Le lundi 12 novembre
1945
216> 328.1 – On a de
nouveau rejoint la route après un long détour à travers les champs et après
avoir passé un torrent sur un petit pont de planches branlantes permettant
seulement le passage des personnes : une passerelle plutôt qu'un pont.
Et la marche continue à travers la plaine qui se rétrécit de
plus en plus car les collines se rapprochent du littoral, au point qu'après
un autre torrent avec l'indispensable pont romain, la route de plaine devient
route de montagne, en se dédoublant au pont en une moins rapide qui s'éloigne
vers le nord-est à travers une vallée, tandis que celle choisie par Jésus,
d'après l'indication de la borne romaine : "Alexandroscène - m. V°", est un véritable escalier dans la montagne rocheuse et
escarpée plongeant son museau dans la Méditerranée, qui se découvre de plus
en plus à la vue à mesure que l'on monte. Seuls les piétons et les ânes
suivent cette route, ces gradins pourrait-on dire. Mais peut-être parce
qu'elle est un raccourci avantageux, la route est encore très battue et les
gens observent avec curiosité le groupe galiléen, si inhabituel, qui la suit.
"Ce doit être le cap de la tempête" dit Matthieu en montrant le promontoire qui s'avance dans
la mer.
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217> "Oui, voilà au-dessous le village dont nous a
parlé le pêcheur" signale Jacques de Zébédée.
"Mais qui peut avoir construit cette route ?"
"Qui sait depuis combien de temps elle existe ! Les phéniciens
peut-être..."
"Du sommet nous allons voir Alexandroscène au-delà de laquelle se trouve
le Cap Blanc. Mon Jean, tu vas
voir une grande étendue de mer !" dit Jésus et Il met son bras autour des épaules de l'apôtre.
"J'en serai content. Mais il va bientôt faire nuit. Où allons-nous
reposer ?"
"À Alexandroscène. Tu vois ? La route commence à descendre.
Au-dessous se trouve la plaine jusqu'à la ville que l'on voit là-bas."
328.2 – "C'est
la ville de la femme d'Antigonée... Comment pourrons-nous faire pour la
contenter ?" dit André.
"Tu sais, Maître ? Elle nous a dit : " Allez à
Alexandroscène. Mes frères y ont des comptoirs et ils sont prosélytes.
Parlez-leur du Maître. Nous sommes fils de Dieu, nous aussi..." et elle
pleurait parce qu'elle était mal vue comme belle-fille... de sorte que jamais
ses frères ne viennent la voir et qu'elle est sans nouvelles d'eux..."
explique Jean.
"Nous chercherons les frères de la femme. S'ils nous accueillent comme
pèlerins, nous pourrons lui faire ce plaisir..."
"Mais comment allons-nous faire pour dire que nous l’avons
vue ?"
"Elle est au service de Lazare. Nous
sommes amis de Lazare" dit Jésus.
"C'est vrai, Tu parleras, Toi..."
"Oui. Mais activez la marche pour trouver la maison. Savez-vous où elle
est ?"
"Oui, près du Camp. Ils ont beaucoup de relations avec les romains
auxquels ils vendent tant de choses."
"C'est bien."
328.3 – Ils parcourent
rapidement la route plane, belle, une vraie route consulaire qui certainement
communique avec celles de l'intérieur, ou plutôt, qui se poursuit vers
l'intérieur après avoir lancé son prolongement rocheux, en gradins, le long
de la côte, à cheval sur le promontoire.
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218> Alexandroscène est une ville plus militaire
que civile, Elle doit avoir une importance stratégique que j'ignore. Blottie
comme elle l'est entre les deux promontoires, elle semble une sentinelle
préposée à la garde de ce coin de mer. Maintenant que l'œil peut voir l'un et
l'autre cap, on voit qu'il s'y dresse en grand nombre des tours fortifiées
qui forment une chaîne avec celles de la plaine, et de la ville où, vers la
côte, trône le Camp imposant.
Ils entrent dans la ville après avoir franchi un autre petit torrent situé
tout près des portes, et ils se dirigent vers la masse hostile de la
forteresse en jetant tout autour des regards curieux, et deviennent eux aussi
objets de curiosité.
Les soldats sont très nombreux et ils semblent en bons rapports avec les
habitants, ce qui fait bougonner les apôtres :
"Gens de la Phénicie ! Sans fierté !"
328.4 – Ils
arrivent aux magasins des frères d'Hermione alors que les derniers acheteurs en sortent, chargés des
marchandises les plus variées, qui vont des draps aux nappes, et des
fourrages aux grains, ou bien à l'huile et aux aliments. Odeurs de cuir,
d'épices, de paille, de laine grège, remplissent le large hall par lequel on
arrive dans une cour vaste comme une place et sous les portiques de laquelle
sont les nombreux dépôts.
Accourt un homme barbu et brun.
"Que voulez-vous ? Des vivres ?"
"Oui... et aussi le logement, si tu ne dédaignes pas de loger des
pèlerins. Nous venons de loin, et nous ne sommes jamais venus ici.
Accueille-nous au nom du Seigneur."
