Le lundi 8 octobre
1945.
23> 298.1 - Je
revois le lac de Mérom en un sombre jour pluvieux... Boue et nuages. Silence
et brouillard. L'horizon disparaît dans les nuages. Les chaînes de l'Hermon
sont ensevelies sous des couches de nuages bas. Mais de cet endroit -
un plateau surélevé situé près du petit lac tout gris et jaunâtre à cause de
la boue des mille ruisseaux gonflés, et à cause du ciel nuageux de novembre -
on découvre bien ce petit miroir d'eau alimenté par le Jourdain supérieur,
qui en débouche ensuite pour alimenter l'autre lac plus grand de Génésareth.
Le soir descend, de plus en plus triste et pluvieux, pendant que Jésus
s'achemine par la route qui coupe le Jourdain après le lac de Mérom, pour
prendre un sentier qui mène directement à une maison...
(Jésus dit : "Ici vous mettrez la vision des orphelins Matthias et
Marie, donnée le 20 Août 1944.")
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24>
Le dimanche 20 août 1944.
298.2 - Une
autre douce vision de Jésus et de deux enfants.
Je vois Jésus qui passe par un petit chemin à travers champs. Ils doivent
être ensemencés depuis peu, car la terre est encore fine et foncée comme
après un récent ensemencement. Jésus s'arrête pour caresser deux
enfants : un garçon de pas plus de quatre ans et une fillette qui peut
en avoir huit ou neuf. Ce doit être des enfants très pauvres car ils ont deux
pauvres petits vêtements déteints et même déchirés, et une petite figure
triste et souffrante.
Jésus ne demande rien. Il les regarde seulement fixement pendant qu'il les
caresse. Puis il se hâte vers une maison qui est au bout du petit chemin. Une
maison de campagne, mais bien tenue, avec un escalier extérieur qui monte du
sol sur la terrasse, sur laquelle se trouve une tonnelle de vigne, maintenant
dépouillée des grappes et des feuilles. Seules quelques dernières feuilles
déjà jaunies pendent et remuent par l'effet du vent humide d'une maussade
journée d'automne. Sur le parapet de la maison, des colombes roucoulent en
attendant l'eau que le ciel gris et nuageux annonce.
Jésus, suivi des siens, pousse la grille rustique du petit mur en pierres
sèches qui entoure la maison, et entre dans la cour, nous dirions l'aire, où
se trouve un puits et dans un coin le four. Je suppose que c'est cela ce
débarras aux murs plus sombres à cause de la fumée qui en sort maintenant et
que le vent pousse vers la terre.
Au bruit des pas une femme se présente sur le seuil du débarras et, après
avoir vu Jésus, le salue joyeusement et court vers la maison pour avertir.
Voici qu'un homme vieillot et
gras se présente sur la porte de la
maison et se hâte vers Jésus.
"Grand honneur, Maître, de te voir !" dit-il en guise de
salutation.
Jésus dit son salut :
"La paix soit avec toi. Et il ajoute : La nuit arrive et la pluie
va venir. Je te demande un abri et un pain pour Moi et mes disciples."
"Entre, Maître. Ma maison est à Toi. La servante va défourner le pain.
Je suis bien aise de te l'offrir avec du fromage de mes brebis et des fruits
de ma propriété. Entre, entre, le vent est humide et froid..."
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25> Et avec empressement il tient ouverte la porte en
s'inclinant au passage de Jésus.
298.3 - Mais
ensuite il change subitement de ton en s'adressant à quelqu'un qu'il voit et
il dit en colère :
"Encore toi, ici ? Va-t-en. Il n'y a rien
pour toi. Va-t-en. Tu as compris ? Ici, il n'y
a pas de place pour les vagabonds..."
Et il murmure entre ses dents :
"...et peut-être aussi de voleurs comme toi."
Une petite voix plaintive répond :
"Pitié, seigneur. Un pain au moins pour mon petit frère. Nous avons
faim..."
