Samedi 28 février 1948.
L'Auteur Très-Divin dit :
117> C'est
une vérité établie que Dieu Créateur, en créant vos Premiers Parents,
par-dessus le don de la Grâce sanctifiante et celui de l'innocence, leur
avait donné d'autres dons. Il leur avait donné l'intégrité, c'est-à-dire un
parfait contrôle des sens par la raison, la science proportionnée à leur
état, l'immortalité et l'immunité de toute souffrance et misère.
Hier j'ai parlé de cette immunité contre la souffrance et de la manière dont
elle a été perdue. Aujourd'hui je vais te parler du don de la science qui
était proportionné à l'état de l'être humain : une science vaste,
véritable, capable d'éclairer l'homme sur toutes les choses nécessaires à son
état de roi de toutes les autres créatures naturelles, ainsi que de créature
créée à l'image de Dieu et ressemblant à Dieu par
son âme. Cette âme est spirituelle, libre, immortelle, douée de raison,
capable de connaître Dieu et, donc, de l'aimer, destinée à jouir de lui pour
toute l'éternité. Elle est en possession des dons de Dieu, qui sont gratuits.
Premier entre tous ces dons est le don de la Grâce, laquelle élève l'être
humain à l'ordre surnaturel de fils de Dieu, héritier du Royaume des Cieux.
Par le don de science, l'homme savait de façon éclairée et surnaturelle
quelles étaient les actions qu'il fallait accomplir, et quelles étaient les
voies qu'il fallait suivre pour atteindre le but en vue duquel il avait été
créé. Il aimait Dieu selon toute sa capacité, c'est-à-dire avec une science
parfaite, selon son degré d'homme comblé de Grâce et d'innocence. Il l'aimait
d'un amour ordonné, ardent, sans sortir de ce respect révérenciel que la
créature, même la plus sainte, doit toujours avoir pour son Créateur.
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118> Cet amour puissant, qui malgré sa
force n'outrepasse jamais les bornes du juste respect que la créature doit
avoir toujours pour son Créateur, est une fleur de la perfection que Dieu
aime avec prédilection. On ne l'a plus trouvée ailleurs qu'en Jésus et Marie.
Le Fils de l'Homme et l'Immaculée ont été le nouvel Adam et la nouvelle Ève.
Ils ont réparé l'offense du premier Couple et consolé Dieu le Père. Ils ont
fait un usage parfait de tous les dons reçus de Dieu. Jamais le fait de se
sentir les préférés de toutes les créatures ne les a poussés à la
prévarication de l'orgueil.
Ce don
de science réglait l'amour de la créature envers le Créateur, mais aussi
l'amour de la créature envers la créature : d'abord envers sa compagne
et semblable, ayant pour elle un amour sans désordre de luxure, l'amour
ardent des êtres innocents. Il n'y a que les luxurieux et les corrompus qui
les supposent incapables d'aimer.
Ô cécité provoquée par les ferments de la corruption ! Les innocents,
les chastes, savent aimer, ils le savent vraiment ! Ils savent aimer les
trois ordres qui sont dans l'être aimé, et en eux-mêmes aussi, mais en
commençant par le plus élevé, et en donnant au moins élevé – l'amour naturel
– la tendresse virginale qui caractérise l'amour maternel, ou le plus ardent
amour filial. Ces deux amours-là sont les seuls qui ne possèdent pas d'attraction
sensuelle, puisqu'ils appartiennent à l'âme : amour de la créature-fils
pour le tabernacle vivant qui l'a porté, amour de la créature-mère pour le
témoignage vivant de sa qualité de procréatrice. C'est une gloire pour la
femme que de pouvoir procréer : À travers les peines et les sacrifices
de la maternité, la femme s'élève du rang de femelle au rang de coopératrice
de Dieu, "en forgeant un homme avec l'aide de Dieu".
Ce don de science réglait l'amour de l'homme envers les autres créatures qui
lui étaient utiles, agréables. L'homme voyait la puissance et l'amour de Dieu
dans les choses créées, car tout ce que Dieu avait créé, était pour l'homme.
Il voyait toutes ces choses comme Dieu les voyait, c'est-à-dire "très
bonnes".
