TEXTES DELA MESSE.
Introït : Isaïe
48, 20 ; Psaume 65 (hébreu 66), 1-2.
Collecte : Dieu, principe de tout
ce qui est bon, exauce la prière de tes fidèles et accorde-nous, à ton
inspiration et sous ton impulsion, une égale rectitude dans nos pensées et
dans nos actes. Par N.S.J.C.
Epître : Jacques
1, 22-27.
Alléluia : Le Christ est
ressuscité, il nous est apparu dans sa gloire, nous les rachetés par son
sang.
Évangile : Jean
16, 23-30.
Offertoire : Psaume 65 (hébreu 66), 8-9.20.
Secrète : Accueille, Seigneur, les
prières de tes fidèles avec l'offrande de ce sacrifice, afin qu'en te rendant
ces devoirs de pieuse fidélité, nous parvenions à la gloire du ciel. Par
N.S.J.C.
Communion : Psaume 95 (hébreu 96), 2.
Postcommunion : Après nous avoir
rassasiés des mets de la table céleste, accorde-nous, Seigneur, de rechercher
ce qui est juste et de l'obtenir. Par N.S.J.C.
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Dimanche 26 mai 1946.
112> L'explication d'Azarias, qui viendra
certainement, est précédée ce dimanche par le sourire de la Vierge immaculée
qui apparaît revêtue d'un vêtement blanc comme dans les apparitions de
Lourdes et de Fatima, mais sans l'écharpe azur ni le cordon doré : un simple
cordon blanc comme son vêtement tient celle-ci à la ceinture, et le doux or
de ses cheveux apparaît parce qu'elle n'a ni voile ni manteau. C'est la Femme
douce, tout de blanc vêtue, comme elle l'était souvent durant les étés de
Nazareth. Simplement, son vêtement est maintenant plus splendide qu'aucune
étoffe de la terre et semble fait d'un lin vraiment extraterrestre. Elle me
réconforte et me sourit depuis hier soir et, comme mes souffrances
m'interdisent tout sommeil, ce qui me permettrait de m'évader pendant
quelques heures des trop nombreuses croix qui m'oppriment, je la retrouve
présente chaque fois que je sors du demi-sommeil qui est l'unique repos de ma
chair fatiguée, épuisée, et qui ne peut plus vraiment se reposer dans un véritable
sommeil. Sa blancheur éblouissante, l'éclat qui émane de son corps
glorifié et l'inexprimable expression de son visage rayonnent comme une
étoile dans l'obscurité de ma chambre tout comme dans mon cœur si affligé.
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113> Ainsi passe la nuit et cette douce Mère est encore
là au matin, dans ces heures qui amènent le jour. Seule avec elle, je la
vénère par les muettes paroles de l'esprit et je ne demande rien parce que je
sais qu'elle sait tout, parce que je sais qu'elle est là pour me
consoler et qu'il n'est pas nécessaire que je lui exprime des demandes, car
la Mère devance tout désir de ceux qu'elle sait être ses enfants... Je passe
les heures dans ces pensées. Beaucoup diront : « Moi, j'aurais demandé
ceci et cela ». En ce qui me concerne, si une demande latente est en
moi, je peux seulement dire : « Fais, Marie, ce que tu sais être le
meilleur ». Pour moi, je ne demande rien de rien. Dieu sait ce qui est
le mieux, Marie sait ce qui est le mieux. C'est pour cela que je dis :
« Faites, vous, pour le mieux... », et c'est la paix absolue. Une
paix qui plane au-dessus de tout ce que les hommes déchaînent par toutes
leurs méchancetés, égoïsmes, lâchetés, mensonges et autres attitudes brutales
semblables, soufflant ces horreurs sur la petite mer de mon esprit qui, en
lui-même, est paisible parce qu'il reflète le ciel. Et je pense : « Quel
châtiment auront donc ceux qui troublent les esprits complètement dédiés au
service du Seigneur ? »
La Mère très pure me répond : « Ce que Jésus t'a expliqué en de
nombreuses dictées. Et dans ton cas, tu as déjà pu le vérifier plusieurs
fois. Il est inutile, en effet, de donner d'autres noms à ce qu'il advient à
tel ou tel qui a manqué à sa mission auprès de toi, ou qui t'a causé douleur
et perturbation. Le nom est celui que tu sais.
