Le jeudi 21 juin
1945.
279> 196.1 - La matinée du sabbat a été
occupée en majeure partie à reposer les corps fatigués et à remettre en état
les vêtements empoussiérés et froissés par le voyage. Dans les grandes
citernes de Gethsémani, que l'eau de pluie a remplies, et dans le Cédron qui
chante sur les pierres de son lit, écumeux et rempli par les eaux des jours
précédents, il y a tant d'eau que c'est une véritable invitation. L'un après
l'autre les pèlerins, défiant la fraîcheur, s'y plongent, et puis, revêtus à
nouveau de pied en cap, avec les cheveux encore plaqués par les embruns du
torrent, ils puisent de l'eau dans les citernes pour la reverser dans des
bassins où l'on a mis les vêtements, couleur par couleur.
"Oh ! bien ! dit Pierre content. Là, ils vont tremper et Marie
se fatiguera moins à les laver"
(je suppose que c'est la femme de Gethsémani).
"Toi seul, petit, tu ne peux te changer. Mais demain..."
En effet l'enfant a un petit vêtement propre qu'il a tiré de son petit sac,
un sac qui pourrait suffire à une poupée tant il est petit. Mais le petit
vêtement est encore plus délavé et plus déchiré que l'autre et Pierre le
regarde avec appréhension en murmurant :
"Comment vais-je faire pour le conduire à la ville ? Plié en deux,
mon manteau ferait à peu près l'affaire, car, avec un manteau... il serait
couvert tout entier."
Jésus, qui entend ce soliloque paternel, lui dit :
"Il vaut mieux le faire reposer maintenant. Ce soir nous irons à
Béthanie..."
"Mais je veux lui acheter un vêtement. Je le lui ai promis..."
"Certainement tu le feras, mais il vaut mieux prendre conseil de la
Mère. Tu sais… les femmes... elles sont plus capables que nous pour les
achats... et elle sera heureuse de s'occuper d'un enfant... Vous irez
ensemble !"
La pensée d'aller avec Marie faire les achats transporte l'apôtre au septième ciel. Je ne sais pas si Jésus dit toute sa pensée ou s'il
n'en garde pas pour Lui une partie, à savoir qu'il aurait pu dire que sa Mère
a un goût plus fin pour éviter un bariolage de couleurs de mauvais goût. En
fait il atteint le but en évitant de mortifier son Pierre.
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280> 196.2 - Ils se répandent dans
l'oliveraie, si belle en ce jour serein d'avril. La pluie des jours précédents
semble avoir argenté les oliviers et semé des fleurs, tant les frondaisons
resplendissent au soleil et tant sont nombreuses les fleurettes aux pieds des
oliviers. Les oiseaux chantent et volent de tous côtés. La ville s'étend
là-bas, à l'ouest de Gethsémani.
Maria Valtorta a tracé le croquis au crayon noir, parfois
recouvert de rouge et de bleu. Certains noms ont été tracés à la plume. Au
centre se trouve le “Temple ”, avec “Maisons très serrées”, et,
en demi-cercle à gauche : “Faubourgs et maisons plus clairsemées”, le
tout ceint d’un double cercle dont l’explication est en bas de page : “(Le
cercle rouge et bleu indique les murs).” Sur ces “murs”, on lit
une “porte” à côté de l’indication “nord”, et une autre “porte”
au sud-est. Hors des “murs” : “Cédron” et “Gethsémani” à
l’est, deux fois “Maisons” au sud, “torrent” et “Golgotha”
à l’ouest.
On
ne voit pas le fourmillement de la foule à l'intérieur, mais on voit les
caravanes qui se dirigent vers la Porte des Poissons
et d'autres Portes à l'est, dont je ne sais pas le nom, et puis la ville les
engloutit comme un ventre famélique.
Jésus se promène en observant Yabeç qui joue joyeusement avec Jean et les
plus jeunes. Même, l'Iscariote, une fois passé son dépit d'hier, est joyeux
et joue. Les plus âgés les regardent et sourient.
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281> "Que dira ta Mère, de cet
enfant ?" demande Barthélemy.
"Moi, je dis qu'elle dira : "Il est bien chétif" dit
Thomas.
"Oh ! non ! Elle dira : "Pauvre enfant !"
répond Pierre.
"Elle te dira, au contraire : "Je suis contente que tu
l'aimes" objecte Philippe.
"La Mère n'en aurait jamais douté. Mais je crois qu'elle ne parlera pas.
Elle le prendra sur son cœur" dit le Zélote.
"Et Toi, Maître, que penses-tu qu'elle dira ?"
"Elle fera ce que vous dites. Mais beaucoup de choses, toutes même, elle
les pensera et les dira en son cœur et, dans un baiser, elle lui dira
seulement : "Que tu sois béni !" et elle le soignera
comme si c'était un oiseau tombé du nid.
