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   Le dimanche 2
  décembre 1945. 
  
  370/371>   348.1 – Quand ils posent le pied sur
  la petite plage de Capharnaüm, ils sont accueillis par les cris des enfants
  qui rivalisent avec les hirondelles affairées à la construction des nids
  nouveaux, tant ils courent rapidement, en gazouillant de leurs petites voix,
  de la plage aux maisons, joyeux de la joie simple des enfants, pour lesquels
  c'est un spectacle merveilleux et un objet magique qu'un petit poisson trouvé
  mort sur la rive, ou un petit caillou que le flot a poli et qui par sa
  couleur semble une pierre précieuse, ou la fleur découverte entre deux
  rochers, ou le scarabée aux couleurs changeantes capturé en plein vol. Tous
  des prodiges que l'on fait voir aux mamans pour qu'elles prennent part à la
  joie de leurs enfants.        
   
  Mais maintenant ces hirondelles humaines ont vu Jésus et tous leurs vols se
  dirigent vers Lui qui va poser le pied sur la plage. C'est une tiède
  avalanche vivante de chairs enfantines, c'est une douce chaîne de menottes
  tendres, c'est un amour de cœurs d'enfants qui s'abat sur Jésus, qui
  l'enserre, l'attache, le réchauffe comme un doux feu.   
   
  "Moi ! Moi !"          
   
  "Un baiser !"           
   
  "À moi !"     
   
  "Moi aussi !"           
   
  "Jésus ! Je t'aime bien !"  
   
  "Ne pars plus si longtemps !"      
   
  "Je venais voir tous les jours si tu arrivais."    
   
  "Moi, j'allais chez Toi."     
   
  "Tiens cette fleur, c'était pour maman, mais je te la donne."           
   
  "Encore un baiser pour moi, un beau, un fort. Le premier ne m'a pas
  touché parce que Jahel m'a poussé..." et les petites voix se font
  entendre pendant que Jésus essaie de se déplacer dans ce filet de tendresses.         
   
  "Mais laissez-le un peu tranquille ! Allons !
  Assez !" crient les disciples et les apôtres qui cherchent à
  desserrer l'étreinte. Eh bien, oui ! Ils ressemblent à des lianes munies
  de ventouses ! Quand on les détache d'un côté, ils s'attachent de
  l'autre.       
   
  "Laissez ! Laissez faire ! Avec de la patience, on va y
  arriver" dit Jésus en souriant.     
   
  Il fait des pas invraisemblablement petits pour pouvoir avancer sans marcher
  sur les pieds nus.   
   
    348.2 – Mais ce qui le libère de l'affectueuse
  étreinte, c'est l'arrivée de Manahen avec d'autres disciples, parmi lesquels
  les bergers qui étaient en Judée.          
   
  "La paix à Toi, Maître !" dit d'une voix tonnante Manahen dans
  son magnifique vêtement. Il n'a plus d'or au front ni aux doigts, mais au
  côté une magnifique épée qui provoque l'admiration respectueuse des enfants
  qui, devant ce merveilleux cavalier vêtu de pourpre et avec une arme superbe
  au côté, s'écartent intimidés.           
   
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  372> Et ainsi Jésus peut l'embrasser et embrasser Élie,
  Lévi, Mathias, Joseph, Jean, Siméon et je ne sais combien d'autres.   
   
  "Comment donc es-tu ici ? Et comment as-tu su que j'étais
  débarqué ?"  
   
  "Je l'ai su par les cris des enfants. Ils ont traversé les murs comme
  des flèches qui apportent la joie. Mais je suis venu ici en pensant qu'est
  prochain ton voyage en Judée et que certainement les femmes y prendront
  part... J'ai voulu y être moi aussi... Pour te protéger, Seigneur, si ce
  n'est pas trop d'orgueil que de le penser. Il y a beaucoup d'effervescence en
  Israël contre Toi. C'est douloureux de le dire, mais tu ne l'ignores
  pas."        
   
    348.3 – En parlant ainsi, ils arrivent
  à la maison et ils y entrent. Manahen continue sa conversation après que le
  maître de maison et sa femme aient vénéré le Maître.   
   