119> Ce don
de science aurait réglé pareillement l'amour de l'homme envers les créatures
qui seraient nées de son amour saint pour Ève. Mais Adam et Ève ne sont pas
parvenus à cet amour, car ils ont voulu dépasser les limites de la
connaissance que la justice de Dieu leur avait indiquées comme étant
suffisantes, de sorte que la Justice déclara : "Prenons garde
maintenant que l'homme n'étende pas sa main et ne prenne pas aussi de l'arbre
de la vie, pour en manger et vivre éternellement". Par son venin, le Désordre a corrompu l'amour saint du
premier Couple. Cela s'est produit avant même que "l'os des os d'Adam,
et la chair de sa chair, pour laquelle l'homme quittera son père et sa mère,
et s'unira à sa femme, et les deux ne seront qu'une seule chair", ne soit parvenu à lui donner un enfant, comme cela se
passe lorsqu'une plante, gorgée de soleil, donne par elle-même ses fleurs et
ses fruits.
Beaucoup demeurent perplexes devant cette phrase. D'autres s'en servent pour
présenter le Très-Bon, le Très-Généreux comme un avare et, en plus, cruel.
Ils s'en servent pour nier l'immortalité, un des dons que Dieu avait fait au
premier Couple. Or c'est bien une des vérités de la religion.
Un
don, c'est un don. Il doit être donné. Dieu avait fait don de l'immortalité, comme
il avait fait les autres dons, parmi lesquels il y avait une science
proportionnée à l'état de l'homme. Pas toute la science. Dieu seul la possède
dans sa plénitude. Ainsi, il avait donné l'immortalité, mais non l'éternité.
Dieu seul est éternel.
L'homme était destiné à naître, à être procréé par un autre homme, une
créature. Mais il n'était pas destiné à mourir. Il devait passer du paradis
terrestre au céleste: état de jouissance de la parfaite connaissance de Dieu.
Mais l'homme a abusé. Il a voulu avoir plus que ce que Dieu lui avait
attribué gratuitement. Il a voulu toute la science. Il n'a pas songé que même
les bonnes choses doivent être utilisées dans une mesure proportionnée aux
capacités de l'utilisateur. Seulement l'Immense, le Très-Parfait, peut
connaitre tout sans danger : sa Perfection infinie connaît tout le Mal
sans en éprouver aucun trouble corrupteur.
120> Dieu
souffre du Mal qu'il voit. Il en souffre à cause des résultats que le mal
produit en vous. Il ne souffre pas pour lui-même, car il est au-dessus des
atteintes du Mal. Pas même l'infatigable et puissante ruse qui porte le nom
de Satan ne peut porter atteinte à sa Perfection.
Satan trouve moyen d'offenser Dieu en vous. Mais si vous étiez des forts,
Satan ne parviendrait pas à insulter Dieu en se servant de vous. Si vous y
pensiez, vous qui aimez Dieu plus ou moins fortement, vous ne pêcheriez
jamais. Aucun d'entre vous, qui portez fièrement le nom de chrétiens-catholiques,
ne voudrait se sentir complice de Satan pour offenser Dieu.
Or c'est ce que vous faites. Vous ne réfléchissez jamais que Satan est rusé,
ravageur, qu'il ne se contente pas de vous tenter et de vous vaincre, vous,
mais qu'il vise à se moquer de Dieu plus encore que de vous. Il vise à lui
arracher des âmes. Il veut que soit méprisé le Sacrifice du Christ, qu'il
soit annulé, qu'il soit rendu inutile pour beaucoup d'entre vous, et pour
beaucoup d'autres qu'il soit à peine suffisant pour vous éviter la damnation.
Satan sait, il a compté toutes les larmes, ainsi que toutes les gouttes de
sang du Fils de l'Homme. Sur chaque larme et sur chaque goutte de sang, il a vu
le véritable nom, la véritable raison d'être de chacune : dans les
larmes, la tiédeur inerte d'un catholique; dans les gouttes du Sang divin, la
damnation d'un catholique. Il sait de quoi était constituée la douleur qui a
arraché larmes et sueur de sang au Christ, son Adversaire divin, Adversaire à
partir du moment de sa rébellion, Adversaire éternel, Vainqueur pour
l'éternité, Sauveur de millions d'esprits à qui le Christ donne, ou a déjà
donné, le Ciel.
