"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

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Qui sommes-nous ?



 5.361 - I due innesti che trasformeranno gli apostoli. Maria di Magdala avverte Gesù di un pericolo. Miracolo sul fiume Giordano in piena.

 3.360 - Miracle on the Jordan in Flood.

 4.361 - Los dos injertos que transformarán a los apóstoles. María de Magdala advierte a Jesús de un peligro. Milagro ante la riada del Jordán.

 6.408 - Wunder am Jordan bei Hochwasser.


Lundi 5 mars 29
(3 Adar II 3789)
Adâm.


Description :      Vers l'index des thématiques
Les visions de Maria Valtorta.

Altercation entre Pierre et Judas qui critique Jésus.

La Trinité

La damnation de Judas.

Miracle du Jourdain.


Accueil >> Plan du Site >> Sommaire du Tome.

Ancienne édition : Tome 5, chapitre 51.
Nouvelle édition : Tome 5, chapitre 361.

361
Les deux greffes qui transformeront les apôtres. Marie de Magdala prévient Jésus d’un danger. Le miracle du Jourdain en crue.

Le dimanche 17 septembre 1944.

499>  361.1 - Finalement je puis écrire ce qui occupe ma vision mentale et mon audition mentale depuis le début de l'aube de ce matin. Cela me fait souffrir à cause de l'effort que je fais pour entendre les choses extérieures et les affaires de la maison, alors que je dois voir et entendre les choses de Dieu, et que je ne puis supporter autre chose que ce que voit mon esprit.      

Quelle patience il me faut pour... ne pas perdre la patience quand j'attends le moment de dire à Jésus : "Me voilà ! Maintenant tu peux aller de l'avant" !
 Car, je l'ai dit plusieurs fois et je le répète, quand je ne puis continuer ou commencer le récit de ce que je vois, alors la scène s'arrête dès le début ou bien au point où je suis interrompue, pour se dérouler ensuite de nouveau quand je suis libre de la suivre. Je crois que c'est Dieu qui veut cela pour éviter des omissions ou des erreurs de détail, chose qui pourrait m'arriver si j'écrivais quelque temps après avoir vu.  

J'affirme en conscience que ce que j'écris, parce que je le vois ou je l'entends, je l'écris pendant que je le vois ou l'entends. 

Voici donc ce que je vois depuis ce matin, et celui qui m'avertit intérieurement me dit que c'est le début d'une longue et belle vision.         

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500>  361.2 - Jésus, par un temps de chien, va par un chemin de terre extrêmement boueux. La route est un petit ruisseau de boue qui gicle à chaque pas, une boue jaunâtre, collante, glissante comme du savon mou, qui s'attache aux sandales, les aspire comme une ventouse, et en même temps fuit sous elles, en rendant la marche pénible par suite des glissades continuelles.          

Il doit avoir plu et replu les jours précédents et le ciel annonce encore de la pluie. Il est bas, couleur de plomb, parcouru par des nuages épais que pousse le sirocco ou le vent grec, si épais que dans la bouche l'air semble un corps douceâtre comme enduit de miel. Il ne soulage pas ce souffle de vent syncopé qui courbe les herbes et les branches et, après qu'il soit passé, tout revient à la lourde immobilité de la chaleur orageuse. De temps à autre un nuage crève, et de grosses gouttes chaudes comme si elles venaient d'une douche tiède, descendent pour faire des bulles dans la boue qui gicle encore plus sur les vêtements et les jambes.

Le bas des tuniques, bien que
Jésus et les siens les aient relevées en les faisant remonter jusqu'à la taille à l'aide du cordon qui les retient à la ceinture, est tout éclaboussé par la boue, très humide en bas, presque sèche dans les taches plus hautes. Vêtements et manteaux, même ceux que l'on porte le plus haut possible en les tenant pliés au milieu pour les garder propres et pour se mettre doublement à l'abri des averses courtes mais violentes, en sont tout salis. Les pieds et les jambes jusqu'à mi-jambe semblent avoir une épaisse chaussette de laine imprégnée de boue et qui s'y est incrustée.      