Ma fille, te souviens-tu de cette heure de
triste paix dans laquelle je te suis apparue revêtue du manteau noir qu'est
l'habit des sœurs servites de Marie;
je t'ai attirée à moi pour te protéger tandis que je pleurais en regardant
vers le nord ? Je t'explique maintenant le sens de cette vision prophétique.
Mon Fils - je ne peux pour le moment t'en expliquer les raisons - t'avait
placée sous la tutelle des servites de Marie parce que, ma fille, tu ne peux
rester seule avec ton grand Trésor.
L'Éternel m'a donné à moi aussi la tutelle d'un époux, inutile pour engendrer
le Christ, mais nécessaire pour me protéger au moment où le Trésor du ciel et
du monde était en train de descendre en moi. Ma maternité divine aurait bien
pu s'accomplir sans Joseph. Mais en raison du scandale qu'aurait donné une
femme non-épousée enfantant un fils, pour le signal que cette maternité d'une
innocente aurait fourni à cet infatigable scrutateur des âmes qu'est Satan,
et enfin pour la nécessité qu'un petit enfant a d'avoir un père pour le
protéger, la très sainte Sagesse m'a imposé cet époux. Toutes les raisons que
je viens de te dire se sont illuminées en moi à partir du moment où l'Esprit
Saint m'a été infusé, faisant de moi la Mère. Alors j'ai compris la justice
de mon mariage, que jusque-là j'avais accepté par obéissance.
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114> Eh bien, ma fille, à toi aussi Dieu
avait donné une tutelle, cette tutelle. Ne cherche donc pas à savoir
pourquoi ce fut celle-ci et non pas une autre. Cela reviendrait à chercher à
comprendre pourquoi le douzième apôtre fut Judas Iscariote et non, par
exemple, l'un des saints et humbles bergers. Je t'ai accueillie sous le
manteau noir des servîtes, moi qui pleurais sous cet habit parce que je
voyais - et tu peux comprendre là où je regardais -
les trop nombreuses infractions commises contre les décrets de mon Jésus sur
l'Œuvre, sur l'instrument, et sur la façon de traiter celle-ci et celui-là.
Afin que tu ne ressentes pas trop de vide là où mon Jésus t'avait mise pour
une de ses spéciales et toujours adorables raisons, moi, pour te faire sentir
la protection de la Reine de l'ordre et des fils de cet ordre qui, par leur
vie parfaite, sont avec moi au ciel, je t'ai attirée à moi, sur mon cœur, je
t'ai protégée de mon manteau tout en pleurant sur ceux qui manquaient à leur
devoir.
Mais, ma fille, ne te décourage pas. Que la
Maman te soit présente même en cette circonstance. Comme tu es semblable à ta
Maman quand, étrangère à Bethléem et chargée de la Parole incarnée, elle
frappait en vain aux portes en demandant de l'aide, l'hospitalité, la pitié !
Davantage pitié pour la Parole qu'elle portait que pour elle-même, pauvre
femme alourdie par sa maternité et fatiguée du long voyage...
Notre Jean dit la grande vérité concernant ces refus, ces surdités à
comprendre, ces tiédeurs ou ces gels à accueillir la Parole : « Le Verbe
- la Lumière - brille dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l'ont point
compris. Le Verbe - la vraie Lumière - était dans le monde, mais le monde ne
l'a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas
accueilli ».
Pour ne pas le recevoir, ils repoussèrent celle qui le portait et qui, aux
yeux d'Israël, n'était qu'une pauvre femme à laquelle « il était
impossible que Dieu se fût accordé ». C'est pourquoi elle était un
escroc, une menteuse qui cherchait par le mensonge, des protections et des
honneurs immérités. Il en est toujours ainsi, ma fille bien-aimée. Nous
sommes mal vues, persécutées, tournées en dérision, incomprises, parce que
nous portons la Parole que le monde ne veut pas accueillir. Et nous allons,
fatiguées, souffrantes, d'un cœur à l'autre, en demandant : « Par pitié,
accueillez-nous ! » Pitié pour vous, non pas pour nous. En
effet nous, en ce don que nous portons, nous avons, c'est vrai, notre poids,
notre croix de créature, mais aussi notre paix et gloire spirituelles, et
nous ne demandons pas davantage. Mais c'est de la Parole, de la Parole que
nous vous portons pour qu'elle soit donnée, parce qu'elle est la Vie,
à ceux pour qui elle a été déposée en nous, que nous sommes soucieuses
et tourmentées ».
