Le dimanche 14 janvier 1945.
518> 78.1 – J'ai l'impression que la
partie la plus escarpée, c'est à dire le nœud le plus étroit des montagnes de
Judée, se trouve entre Hébron et Yutta. Mais je pourrais aussi me tromper et qu'il s'agisse
d'une vallée qui s'ouvre plus largement sur des horizons assez vastes d'où se
détachent des monts isolés et non plus une chaîne. Peut-être est-ce une
cuvette entre deux chaînes, je ne sais. C'est la première fois que je la vois
et je n'y comprends pas grand-chose. Dans des champs assez étroits mais bien
tenus, cultures diverses de céréales : orge, seigle surtout, et aussi de
beaux vignobles sur les terres les plus ensoleillées. Puis, en montant, des
bois de pins et de sapins et d'autres essences forestières. Une route...
discrète donne entrée sur un petit village.
"C'est le faubourg de Kérioth. Je te prie de venir à ma maison de
campagne. Ma mère t'y attend. Puis nous irons dans Kérioth" dit
Judas qui n'y tient plus, tant il est agité.
Je n'ai pas dit que maintenant Jésus n'est plus qu'avec Judas, Simon et Jean. Les bergers n'y sont plus. Peut-être sont-ils restés
dans les pâturages d'Hébron ou retournés vers Bethléem.
"Comme tu veux, Judas. Mais nous pouvions aussi nous arrêter ici pour
faire connaissance avec ta mère."
"Oh ! non, c'est une maison paysanne. Ma mère y vient au temps des
récoltes. Mais ensuite elle reste à Kérioth. Et, ne veux-tu pas que ma cité
te voie ? Ne veux-tu pas lui porter ta lumière ?"
"Bien sûr que je le veux, Judas, mais tu sais déjà que je ne regarde pas
à l'humilité de l'endroit qui me donne l'hospitalité."
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519> "Mais aujourd'hui tu es mon hôte... et Judas sait
recevoir."
Ils font encore quelques mètres au milieu de maisonnettes disséminées dans la
campagne, et femmes et hommes s'avancent, appelés par les enfants. C'est
évident que c'est de la curiosité provoquée. Judas doit avoir battu le
rappel.
"Voici ma pauvre maison. Excuse sa pauvreté."
Mais la maison n'est pas une masure. C'est un cube à un seul étage, mais
vaste et bien entretenu au milieu d'un verger touffu et prospère. Une ruelle
privée, très propre va de la route à la maison.
"Me permets-tu de passer devant ? Maître ?"
"Vas-y."
Judas s'en va.
"Maître, Judas a fait les choses en grand, dit Simon. Je m'en étais
douté. Mais maintenant, j'en suis sûr. Tu dis, Maître, et tu as bien
raison : esprit, esprit... Mais lui... lui ne l'entend pas ainsi. Il ne
te comprendra jamais... ou bien tard." rectifie-t-il pour ne pas peiner
Jésus.
Jésus soupire et se tait.
78.2 – Judas sort avec une femme sur
la cinquantaine environ. Elle est plutôt grande, mais pas tant que son fils à
qui elle a donné ses yeux noirs et ses cheveux frisés. Mais ses yeux sont
doux, plutôt tristes, tandis que ceux de Judas sont impérieux et fourbes.
"Je te salue, Roi d'Israël." dit-elle en se courbant comme une
vraie sujette. "Permets à ta servante de te recevoir."
"Paix à toi, femme. Et que Dieu soit avec toi et avec ton enfant."
"Oh ! oui, avec mon enfant !"
C'est plutôt un soupir qu'une réponse.
"Lève-toi, mère. J'ai une Mère, moi aussi et je ne puis permettre que tu
me baises les pieds. Au nom de ma
Mère, je te donne un baiser, femme. C'est
ta sœur... en amour et dans la destinée douloureuse des mères de ceux qui
sont marqués."
"Que veux-tu dire, Messie ?" demande Judas un peu inquiet.
Mais Jésus ne répond pas. Il est en train d'embrasser la femme qu'il a
relevée et à laquelle il donne un baiser sur les joues. Puis, la tenant par
la main, il va vers la maison.