 361.3 - Là se termine le début. Voici la suite. 

Les disciples se plaignent un peu du temps et du chemin et, soit dit en passant, également de la volonté peu... hygiénique du Maître, d'aller par un temps pareil.        

Jésus semble ne pas entendre, mais il entend. Deux ou trois fois il se retourne un peu — ils marchent presque en file indienne pour tenir le côté gauche du chemin un peu plus élevé que le côté droit et pour cette raison moins boueux — il se retourne pour les regarder, mais ne parle pas.          

La dernière fois, c'est le plus âgé des disciples qui dit :       

"Oh ! pauvre de moi ! Avec cette humidité qui sèche sur moi, je vais en sentir des douleurs ! Je suis vieux moi ! Je n'ai plus trente ans !»
[1].         

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501> Et Matthieu lui aussi bougonne :

"Et moi, alors ? Moi, je n'étais pas habitué... Quand il pleuvait à
Capharnaüm, tu le sais bien Pierre, je ne sortais pas de ma maison. Je mettais des commis au comptoir de la gabelle et eux m'amenaient ceux qui devaient payer.  

J'avais organisé un vrai service dans ce but. Oui... et puis qui se déplaçait par mauvais temps ? Hum ! Quelque mélancolique. Marchés et voyages, on les fait par beau temps..."

"Taisez-vous ! Il entend !" dit
Jean.     

"Mais non, il n'entend pas. Il pense, et quand il pense... c'est comme si on n'existait pas" dit
Thomas.        

"Et quand il décide une chose, même les plus justes remarques ne le font pas changer d'avis. Il veut faire ce qu'il veut. Il ne se fie qu'à Lui-même. Ce sera sa ruine. S'il m'écoutait un peu...  
 361.4 - Moi, je sais tant de choses !" dit Judas avec sa suffisance de débrouillard et sa prétention d'être "plus que les autres". 

"Que sais-tu ?" demande Pierre qui tout à coup devient rouge comme un coq. "Tu sais tout ! Quels amis as-tu ? Tu es peut-être un grand d'Israël ? Mais, allons donc ! Toi aussi tu es un pauvre homme comme les autres et moi. Un peu plus beau... Mais la beauté de la jeunesse est une fleur qui ne dure qu'un jour ! Moi aussi, j'étais beau !"  

Un frais éclat de rire de Jean traverse l'air. Les autres aussi rient et se moquent un peu de Pierre à cause de ses rides, de ses jambes un peu écartées comme celles de tous les marins, ses yeux un peu bovins et rougis par les vents du lac.        

"Riez donc, mais c'est ainsi. Et puis, ne m'interrompez pas. Dis, toi, Judas, quels amis as-tu ? Que sais-tu ? Pour savoir ce que tu fais comprendre, tu dois avoir des amis parmi les ennemis de Jésus. Et celui qui a des amis parmi les ennemis, c'est un traître. Hé ! mon garçon ! Fais attention si tu tiens à ta beauté ! Car s'il est vrai que je ne suis plus beau, il est vrai aussi que je suis encore fort, et je n'aurais pas de mal à te casser les dents ou à te crever un œil" dit Pierre.  

"Quelles façons de parler ! C'est vraiment d'un grossier pêcheur !" dit Judas avec le mépris d'un prince offensé.      

"Parfaitement, et je m'en vante. Pêcheur, mais franc comme mon lac qui, s'il veut faire une tempête, ne dit pas : "Je vais faire une bonace", mais il a un certain frisson et il met comme témoins à la voûte des deux certains amas de nuages.      

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502> Il suffit de ne pas être idiot ou ivre pour comprendre l'avertissement et agir en conséquence. Toi... tu ressembles à cette boue qui paraît solide et, regarde" (et d'un coup de pied énergique, il fait gicler la boue jusqu'au menton du bel Iscariote). 

"Mais, Pierre ! Ces façons d'agir sont indignes ! C'est là tout le fruit des paroles du Maître sur la charité !"         