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115> Combien, à Bethléem, après que la
gloire du Seigneur se fut manifestée par la résurrection, et que son
enseignement se diffusait dans le monde, auraient alors voulu avoir accueilli
celle qui portait la Parole en cette nuit glacée de kislev,
pour pouvoir dire : « Nous l'avions reconnue ! » Mais il était
désormais trop tard ! L'heure de Dieu vient et passe. Et les regrets tardifs ne
réparent pas l'erreur. Ceci devrait être rappelé à qui de droit.
Mais toi, ne t'afflige pas. Aux yeux de Dieu, tu es justifiée tout comme je
le fus moi-même pour mettre au jour le Roi des rois dans une grotte
nauséabonde. Le fait de ne pas avoir honoré dignement le Verbe qui se
manifeste n'est pas notre faute, mais celle de ceux qui nous interdisent de
l'honorer publiquement. L'encens de notre adoration amoureuse et secrète
suffit à remplacer tout autre honneur qu'on a refusé de rendre au Verbe déposé
en nous.
Souris donc, ma fille, et espère en te souvenant que le Tout-Puissant peut
susciter des fils à Abraham même à partir de pierres
et qu'il ne te laissera pas sans le réconfort et l'aide de prêtres pour te
diriger, suscitant qui de droit pour ce devoir, tout comme il t'a accordé le
maître angélique, exactement au juste moment, pour ton plus grand
réconfort ».
Et Marie la très sainte resplendit, plus douce et glorieuse que
jamais, tandis qu'elle reçoit l'angélique salut d'Azarias dont la lumineuse
présence est atténuée par respect pour la Vierge très lumineuse.
Azarias, à genoux, parle les bras croisés sur la poitrine et la tête
respectueusement inclinée, en face de Marie comme s'il se trouvait devant un
autel.
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Azarias
dit :
« Toi, mon âme, tu es l'un de ces
esprits que le Seigneur a rachetés, parmi son peuple. Le Christ s'est incarné
et a vécu, a évangélisé, a souffert et est mort pour la rédemption de toute
l'humanité; mais s'il a fait ceci plus particulièrement pour ceux qui
appartenaient au peuple d'Israël, et davantage encore pour ceux qui, en
Israël, ont accueilli le Maître, tous parmi ceux-ci et leurs descendants,
c'est-à-dire les catholiques, ne sont pas également rachetés, parce que tous
ne répondent pas avec une égale générosité à la générosité de la grande
Victime salvatrice. Le nom de chrétiens catholiques a été porté, est encore
porté, par des millions et des millions d'âmes. Or toutes les âmes sur lesquelles
la grâce est descendue pour refaire d'eux des fils de Dieu n'ont pas su être
rachetées pour toujours, pour l'éternité, et aussitôt après la mort, parce
que la "bonne volonté" fut plus ou moins défectueuse en eux.
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116> À la générosité il convient de répondre par la
générosité. Nous, esprits qui voyons les hommes du haut des cieux
et qui les suivons en ayant la lumière divine pour guide, nous observons les
merveilleux prodiges produits par cette compétition de générosité entre l'âme
qui se donne à celui qui, le premier, s'est donné à elle, et Dieu qui se
donne toujours davantage pour récompenser le généreux qui se donne à lui.
Nous pouvons vraiment dire, en réponse aux pourquoi de beaucoup sur les
montées et descentes des âmes, humainement inexplicables, que le fait de
monter ou de descendre est la conséquence du degré de générosité avec lequel
une âme adhère au Seigneur. La culture, l'état de vie dans le monde, n'ont
qu'un poids très relatif. C'est la générosité qui compte, parce que la
générosité est aussi charité. Celui qui est plus généreux est donc aussi plus
charitable. Plus est grand le degré de générosité, plus grande sera l'union à
Dieu. Et lorsque Dieu est fortement uni à un esprit, celui-ci, faisant
abstraction des autres agents externes, se transforme, d'esprit commun qu'il
était, en esprit élu, capable de ce que par lui-même il ne pourrait
accomplir, parce que dans l'union c'est Dieu qui agit avec ses perfections et
selon ses propres fins.
C'est pour cela que, lorsqu'une créature se trouve ravie à des hauteurs
spéciales, c'est humblement qu'elle doit chanter, afin que la louange soit
rendue à qui de droit : « Le Seigneur a racheté Jacob son
serviteur ».
