de scribes à mesurer, à confronter, à discuter, si Jean a bien parlé,
jusqu'à quel point est vrai ceci ou cela. Ne superposez pas la phrase de Jean
à l'épisode donné hier pour voir si les circonstances correspondent. Jean ne
s'est pas trompé par faiblesse sénile, et le petit Jean ne s'est pas trompé
par faiblesse de malade. Ce dernier a dit ce qu'il a vu. Le grand Jean, après
de nombreux lustres du fait, a raconté ce qu'il savait et avec un fin
enchaînement des lieux et des faits a révélé le secret connu de lui seul de
la tentative, non sans malice, de couronnement du Christ.
C'est à Tarichée, après la première
multiplication des pains, que prit naissance dans le peuple l'idée de faire
du Rabbi de Nazareth le roi d'Israël. Il y avait là Manaën, le scribe et
plusieurs autres qui, imparfaits encore dans leurs esprits mais d'un cœur
honnête, recueillent l'idée et s'en font les propagateurs pour honorer le
Maître, pour mettre fin à la lutte injuste contre Lui. C'était une erreur
dans l'interprétation des Écritures, erreur répandue dans tout Israël aveuglé
par des rêves de royauté humaine et par l'espoir de sanctifier la Patrie
souillée par beaucoup de choses.
Et beaucoup, comme c'était naturel, adhérèrent à l'idée avec simplicité. Un
grand nombre feignirent sournoisement d'y adhérer pour me nuire.
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288> Ces derniers, unis par leur haine pour
Moi, oublièrent les haines de castes qui les avait toujours tenus divisés, et
s'allièrent pour me tenter afin de donner une apparence de légalité au crime
que déjà ils avaient décidé dans leurs cœurs. Ils espérèrent de ma part une
faiblesse, de l'orgueil. Cet orgueil et cette faiblesse, et par suite
l'acceptation de la couronne qu'ils m'offraient, auraient justifié les
accusations qu'ils voulaient lancer contre Moi. Et ensuite... Et ensuite ils
s'en seraient servi pour donner la paix à leurs esprits sournois et pris de
remords, parce qu'ils se seraient dit, en espérant de pouvoir le
croire : "C'est Rome, pas nous, qui a puni l'agitateur
Nazaréen". L'élimination légale de leur Ennemi, tel était pour
eux leur Sauveur...
Voici les raisons de cette tentative de proclamation. Voici la clef des
haines plus fortes qui s'ensuivirent. Voici, enfin, la profonde leçon du
Christ. La comprenez-vous ? C'est une leçon d'humilité, de justice,
d'obéissance, de courage, de prudence, de fidélité, de pardon, de patience, de
vigilance, de résignation, envers Dieu, envers ma propre mission, envers mes
amis, envers les rêveurs, envers mes ennemis, envers Satan, envers les hommes
dont il se servait pour me tenter, envers les choses, envers les idées. Tout
doit être contemplé, accepté ou repoussé, aimé ou non, en regardant la sainte
fin de l'homme : le Ciel, la Volonté de Dieu.
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