"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

© Fondation héritière de Maria Valtorta.

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 6.384 - Il vecchio Anania, custode della casetta di Salomon.

  3.383 - In Solomon's House. Old Ananias.

 4.384 - El anciano Ananías, guardián de la casita de Salomón.

 7.431 - Im Haus des Salomon.


Mercredi 4 avril 29
(4 Nissan 3789)
Gué du Jourdain.


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Ancienne édition : Tome 5, chapitre 74.
Nouvelle édition : Tome 6, chapitre 384.

384
Le vieil Ananias devient le gardien de la petite maison de
Salomon.

Le vendredi 15 février 1946.

192/193>  384.1 – La petite maison de Salomon, celle que sans en connaître le propriétaire j'ai vue en mars 1944, dans la vision de la résurrection de Lazare[1], est une des dernières de l'unique route qui débouche au fleuve, de ce petit village pauvre et perdu. C'est un petit village de pêcheurs, avec les maisonnettes les plus... riches situées le long de la petite route poussiéreuse et les autres éparpillées au hasard parmi les arbres de la rive. Et elles ne sont pas nombreuses. Je crois qu'elles n'arrivent pas à cinquante, et elles sont si petites que toutes entreraient dans un de ces immeubles populaires des villes actuelles. Maintenant le printemps les fait paraître moins misérables car il les décore de sa fraîcheur, et des guirlandes de liserons, et des festons de vignes, ou le rire franc des fleurs jaunes des courges, garnissent les palissades rudimentaires qui limitent les propriétés, au bord des toits, autour des portes des maisons, sans compter quelques roses dont la beauté paraît dépaysée au milieu des paniers et des filets, de la teinte jaunâtre de la moutarde en fleur et de l'humble balancement des premières cosses de légumes.         

La route elle-même paraît moins laide parce que la cannaie là-bas au fond n'a pas seulement les baies dures des broussins poussiéreux
[2] mais s'enrubanne de panaches et, parmi les rubans des feuilles des roseaux, dresse les couteaux des glaïeuls sauvages qui étalent les épis multicolores de leurs fleurs alors que les liserons légers aux tiges filiformes entourent de leurs spirales les broussins et les roseaux et mettent à chaque tour le calice très délicat de leur petite fleur d'un rosé lilas très tendre. Des oiseaux, par myriades, se font la cour dans les roseaux, et coquettent sur les roseaux, se balançant perchés sur les tiges des liserons, animant par leurs trilles et leurs couleurs la verdure des rives marécageuses.     

Jésus pousse la petite grille rustique qui permet d'entrer dans un petit jardin ou une courette. Certainement si c'était un jardin, c'est maintenant un fouillis sauvage d'herbes qui l'ont envahi ; si c'était une cour c'est également un désordre de plantes semées par les vents. Seules des courges ont fait preuve de sagesse en s'attachant à l'unique pied de vigne et au figuier et grimpant pour mettre les bouches riantes de leurs fleurs à côté des grappes miniatures de la vigne ou des feuilles tendres du figuier qui à la base, dans le berceau du pétiole, ont la gemme dure des figues, fleurs à peine formées. Les orties font souffrir les pieds nus. Aussi Pierre et Thomas, ayant trouvé deux rames vermoulues, se mettent à battre les plantes irritantes pour atténuer leur venin.        

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194> Pendant ce temps Jacques et Jean essaient de faire fonctionner la grosse serrure rouillée et, après avoir réussi, ouvrent la porte grossière et pénètrent dans une cuisine qui exhale une forte odeur de moisi et de renfermé. Les murs sont couverts de poussière et de toiles d'araignées. Une table grossière, des bancs et des sièges, une console, la meublent, et deux portes s'ouvrent dans un mur.           

 384.2 – Pierre explore... 

"Ici il y a une petite pièce avec un seul lit : bien pour Jésus... Et ici ? Ah ! J'ai compris ! C'est la réserve, l'arsenal, le grenier, et le nid de rats... Regarde quelles courses de rats ! Ils ont tout rongé pendant ces mois. Mais moi, je pense à vous maintenant, n'en doutez pas. Maître... peut-on agir en maîtres ici ?"           

"C'est ce qu'a dit Salomon."      