  "Désormais l'effervescence et l'intérêt que tu suscites a envahi tous
  les lieux, secouant et attirant l'attention même des plus obtus et de ceux
  qui sont distraits par des choses très différentes de ce que tu es. Les
  nouvelles de ce que tu opères ont pénétré jusqu'à l'intérieur des dégoûtantes
  murailles de Machéronte et des luxurieux refuges d'Hérode, que ce soit le
  palais de Tibériade ou les châteaux d'Hérodiade ou le splendide palais royal
  des Asmonéens près du Sixte. Elles franchissent comme des flots de lumière et
  de puissance les barrières de ténèbres et de bassesse, elles font crouler les
  monceaux de péchés qui couvraient comme une tranchée et un abri les amours
  dégoûtantes de la Cour et les crimes atroces, elles dardent comme des flèches
  de feu en écrivant des paroles bien plus menaçantes que celles du festin de
  Balthazar
  sur les murs souillés des alcôves et des salles du trône et des festins.
  Elles crient ton Nom et ta Puissance, ta Nature et ta Mission. Hérode tremble
  de peur, Hérodiade se tord sur son lit craignant que tu sois le roi vengeur
  qui lui enlèvera ses richesses et son immunité, si ce n'est même la vie, en
  la jetant à la merci des foules qui tireront vengeance de ses nombreux
  crimes. On tremble à la Cour, et c'est à cause de Toi. On tremble de peur
  humaine et de peur surhumaine. Depuis que la tête de Jean est tombée, il
  semble qu'un feu brûle les viscères de ses meurtriers.      
   
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  373> Ils n'ont même plus leur misérable paix d'auparavant,
  paix de porcs rassasiés de ripailles, qui étouffent les reproches de leurs
  consciences dans l'ébriété ou la débauche. Il n'y a plus rien qui les
  apaise... Ils sont persécutés... Et ils se haïssent après les heures de
  débauche, dégoûtés l'un de l'autre, se rejetant mutuellement la culpabilité
  du crime qui les trouble, un crime qui a dépassé la mesure.           
   
  Quant à Salomé, elle est comme possédée par un démon, et en proie à un
  érotisme qui serait dégradant pour une esclave. Le palais royal exhale plus
  de puanteur qu'un égout.     
   
  Hérode m'a questionné plusieurs fois sur Toi. Chaque fois j'ai répondu :
  ''Pour moi, c'est le Messie, le Roi d'Israël de l'unique souche royale :
  celle de David. C'est le Fils de l'homme annoncé par les Prophètes, c'est le
  Verbe de Dieu, celui qui, étant le Christ, l'Oint de Dieu, a le droit de
  régner sur tous les vivants". Et Hérode blêmit de peur en sentant en Toi
  le Vengeur. Et il repousse la peur, le cri de sa conscience que le remords
  déchire en disant - car les courtisans, pour le réconforter, lui disent que
  Toi, tu es Jean que l'on a cru faussement mort, et avec cela ils le font plus
  que jamais défaillir d'horreur, ou bien Elie, ou quelque autre prophète du
  temps passé - en disant : "Non, ce ne peut être Jean ! Je l'ai
  fait décapiter et Hérodiade garde sa tête en lieu sûr. Et ce ne peut être
  l'un des prophètes : on ne revit pas, une fois mort. Mais ce ne peut
  être non plus le Christ. Qui le dit ? Qui dit que c'est Lui ? Qui
  ose me dire qu'il est le Roi de l'unique souche royale ? C'est moi qui
  suis le roi ! Et pas d'autres. Le Messie a été tué par Hérode le Grand.
  Il a été noyé dès sa naissance dans une mer de sang. Il a été égorgé comme un
  agneau... et il n'avait que quelques mois... L'entends-tu comme il
  pleure ? Son bêlement ne cesse de résonner dans ma tête en même temps
  que le rugissement de Jean : 'Il ne t'est pas permis'... Il ne m'est pas
  permis ?! Si, tout m'est permis car je suis 'le roi'. Ici le vin et les
  femmes, si Hérodiade se refuse à mes embrassements, et que danse Salomé pour
  éveiller mes sens apeurés par tes récits effrayants".     
   
  Et il s'enivre au milieu des mimes de la Cour, pendant que dans ses
  appartements sa femme folle crie ses blasphèmes au Martyr et des menaces à
  ton adresse. Pendant ce temps, Salomé expérimente ce que c'est que d'être née
  du péché de deux débauchés et d'avoir participé à un crime obtenu en
  abandonnant son corps aux fantaisies lubriques d'un dégoûtant.   
   