Ils entrent dans une pièce fraîche à laquelle donnent de l'ombre des rideaux
à rayures frais. Tout est prêt : des boissons fraîches et des fruits
aussi. Mais la mère de Judas appelle d'abord une servante qui apporte de
l'eau et des essuie-mains. La maîtresse voudrait déchausser Jésus et laver
ses pieds poussiéreux. Mais Jésus s'y oppose :
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520> "Non, mère. La mère est une créature trop sainte,
surtout quand elle est honnête et bonne comme toi, pour que je permette que
tu prennes une attitude d'esclave."
La mère regarde Judas... un regard étrange; et puis elle s'éloigne.
Jésus s'est rafraîchi. Quand il va remettre ses sandales, la femme revient
avec une paire de sandales neuves.
"Voici, notre Messie. Je crois avoir bien fait… comme Judas voulait...
Il m'a dit : "Un peu plus longues que les miennes et de même
largeur".
"Mais, pourquoi, Judas ?"
"Tu ne veux pas me permettre de t'offrir un cadeau ? N'es-tu pas
mon Roi et Dieu ?"
"Oui, Judas, mais tu ne devais pas donner tant de dérangement à ta mère.
Tu sais comme je suis..."
"Je le sais. Tu es saint. Mais tu dois te présenter comme un Roi saint.
C'est ce qui s'impose. Dans le monde où les neuf dixièmes sont des sots, il
faut une présentation qui en impose. Je le sais."
Jésus a chaussé ses sandales neuves de cuir rouge aux courroies percées avec
une empeigne qui monte jusqu'à la cheville. Beaucoup plus belles que ses
simples sandales d'artisan et semblables aux sandales de Judas qui sont des
escarpins d'où sortent seulement les bouts de pied.
"Le vêtement aussi, mon Roi. Je l'avais préparé pour mon Judas... Mais
lui te le donne. C'est du lin : frais et neuf. Permets qu'une mère
t'habille... comme s'il s'agissait de son fils."
Jésus se retourne pour regarder Judas... mais ne réplique pas. Il délace la
gaine de son vêtement au cou et fait retomber l'ample tunique de ses épaules
en restant avec la tunicelle de dessous. La femme lui passe le beau vêtement
neuf. Elle lui présente une ceinture qui est un galon tout brodé d'où part un
cordon qui finit en gros pompons. Jésus, certainement se sentira à l'aise
dans ses vêtements frais et nets. Mais il ne paraît pas très heureux. Pendant
ce temps, les autres se sont. nettoyés.
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521> "Viens, Maître. Ce sont des fruits de mon modeste
verger et cela c'est de l'hydromel que ma mère fabrique. Toi, Simon,
peut-être tu préfères ce vin blanc, Prends. C'est de ma vigne. Et toi,
Jean ? Comme le Maître ?".
Judas jubile en versant dans de belles coupes d'argent, en montrant qu'il a
des moyens.
La mère parle peu. Elle regarde... regarde... regarde son Judas... et plus
encore elle regarde Jésus... Jésus, avant de manger, lui présente le plus
beau fruit (ce sont de gros abricots, me semble-t-il, des fruits jaunes
rouges, mais ce n'est pas des pommes) et quand il lui dit :
"Toujours la mère, d'abord." ses yeux s'emperlent de larmes.
"Maman, le reste est fait ?" demande Judas.
"Oui, mon fils, je crois avoir tout bien fait, mais j'ai toujours vécu
ici et je ne sais pas... je ne sais pas les habitudes des rois."
"Quelles habitudes, femme ? Quels rois ? Mais qu'as-tu fait,
Judas ?"
"Mais n'es-tu pas le Roi promis à Israël ? Il est temps que le
monde te salue comme tel et cela devait arriver pour la première fois ici,
dans ma cité, dans ma maison. Je te vénère avec ce titre. Par amour pour moi
et par respect pour ton nom de Messie de Christ, de Roi que les Prophètes
t'ont donné par ordre de Yahwé , ne me démens
pas."
78.3 – "Femme, amis, je vous en
prie. J'ai besoin de parler avec Judas. Je dois lui donner des ordres
précis."
La mère et les disciples se retirent.
"Judas, qu'as-tu fait ? M'as-tu si peu
compris jusqu'à présent Pourquoi m'abaisser au point de faire de Moi un
puissant de la terre et même un ambitieux qui recherche cette
puissance ? Et tu ne comprends pas que c'est rabaisser ma mission et
même lui faire obstacle ? Oui, un obstacle, c'est indéniable.