Mais revenons
à notre leçon. Au sujet des dons que le Sacrifice du Christ vous a obtenus,
que chacun termine à sa manière la pensée que je suspends ici.
Après avoir voulu toute la science, Adam aurait pu vouloir toute la vie,
c'est-à-dire la possession de la vie non pas comme un don offert par amour et
gardé avec amour, mais comme une richesse obtenue avec violence, une violence
qui se moque du respect, qui pour être comme Dieu détruit l'ordre, une
violence qui se proclame, sans mérite, créatrice de sa propre éternité.
Vouloir être comme Dieu, ou l'égal de Dieu, aurait été commettre le même péché que Lucifer. Et pour
le péché de Lucifer, il n'y a pas de pardon.
121> Dieu voulait pouvoir pardonner à l'homme. Il voulait pouvoir lui rendre l'immortalité, la possession du Ciel,
la Science suffisante à son état, la Grâce, lui rendre soi-même. Il est donc
intervenu avec la condamnation pour
sauver. Pour donner la Vie, il a infligé la mort. Il a décrété l'exil,
pour donner l'éternelle Patrie. Voilà le début de la leçon qui revient comme
sujet central : il a donné une loi à la place de la Science gratuite que
l'homme avait perdue avec la mort de la Grâce dans son cœur. La Loi est fruit
des conséquences du Péché.
Le Péché a rendu obtuse l'intelligence de l'homme dans le discernement du
bien et du mal: son intégrité est touchée. Le Péché a eu pour effet de
brouiller l'image que l'homme avait de la Vérité, et de couvrir par son
vacarme le son des paroles divines que l'homme avait entendues dans la brise
du soir du jardin d'Eden. Déchu de la condition de fils adoptif de Dieu à celle
d'un animal doué de raison, l'homme saisissait intuitivement que l'homicide
était "mal", que le fait de se corrompre avec des obscénités
lubriques devait être mal. Mais il ne savait pas évaluer jusqu'à quel point
c'était mal que de tuer, et quels étaient les actes de luxure les plus
abjects aux yeux de Dieu.
C'est à cause de cela que Dieu, après avoir puni, et encore puni, appelle
Moïse. Pour en arriver à Moïse, il a fallu passer par le déluge. Il a fallu passer par l'octroi des premières normes
destinées à limiter la violence (défense de manger la chair avec le sang :
Genèse 9, 4). Il a fallu passer par la dispersion des gens et la confusion
des langues (Genèse 11, 8), origine des futurs peuples et royaumes, et
origine des guerres qui encore vous tourmentent. Il a encore fallu punir
Sodome et les autres villes pécheresses avec le feu du Ciel. Après avoir donné à Abraham, homme juste, une loi plus
claire de soumission au Seigneur (Genèse 17, 10), Dieu appelle à lui Moïse.
Par des ordres et des appels successifs, Moïse est conduit à célébrer le
premier sacrifice pascal — sacrifice perpétuel destiné à durer jusqu'à la fin des
siècles, parce qu'à l'heure de la Grâce, à l'Agneau d'un an a été substitué
l'Agneau divin, Hostie présente sur tous les autels du monde, pour les
siècles des siècles, à perpétuité -. Et du premier sacrifice pascal Moïse est
enfin conduit au Décalogue.
122> Mais
le Décalogue n'aurait pas eu besoin d'exister si la raison avait toujours
dominé les sens, autrement dit si la Faute n'avait pas été commise dans le
jardin d'Eden. Il n'aurait pas existé si le désordre des sens n'avait pas
entraîné la perte de la Grâce et de l'Innocence, et donc de la Science aussi.
Le Décalogue est compassion et punition en même temps. Compassion pour les
faibles, punition pour ceux qui se moquent de Dieu en accomplissant le mal
avec conscience de l'accomplir.
Avec sa partie positive : "Tu feras", et sa partie négative
"Tu ne feras pas", le Décalogue crée le péché avec toutes ses
conséquences. On ne pèche que lorsqu'il y a conscience de pécher. Après la
Loi l'homme ne pouvait plus avoir l'excuse de dire : "Je ne savais
pas que je péchais".