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  374> Mais ensuite Hérode revient à lui-même et veut être
  informé sur Toi, et il voudrait te voir. Et pour cela il favorise mes venues
  vers Toi dans l'espoir que je t'amène à lui. C'est une chose que je ne ferai
  jamais d'amener ta sainteté dans une caverne de bêtes immondes. Hérodiade
  voudrait t'avoir pour te frapper, et elle le crie avec son stylet dans les
  mains... Et voudrait t'avoir Salomé qui t'a vu à ton insu, à Tibériade, au
  dernier Etanim , et qui est folle de Toi...       
   
  Voilà ce qu'est le Palais royal, Maître ! Mais moi j'y reste pour
  surveiller ainsi leurs desseins sur Toi."    
   
  "Je t'en suis reconnaissant et le Très-Haut t'en bénit. Cela aussi c'est
  servir les décrets de l'Eternel"         
   
  "Je l'ai pensé, et c'est pour cela que je suis venu."      
   
  "Manahen, je te demande instamment une chose, puisque tu es venu.
  Descends vers Jérusalem, pas avec Moi, mais avec les femmes. Moi, je vais
  avec eux par un chemin inconnu et ils ne pourront me faire du mal. Mais elles
  ce sont des femmes et sans défense, et celui qui les accompagne a l'âme douce et il a appris à présenter la joue à qui l'a
  déjà frappé. Ta présence sera une sûre protection. C'est un sacrifice, je le
  comprends, mais nous serons ensemble en Judée. Ne me le refuse pas,
  ami."          
   
  "Seigneur, tout désir de Toi est une loi pour ton serviteur. Je suis au
  service de ta Mère et des femmes disciples qui l'accompagnent dès ce moment
  et jusqu'à quand tu voudras."           
   
  "Merci. Cette obéissance aussi sera inscrite dans le Ciel.      
    348.4 – Maintenant, en attendant que
  les barques arrivent pour tous, consacrons le temps à guérir les malades qui
  m'attendent."            
   
  Et Jésus descend dans le jardin où sont les brancards ou les infirmes et il
  les guérit rapidement, tout en recevant l'hommage de Jaïre et des amis peu
  nombreux de Capharnaüm.        
   
  Parmi les femmes, il y a Porphyrée et Salomé et en plus la femme âgée de
  Barthélemy, et celle moins âgée de Philippe avec ses jeunes filles. Elles
  s'occupent des vivres pour la troupe nombreuse des disciples que l'on va
  rassasier avec les paniers de pois- sons offerts par Bethsaïda et Capharnaüm.
  C'est une grande éventration de poissons argentés qui frétillent encore, un
  grand rinçage de poissons dans les chaudrons, un grand grésillement sur les
  grils qui s'opère dans la cuisine, pendant que Marziam, avec d'autres
  disciples, alimente les feux et porte des brocs d'eau pour aider les femmes.  
   
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  375> Le repas est vite prêt et vite consommé. Et comme les
  barques sont maintenant réunies pour transporter tout ce peuple, il ne reste
  qu'à s'embarquer pour Magdala sur un lac enchanté, tant il est serein,
  angélique, dans le chaton d'émeraude de ses rives.           
   
  Les jardins et la maison de Marie de Magdala s'ouvrent hospitaliers dans le
  midi ensoleillé pour accueillir le Maître et ses disciples, et Magdala toute
  entière s'amène pour saluer le Rabbi qui va vers Jérusalem.           
   
   
    348.5 – Et les pentes fraîches des
  collines galiléennes entendent la marche agile et joyeuse de la troupe
  fidèle, suivie d'un char commode où se trouvent Jeanne avec Porphyrée,
  Salomé, la femme de Barthélemy et celle de Philippe avec ses deux jeunes
  filles et en plus tout souriants Marie et Mathias, difficiles à reconnaître
  tant ils ont changé depuis cinq mois. Marziam marche bravement avec les
  adultes et même, comme le veut Jésus, il est justement dans le groupe
  apostolique, entre Pierre et Jean, et il ne perd pas un mot de ce que dit
  Jésus.         
   