Malheur, malheur à ceux qui disent :
« C'est parce que je l'ai voulu que je suis devenu ainsi. Le mérite m'en
revient ». L'homme n'a pas d'autre mérite que celui de sa bonne
volonté, qui doit être active et humble jusqu'à la mort de la créature.
Le vrai mérite appartient à Dieu qui vous donne les aides nécessaires pour
vous transformer d'hommes en dieux. L'orgueil de vous prétendre l'unique auteur
de votre élection suffit à faire d'un élu un réprouvé, parce que Dieu a
horreur de la superbe. Il se retire avec ses dons tandis que l'orgueilleux,
au lieu de courber la tête en disant « j'ai péché », s'obstine à
vouloir apparaître pour ce qu'il n'est plus, s'obstine par orgueil, tombe
ainsi dans le mensonge et le sacrilège et finit, d'esprit élu qu'il était,
par être damné.
Je parle devant la Pleine de grâce, devant celle qui est sans faute originelle,
celle qui a mérité d'être la Mère de Dieu.
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117> Quelles gloires plus grandes que
celles-ci ? Quelles sécurités plus grandes de gloire ? Elle le sait. Si, par hypothèse,
elle avait eu à un moment quelconque de sa vie, qui fut entièrement remplie
d'événements capables de réveiller l'orgueil chez n'importe quelle créature,
un seul mouvement d'orgueil, vain serait alors devenu pour elle le fait
d'être sans tache, pleine de grâce et Mère de Dieu. Ni plus ni moins que
toute autre créature, elle aurait été déchue de sa splendide nature, parce
que l'orgueil détruit tout.
Il est tout à fait inutile de prier le Seigneur de donner de bonnes
inspirations dans le but de les mettre en pratique, comme dit l'oraison, si
l'on ne commence pas par débarrasser le terrain du cœur de chaque plante
d'orgueil. Là où l'humilité est absente, les bonnes inspirations ne peuvent
pas se changer en bonnes œuvres, car les bonnes œuvres s'appuient toujours
sur une base d'humilité qui les soutient.
En continuant l'épître de dimanche dernier, on lit que l'apôtre Jacques
écrivait : « Mettez en pratique la Parole du Seigneur, ne vous contentez
pas de l'écouter, vous vous abuseriez vous-mêmes ».
Mais comment pourriez-vous la mettre en
pratique si vous n'abaissez pas d'abord, et pour toujours, l'orgueil de votre
"moi"? Obéir, cela consiste à humilier son propre
jugement devant un autre jugement que, par notre obéissance, nous
reconnaissons plus grand et meilleur que le nôtre. Voici le premier pas vers
l'humilité: la reconnaissance que d'autres possèdent une plus grande capacité
à diriger et à discerner que nous-mêmes.
L'orgueil et l'égoïsme, comme deux cornes pointues et toujours renaissantes,
tentent de détruire cette humilité. Mais l'homme doit sans cesse la faire
renaître s'il veut être capable de mettre en pratique les enseignements de
Dieu, ses commandements, conseils et inspirations.
La Parole du Seigneur est une parole qui piétine tout ce qui est vil chez
l'homme pour faire croître vigoureusement tout ce qui est élevé,
spirituellement élevé. Mais si cette Parole reste à peine appuyée sur le
cœur, qui est fait du granit de l'égoïsme et de l'orgueil quand la lâcheté ne
l'a pas fait mourir, elle ne pourra porter de fruit.
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118> Pour ce faire, il lui faut pénétrer
le cœur, y faire pousser des racines, y dresser un tronc, y étendre un
feuillage, le parsemer de fleurs et de fruits, c'est-à-dire qu'il est
indispensable que la parole soit accueillie, qu'on en prenne soin avec amour
et constance, et que bien des efforts viennent l'aider à croître et à se
parer de toutes les vertus qui sont l'union de la Parole enseignante avec la
volonté agissante.
Jacques dit : « Vous vous abuseriez
vous-mêmes ».
Combien s'abusent de cette manière ! Ils se figurent être en règle,
uniquement parce qu'ils vont écouter la Parole de Dieu. Mais écouter sans
pratiquer, se croire sauvé par le simple fait d'être allé écouter, est s'abuser soi-même.