196.3 - Un jour, écoutez, elle me racontait
un fait de quand elle était toute petite. Elle n'avait pas encore trois ans
car elle n'était pas encore au Temple, et son cœur se brisait d'amour en
donnant, comme des fleurs et des olives écrasées et pressurées sous le
pressoir, toute son huile et tous ses parfums. Dans son délire d'amour, elle
disait à sa mère qu'elle voulait être vierge pour plaire davantage au
Sauveur, mais qu'elle aurait voulu être une pécheresse pour pouvoir être
sauvée. Et elle pleurait presque, parce que sa mère ne la comprenait pas et
ne savait lui dire comment on peut faire pour être en même temps la
"pure" et la "pécheresse". Son père lui donna la paix, en
lui apportant un petit moineau qu'il avait sauvé alors qu'il était en danger
sur le bord de la fontaine. Il lui dit la parabole du petit oiseau
en expliquant que Dieu l'avait sauvée d'avance et que, pour ce motif, elle
devait Le bénir deux fois. Et la petite Vierge de Dieu, la très grande Vierge
Marie, exerça sa première maternité spirituelle envers cet oisillon qu'elle
libéra quand il fut capable de voler. Mais il ne quitta jamais le jardin de
Nazareth, consolant par ses vols et ses pépiements la triste maison et les
tristes cœurs d'Anne et de Joachim après le départ de Marie au Temple. Il
mourut peu de temps avant qu'Anne rendit le dernier soupir... Il avait
terminé sa mission...
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282> 196.4 - Ma Mère s'était vouée à la
virginité par amour. Mais, étant une créature parfaite, elle avait la
maternité dans le sang et dans l'esprit. Car la femme est faite pour être
mère, et c'est une aberration quand elle est sourde à ce sentiment qui est un
amour de seconde puissance..."
Les autres aussi se sont approchés tout doucement.
"Que veux-tu dire, Maître, en parlant d'amour de seconde
puissance ?" demande Jude Thaddée.
"Mon frère, il y a plusieurs amours et de
puissances différentes. Il y a l'amour de première puissance : celui que
l'on donne à Dieu. Puis l'amour de seconde puissance :
l'amour maternel ou paternel, parce que si le premier est entièrement
spirituel, celui-ci est pour deux parts spirituel et pour une seule charnel.
Il s'y mêle, oui, le sentiment d'affection humaine, mais l'amour supérieur
prédomine. En effet un père et une mère qui sont sainement et saintement tels
ne se contentent pas de donner aliments et caresses à la chair de leur
enfant, mais aussi nourriture et amour à l'âme et à l'esprit de leur enfant.
Et c'est si vrai ce que je dis, que celui qui se voue à l'enfance ne serait-ce
que pour l'instruire, finit par l'aimer comme si c'était sa propre
chair."
"Moi, en effet, j'aimais beaucoup mes élèves" dit Jean d'En-Dor.
"J'ai compris que tu devais être un bon maître, en voyant comment tu te
comportes avec Yabeç."
L'homme d'En-Dor s'incline et baise la main de Jésus sans parler.
"Continue, je t'en prie, ta classification des amours" demande le
Zélote.
"Il y a l'amour pour la compagne. C'est un amour
de troisième puissance parce qu'il est fait par moitié - je parle des amours
qui sont sains et saints - d'esprit et par moitié de chair. L'homme, pour son
épouse, est un maître et un père en plus d'être époux. Et la femme, pour son
époux, est un ange et une mère, en plus d'être épouse. Ce sont les trois
amours les plus élevés."
196.5 - "Et l'amour du
prochain ? Ne te trompes-tu pas ? Ou l'as-tu oublié ?"
demande l'Iscariote.
Les autres le regardent étonnés et... indisposés par son observation.
Mais Jésus répond tranquillement :
"Non, Judas. Mais regarde de près : Dieu, on l'aime, parce qu'Il
est Dieu et aucune explication n'est nécessaire pour encourager cet amour. Il
est Celui qui est, c'est-à-dire le Tout : et l'homme c'est le Rien qui
devient une partie du Tout
par l'âme que lui infuse l'Éternel.
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283> Sans elle, l'homme serait un des animaux
sauvages qui vivent sur la terre ou dans les eaux ou dans l'air. Il doit
aimer Dieu par devoir et pour mériter de survivre dans le Tout, c'est-à-dire
pour mériter de devenir une partie du Peuple saint de Dieu au Ciel, citoyen
de la Jérusalem qui ne connaîtra éternellement ni profanation ni destruction.