Jésus, qui était entré dans la vaste cuisine égayée par un grand feu qui fait
l'office d'une lampe, vient sur le seuil. Son visage est changé. Sévère et
triste, il demande, non pas à l'hôte, mais en général, il semble le demander
à l'aire silencieuse, au figuier dépouillé, au puits sombre :
"Qui est-ce qui a faim ?"
"Moi, Seigneur. Mon frère et moi. Un pain seulement et nous nous en
irons."
Jésus est maintenant dehors, dans l'air de plus en plus sombre, à cause du
crépuscule qui avance et de la pluie imminente. "Avance" dit-il.
"J'ai peur, Seigneur !"
"Viens, te dis-je. N'aie pas peur de Moi."
De derrière du coin de la maison, la fillette
s'amène. À son misérable petit vêtement se cramponne son petit frère. Ils
viennent pleins de crainte. Un regard timide à Jésus, un regard apeuré au
maître de maison qui lui fait les gros yeux et qui dit :
"Ce sont des vagabonds, Maître. Et des voleurs. Il n'y a qu'un instant,
je l'ai surprise à fouiller près du pressoir. Certainement elle voulait
entrer pour voler. Qui sait d'où ils viennent. Ils ne sont pas du pays."
Jésus semble l'écouter. Il regarde très fixement la fillette au petit visage
pâle et aux tresses défaites, deux nattes qui lui tombent sur les oreilles,
attachées au bout avec deux morceaux de chiffon. Mais le visage de Jésus
n'est pas sévère quand il regarde la pauvre petite. Il est triste, mais il
sourit pour l'encourager.
"Est-ce vrai que tu voulais voler ? Dis la vérité."
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26> "Non, Seigneur. J'avais demandé un morceau de pain,
parce que j'ai faim. On ne me l'a pas donné. J'ai vu une croûte huilée, là,
par terre, près du pressoir et je suis allée la prendre. J'ai faim, Seigneur.
Hier on m'a donné un seul pain, et je l'ai gardé pour Matthias...
Pourquoi ne nous ont-ils pas mis avec maman dans le tombeau ?" La
fillette pleure désolée et son frère fait comme elle.
"Ne pleure pas." Jésus la console en la caressant et en l'attirant
à Lui. "Réponds: d'où es-tu ?"
"De la plaine d'Esdrelon."
"Et tu es venue jusqu'ici ?"
"Oui, Seigneur."
"Il y a longtemps que ta mère est morte ? Et as-tu ton
père ?"
"Mon père est
mort tué par le soleil au temps de la moisson et maman à la dernière lune...
elle et l'enfant qui naissait, sont morts..." Elle pleure davantage.
"Tu n'as pas de parent ?"
"Nous venions de si loin ! Nous étions pauvres... Puis le père a dû
se mettre en service. Maintenant il est mort, et maman avec lui."
"Qui était le maître ?"
"Le pharisien Ismaël."
"Le pharisien Ismaël !... (Impossible de traduire la manière dont
Jésus répète ce nom). Tu es partie volontairement ou bien il t'a renvoyée ?"
"Il m'a renvoyée, Seigneur. Il a dit : "Sur le chemin, les
chiens affamés !"
298.4 - "Et
toi, Jacob, pourquoi n'as-tu pas donné un pain à ces petits ?
Un pain, un peu de lait et une poignée de foin pour délasser leur
fatigue ? ..."
"Mais... Maître... j'ai du pain juste pour moi... et du lait, il y en a
peu. ..et les mettre dans la maison. ..Ils sont comme des bêtes vagabondes,
ces gens-là. Si on leur fait bon visage, ils ne s'en vont plus..."
"Et tu manques de place et de nourriture pour ces deux malheureux ?
Tu peux le dire vraiment, Jacob ?