"Et aussi pour toi sur l'humilité et la sincérité. Allons ! Crache ce que tu sais. Que sais-tu ? Est-ce vrai que tu sais ou bien tu te donnes des airs pour faire croire que tu as des amis puissants ? Pauvre ver que tu es !"         

"Ce que je sais, je le sais, et je ne viendrai pas te le dire, pour amener des rixes qui te plairaient, galiléen que tu es. Je répète que si le Maître était moins têtu, ce serait un grand bien. Et aussi moins violent. Les gens se lassent de s'entendre offenser."      

"Violent ? Mais s'il l'était, il devrait te faire voler dans le fleuve, tout de suite. Un beau vol par-dessus ces arbres. Ainsi tu te laverais la boue qui te salit la figure. Si cela pouvait servir à te laver le cœur qui, si je ne me trompe, doit être plus encroûté que mes jambes boueuses."     

En effet Pierre, très poilu et de petite taille, a les jambes plutôt boueuses. Lui et Matthieu ne sont que glaise presque jusqu'aux genoux. 

"Mais, enfin, finissez-en !" dit justement Matthieu.

 361.5 - Jean qui a remarqué que Jésus ralentissait, soupçonne qu'il a entendu et, hâtant le pas, il dépasse deux ou trois compagnons, le rejoint, se met à son côté et il l'appelle : "Maître !" doucement comme toujours et avec son regard d'amour, en relevant la tête parce qu'il est plus petit et qu'il se tient sur le milieu du chemin alors que les autres cheminent sur la berge plus élevée.        

"Oh ! Jean ! Tu m'as rejoint ?" 

Jésus lui sourit. Jean, en étudiant affectueusement et aussi avec crainte le visage du Maître pour se rendre compte s'il a entendu, répond :   

"Oui, mon Maître. Veux-tu de moi ?" 

"Toujours je te veux. Je vous voudrais tous, et avec ton cœur ! Mais si tu marches là où tu es, tu vas finir de te tremper."        

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503> "Peu m'importe, Maître ! Rien ne m'importe que de rester près de Toi !"        

"Tu veux rester toujours avec Moi ? Tu ne penses pas que je suis imprudent et que je puis vous mettre dans l'embarras, vous aussi. Tu ne te sens pas offensé parce que je ne suis pas tes conseils ?"

"Oh ! Maître ! Alors tu as entendu ?"  

Jean est consterné.         

"J'ai tout entendu, dès les premières paroles. Mais ne t'en afflige pas. Vous n'êtes pas parfaits. Je le savais quand je vous ai pris. Et je ne prétends pas que vous le deveniez rapidement. Vous devez d'abord passer de l'état sauvage à l'état domestique au moyen de deux greffes..."         

"Lesquelles, Maître ?"    

"L'une de sang et l'autre de feu. Après, vous serez des héros du Ciel et vous convertirez le monde, en commençant par vous."    

"De sang ? De feu ?"       

"Oui, Jean. Le Sang : le mien..."

"Non, Jésus !"      

Jean l'interrompt en gémissant.          

"Du calme, ami. Ne m'interromps pas. Écoute, toi le premier, ces vérités. Tu le mérites. Le Sang : le mien. Tu le sais. C'est pour cela que je suis venu. Je suis le
Rédempteur... Pense aux prophètes. Ils n'ont pas omis un iota quand ils ont décrit ma mission. Je serai l'Homme décrit par Isaïe[2]. Et quand j'aurai perdu mon Sang, c'est Lui qui vous fécondera. Mais je ne me bornerai pas à cela. Vous êtes tellement imparfaits et faibles, fermés et craintifs, que Moi, glorieux à côté de mon Père,  je vous enverrai le Feu, la Force qui procède du fait que je suis engendré par le Père et qui lie le Père et le Fils par un anneau indissoluble, en faisant d'Un, Trois : la Pensée, le Sang, l’Amour. Quand l'Esprit de Dieu, mieux l'Esprit de l'Esprit de Dieu, la Perfection des Perfections divines, viendra sur vous, vous ne serez plus ce que vous êtes. Mais nouveaux, puissants, saints...  Mais pour l'un de vous, le Sang ne sera rien et le Feu ne sera rien, car le Sang aura eu pour lui le pouvoir de le damner et il connaîtra éternellement un autre feu dans lequel il brûlera vomissant du sang et avalant du sang, parce qu'il verra du sang partout[3] où il posera son regard mortel ou son regard spirituel du moment qu'il aura trahi le Sang d'un Dieu."        