L'amour de l'homme, et spécialement de la femme, pour ses enfants, a valeur
de commandement. Dans les paroles de Dieu à Adam et à Ève, après les avoir
bénis, voyant qu'il avait fait une "chose bonne" dans un
lointain sixième jour, le premier sixième jour de la création, Il leur
dit : "Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre...".
Je vois l'objection que tu n'exprimes pas et je te réponds tout de suite
ainsi : dans la création, avant la faute, tout était réglé et basé sur
l'amour. Cette multiplication des enfants aurait été amour saint, pur,
puissant, parfait. Et Dieu l'avait donnée à l'homme comme premier
commandement : "Croissez, multipliez-vous". Aimez, par
conséquent, après Moi, vos enfants. L'amour, tel qu'il existe
maintenant : celui qui actuellement engendre des enfants, alors
n'existait pas. La malice n'existait pas, et n'existait pas avec elle
l'exécrable faim des sens. L'homme aimait la femme et la femme aimait
l'homme, naturellement, non pas naturellement selon la nature telle que nous
l'entendons, ou plutôt telle que vous, hommes, l'entendez, mais selon la
nature de fils de Dieu : surnaturellement.
Doux premiers jours d'amour entre les deux qui étaient
frères, parce que nés d'un Père unique et qui pourtant étaient époux et qui,
dans leur amour, se regardaient avec les yeux innocents de deux jumeaux au
berceau. Et l'homme éprouvait l'amour d'un père pour sa compagne "os de
ses os et chair de sa chair",
comme l'est un fils pour un père.
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284> Et la femme connaissait la joie
d'être fille, c'est-à-dire protégée par un amour très haut car elle sentait
qu'elle possédait en elle quelque chose de cet homme magnifique qui l'aimait
avec innocence et avec une angélique ardeur dans les belles prairies de
l'Eden !
Ensuite, dans l'ordre des commandements que Dieu a donné avec un sourire à ses petits enfants bien aimés,
se présente celui qu'Adam lui-même doué par la Grâce d'une intelligence qui
n'avait au-dessus d'elle que celle de Dieu, exprime, en parlant de sa
compagne et en elle de toutes les femmes, le décret de la pensée de Dieu qui
se réfléchissait avec netteté dans le pur miroir de l'esprit d'Adam où
naissait une fleur de pensée et de parole: "L'homme quittera son père et
sa mère et s'unira à sa femme; les deux seront une seule chair'
Si les trois piliers des trois amours dont je viens de parler n'avaient pas
existé, l'amour du prochain aurait-il pu exister ? Non, il n'aurait pas
pu exister. L'amour de Dieu nous donne Dieu pour ami et enseigne l'amour.
Celui qui n'aime pas Dieu qui est bon, ne peut certainement pas aimer le
prochain qui le plus souvent a des défauts. S'il
n'y avait pas eu l'amour conjugal et la paternité dans le monde, il n'aurait
pas pu y avoir de prochain car le prochain est fait de l'ensemble des fils
nés des hommes. En es-tu persuadé ?"
"Oui, Maître. Je n'avais pas réfléchi."
"En fait, il est difficile de remonter aux sources. L'homme est
désormais enfoncé depuis des siècles et des millénaires dans la boue, et ces
sources sont si haut sur les cimes ! Puis la première est une source qui
vient d'une hauteur abyssale : Dieu... Mais je vous prends par la main
et je vous conduis aux sources. Je sais où elles sont..."
196.6 - "Et les autres
amours ?" demandent en même temps Simon le Zélote et l'homme
d'En-Dor.
"Le premier de la seconde série est celui du prochain. En réalité, c'est
le quatrième en puissance. Puis vient l'amour de la science et puis l'amour
du travail."
"Et c'est tout ?"
"C'est tout."
"Mais il y a beaucoup d'autres amours !" s'exclame Judas
Iscariote.
"Non, il y a d'autres faims, mais ce ne
sont pas des amours. Ce sont des "absences d'amour". Elles nient Dieu,
elles nient l'homme. Pour cette raison elles ne peuvent être des amours car
ce sont des négations, et la Négation c'est la Haine."
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285> "Si je refuse de consentir au
mal, est-ce encore de la Haine ?" demande encore Judas Iscariote.
"Pauvres de nous ! Mais tu es plus ergoteur qu'un scribe !
Dis-moi ce que tu as ? Est-ce l'air vif de la Judée qui t'excite les
nerfs, comme une crampe ?" s'exclame Pierre.
"Non. J'aime m'instruire et avoir beaucoup d'idées et qui soient
claires. Ici, il est facile de parler justement avec les scribes. Je ne veux
pas rester à court d'arguments."
"Et crois-tu pouvoir au bon moment sortir l'effilochure de la couleur
réclamée du sac où tu conserves tous ces chiffons ?" demande
Pierre.
"Chiffons, les paroles du Maître ? Tu blasphèmes !"