  Le soleil brille dans un ciel très pur et des rafales tièdes apportent des
  odeurs de bois, de menthe, de violettes, des premiers muguets, des rosiers
  toujours plus fleuris et, par-dessus tout, cette odeur fraîche, légèrement
  amère des fleurs des arbres à fruits qui répandent partout une neige de
  pétales sur l'herbe. Tous en ont dans les cheveux pendant qu'ils avancent au
  milieu d'un continuel gazouillis d'oiseaux, au milieu des chants séduisants
  et des appels trépidants d'un buisson à l'autre entre les mâles audacieux et
  les femelles pudiques, pendant que les brebis broutent, grossies par leur
  maternité, et que les premiers agneaux heurtent leurs museaux roses contre
  les mamelles arrondies pour augmenter la sécrétion du lait, ou bien gambadent
  dans les prés d'herbe tendre comme des enfants heureux.      
   
    348.6 – Comme Nazareth arrive vite
  après Cana, où Suzanne se joint aux autres femmes en apportant avec elle les
  produits de sa terre dans des paniers et des vases, et une branche entière de
  roses rouges en boutons prêts à s'ouvrir, "pour les offrir à Marie"
  dit-elle.            
   
  "Moi aussi, tu vois ?" dit Jeanne, en ouvrant une espèce de
  boite où sont rangées de nombreuses roses dans de la mousse humide :
  "Les premières et les plus belles, toujours un rien pour elle qui nous
  est si chère !"    
   
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  376> Je vois que chaque femme a apporté des vivres pour le
  voyage pascal et avec eux, qui une fleur, qui une plante pour le jardin de
  Marie, et Porphyrée s'excuse de n'avoir apporté qu'un pot de camphrier
  magnifique aux feuilles glauques minuscules qui exhalent leur arôme rien qu'à
  les effleurer.        
   
  "Marie désirait cette plante balsamique..." dit-elle.   
   
  Et toutes la louent pour la beauté vigoureuse de l'arbuste.  
   
  "Oh ! J'en ai pris soin tout l'hiver, en le gardant à l'abri de la
  gelée et de la grêle dans ma pièce. Marziam m'aidait à la porter au soleil
  chaque matin, et à la rentrer chaque soir... Et ce cher enfant, s'il n'y
  avait pas eu la barque et maintenant le char, l'aurait chargée sur ses
  épaules pour l'apporter à Marie, et lui faire plaisir à elle et aussi à
  moi"      
   
  Ainsi parle l'humble femme qui s'enhardit de plus en plus à cause de la bonté
  de Jeanne et ne se tient plus de joie d'être en voyage pour Jérusalem, et
  avec le Maître, son homme et son Marziam.            
   
  "Tu n'y es jamais allée ?"  
   
  "Tant que vécut mon père, chaque année. Mais ensuite... Ma mère n'y alla
  plus... Mes frères m'y auraient amenée, mais je rendais service à ma mère et
  elle ne me laissait pas aller. Ensuite j'ai épousé Simon... et ma santé n'a
  plus été très bonne. Simon aurait dû rester longtemps en voyage, et cela
  l'ennuyait... Aussi je restais à la maison à l'attendre… Le Seigneur voyait
  mon désir... et c'était comme si j'avais fait le sacrifice au Temple..."
  dit la douce femme.        
   
  Et Jeanne, qui l'a pour voisine, lui met la main sur ses splendides tresses
  en lui disant :   
   
  "Chérie !"    
   
  Et en cet adjectif il y a tant d'amour, tant de compréhension, tant de sens.          
   
    348.7 – Voilà Nazareth... voilà la
  maison de Marie d'Alphée qui est déjà dans les bras de ses fils, et avec ses
  mains mouillées et rougies par la lessive qu'elle est en train de faire, elle
  les caresse et puis, essuyant ses mains avec son grossier tablier, elle court
  vers Jésus pour l'embrasser... Et puis voilà la maison d'Alphée de Sara, qui
  précède immédiatement celle de Marie.        
   
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  377> Alphée ordonne au plus grand de ses petits-enfants
  d'avertir Marie, et en attendant il marche à pas de géant vers Jésus, avec un
  tas de petits-enfants dans les bras et il le salue avec cette nichée qui se
  serre dans ses bras et qu'il Lui offre comme un bouquet de fleurs.  
   
  Et voici Marie qui se présente sur le seuil de la porte, en plein soleil,
  avec son vêtement d'intérieur d'un bleu clair un peu déteint, l'or de ses
  cheveux resplendit vaporeux sur son front virginal et descend en lourdes
  tresses sur la nuque. Elle tombe sur le sein de son Fils qui l'embrasse avec
  tout son amour.          
   