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504> "Oh ! Maître ! Qui est-ce ?"         

"Tu le sauras un jour. Maintenant ignore-le. Et par charité, ne cherche même pas à savoir. Essayer de savoir suppose que l'on soupçonne. Tu ne dois pas soupçonner tes frères, car le soupçon est déjà un manque de charité."   

"Il me suffit que tu m'assures que ce ne sera pas moi le traître, ni
Jacques."        

"Oh ! pas toi ! Ni non plus Jacques. Tu es mon réconfort, mon brave Jean !"        

Et Jésus lui passe un bras autour de l'épaule et il l'attire à Lui, et ils marchent ainsi embrassés.  

 361.6 - Ils se taisent pendant un moment. Les autres aussi se taisent maintenant. On n'entend que le bruit des pas sur la terre. 

Puis un autre bruit se fait entendre. Le bruit d'un bouillonnement, je dirais le lourd ronflement d'un catarrheux. Un bouillonnement monotone, interrompu de temps en temps par de légers éclatements.          

"Tu entends ? dit Jésus. Le fleuve est proche."         

"Mais nous n'arriverons au gué qu'à la nuit. La nuit va bientôt tomber."

"Nous dormirons dans quelque cabane. Et demain nous passerons. J'aurais voulu arriver plus tôt car le niveau monte d'heure en heure. Tu entends ? Les roseaux des rives se brisent sous le poids des eaux de la crue."     

"Ils t'ont tant retenu dans ces villages de la Décapole ! Nous le disions à ces malades : "Une autre fois !" mais..."    

"Mais celui qui est malade veut guérir, Jean. Et Celui qui a pitié guérit tout de suite, Jean. N'importe. Nous passerons quand même. Je veux faire l'autre rive avant de revenir à Jérusalem pour la Pentecôte."    

Ils se taisent de nouveau. La nuit descend avec la rapidité des jours de pluie. La marche, dans le crépuscule de plus en plus obscur, devient encore plus difficile. Les arbres aussi, qui sont le long du chemin, augmentent l'obscurité avec leur frondaison.     

"Passons de l'autre côté du chemin. Nous sommes maintenant tout près du gué. Nous chercherons une cabane."  

Ils traversent, suivis des autres. Ils franchissent un fossé boueux, plutôt de la boue que de l'eau, qui va en bruissant se jeter dans le fleuve. Presque à tâtons, ils passent d'un arbre à l'autre en se dirigeant vers le fleuve dont la rumeur devient plus proche et plus forte.         

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505>  361.7 - Un premier rayon de lune perce les nuages, passe entre deux nuages et descend en faisant briller l'eau boueuse du Jourdain, très gonflé et très large en ce point. Ce n'est plus le beau fleuve tranquille et couleur d'azur, dont les eaux calmes et basses laissent à découvert le sable fin de la grève sur les bords, là où commencent les roseaux dont on entend toujours le frémissement. Maintenant l'eau a tout envahi et les premiers roseaux, courbés, brisés et submergés, ne se voient plus. Tout au plus un ruban de feuilles ondule à fleur d'eau et semble faire un signe d'adieu ou un appel de détresse. L'eau est déjà aux pieds des premiers arbres. Je ne connais pas ces arbres. Ils sont grands et feuillus, formant une sorte de muraille épaisse, sombre dans l'obscurité de la nuit. Quelques saules plongent dans l'eau jaunâtre les extrémités de leurs chevelures défaites.         

"Ici, il n'est plus guéable" dit Pierre.   

"Ici, non. Mais vois là-bas, on passe encore" dit
André.      

En effet, deux quadrupèdes passent le fleuve avec précaution. L'eau arrive au ventre des animaux.       