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27> L'abondance de la moisson, du vin, la quantité d'huile,
les fruits nombreux ont rendu célèbre ton domaine cette année à cause de ce
qu'il a produit ? Te le rappelles-tu encore ? L'année précédente,
la grêle avait abîmé tes biens et tu étais inquiet pour ta vie... Je suis
venu et je t'avais demandé un pain... Tu m'avais entendu parler un jour et tu
m'étais resté fidèle. ..et dans ta peine tu m’as ouvert ton cœur et ta maison
et tu m'as donné un pain et un abri. Et Moi, en sortant le matin suivant, que
t'ai-je dit ? "Jacob, tu as compris la Vérité. Sois toujours
miséricordieux et tu obtiendras miséricorde. Pour le pain que tu as donné au
Fils de l'homme, ces champs te donneront abondance de blé et seront chargés
comme s'ils avaient sur eux les grains de sable de la mer, les oliviers
seront chargés d'olives et tes pommiers plieront sous le poids des
fruits". Tu as eu tout cela et tu es le plus riche de la région cette
année. Et tu refuses un pain à deux enfants !..."
"Mais Toi, tu étais le Rabbi..."
"Justement parce que je l'étais, je pouvais faire du pain avec des
pierres. Eux, non. Maintenant je te dis : tu vas voir un nouveau miracle
et tu en auras de la peine, une grande peine... Mais alors, en te
frappant la poitrine, dis : "Je l'ai mérité"
298.5 - Jésus
s'adresse aux enfants :
"Ne pleurez pas. Allez à cet arbre
et cueillez."
"Mais il est dépouillé, Seigneur" objecte la fillette.
"Va."
La fillette va et revient avec son vêtement relevé et rempli de belles pommes
rouges.
"Mangez et venez avec Moi" et aux apôtres : "Allons
porter ces deux petits à Jeanne de Kouza.
Elle sait se rappeler les bienfaits reçus et elle est miséricordieuse pour l'amour
de Celui qui a été miséricordieux avec elle. Allons."
L'homme, abasourdi et mortifié, essaie de se faire pardonner :
"Il fait nuit, Maître. La pluie peut tomber pendant que tu es en route.
Rentre dans ma maison. Voici que la servante va défourner le pain... Je t'en
donnerai aussi pour eux."
"Inutile. Tu le donnerais non par amour, mais par peur du châtiment
promis."
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28> "Ce n'est donc pas cela (et il montre les pommes
cueillies sur l'arbre d'abord dépouillé et que les deux affamés mangent avec
avidité) ce n'est donc pas cela le miracle ?"
"Non."
Jésus est très sévère.
"Oh ! Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi ! J'ai
compris ! Tu veux me punir dans mes récoltes ! Pitié,
Seigneur !"
"Ce ne sont pas tous ceux qui me disent, "Seigneur", qui me
possèderont car ce n'est pas par la parole, mais par les actes que l'on
montre de l'amour et du respect. Tu auras la pitié que tu as eue."
"Je t'aime, Seigneur."
"Ce n'est pas vrai. M'aime celui qui aime, car cela est mon
enseignement. Tu n'aimes que toi-même. Quand tu m'aimeras comme je l'ai
enseigné, le Seigneur reviendra.
298.6 - Maintenant
je m'en vais. Ma demeure est dans l'accomplissement du bien, dans la
consolation des affligés, quand j'essuie les larmes des orphelins. Comme une
poule déploie ses ailes sur ses poussins sans défense, de même je déploie mon
pouvoir sur ceux qui souffrent et qui sont tourmentés. Venez, enfants. Vous
aurez bientôt une maison et du pain. Adieu, Jacob."
Et non content de marcher, il fait prendre dans les bras la fillette
fatiguée. C'est André qui la prend et
l'enveloppe dans son manteau. Jésus prend le petit et ils s'en vont, par le
petit chemin désormais obscur, avec leur charge pitoyable qui ne pleure plus.
Pierre dit :
"Maître ! C'est une grande chance pour eux que tu sois survenu.
Mais pour Jacob"... Que vas-tu faire, Maître ?"
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