  Les autres s'arrêtent prudemment pour les laisser libres dans leur première
  rencontre. Mais elle se détache tout de suite, et tourne son visage que l'âge
  n'a pas altéré, maintenant tout rose à cause de la surprise, illuminé par son
  sourire et elle salue de sa voix angélique :         
   
  "Paix à vous, serviteurs du Seigneur et disciples de mon Fils. Paix à
  vous, sœurs dans le Seigneur" et avec elles qui sont descendues du char,
  elle échange un baiser fraternel.           
   
  "Oh ! Marziam ! Maintenant je ne pourrai plus te tenir dans
  mes bras ! Tu es un homme maintenant. Mais viens à la Mère de tous ceux
  qui sont bons, que je te donne encore un baiser. Chéri ! Que Dieu te
  bénisse et te fasse grandir dans ses voies, robuste comme croît ton corps de
  jeune, et davantage encore. Mon Fils, nous devrons l'amener à son grand-père.
  Il sera heureux de le voir ainsi" dit-elle ensuite en se tournant vers
  Jésus.        
   
  Et puis elle embrasse Jacques et Jude d'Alphée, et elle leur donne la
  nouvelle qui leur plaît certainement :       
   
  "Cette année Simon vient avec moi, comme disciple du Maître. Il me l'a
  dit."          
   
  Et l'un après l'autre, elle salue les plus connus, les plus influents,
  accompagnant pour tous son salut d'une parole de grâce. Manahen lui est amené
  et présenté comme devant l'escorter dans son voyage vers Jérusalem.          
   
  "Tu ne viens pas avec nous, Fils ?"        
   
  "Mère, j'ai d'autres endroits à évangéliser. Nous nous verrons à
  Béthanie."          
   
  "Que ta volonté soit faite maintenant et toujours. Merci, Manahen.
  Toi : ange humain, avec nos gardiens : les anges du Ciel. Nous
  serons en sécurité comme si nous étions dans le Saint des Saints."           
   
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  378> Et elle présente sa main à Manahen en signe d'amitié.
  Le cavalier, qui a grandi dans le faste, s'agenouille pour baiser la main
  délicate qu'elle lui présente.     
   
    348.8 – Pendant ce temps, on a déchargé
  les fleurs et ce qui doit rester à Nazareth. Puis le char s'en va dans une
  écurie de la ville.     
   
  La petite maison paraît une roseraie à cause des roses répandues partout par
  les femmes disciples. Mais la plante de Porphyrée, posée sur la table,
  suscite la plus vive admiration de Marie qui la fait porter dans un endroit
  favorable d'après les indications de l'épouse de Pierre.   
   
  Tout le monde ne peut certainement pas entrer dans la petite maison, ni dans
  le jardin qui n'est pas un domaine mais qui semble monter vers le ciel
  serein, se faire aérien tant il y a des nuages de fleurs sur les arbres du
  jardin. Et Jude d'Alphée demande en souriant à Marie :          
   
  "As-tu cueilli aujourd'hui aussi le rameau pour ton amphore ?"     
   
  "Bien sûr, Jude. Et quand vous êtes venus, je le contemplais..."     
   
  "Et tu songeais, Maman, à ton lointain mystère" dit Jésus en la
  prenant de son bras gauche et en l'attirant sur son cœur.        
   
  Marie lève son visage empourpré et soupire :  
   
  "Oui, mon Fils... et je songeais à la première palpitation de ton cœur
  en moi..."          
   
  Jésus dit :    
   
  "Que restent les sœurs disciples, les apôtres, Marziam, les bergers
  disciples, le prêtre Jean, Etienne, Hermas et Manahen. Que les autres se
  dispersent pour chercher un logement..."  
   
  "Je puis en loger plusieurs dans ma maison..." crie Simon d'Alphée,
  du seuil de sa maison sur lequel il est arrêté. "Je suis leur
  condisciple et je les réclame."          
   
  "Oh ! frère, avance, que je t'embrasse" dit expansif Jésus,
  alors qu'Alphée de Sara, Ismaël et Aser, les deux disciples ex-âniers de
  Nazareth, disent à leur tour :            
   
  "Chez nous. Venez, venez !"        
   
  Les disciples qui n'ont pas été choisis s'en vont et on peut fermer la
  porte... pour la rouvrir cependant, tout de suite après, à la venue de Marie
  d'Alphée qui ne peut rester loin, même occupée par sa lessive.            
   