Israël est soumis à Rome. Tu sais ce qui advint quand il voulut s'élever
contre Rome quelqu'un qui fait figure de chef populaire et qui laisse
soupçonner d'organiser une guerre de libération. Tu as vu, ces jours-ci
précisément tu as vu, comment on s'est acharné sur un Bébé parce qu'on voyait
en Lui un futur roi, selon le monde. Et toi et toi !
Oh ! Judas qu'attends-tu d'une souveraineté charnelle pour Moi ?
Qu'espères-tu ? Je t'ai donné le temps de réfléchir et de décider. Je
t'ai parlé bien clairement, dès la première fois.
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522> Je t'ai même repoussé, parce que je savais... parce que
je sais, oui, parce que je sais, je lis, je vois ce qu'il y a en toi.
Pourquoi vouloir me suivre si tu ne veux pas être tel que je veux ? Va-t-en, Judas ! Ne te nuis pas et ne me nuis pas...
Va. Cela vaut mieux pour toi. Tu n'es pas un ouvrier fait pour ce travail...
C'est trop au-dessus de toi. En toi, c'est l'orgueil, la cupidité, avec ses
trois branches c'est l'esprit de domination... même ta mère doit te craindre.
C'est la propension au mensonge… Non. Ce n'est pas cela que doit être celui
qui veut me suivre. Judas : je ne te hais pas. Je ne te maudis pas. Je
te dis seulement, et c'est avec la douleur de ne pouvoir changer quelqu'un
que j'aime, je te dis seulement : va ton chemin, fais-toi une situation
dans le monde puisque c'est cela que tu veux, mais ne reste pas avec Moi.
Mon chemin ! ...Ma royauté ! Oh ! quelles souffrances y seront !
Sais-tu où je serai Roi ? Quand on proclamera ma Royauté ! Ce sera quand
je serai élevé sur un bois infâme, quand j'aurai pour pourpre mon propre
sang, pour couronne des épines entrelacées, pour enseigne un écriteau infâme,
pour trompettes, cymbales, orgues et cithares saluant celui qu'on a proclamé
Roi, les blasphèmes de tout un peuple : de mon peuple. Et sais-tu
par le travail de qui tout cela ? De quelqu'un qui ne m'aura pas
compris. Qui n'aura rien compris. Cœur de bronze vide, où l'orgueil, la
sensualité, l'avarice auront distillé leurs poisons d'où sera né un entrelacement
de serpents qui seront pour Moi une chaîne et... et pour lui une malédiction.
Les autres ne connaissent pas aussi clairement ma destinée. Et, je t'en
prie : n'en parle pas. Que cela reste entre toi et Moi. Du reste...
c'est un reproche... et tu te tairas pour ne pas dire : "J'ai été
blâmé...". As-tu compris, Judas ?"
78.4 – Judas est violet, tant il est
rouge. Il est debout devant Jésus. Il est confus, tête basse... Puis il se
jette à genoux et pleure, la tête sur les genoux de Jésus.
"Je t'aime, Maître, ne me repousse pas. Oui, je suis un orgueilleux, je
suis un sot, mais ne me renvoie pas. Non, Maître, ce sera la dernière fois
que je te manque. Tu as raison je n'ai pas réfléchi. Mais même dans cette
erreur il y a de l'amour. Je voulais te faire tant d'honneur... et que les
autres aussi te le donnent... parce que je t'aime. Tu l'as dit, il y a trois
jours :
"Quand vous vous méprenez sans malice, par ignorance, ce n'est pas
erreur mais jugement imparfait, jugement d'enfants, et Moi je suis ici pour
vous faire devenir adultes". Voici, Maître, je suis ici contre tes
genoux...
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523>
Tu m'as dit que tu serais pour moi un père... contre tes genoux, comme si tu étais mon père, et je te
demande pardon. Je te demande de faire de moi un "adulte", un
adulte saint... Ne me renvoie pas, Jésus, Jésus, Jésus... Non ! Tout
n'est pas mauvais en moi. Tu vois : pour Toi, j'ai tout quitté et je suis
venu. Tu es pour moi supérieur aux honneurs et aux avantages que j'obtenais
en servant les autres. Toi, oui, Tu es l'amour du pauvre, du malheureux Judas
qui voudrait ne te donner que de la joie et te donne au contraire de la douleur
..."