"S'ils passent, les barques passeront aussi."  

"Et cependant il vaut mieux passer tout de suite, même de nuit. Les nuages se sont dissipés et il y a de la lune. Ne laissons pas passer le moment. Cherchons s'il y a une barque..."      

Et Pierre jette par trois fois un cri prolongé et plaintif :      

"Oh... hé !"

Pas de réponse.    

"Allons plus bas jusqu'au gué.
Melchias doit y être avec ses fils. C'est la bonne saison pour lui. Il nous passera."         

Ils marchent le plus rapidement qu'ils peuvent sur le sentier étroit qui côtoie le fleuve, qui le frôle presque.   

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506>  361.8 - "Mais n'est-ce pas une femme ?" dit Jésus en regardant les deux personnes qui maintenant ont passé le fleuve avec leurs chevaux et sont arrêtés sur le sentier.       

"Une femme ?"    

Pierre et les autres voient mal et ne distinguent pas si c'est un homme ou une femme, cette forme sombre qui est descendue de cheval et attend.          

"Oui, c'est une femme. C'est... c'est
Marie. Regardez maintenant qu'elle est dans le rayon de lune."  

"C'est bon pour Toi qui y vois clair. Tu as de bons yeux !"  

"C'est Marie. Que peut-elle vouloir ?" 

Et Jésus crie :       

"Marie !"   

"Rabbouni ! C'est Toi ? Dieu soit loué que je t'ai trouvé !"  

Et Marie court comme une gazelle vers Jésus. Je ne sais pas comment elle ne bute pas dans le sentier accidenté. Elle a laissé tomber un premier manteau très lourd et maintenant elle avance avec son voile et un manteau plus léger enroulé autour du corps sur son vêtement sombre. 

Quand elle rejoint Jésus, elle tombe à ses pieds sans s'occuper de la boue. Elle est haletante mais heureuse. Elle répète :      

"Gloire à Dieu qui m'a fait te trouver !"          

"Pourquoi, Marie ? Qu'arrive-t-il ? Tu n'étais pas à
Béthanie ?"    

"J'étais à Béthanie avec
ta Mère et les femmes, comme tu l'avais dit... Mais je suis venue à ta rencontre... Lazare ne le pouvait pas car il souffre beaucoup... Alors je suis venue avec le serviteur..."

"Toi, en voyage seule avec un garçon et en cette saison !"   

"Oh ! Rabbouni ! tu ne voudras pas me dire que tu penses que j'ai peur. Je n'ai pas eu peur de faire tant de mal... Je n'ai pas peur maintenant de faire le bien."        

"Et alors, pourquoi es-tu venue ?"       

"Pour te dire de ne pas passer.... De l'autre côté, ils t'attendent pour te faire du mal... Je l'ai su... Je l'ai su par un hérodien qui autrefois... qui autrefois m'aimait... Qu'il l'ait dit par amour, encore, ou par haine, je ne sais... Je sais qu'avant avant hier, il m'a vue à travers la grille et il m'a dit : "Sotte Marie, tu es en train d'attendre ton Maître ? Tu fais bien car ce sera la dernière fois. À son passage en Judée, on va le prendre. Regarde-le bien, et puis échappe-toi, car il n'est pas prudent d'être près de Lui, maintenant..."  

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507> Alors... tu peux penser avec quel cœur... je me suis informée... Tu sais... j'en ai connu beaucoup... et tout en me traitant de folle ou de... possédée, ils me parlent encore... J'ai su que c'était vrai. Alors j'ai pris deux chevaux et je suis venue, sans rien dire à ta Mère... pour ne pas l'affliger.           
 361.9 - Éloigne-toi... éloigne-toi tout de suite, Maître. S'ils savent que tu es ici, au-delà du Jourdain, ils vont y venir. Et Hérode aussi te cherche... Tu es trop près de Machéronte, désormais. Éloigne-toi, éloigne-toi par pitié, par pitié, Maître… !"

"Ne pleure pas, Marie..."

"J'ai peur, Maître !"        

"Non ! Peur, toi assez courageuse pour passer le fleuve en pleine nuit… !"        