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  379> Il y a environ quarante personnes, aussi elles se
  répandent dans le jardin tiède et tranquille jusqu'à ce que l'on distribue
  les aliments auxquels tout le monde trouve une saveur céleste tant il y a
  d'agrément à les consommer dans la maison du Seigneur, distribués par Marie.  
   
  Simon revient après avoir installé les disciples et il dit :       
   
  "Tu ne m'as pas appelé comme les autres, mais moi je suis ton frère et
  je reste quand même."       
   
  "Tu arrives à propos, Simon.      
    348.9 – Beaucoup d'entre vous, vous
  connaissez Marie comme "mère", certains comme "épouse".
  Mais personne ne connaît Marie comme "vierge". Moi, je veux vous la
  faire connaître dans ce jardin en fleurs dans lequel votre cœur vient plein
  de désir dans les séparations forcées et comme pour se reposer des fatigues
  de l'apostolat.        
   
  Je vous ai écouté parler, vous, apôtres, disciples et parents, et j'ai perçu
  vos impressions, vos souvenirs, vos jugements sur ma Mère. Je vais vous
  transfigurer tout cela, très admirable mais encore très humain, en une
  connaissance surnaturelle. Car ma Mère, avant Moi, doit être transfigurée aux
  yeux de ceux qui le méritent le plus, pour la montrer telle qu'elle est.
  Vous, vous voyez une femme. Une femme, qui par sa sainteté, vous paraît
  différente des autres, mais que vous voyez en réalité comme une âme
  enveloppée par la chair, comme celle de toutes les femmes ses sœurs. Mais
  maintenant je veux dévoiler l'âme de ma Mère, sa véritable et éternelle
  beauté.            
   
  Viens ici, ma Mère. Ne rougis pas, ne te retire pas intimidée, suave colombe
  de Dieu. Ton Fils est la Parole de Dieu, et il peut parler de toi et de ton
  mystère, de tes mystères, ô sublime Mystère de Dieu. Assoyons-nous ici, à
  l'ombre légère des arbres en fleurs, près de la maison, près de ta sainte
  demeure. Ainsi ! Levons cette tenture ondoyante et qu'il sorte des flots
  de sainteté et de Paradis de cette demeure virginale, pour nous saturer tous
  de toi... Oui, Moi aussi. Que je me parfume de toi, Vierge parfaite, pour que
  je puisse supporter les puanteurs du monde, pour que je puisse voir la
  candeur avec ma pupille saturée de ta Candeur. Ici, Marziam, Jean, Etienne,
  et vous sœurs disciples, bien en face de la porte ouverte sur la demeure
  chaste de celle qui est la Chaste entre toutes les femmes. Et en arrière,
  vous, mes amis. Et ici, à mes côtés, toi, ma Mère bien-aimée.       
   
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  380>   348.10 – Je vous ai parlé, il y a même
  peu de temps de : "l'éternelle beauté de
  l'âme de ma Mère". Je suis la Parole et par conséquent je sais employer
  les mots sans erreur. J'ai dit : éternelle, pas immortelle. Et ce n'est
  pas sans intention que je l'ai dit. Immortel est celui qui, après être né, ne
  meurt plus. Ainsi l'âme des justes est immortelle au Ciel, l'âme des pécheurs
  est immortelle dans l'Enfer, car l'âme, une fois créée, ne meurt plus qu'à la
  grâce. Mais l'âme vit, existe à partir du moment où Dieu la pense.
  C'est la Pensée de Dieu qui la crée. L'âme de ma Mère est depuis toujours pensée
  par Dieu. Par conséquent elle est éternelle dans sa beauté, dans laquelle
  Dieu a versé toute perfection pour en tirer délice et réconfort.     
   