La Parole doit être assimilée, elle ne doit faire qu'un avec le
"moi", tout comme les sucs d'un repas finissent par ne plus faire
qu'une seule et même chose avec le sang dans lequel ils sont déversés par la
digestion. Si quelqu'un est malade d'une incapacité à assimiler le moindre
aliment, même s'il mangeait un agneau entier par jour, il finirait par mourir
d'épuisement. Il en va de même pour ceux qui écoutent, écoutent, écoutent la
Parole de Dieu mais sans la transformer ensuite en suc nutritif pour leur
esprit ; ils se croient nourris tandis qu'ils sont seulement lestés de
matière inerte.
Jacques dit : « Celui qui agit de la sorte ressemble à un homme qui
observe son visage dans un miroir : il s'est observé, il est parti, il a tout
de suite oublié de quoi il avait l'air ».
Je dirai mieux : c'est comme si quelqu'un se plaçait devant un miroir, mais
parce qu'il ne veut pas ouvrir les yeux, ou parce qu'il le fait dans
l'obscurité, il ne voit pas les particularités de ce qu'il a devant
lui et ne peut donc pas s'en souvenir.
La Loi sainte, devenue si douce dans l'Évangile du Christ, doit être connue
dans une plénitude de lumière et' de volonté, afin d'être rappelée
ou pratiquée. C'est en vain que l'on se dit religieux et serviteur de Dieu si
on ne l'observe, par paresse, par stupidité ou par haine de la charité.
Quelle est donc la vraie religion, la réelle pratique de la Parole devenue
doctrine ? Celle qui se change en bonnes œuvres. Saint Jacques ne cite pas la
fréquentation des cultes, ni l'ostentation dans les rites et autres choses
semblables. Il se borne à citer la prudence et la charité.
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119> Oh ! Combien piétinent l'une et l'autre ! Combien
font pleurer leurs propres frères parce qu'ils ne savent pas réfréner leur
langue et, ainsi, commettent des médisances ou font des louanges hors de
propos, ou encore ne savent pas garder un secret dont la divulgation peut
mettre une pauvre auréole mondaine sur leur pitoyable tête, en
recherche de fétus de paille au lieu des vrais rameaux des palmes célestes,
mais lèse le droit de Dieu, l'obéissance qui lui est due et la paix des
frères !
La prudence est également l'une des vertus cardinales. Mais ceux qui la
pratiquent de façon héroïque sont très rares, trop rares, alors que sont
innombrables les larmes qui coulent à cause des imprudences d'autant plus
coupables qu'elles sont commises par des personnes dont la mission est d'être
pour leurs frères une aide, un guide, un frein, un réconfort. Les dégâts sont
énormes, des dégâts qui portent, non sur une chose humaine, mais sur des
choses plus élevées qui sont manipulées sans prudence, froissant ainsi le
doux voile dont Dieu enveloppe ses lumières trop saintes pour être jetées
nues en pâture aux mortels.
Que ceux-ci se souviennent du grand Moïse qui avait tellement
de pudeur pour présenter le reflet du divin qui demeurait sur son visage,
qu'il se couvrait d'un voile parce que tout Israël n'était pas digne de
connaître le reflet de Dieu !
La seconde des deux manifestations de la religion pure et immaculée,
selon Jacques et selon les vrais justes, c'est celle de la charité envers le
prochain dont il cite les deux cas qui appellent le plus de compassion : les
veuves et les orphelins, qu'il faut visiter dans leurs tribulations afin
qu'ils ne se sentent pas abandonnés et n'en viennent pas à être emportés par
le monde qui ignore la charité.
Mais les veuves et les orphelins ne sont pas seulement ceux qui ont perdu un
époux ou des parents. Il existe des deuils, des solitudes, des abandons
encore plus vastes que ceux d'une affection ou d'une protection qui cessent
pour une chair et pour un cœur. Il y a les abandons ressentis par ceux qui,
en tant que "voix de Dieu", ne se sentent plus soutenus par qui en
a le devoir. Ils crient vers Dieu avec la plainte de qui gémit dans le désert
et n'a que l'étoile dans le ciel pour guider ses pas.