"Très bien ! Dis, frère, et toi, Jacques. Venez ici boucher tous les trous. Et toi, Matthieu, avec Judas, mets-toi à la porte et fais attention qu'il ne sorte pas un seul rat. Pense que tu es encore l'aimable gabeleur de Capharnaüm. Alors il ne t'échappait pas un client même s'il se rendait agile comme un lézard qui s'éveille... Et vous, allez prendre dans le jardin le plus d'herbes possible et apportez-les ici. Et Toi, Maître, va... où bon te semble, pendant que... je m'occupe de ces satans malpropres qui ont gâté ces filets commodes et mangé une quille de barque toute entière..."  

Et tout en parlant, il entasse des bois rongés, des morceaux de filets réduits à l'état d'étoupe, des fagots... le tout au milieu de la pièce et, quand il a les herbes vertes, il les met par dessus le reste, y met le feu et s'échappe alors que les premières volutes de fumée s'élèvent du tas. Et il dit en riant :     

"Et que meurent tous les philistins !" 

"Mais ne vas-tu pas tout incendier ?" demande Simon le Zélote.  

"Non, mon cher. Car l'humidité des branches retient les flammes et les flammes dégagent de la fumée des herbes. Ainsi, par une bonne alliance, le sec et le vert s'aident pour exercer la vengeance. Tu sens cette puanteur ? Bientôt tu n'entendras que des cris ! Qui est-ce qui me parlait des cygnes qui chantent avant de mourir ? Ah ! Sintica ! Les rats vont bientôt chanter."    

Judas Iscariote interrompt l'éclat de rire et il observe :      

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195> "On n'a rien pu savoir d'elle, ni de Jean d'En-Dor. Qui sait où ils sont ?"        

"Au bon endroit certainement" répond Pierre.         

"Tu le sais ?"         

"Je sais qu'ils ne sont plus à servir de cible à la malveillance
[3]."    

"Tu n'as demandé à personne ? Moi, si."        

"Et moi, non. Ce n'est pas une chose qui m'intéresse de savoir où ils sont. Il me suffit de penser à eux et de prier pour qu'ils se gardent saints."         

Thomas dit :         

"À moi l'ont demandé de riches pharisiens, clients de mon père. Mais je leur ai répondu que je n'en sais rien."         

"Et tu n'es pas curieux de le savoir ?" insiste Judas.

"Moi, non et je dis vrai..."          

"Ecoutez ! Ecoutez ! La fumée fait son effet. Mais allons dehors pour qu'elle ne nous étouffe pas nous aussi" dit Pierre, et la diversion met fin à la discussion.        

 384.3 – Jésus est dans le jardin. Il redresse des tiges de légumes qui sont couchées, nés de graines qui sont tombées.   

"Tu fais le jardinier, Maître ?" demande Philippe en souriant.      

"Oui. Il me fait peine aussi de voir une plante qui rampe, inutile, alors qu'elle est destinée à s'élever vers le soleil et à fructifier."   

"Beau sujet pour un discours, Maître" observe Barthélemy.          

"Oui. Beau. Mais tout sert de sujet pour qui sait méditer."

"Nous allons t'aider nous aussi. Allons ! Qui va aux roseaux du fleuve en prendre pour les légumes
[4] ?"   

Les jeunes y vont en riant, et les plus âgés se mettent à nettoyer en arrachant attentivement les plantes parasites.    

"Oh ! ainsi on voit que c'est un jardin. Il n'y a pas de salade. Mais des poireaux, de l’ail, des herbes fines, des légumes, il y en a. Et les courges ! Que de courges ! Il faut tailler la vigne, dégager le figuier et..."

"Mais Simon, nous ne restons pas ici… !" dit Matthieu.      

"Mais nous y viendrons plusieurs fois. Lui l'a dit et cela ne nous gênera pas d'avoir un peu d'ordre autour. Regarde, regarde ! Jusqu'à un jasmin, pauvre, sous cette cascade de courges. Si Porphyrée voyait cette plante ainsi maltraitée elle pleurerait sur elle et lui parlerait comme à un enfant. Oui, car avant d'avoir Marziam, elle parlait à ses fleurs comme à des enfants...    

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196> Voilà. Ici aussi j'ai fait de la place. J'ai enlevé les courges parce que...        
 384.4 – Oh ! voici les garçons avec les roseaux et avec un... Maître, c'est ton affaire. Il est aveugle !"   