  Il est dit dans le Livre de notre aïeul Salomon
  qui t'a vue à l'avance et qui est par conséquent ton
  prophète : "Dieu m'a possédée au commencement de ses œuvres, dès le
  principe, avant la Création. J'ai été établie éternellement, dès le principe,
  avant que fût faite la terre. Les abîmes n'existaient pas encore et moi,
  j'étais conçue. Les sources ne jaillissaient pas encore, les montagnes
  n'étaient pas encore constituées dans leur lourde masse et j'existais déjà.
  Avant les collines, j'ai été engendrée. Lui n'avait pas encore fait la Terre,
  les fleuves, ni les pôles du monde et moi, j'existais déjà. Quand Il
  préparait les cieux et le Ciel, moi, j'étais présente. Quand par des lois
  inviolables Il renferma l'abîme sous la voûte, quand Il rendit stable dans
  les hauteurs la voûte céleste et y suspendit les sources des eaux, quand Il
  fixa à la mer ses limites et donna comme loi aux eaux de ne pas dépasser
  leurs frontières, quand Il jetait les fondements de la Terre, j'étais avec
  Lui pour mettre en ordre toutes choses. Toujours dans la joie, je jouais
  continuellement en sa présence. Je jouais dans l'univers".             
   
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  381>   Oui, ô Mère, Dieu, l'Immense, le Sublime, le
  Vierge, l'Incréé, était lourd de toi et il te portait comme son très doux
  fardeau, se réjouissant de te sentir t'agiter en Lui, en Lui donnant les
  sourires dont il a fait la Création ! Toi qu'il a douloureusement
  enfantée pour te donner au Monde, âme très suave, née de Celui qui est Vierge
  pour être la "Vierge", Perfection de la Création, Lumière du
  Paradis, Conseil de Dieu, telle qu'en te regardant il put pardonner la Faute,
  car toi seule et par toi seule, tu sais aimer comme toute l'Humanité
  rassemblée ne sait pas aimer. En toi est le Pardon de Dieu ! En toi le
  Remède de Dieu, toi, caresse de l'Éternel sur la blessure que l'homme a faite
  à Dieu ! En toi, le Salut du monde, Mère de l'Amour Incarné et du
  Rédempteur qui a été accordé !          
   
  L'âme de ma Mère ! Fondu dans l'Amour avec le Père, je te regardais en
  mon intérieur, ô âme de ma Mère !... Et ta splendeur, ta prière, la
  pensée que tu me porterais, me consolait pour toujours de mon destin
  douloureux et des expériences inhumaines de ce qu'est le monde corrompu pour
  le Dieu absolument parfait. Merci, ô Mère ! Je suis venu déjà saturé de tes consolations. Je suis descendu en te sentant
  toi seule, ton parfum, ton chant, ton amour... Joie, ma joie !         
   
    348.11 – Mais écoutez, vous qui
  maintenant savez qu'est unique la Femme en laquelle il n'y a pas de tache,
  unique la Créature qui n'a pas coûté de blessure au Rédempteur, écoutez la
  seconde transfiguration de Marie, l'Élue de Dieu.          
   
  C'était un serein après-midi d'Adar
  et les arbres étaient en fleurs dans le jardin silencieux. Marie, épouse de
  Joseph, avait cueilli un rameau d'un arbre en fleurs pour remplacer celui qui
  était dans sa pièce. Elle était depuis peu arrivée à Nazareth, Marie, prise
  au Temple pour orner une maison de saints. Elle avait l'âme partagée entre le
  Temple, la maison et le Ciel. Elle, en regardant le rameau en fleurs, pensait
  que c'était avec un rameau pareil qui avait fleuri d'une manière insolite, un
  rameau coupé dans ce jardin en plein hiver et qui avait fleuri comme pour le
  printemps devant l'Arche du Seigneur 
  - peut-être le Soleil-Dieu l'avait réchauffé en rayonnant sur lui sa Gloire -
  que Dieu lui avait signifié sa volonté... Et elle pensait encore qu'au jour
  des noces, Joseph lui avait apporté d'autres fleurs, mais jamais semblables à
  la première qui portait inscrite sur ses pétales légers : "Je te
  veux unie à Joseph"... Elle pensait à tant de choses... Et en pensant,
  elle montait vers Dieu. Les mains étaient agiles entre la quenouille et le
  fuseau et elle filait un fil plus fin que l'un des cheveux de sa jeune
  chevelure...     
   
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  de page.         
   