"Mais cela c'est un fleuve et ces gens sont tes ennemis et ils te haïssent... C'est de leur haine pour Toi que j'ai peur... Car je t'aime, Maître."         

"Ne crains pas. Ils ne me prendront pas encore. Ce n'est pas mon heure. Même s'ils mettaient des troupes et des troupes de soldats le long de tous les chemins, ils ne me prendraient pas. Ce n'est pas mon heure. Mais je ferai comme tu veux. Je reviendrai en arrière..."        

Judas marmonne confusément quelque chose et Jésus répond :  

"Oui, Judas, exactement comme tu dis. Mais exactement pour la première partie de ta phrase. Je lui donne raison, oui, je lui donne raison, mais non pas parce que c'est une femme, comme tu l'insinues, mais parce que c'est celle qui a le plus avancé sur le chemin de l'amour. Marie, retourne à la maison tant que tu le peux. Moi, je reviendrai en arrière et je passerai... où je pourrai, et j'irai en Galilée. Viens, avec ma Mère et les autres, à
Cana dans la maison de Suzanne. Là, je vous dirai ce qu'il faudra faire. Va en paix, bénie. Dieu est avec toi."

Jésus lui met la main sur la tête, la bénissant ainsi. Marie prend les mains du Christ et elle les baise et puis elle se relève et s'en retourne. Jésus la regarde aller, il la regarde ramasser son gros manteau et se le remettre et puis rejoindre le cheval et y monter pour reprendre le gué et passer.        

"Et maintenant partons, dit-il. Je voulais vous faire reposer, mais je ne puis. J'ai soin de votre sauvegarde, quoiqu'on pense Judas. Et croyez bien que si vous tombiez aux mains de mes ennemis, ce serait pire pour votre santé que l'eau et la boue..."

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508> Tous baissent la tête en comprenant le reproche caché et qui leur est donné pour répondre à leurs précédentes conversations.  

 361.10 - Ils marchent, marchent, marchent pendant toute la nuit, entre les éclaircies et les courtes averses. Une aube livide les surprend près d'un tout petit village qui s'étend près du fleuve avec ses masures boueuses. Le fleuve est un peu moins large qu'au gué. Des barques sont tirées au sec jusque derrière les habitations pour les garder de la crue.      

Pierre lance son cri :       

"Oh!... hé !"           

Il sort d'une masure un homme robuste mais âgé.   

"Que veux-tu ?"   

"Des barques pour passer."       

"Impossible ! Le fleuve est trop plein... Le courant..."         

"Hé, ami ! À qui le dis-tu ? Je suis pêcheur de Galilée."      

"La mer c'est une chose... mais ici, c'est le fleuve... je ne veux pas perdre la barque. Et puis... je n'en ai qu'une, et toi, avec les tiens, vous êtes nombreux."        

"Menteur ! Tu veux me dire que tu n'as qu'une barque ?"  

"Que mes yeux se dessèchent si je mens, moi...."     

"Prends garde qu'ils ne se dessèchent pas réellement. Lui est le Rabbi de Galilée qui donne des yeux aux aveugles et qui... peut te satisfaire en desséchant les tiens..."   

"Miséricorde ! Le Rabbi ! Pardonne-moi, Rabbouni!"        

"Oui. Mais ne mens jamais. Dieu aime ceux qui sont sincères. Pourquoi dire que tu n'as qu'une barque quand tout le pays peut te démentir ? C'est trop humiliant pour un homme de mentir et d'être démasqué ! Me donnes-tu tes barques ?" 

"Toutes, Maître."

"Combien en faut-il, Pierre ?"  

"En temps normal, deux suffiraient. Mais avec la crue la manœuvre est plus difficile, et il en faudrait trois."

"Prends-les, pêcheur. Mais comment ferai-je pour les récupérer ?"         

"Viens dans une. N'as-tu pas des fils ?"          

"J'ai un fils et deux gendres et des petits-fils."          

"Deux par barque suffiront pour le retour."  

"Allons."   