Entrent en effet Jacques et Jean, André et Thomas, chargés de roseaux, et Thomas porte comme un fardeau un pauvre petit vieux tout dépenaillé, et aux yeux blanchis par la cataracte.  

"Maître, il cherchait de la chicorée
[5] sur les berges et pour un peu il tombait à l'eau. Il est resté seul depuis quelques mois, car son fils qui l'entretenait est mort, sa belle-fille est retournée chez elle et lui... il vit comme il peut. N'est-ce pas, père ?"           

"Oui ! Oui ! Où est le Seigneur ?" demande-t-il en tournant ses yeux voilés.        

"Il est ici. Tu vois cette haute blancheur ? C'est Lui."          

Mais Jésus avance déjà vers lui et le prend par la main.     

"Tu es seul, pauvre père, et tu n'y vois pas ?" 

"Non. Tant que j'ai vu j'ai tressé des paniers et des nasses et je faisais des filets, mais maintenant... Je vois avec les doigts plutôt qu'avec les yeux. En cherchant des herbes, je me trompe et j'attrape mal au ventre à cause des herbes nuisibles."

"Mais dans le village..."  

"Oh ! ils sont tous pauvres et chargés d'enfants, et moi, je suis âgé... S'il meurt un âne... cela désole. Mais s'il meurt un vieux !... Qu'est-ce qu'un vieux ? Que suis-je ? La bru m'a tout enlevé. Si au moins elle m'avait emmené avec elle, comme une vieille brebis, pour avoir avec moi mes petits-enfants... les enfants de mon fils..."       

Il pleure en s'abandonnant sur la poitrine de Jésus qui le tient dans ses bras et le caresse.  

"Tu n'as pas de maison ?"         

"Elle l'a vendue." 

"Et comment vis-tu ?"    

"Comme les bêtes. Les premiers jours le village m'aidait. Mais ensuite il s'est lassé..."

"Salomon alors n'est pas de la même race car lui est généreux" observe Matthieu.  

"Avec nous pourtant. Pourquoi n'a-t-il pas donné la maison au vieil homme ?" demande Philippe.       

"Parce que quand il est passé ici la dernière fois, j'avais encore une maison. Salomon est bon, mais le village l'appelle "le fou" depuis quelque temps et ne fait plus ce que Salomon avait enseigné" dit le vieil homme.         

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197>  384.5 – "Resterais-tu volontiers ici, avec Moi ?"          

"Oh ! je ne regretterais plus mes petits-enfants !"    

"Même si tu restais pauvre et aveugle te suffirait-il de me servir pour être heureux ?"

"Oui !" Un oui tremblant mais si assuré...      

"C'est bien, père, écoute. Tu ne peux faire le chemin que je fais. Moi, je ne puis rester ici. Mais nous pouvons nous aimer et nous faire du bien l'un à l'autre."        

"Toi, oui, à moi. Mais moi... Que peut faire le vieil Ananias ?"       

"Garde-moi la maison et le jardin pour que je la trouve rangée à chaque retour. Cela te plaît-il ?"  

"Oh ! oui ! Mais je suis aveugle... La maison... je m'habituerais aux murs. Mais le jardin... Comment faire pour m'en occuper si je ne distingue pas les plantes ? Oh ! ce serait si beau de te servir, Seigneur ! Finir ainsi ma vie..."

Le petit vieux met la main sur son cœur en rêvant l'impossible chose.    

Jésus se baisse en souriant et embrasse ses yeux aveugles...          

"Mais moi... je commence à voir... Je vois... Oh ! Oh ! Oh… !"        

La joie le fait vaciller, et il tomberait si Jésus ne le soutenait pas. 

"Hé ! quelle joie… !" dit Pierre d'une voix très émue.          

"Et quelle faim aussi... Il a dit que depuis plusieurs jours il ne vit que de chicorée sans huile ni sel..." termine Thomas.          

"Oui, nous l'avons amené pour cela, pour lui donner à manger..."

"Pauvre vieux !" disent-ils tous avec tristesse.          

Le pauvre vieux revient à lui, et il pleure, il pleure. Les pauvres pleurs des vieux... si tristes même quand ce sont des pleurs de joie, et il murmure :

"Maintenant oui, maintenant je puis te servir, béni ! Béni ! Béni !"          

Et il voudrait se pencher pour baiser les pieds de Jésus.     