  382> L'âme tissait un
  tapis d'amour en allant agile comme la navette sur le métier, de la terre au
  Ciel, des besoins de la maison, de son époux, à ceux de l'âme, de Dieu. Et
  elle chantait et priait. Et le tapis se formait sur le métier mystique, se
  déroulait de la terre au Ciel, montait jusqu'à se perdre là-haut... Formé de
  quoi ? Des fils fins, parfaits, solides, de ses vertus, du fil qui
  volait de la navette, qu'elle croyait "sienne", alors qu'elle
  appartenait à Dieu : la navette de la Volonté de Dieu sur laquelle était
  enroulée la volonté de la petite, grande Vierge d'Israël, celle que le Monde
  ne connaissait pas mais que Dieu connaissait, sa volonté enroulée dans celle
  du Seigneur et qui ne faisait qu'une avec elle, Et le tapis se
  fleurissait des fleurs de l'amour, de la pureté, des palmes de la paix, des
  palmes de la gloire, des violettes, des jasmins... Toutes les vertus
  fleurissaient sur le tapis de l'amour que la Vierge déroulait, invitant, de
  la terre au Ciel. Et comme le tapis ne suffisait pas, elle lançait son cœur
  en chantant : "Que vienne mon Bien-Aimé dans son jardin et qu'il
  mange du fruit de ses arbres... Que mon Bien-Aimé descende dans son
  jardin au parterre des arômes, pour se rassasier dans les jardins, pour
  cueillir des lys. Je suis à mon Bien- Aimé, et mon Bien-Aimé est à moi, Lui
  qui se repaît parmi les lys !"  
   
  Et des distances infinies, parmi des torrents de Lumière,
  arrivait une Voix qu'une oreille humaine ne peut entendre, ni une gorge
  humaine former. Et elle disait : "Que tu es belle, mon amie !
  Que tu es belle !... C'est du miel que distillent tes
  lèvres... Tu es un jardin clos, une fontaine scellée, ô sœur, mon
  épouse..." 
  et les deux voix s'unissaient ensemble pour chanter l'éternelle vérité :
  "L'amour est plus fort que la mort. Rien ne peut éteindre ou submerger
  'notre' amour". Et la Vierge se transfigurait ainsi... ainsi... ainsi...
  pendant que Gabriel descendait et la rappelait, avec son ardeur, à la Terre,
  réunissait son esprit à sa chair pour qu'elle pût entendre et comprendre la
  demande de Celui qui l'avait appelée "Sœur" mais qui la voulait
  "Épouse".      
   
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  de page.         
   
  383/384> C'est ici qu'arriva le Mystère... Et une femme pudique,
  la plus pudique de toutes les femmes, celle qui ne connaissait même pas la
  poussée instinctive de la chair, s'évanouit devant l'Ange du Seigneur, parce
  que même un ange trouble l'humilité et la pudeur de la Vierge, et elle ne se
  tranquillisa qu'en l'entendant parler, et elle crut, et elle dit la parole
  par laquelle "leur" amour devint Chair et vaincra la Mort, et il
  n'y a pas d'eau qui pourra l'éteindre ni de perversion qui puisse le submerger..."    
   
    348.12 – Jésus se penche doucement sur
  Marie qui a glissé à ses pieds comme extasiée dans le rappel d'une heure
  lointaine, lumineuse d'une lumière spéciale que son âme paraît exhaler, et il
  lui demande doucement :          
   
  "Quelle fut ta réponse, ô Vierge très pure, à celui qui t'assurait qu'en
  devenant la Mère de Dieu tu n'aurais pas perdu ta parfaite
  Virginité ?"         
   
  Et Marie, comme en un rêve, lentement, en souriant, les yeux dilatés par des
  larmes de joie :      
   
  "Voici la Servante du Seigneur ! Qu'il soit fait de moi selon sa
  Parole".     
   
  Et elle repose sa tête sur les genoux du Fils, en adoration.   
   
  Jésus la voile de son manteau, en la cachant aux yeux de tous et il
  dit :    
   
  "Et ce fut fait et cela se fera jusqu'à la fin, jusqu'à l'autre et
  l'autre encore de ses transfigurations. Elle sera toujours "la Servante
  de Dieu". Elle fera toujours comme dira "la Parole". Ma
  Mère ! Telle est ma Mère. Et il est bien que vous commenciez à la
  connaître dans la plénitude de sa sainte Figure... Mère ! Mère !
  Redresse ton visage, Aimée... Rappelle tes sentiments à la Terre où pour
  l'instant nous sommes..." dit-il en découvrant Marie après un certain
  temps durant lequel il n'y avait d'autre bruit que le bourdonnement des
  abeilles et le clapotis de la petite source.          
   
  Marie lève son visage trempé de larmes et murmure :          
   
  "Pourquoi, Fils, m'as-tu fait cela ? Les secrets du Roi sont
  sacrés..." 
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