L’homme regarde attentivement Jésus, qui parle au nom de tous. Il le
scrute... Puis il dit :
"En réalité, je ne donne pas le logement, mais tu me plais. Tu es
galiléen, n'est-ce pas ? Les galiléens valent mieux que les juifs. Il y
a trop de moisissure chez eux. Ils ne nous pardonnent pas d'avoir un sang qui
n'est pas pur. Ils feraient mieux d'avoir, eux, l'âme pure. Viens, entre ici,
j'arrive tout de suite. Je ferme parce qu'il va faire nuit."
En effet, c'est déjà le crépuscule, et il fait encore plus sombre dans la
cour que domine le Camp puissant.
Ils entrent dans une pièce et ils s'assoient sur des sièges disposés çà et
là. Ils sont fatigués...
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219> L'homme revient avec deux autres, l'un plus âgé,
l'autre plus jeune, et il montre les hôtes qui se lèvent en saluant, et
dit :
"Voici. Que vous en semble-t-il ? Ils me paraissent
honnêtes..."
"Oui. Tu as bien fait" dit le plus âgé à son frère et puis,
s'adressant aux hôtes, ou plutôt à Jésus qui semble clairement leur chef, il
demande :
"Comment vous appelez-vous ?"
"Jésus de Nazareth, Jacques et Jude de Nazareth aussi, Jacques et Jean
de Bethsaïde, et aussi André, en plus Matthieu de Capharnaüm."
"Comment vous trouvez-vous ici ? Persécutés ?"
"Non. Nous évangélisons. Nous avons parcouru plus d'une fois la
Palestine, de la Galilée à la Judée, d'une mer à l'autre et nous avons été
jusqu'au-delà du Jourdain, dans l'Auranitide. Maintenant nous sommes venus
ici... pour enseigner."
"Un rabbi ici ? Cela nous étonne, n'est-ce pas, Philippe
et Élie ?" demande le plus âgé.
"Beaucoup. De quelle caste es-tu ?"
"D'aucune. Je suis de Dieu. Croient en Moi ceux du monde qui sont bons.
Je suis pauvre, j'aime les pauvres, mais je ne méprise pas les riches,
auxquels j'enseigne l'amour et la miséricorde et le détachement des
richesses, de même que j'enseigne aux pauvres d'aimer leur pauvreté en ayant
confiance à. Dieu qui ne laisse périr personne.
328.5 – Parmi
mes amis riches et mes disciples il y a Lazare de Béthanie..."
"Lazare ? Nous avons une sœur mariée à un de ses serviteurs."
"Je le sais. C'est pour cela aussi que je suis venu, pour vous dire
qu'elle vous salue et vous aime."
"Tu l'as vue ?"
"Pas Moi. Mais ceux qui sont avec Moi, envoyés par Lazare à Antigonée."
"Oh ! dites ! Que fait Hermione ? Est-elle vraiment
heureuse ?"
"Son mari et sa belle-mère l'aiment beaucoup. Le beau-père la
respecte..." dit Jude Thaddée.
"Mais il ne lui pardonne pas le sang maternel. Dis-le."
"Il est en passe de le lui pardonner. Il nous en a fait de grandes
louanges. Et elle a quatre enfants très beaux et gentils. Cela la rend
heureuse. Mais vous êtes toujours dans son cœur et elle a dit de vous amener
le Maître Divin."
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220> "Mais... comment... Tu es le... Tu es celui qu'on
appelle le Messie, Toi ?"
"Je le suis."
"Tu es vraiment le... On nous a dit à Jérusalem que tu es, que l'on
t'appelle le Verbe de Dieu. Est-ce vrai ?"
"Oui."
"Mais l'es-tu pour ceux de là-bas ou bien pour tous ?"
"Pour tous. Pouvez-vous croire que je le suis ?"
"Croire ne coûte rien, surtout quand on espère que ce que l'on croit
peut enlever ce qui fait souffrir."
"C'est vrai, Élie. Mais ne parle pas ainsi. C'est une pensée très
impure, beaucoup plus que le sang mêlé. Réjouis-toi non pas
dans l'espoir que tombe ce qui te fait souffrir, comme homme, du mépris
d'autrui, mais réjouis-toi dans l'espoir de conquérir le Royaume des
Cieux."
"Tu as raison. Je suis à moitié païen, Seigneur..."
"Ne te rabaisse pas. Je t'aime toi aussi et c'est aussi pour toi que je
suis venu."
328.6 – "Ils
doivent être fatigués, Élie. Tu les retiens par tes discours. Allons souper
et puis conduisons-les se reposer. Il n'y a pas de femmes ici... Aucune
israélite n'a voulu de nous et nous désirions une d'elles... Pardonne-nous
donc si la maison te parait froide et sans ornements."
"Votre bon cœur me la rendra ornée et chaude."
"Combien de temps restes-tu ?"
"Pas plus d'un jour. Je veux aller vers Tyr et Sidon et je voudrais être
à Aczib avant le sabbat."
"Tu ne peux pas, Seigneur ! Sidon est loin !!"
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