"Cela suffit, Judas. Une fois de plus, je te pardonne...".
Jésus paraît fatigué...
"Je te pardonne, dans l'espoir... dans l'espoir que dans l'avenir tu me
comprennes."
"Oui, Maître, oui. Et maintenant pourtant, maintenant ne m'écrase pas
sous le poids d'un démenti qui ferait de moi un objet de dérision. Tout
Kérioth sait que je venais avec le Descendant de David, le Roi d'Israël et
s'est préparé à Te recevoir dans cette cité qui est la mienne... J'avais cru
bien faire... de te faire voir comme il le fait pour inspirer la crainte et
l'obéissance et de le faire voir à Jean, à Simon, et par eux aux autres qui
t'aiment; mais te traitent d'égal à égal... Même ma mère serait
humiliée d'être la mère d'un fils menteur et insensé. À cause d'elle, mon
Seigneur... et je te jure que je..."
"Ne me fais pas de serment, mais jure-toi à toi même, si tu le peux, de
ne plus pécher en ce sens. À cause de ta mère et des habitants, je ne ferai
pas l'affront de partir sans m'arrêter. Relève-toi."
"Que dis-tu aux autres ?"
"La vérité..."
"Oh ! non."
"La vérité : que je t'ai donné des ordres pour aujourd'hui. Il y a
toujours manière de dire la vérité sans offenser la charité. Allons. Appelle
ta mère et les autres."
Jésus est plutôt sévère. Il ne se remet à sourire que quand Judas revient
avec sa mère et les disciples. La femme scrute le visage de Jésus; mais elle
y voit la bienveillance. Elle se rassure J'ai l'impression que c'est une âme
en peine.
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524> "Voulons-nous aller à Kérioth ? Je suis
reposé et je te remercie mère, de toutes tes bontés. Que le Ciel te
récompense, et donne pour la charité que tu as envers moi, repos et joie au
conjoint que tu pleures."
La femme cherche à lui baiser la main, mais Jésus lui met la main sur la
tête, en la caressant, et ne la laisse pas faire.
"Le char est prêt, Maître. Viens."
Dehors, en fait voilà qu'arrive un char tiré par des bœufs. C'est un beau
char, pratique, sur lequel on a disposé, pour servir de sièges, des coussins
couverts de housses rouges.
"Monte, Maître."
"La mère, d'abord."
La femme monte, puis Jésus et les autres.
"Ici, Maître" (Judas ne l'appelle plus roi).
Jésus s'assoit sur le devant avec Judas près de Lui. En arrière la femme et
les disciples. Le conducteur pique les bœufs et le stimule en marchant à
côté.
78.5 – Le trajet est court. Quatre
cents mètres, un peu plus, puis voilà qu'on aperçoit les premières maisons de
Kérioth, qui me paraît une petite cité bien ordinaire. Dans la rue
ensoleillée, un petit garçon regarde, et puis part comme une fusée. Quand le
char arrive aux premières maisons, les notables et le peuple sont là pour
l'accueillir, avec des tentures et de la verdure et de la verdure et des
tentures tout le long des rues d'une maison à l'autre. Cris de joie et inclinations profondes, jusqu'à terre. Jésus
désormais ne peut se dérober, du haut de son trône vacillant, il salue et
bénit.
Le char continue et puis tourne au-delà d'une place dans une autre rue. Il
s'arrête devant une maison qui a le portail grand ouvert avec, sur le seuil,
deux ou trois femmes, On s'arrête. On descend.
"Ma maison est à Toi, Maître."
"Paix à elle, Judas, paix et sainteté."
Ils entrent. Au-delà du vestibule, il y a une salle spacieuse avec des divans
bas et des meubles ornés de marqueteries. Avec Jésus et les autres, entrent
les notables du pays. Inclinations, curiosité, ambiance de fête solennelle.
Un vieillard imposant prononce un discours :
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525> "Grand événement pour le pays
de Kérioth de te posséder, ô Seigneur. Grand événement ! Jour
heureux ! Événement de te posséder, et événement pour voir qu'un de ses
fils est pour Toi un ami et un collaborateur. Béni, celui-ci qui t'a connu
avant tout autre ! Béni sois-Tu cent fois pour t'être manifesté : Toi,
l'Attendu des générations et des générations. Parle, Seigneur et Roi. Nos
cœurs attendent ta parole, comme une terre desséchée par un été brûlant
attend les premières douces pluies de septembre."