 361.11 - L'homme appelle les autres et avec l'aide de Pierre, André, Jacques, Jean, ils mettent les barques à l'eau.   

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509> Le courant est fort et tend à les entraîner tout de suite. Les cordes qui les retiennent aux arbres les plus proches sont tendues comme celles d'un arc et grincent par l'effort. Pierre regarde. Il regarde les barques, regarde le fleuve, il regarde et il hoche la tête et passe la main dans ses cheveux grisonnants, puis il donne à Jésus un coup d’œil curieux.          

"Tu crains, Pierre ?"       

"Hé !... presque, presque..."      

"Ne crains pas. Aie foi. Et toi aussi, homme. Celui qui porte Dieu et ses envoyés ne doit pas craindre. Embarquons. Moi dans la première barque."          

Le propriétaire des barques fait un geste résigné. Il doit penser qu'est venue sa dernière heure et celle de ses parents. Il doit au moins penser qu'il va perdre les barques ou s'en aller à la dérive.     

Jésus est déjà dans la barque, debout à la proue. Les autres embarquent avec Lui et dans les autres barques. Reste seul à terre un petit vieux, le garçon peut-être, qui surveille les amarres. 

"Nous y sommes ?"         

"Nous y sommes."          

"Les rames sont prêtes ?"          

"Prêtes."    

"Largue, toi, de la rive." 

Le petit vieux détache les amarres de la cheville qui les tenait près du tronc. Les barques, au fur et à mesure qu'on les détache, font une embardée vers le sud, dans le sens du courant.    

Mais Jésus a son visage de miracle. Ce qu'il dit au fleuve, je ne le sais pas. Je sais que le courant s'arrête presque. Il n'a que le mouvement lent du Jourdain quand il n'est pas en crue. Les barques coupent le courant sans effort, et même avec une rapidité qui doit étonner le propriétaire des barques.     

 361.12 - Les voilà de l'autre côté. Ils débarquent facilement et le courant n'essaie pas d'entraîner les barques quand les rames sont immobiles.    

"Maître, je vois que tu es réellement puissant, dit le patron des barques. Bénis ton serviteur et souviens-toi de moi, qui suis un pécheur."

"Pourquoi puissant ?"    

"Hé ! Cela te semble peu de chose ?! Tu as suspendu le courant du Jourdain en crue… !"

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510> "Josué l'a déjà fait ce miracle et plus grand, puisque les eaux du fleuve disparurent pour laisser passer l'Arche..." [4]  

"Et toi, homme, tu as passé la véritable Arche de Dieu" dit Judas avec sa suffisance.

"Dieu Très Haut ! Oui, je le crois ! Tu es le vrai Messie ! Le Fils du Dieu Très Haut. Oh ! je le dirai dans les villes et les villages riverains. Je le dirai, ce que tu as fait, ce que je t'ai vu faire ! Reviens, Maître ! Mon pauvre pays a des malades en grand nombre. Viens les guérir !"

"Je viendrai. Toi, en attendant, prêche en mon Nom la foi et la sainteté pour qu'ils soient agréables à Dieu. Adieu, homme. Va en paix et ne crains pas pour le retour." 

"Je ne crains pas. Si je craignais, je te demanderais d'avoir pitié pour ma vie. Mais je crois en Toi et en ta bonté et je m'en vais sans rien demander. Adieu !"        

Il rembarque en mettant en premier la proue dans le fleuve et il s'en va, tranquille, rapidement. Il touche la rive.        

Jésus, qui est resté arrêté jusqu'à ce qu'il l'ait vu à terre, fait un geste de bénédiction. Puis il gagne la route.



Le fleuve reprend sa marche rapide... Et tout finit ainsi.    

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Fiche mise à jour le 21/11/23.

 



[1] C’est normalement Simon le zélote qui est le plus âgé de tous.          

[2] Isaïe 42,1-9 | Isaïe 49,1-7 | Isaïe 50,4-11 | Isaïe 52,13 | Isaïe 53,12.          

[3] Voir les délires de Judas au moment de son suicide.  

[4] Josué 3, 14-17.