Le Décalogue est compassion, punition et test. Un "test", comme
l'était l'arbre qui se dressait au milieu de l'Eden. Sans un test, sans
l'avoir éprouvé, on ne peut savoir si l'homme est bon ou mauvais. Il est dit
que Dieu éprouve l'homme comme l'orfèvre éprouve l'or dans le creuset.
Seulement les vertus fortes, surtout la charité, se plient aux commandements
négatifs de la Loi, car les insinuations sataniques, ou bien les appétits
latents, font qu'en général l'homme se sent attiré par les choses qui sont
défendues. C'est pourquoi on peut dire que ceux qui écrasent leurs sens et
leurs tentations par le poids de leur amour, ceux qui ne tendent pas leurs
mains avides vers le fruit défendu, sont vraiment héroïques.
Voilà
les vrais chrétiens, ceux qui ne font pas mauvais usage des mérites infinis
du Christ et de la Grâce obtenue par son intermédiaire. Tels des sarments
sauvages greffés sur la vraie Vigne, ils portent à Dieu d'abondants fruits de
vertus actives. Ils sont donc certains d'avoir la vie éternelle.
Voilà les chrétiens véritables chez qui les dons de l'Esprit Saint sont
vivants. C'est lui qui complète Jésus en communiquant aux hommes qui sont en
état de grâce le grand don perdu avec le péché d'Adam, la science, cette
science sans laquelle la Loi, donnée pour être "vie", peut devenir
"mort".
123> L'homme qui n'a pas la science
proportionnée à son état, n'a pas d'amour ordonné, ni pour Dieu, ni pour les
créatures, quelles qu'elles soient. Il tombe dans diverses idolâtries et dans
la triple concupiscence. Il défigure la religion elle-même dans un mélange
hybride de pratiques coupables, coupables autant, sinon plus, que celles que
le Verbe divin a condamnées chez les pharisiens. Car lui, le chrétien, a reçu avec le Baptême, le don
infini de la Grâce. Il ne se connaît pas lui-même, et par conséquent il
confond son plaisir avec le respect du divin vouloir.
Il
déforme en lui l'image et la ressemblance de Dieu. Il détourne les dons reçus
pour son bien, et il les utilise pour faire du mal aux autres et pour s'en faire
à lui-même. S'il fait l'aumône, ce n'est pas par miséricorde pour les
malheureux, mais pour en recevoir des louanges humaines. S'il scrute les
mystères de l'Univers, il le fait pour être glorifié par les hommes, non pour
donner gloire au Créateur. De cette façon, ses actions perdent le parfum qui
les rend saintes aux yeux de Dieu. Il récolte sur Terre son profit
transitoire, mais "froid et grincement de dents" l'attendent, selon l'expression du Verbe, là où les
apparences ne comptent plus, mais compte seulement la vérité des actions
humaines.
Si, après avoir mal accompli le bien qu'il aurait pu faire, par la
miséricorde de Dieu il évite le froid et les tortures de l'enfer, un long
séjour l'attend à l'école du Purgatoire, pour qu'il apprenne que la vraie
charité n'est pas "hérésie des
œuvres". Voilà le fléau de votre époque qui fait que bien des
gens s'agitent pour servir le Christ uniquement à coups de pratiques et
d'actions extérieures, pratiques qui laissent les bons tels quels, et
peut-être les scandalisent-ils, et n'aident pas les mauvais à s'améliorer ou
à se convertir. La vraie charité.
Cela signifie donner en tout, et avec conscience, l'exemple d'une vie
profondément chrétienne. La vraie charité: celle que Jésus voulait chez
Marthe qui se préoccupait trop des honneurs extérieurs à donner au Fils de
Dieu.
La vie
de ce siècle ne laisse pas de place à la contemplation, telle que bien des
gens la conçoivent. Mais Dieu ne bénit pas la seule action. Il veut que la
vie active et contemplative se complètent.
124> Il veut que vos œuvres ne soient
pas seulement du vacarme, de l'agitation, ni même des diatribes contre les ennemis; qu'elles ne soient pas "hérésie", mais
religion, c'est-à-dire du travail qui devient prière en raison de l'offrande
continuelle que vous lui faites de toutes vos actions, accomplies pour sa
seule gloire. Il veut que votre prière soit travail. Travail continu sur
soi-même, en se burinant et reciselant sans cesse
sur le Modèle Jésus Christ. Et travail sur les autres par l'exemple.
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