"Merci, qui que tu sois. Merci. Et merci à ces habitants qui ont incliné
leurs cœurs vers le Verbe du Père, vers le Père dont je suis le Verbe, pour
que vous sachiez que ce n'est pas au Fils de l'homme qui vous parle, mais
qu'au Seigneur Très-Haut, grâces et honneurs sont rendus pour ce temps de
paix où Il a rétabli sa paternité brisée, avec les fils des hommes. Louange
au Seigneur véritable, au Dieu d'Abraham qui a eu pitié et amour pour son
peuple et lui a accordé le Rédempteur promis. Pas à Jésus, serviteur de
l'Éternelle Volonté, mais à cette Volonté d'amour, gloire et louange."
"Tu parles en saint... Je suis le chef
de la synagogue. Ce n'est pas le sabbat, mais viens dans ma maison
pour expliquer la Loi, Toi sur qui, mieux que l'huile qui consacre les rois
est l'onction de la Sagesse."
"Je vais venir."
"Mon Seigneur, peut-être, est fatigué..."
"Non, Judas, jamais fatigué de parler de Dieu et jamais désireux de
décevoir les cœurs."
"Viens, alors, insiste le chef de la synagogue. Tout Kérioth est là,
dehors qui t'attend."
"Allons."
Ils sortent. Jésus entre Judas et le chef. Puis, autour, les notables et la
foule, la foule, la foule. Jésus passe et bénit.
78.6 – La synagogue donne sur la place.
Ils entrent. Jésus va vers l'endroit d'où l'on enseigne. Il commence à
parler, tout blanc dans son splendide vêtement, le visage inspiré, les bras
étendus en son geste habituel.
"Peuple de Kérioth : le Verbe de Dieu
parle. Écoutez. Il n'est que la Parole de Dieu, Celui qui vous parle. Sa
souveraineté vient du Père et retournera au Père lorsqu'il aura évangélisé
Israël. Que les cœurs s'ouvrent à la vérité ainsi que les esprits pour ne pas
stagner dans l'erreur où naît la confusion.
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526> Isaïe a dit : "Les vols
faits à main armée et les vêtements tachés de sang seront la proie du feu.
Voici, qu'il nous est né un petit Enfant, qu'on nous a donné un Fils. Sur ses
épaules repose le pouvoir Voici son Nom : l'Admirable, le Conseiller, Dieu,
le Fort, le Père du siècle à venir, le Prince de la paix".
Voilà mon Nom. Laissons aux Césars et aux Tétrarques leurs proies. Pour Moi,
je ferai un vol, mais pas un vol qui mérite d'être puni par le feu. Au
contraire, j'arracherai au feu de Satan des proies et des proies pour les
amener au Royaume de paix dont je suis le Prince et au siècle futur :
l'éternité dont je suis le Père.
"Dieu" dit encore David, de la souche duquel je
viens, comme il avait été prédit par ceux qui ont joui de la vision à cause
de leur sainteté agréable à Dieu et choisie pour parler de Dieu, Dieu donc
"a choisi un seul... mon fils... mais l’œuvre est grandiose, car il ne
s'agit pas de préparer la maison d'un homme, mais une maison pour Dieu".
C'est ainsi : Dieu, le Roi des rois, a choisi un seul, son Fils, pour
construire dans les cœurs sa maison. Et il a déjà préparé les matériaux.
Oh ! que d'or de charité ! et de cuivre et d'argent et de fer et de
bois rares et de pierres précieuses ! Tout cela est en réserve dans son Verbe
et Lui emploie ces matériaux pour construire en vous la demeure de Dieu.
Mais, si l'homme n'aide pas le Seigneur, c'est inutilement que le Seigneur
voudra construire sa maison. À l'or, on répond par l'or, à l'argent par
l'argent, au cuivre par le cuivre, au fer par le fer. Cela veut dire qu'il
faut donner amour pour amour, continence pour servir la Pureté, constance
pour être fidèle, force pour tenir bon. Et puis apporter aujourd'hui la
pierre, demain le bois; aujourd’hui le sacrifice, demain le travail, et
bâtir, bâtir toujours le temple de Dieu en vous.