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120> O prêtres, quel est donc votre ministère
sinon celui d'être tout à tous,
et spécialement à ceux-là, à ces martyrs de la volonté de Dieu? N'êtes-vous donc
plus les descendants de ces prêtres, de ces diacres, de ces évêques et de ces
papes qui, sortant des catacombes, descendaient dans les prisons,
pénétraient dans les arènes, prêts à mourir s'ils venaient à être découverts
dans leur acte d'amour de porter un secours fraternel et spirituel aux
martyrs pour le nom du Christ ? Les risques que vous prenez sont semblables à
des fétus si on les compare aux leurs, bien plus grands. Pourtant, rien ne
les retenait d'affronter ces risques, parce que le sacerdoce est un combat,
un combat qu'il faut savoir engager aux côtés des laïcs, pour la défense des
instruments de Dieu,
pour être les archanges de ces instruments qui chassent l'Adversaire sous ses
diverses formes. Ils sont prêts à mourir dans la tranquillité de leur vie
sereine, prêts aussi à en sortir momentanément diminués. Et diminués en quoi
? Selon la misérable façon de voir des hommes, mais auréolés de la couronne
resplendissante d'une justice héroïque pour avoir été les "pères",
les "Simon de Cyrène" des instruments crucifiés.
En effet, même si aucune autre impureté ne vous entache, celle de craindre le
jugement du monde, et donc celle d'être impurs dans votre ministère auprès
des instruments, celle-là est sur vous. Pour cette raison, vous n'êtes pas
purs du monde, parce que vous raisonnez selon les façons de penser de ce
monde qui est le vôtre, et dans lequel c'est le respect humain qui prévaut,
et non le sacrifice pour être fidèles à la justice et à la charité.
Au ciel, nous souffrons beaucoup de la sainte souffrance d'amour qui est la
nôtre, en voyant ce que subissent les âmes élues de Dieu, tournées en
dérision par le monde. Le ciel se penche sur elles et multiplie ses lumières
pour essuyer leurs larmes et recueillir leurs plaintes. Mais la charité du
ciel n'exclut pas la charité que les frères doivent à leurs frères, parce
que ces derniers ne sont pas seulement esprit, ils sont aussi chair.
Et s'ils sont venus du Père qui les a suscités pour des
raisons de bonté qui ne seront connues qu'au ciel, ils retourneront au Père
chargés de leurs couronnes d'épines, et eux, instruments affligés et
tourmentés, prieront encore pour leurs détracteurs ; par contre il n'est pas
dit que le Père pardonne tout à ceux qui les ont injustement maltraités en
les surchargeant de fardeaux inhumains désapprouvés par Dieu.
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121> Éteignez donc les "voix". Ainsi
votre ciel sera toujours plus obscur, sans étoiles. Mais ne vous plaignez pas
ensuite si vos hagiographies manquent de fleurs. Pour éclore, une fleur a
besoin d'être cultivée et non d'être foulée sous le poids des indifférences,
ni attristée par d'injustes duretés.
Malheur à ceux qui font plier la tige qui se dressait vers le ciel, sous le
poids de cette pensée : « Serai-je peut-être moi-même un satan? » Terrible flèche qui appesantit, qui abaisse
vers la terre l'œil qui regardait son Dieu en toute confiance... Ames
blessées, rendues incertaines, fatiguées... Pauvres âmes ! Ce ne sont pas
elles, mais bien ceux qui contribuent à les avilir qui seront appelés à se
justifier auprès de leur Seigneur. Quant à toi, mon âme, rappelle-toi ceci :
« Quand toute joie humaine a disparue d'un travail et que malgré tout
l'on poursuit ce travail avec le seul esprit surnaturel de rendre gloire à
Dieu et de venir en aide à ses frères, c'est alors que le travail se
sanctifie, devient surnaturel et ainsi vraiment profitable ».
Souviens-toi bien de ceci. Alors ce qui t'écrase te deviendra dans le même
mouvement un soutien. Monte, monte, jusqu'à l'ultime sommet, avec ton saint
fardeau que constitue le Trésor de Dieu. Écris, écris jusqu'au dernier mot,
même si chacun d'eux t'arrache une larme à la pensée qu'il est une perle
destinée à demeurer inconnue et donc inutile pour tant d'âmes qui en ont au
contraire grand besoin. Âme victime, ta charité envers Dieu qui te parle,
envers tes frères qui attendent, sera toujours active même si la tiédeur
humaine ne sait pas se réchauffer et rendre actif le don de Dieu.
Demeure dans la paix. Ne pleure plus. Et saluons la Mère bénie par son propre
chant, qui est celui des grands humbles. »
Azarias chante alors le Magnificat d'une façon si céleste que mes nombreuses
larmes s'arrêtent pour suivre cette harmonie céleste.
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