"Non, père. Entrons maintenant et nous allons manger. Ensuite nous te donnerons un vêtement et tu seras parmi des fils et nous aurons un père qui nous souhaitera la bienvenue à chaque retour et nous donnera sa bénédiction à chaque départ.  

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198/199> Nous irons chercher deux colombes pour que tu aies des créatures vivantes près de toi. Nous allons chercher des graines pour le jardin, et tu sèmeras des graines dans les parterres et la foi en Moi dans les cœurs de ce village."     

"J'enseignerai la charité. Ils ne l'ont pas !"     

"La charité aussi, mais sois doux..."    

"Oh ! je le serai. Je n'ai pas dit une seule parole dure à ma bru qui m'abandonnait. J'ai compris et pardonné."   

"J'ai vu cela dans ton cœur. C'est pour cela que je t'ai aimé. Viens, viens avec Moi..."        

Et Jésus entre dans la maison en tenant le petit vieux par la main.          

 384.6 – Pierre les regarde aller et s'essuie une larme du revers de la main avant de reprendre le travail interrompu.     

"Tu pleures, frère ?"       

Pierre ne répond pas.      

André insiste :     

"Pourquoi pleures-tu, frère ?"  

"Toi, occupe-toi du chiendent. Si je pleure c'est parce que... parce je le sais, moi..."        

"Dis-nous-le. Sois gentil" disent plusieurs.    

"C'est parce que... C'est parce que cela me touche davantage le cœur ces instructions-là... oui... en somme faites ainsi, plus que quand il tonne d’un air imposant..."          

"Mais alors on voit en Lui le Roi !" s'exclame Judas.

"Et ici on voit le Saint. Pierre a raison" dit Barthélemy.      

"Mais pour régner, il doit être fort."    

"Mais pour racheter, il doit être saint."          

"Pour les âmes, oui. Mais pour Israël..."         

"Israël ne sera jamais Israël, si les âmes ne se sanctifient pas."     

Les "oui" et les "non" s'entrecroisent et chacun apporte son avis particulier.        

Le petit vieux retourne dehors avec un petit broc dans la main. Il va prendre de l'eau à la source. Il ne paraît plus ce qu'il était avant, tellement il est heureux.   

"Vieux père, écoute. D'après toi, de quoi a besoin Israël pour être grand, d'un roi ou d'un saint ?" demande André.



"C'est de Dieu qu'il a besoin. De ce Dieu qui là, à l'intérieur, prie et médite. Ah ! fils, fils ! Soyez bons, vous qui le suivez ! Soyez bons, bons, bons ! Ah ! quel don vous a fait le Seigneur ! Quel don ! Quel don !"    

Et il s'en va, en levant les bras vers le ciel et en murmurant :        

"Quel don ! Quel don !"...           

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Fiche mise à jour le 04/03/2024.

 



[1] Vision du 23 mars 1944, rapportée dans Les Cahiers de 1944.          
La résurrection de Lazare est rapportée dans le présent ouvrage en
EMV 548 et date du 26 décembre 1948.      
La double vision de certains épisodes est traitée dans la note de EMV 587.13.

[2] Descriptif botanique qui reste à préciser : un broussin désigne généralement une excroissance d’arbre, autrement appelée "loupe" très recherchée en ébénisterie. Le terme, transposé au roseau, désigne peut-être cette quenouille qui, dans certaines variétés, ressemble à un cigare et contient des graines que le vent disperse peu à peu. D’autres roseaux forment des plumeaux souvent utilisés dans les bouquets.          
Maria Valtorta était très sensible aux fleurs et disposait à Viareggio, dit-elle dans son Autobiographie, d’une quarantaine de vases de toutes tailles.   

[3] Syntica et Jean d’En-Dor ont été exilés secrètement à Antioche de Syrie dans une propriété de Lazare de Béthanie, car Judas avait dénoncé ces deux  "parias" au Sanhédrin. Depuis, il cherche où ils ont pu se réfugier et Pierre qui les a conduits avec quelques apôtres dans la confidence, veille à ne pas se trahir.        

[4] Des roseaux pour tuteurer les plantes comme on le voit juste après. Cela semble une évidence pour tous qu’il n’est pas besoin de préciser.        

[5] La chicorée sauvage est à l’origine des chicons, des endives, des rouges de trévise, etc.