Le Maître, le Messie, le Roi de l'Israël éternel, du peuple éternel de Dieu
vous appelle. Mais il veut que vous soyez purs pour cette œuvre, À bas
l'orgueil : à Dieu les louanges. À bas les pensées humaines : c'est
à Dieu qu'appartient le Royaume. Avec humilité dites avec Moi :
"Tout t'appartient, Père. À Toi tout ce qui est bon. Apprends-nous à Te
connaître et à Te servir en vérité". Dites : "Qui
suis-je ?" Et reconnaissez que vous ne serez quelque chose que
lorsque vous serez des demeures purifiées où Dieu puisse descendre et se
reposer.
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527> Tous, pèlerins et étrangers sur
cette terre, sachez vous unir et marcher vers le Royaume promis. Le chemin : ce sont les commandements,
accomplis non par crainte du châtiment, mais par amour pour Toi, Père Saint.
L'arche : un cœur parfait où se trouve la manne nourrissante de la
sagesse et où fleurit le rameau d'une volonté pure. Et, pour que la maison soit
éclairée, venez à la Lumière du monde. C'est Moi qui vous l'apporte. Je vous
apporte la Lumière. Rien d'autre. Je ne possède pas de richesses et je ne promets pas d'honneurs
terrestres, mais je possède toutes les richesses surnaturelles de mon Père,
et à ceux qui suivront Dieu dans l'amour et la charité, je promets l'honneur
éternel du Ciel.
La paix soit avec vous."
78.7 – Les gens qui ont écouté avec
attention, parlottent un peu inquiets. Jésus parle avec le chef de la
synagogue. Viennent s'unir au groupe d'autres personnes, peut-être les
notables.
"Maître... mais n'est-tu pas le Roi d'Israël ? On nous avait
dit..."
"Je le suis."
" Mais, Tu as dit..."
"Que je ne possède ni ne promets les richesses du monde. Je ne peux dire
que la vérité. C'est ainsi. Je sais vos pensées. Mais l'erreur vient d'une
faute d'interprétation et du très grand respect que vous avez à l'égard du
Très-Haut. On vous a dit : "Le Messie vient", et vous avez
pensé, comme beaucoup en Israël, que Messie et roi, c'était une même chose.
Élevez plus haut votre esprit. Observez ce beau ciel d'été. Il vous paraît
qu'il finit là, que sa limite c'est où l'air semble une voûte de
saphir ? Non, plus loin il y a d'autres couches plus pures, des azurs
plus nets, jusqu'à l'azur inimaginable du Paradis où le Messie amènera les
justes morts dans le Seigneur. C'est la même différence entre la royauté
messianique qu'imagine l'homme et la royauté réelle : toute divine."
"Mais pourrons-nous, nous pauvres hommes, lever les yeux jusqu'à ces
hauteurs ?"
"Il suffit de le vouloir, et si vous le voulez, voici que je vous
aiderai."
"Comment devons-nous t'appeler, si tu n'es pas roi ?"
"Maître, Jésus, comme vous voulez. Je suis le Maître et je suis Jésus,
le Sauveur."
78.8 – Un vieillard
dit :
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528> "Écoute, Seigneur. Il y a
longtemps, très longtemps, au temps de l'édit, arriva jusqu'ici la nouvelle
qu'était né le Sauveur à Bethléem... et moi, j'y allais avec d'autres... Je
vis un petit Bébé, tout comme les autres. Mais je l'adorais avec un sentiment
de foi. Puis j'appris qu'il y en avait un autre, un saint du nom de Jean.
Quel est le vrai Messie ?"
"Celui que tu as adoré. L'autre est son Précurseur. Grand saint aux yeux
du Très-Haut. Mais pas Messie."
"Alors c'était Toi ?"
"C'était Moi. Et qu'as-tu vu autour du nouveau-né que j'étais
alors ?"
"Pauvreté et propreté, honnêteté et pureté... Un artisan aimable et
sérieux qui s'appelait Joseph,
artisan, mais de la race de David, une jeune Mère,
blonde et gentille qui s'appelait Marie. Auprès de sa grâce pâlissent les
plus belles roses d'Engaddi et paraissent laids les lis des parterres royaux.
Et un Bébé aux grands yeux célestes, aux cheveux d'or pâle... Je n'ai rien vu
d'autre... Et j'entends encore la voix de la Mère qui me dit : "Au
nom de ma Créature, je te dis que le Seigneur soit avec toi, jusqu'à
l'éternelle rencontre et que sa Grâce vienne au-devant de toi
sur ton chemin". J'ai quatre-vingt-quatre ans... je suis au bout de ma
route. Je n'espérais plus rencontrer la Grâce de Dieu. Mais, au contraire, je
t'ai trouvé... et maintenant je ne désire plus voir une autre lumière qui ne
soit pas la tienne... Oui, je Te vois sous ce vêtement de pitié qu'est la
chair que tu as prise. Je te vois. Écoutez la voix de celui qui en mourant
voit la Lumière de Dieu !"
Les gens s'attroupent autour du vieillard inspiré qui est dans le groupe de
Jésus, et qui, sans plus s'appuyer sur sa canne, lève ses bras tremblants,
avec sa tête toute blanche, sa longue barbe qui se partage en deux, une vraie
tête de patriarche ou de prophète.
"Je
le vois Celui-ci : l'Élu, le Suprême, le Parfait, descendu vers nous par
la force de son amour, remonter à la droite du Père, devenir
Un avec Lui. Mais voilà ! Ce n'est pas une Voix et une
Essence Immatérielle comme Moïse vit le Très-Haut, et comme la Genèse dit que
le premier couple le connut lorsqu'il leur parlait dans la brise du soir.
C'est comme une Chair réelle que je Le vois monter vers l'Éternel. Chair
étincelante ! Chair glorieuse ! Oh ! Éclat de la chair
divine ! Oh ! Beauté de l'Homme-Dieu ! C'est le Roi !
Oui.
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529/530> C'est le Roi. Non
pas d'Israël : du monde. Et devant Lui s'inclinent toutes les royautés
de la terre et tous les sceptres et toutes les couronnes s'anéantissent, dans
l'éclat de son sceptre et de ses joyaux. Une couronne, il porte sur son front
une couronne. Un sceptre, il a en sa main un sceptre. Sur la poitrine, il a
le rational,
perles et rubis y éclatent avec une splendeur jamais vue. Des flammes en
sortent comme d'une fournaise sublime. Aux poignets deux rubis et une boucle
de rubis à ses pieds saints. Lumière, lumière des rubis ! Regardez, ô
peuples, le Roi éternel ! Je te vois ! Je te vois ! Je monte
avec Toi... Ah ! Seigneur ! Notre Rédempteur !... La lumière
croît aux yeux de mon âme... Le Roi est orné de son Sang ! La couronne,
ce sont des épines ensanglantées, le sceptre est une croix... Voici
l'Homme ! Le voilà ! C'est Toi !... Seigneur, par ton
immolation aie pitié de ton serviteur. Jésus, à ta pitié, je remets mon
esprit."
Le vieillard, tout droit jusqu'alors, redevenu jeune dans le feu de la
prophétie, s'affaisse tout à coup et tomberait si Jésus ne le tenait tout de
suite contre sa poitrine.
"Saul !"
"Saul meurt !"
"Au secours !"
"Accourez !"
"Paix autour du juste qui meurt." dit Jésus, qui lentement s'est
agenouillé pour pouvoir soutenir plus aisément le vieillard toujours plus
pesant.
On fait silence.
Puis Jésus l'allonge complètement sur le sol. Il se redresse.
"Paix à son esprit. Il est mort en voyant la Lumière. Dans l'attente qui
sera brève, il verra déjà le visage de Dieu et sera heureux. Ce n'est pas la
mort, c'est à dire la séparation d'avec la vie, pour ceux qui mourront dans
le Seigneur."
78.9 – Les gens, après quelque temps,
s'éloignent en commentant la scène. Restent les notables, Jésus, les siens et
le chef de la synagogue.
"Il a prophétisé, Seigneur ?"
"Ses yeux ont vu la Vérité. Partons." Ils sortent.
"Maître, Saul est mort investi par l'Esprit de Dieu. Nous qui l'avons
touché, sommes-nous purs, ou impurs ?"
"Impurs."
"Et Toi ?"
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