"Ne fais pas le scandalisé. Dans sa bouche à Lui, ce ne sont pas des
chiffons. Mais, une fois que nous avons déformé ses paroles, c'est ce
qu'elles deviennent... Essaie de mettre du byssus précieux dans les mains d'un
enfant... Après peu de temps, c'est une loque sale et déchirée. C'est ce qui
nous arrive à nous... Maintenant, si tu prétends pêcher au bon moment la
loque qu'il te faut qui n'est qu'une loque et qui est sale... hum ! je
ne sais pas ce que tu en feras."
"N'y pense pas. Ce sont mes affaires."
"Oh ! sois bien tranquille que je n'y pense pas ! J'en ai
assez des miennes. Et puis !... Je me contente que tu ne fasses pas
subir de dommage au Maître car, dans ce cas, je penserais aussi à tes
affaires..."
"Quand j'agirai mal, tu le feras : Mais cela n'arrivera pas car je
sais y faire... Je ne suis pas un ignorant, moi..."
"Je le suis, moi, je le sais. Mais c'est parce que je le sais que je ne
fais pas de réserves, pour les sortir ensuite au bon moment. Je me recommande
à Dieu, et Dieu m'aidera pour l'amour de son Messie dont je suis le serviteur
le plus insignifiant et le plus fidèle."
"Fidèles, nous le sommes tous !" réplique Judas avec
arrogance.
"Oh ! méchant !" dit Yabeç avec sévérité, rompant le
silence qu'il gardait attentivement. "Pourquoi offenses-tu mon
père ? Il est âgé, il est bon. Tu ne dois pas. Tu es un homme méchant,
et tu me fais peur."
"Et de deux !" dit à voix basse Jacques de Zébédée en donnant
un coup de coude à André
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286> Il a parlé doucement, mais
l'Iscariote a entendu.
"Tu vois, Maître, si les paroles de cet imbécile d'enfant de Magdala ont
laissé un souvenir ?"
dit Judas, rouge de dépit.
196.7 - "Mais ne vaudrait-il pas
mieux continuer la leçon du Maître, au lieu de sembler être des petits boucs
coléreux ?" demande le pacifique Thomas.
"Mais oui : Maître" s'exclame Matthieu. "Parle-nous
encore de ta Mère. Elle est si lumineuse son enfance ! Son reflet nous
rend l'âme vierge et moi, pauvre pécheur, j'en ai tant besoin !"
"Que dois-je dire ? Il y a tant d'épisodes, tous plus doux l'un que
l'autre..."
"C'est elle qui te les a racontés ?"
"Quelques-uns. Mais Joseph beaucoup plus. C'est lui qui m'a fait les
plus beaux récits quand j'étais un petit enfant. Et aussi Alphée de Sara qui,
étant de quelques années plus âgé que ma Mère, fut son ami pendant les
quelques années qu'elle fut à Nazareth."
"Oh ! raconte ..." demande instamment Jean.
Ils sont tous en cercle, assis à l'ombre des oliviers avec au milieu Yabeç
qui regarde fixement Jésus, comme s'il entendait un conte paradisiaque.
"Je vais vous dire la leçon de chasteté
que donna ma Mère, peu de jours avant son entrée au Temple, à son petit ami
et à beaucoup d'autres.
Ce jour-là s'était mariée une jeune fille de Nazareth, parente de Sara.
Joachim et Anne avaient été invités aussi aux noces. Avec eux la petite Marie
qui, avec d'autres enfants, était chargée de jeter des pétales effeuillés sur
le chemin de l'épouse. On dit qu'elle était très belle, quand elle était
petite et tout le monde se la disputait, après la joyeuse entrée de l'épouse.
Il était très difficile de voir Marie parce qu'elle vivait beaucoup à la
maison, affectionnant une petite grotte plus qu'un autre lieu et qu'elle
appelle toujours la grotte "de ses fiançailles". Aussi, quand on la
voyait blonde, rose, gracieuse, on l'accablait de caresses. On
l'appelait : "La Fleur de Nazareth" ou bien : "La
Perle de la Galilée" ou encore : "La Paix de Dieu" en
souvenir d'un énorme arc-en-ciel qui était survenu à l'improviste pour son
premier vagissement. Elle était et elle est en effet tout cela et plus
encore. C'est la Fleur du Ciel et de la création, c'est la Perle du Paradis
et la Paix de Dieu... Oui, la Paix. Je suis le Pacifique car je suis le Fils
du Père et le fils de Marie : la paix infinie et la Paix suave.
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287> Ce jour-là, tous voulaient lui
donner des baisers et la prendre sur leurs genoux. Et elle, écartant les
baisers et les contacts, disait avec une gravité gentille : "Je
vous en prie, ne me froissez pas". On croyait qu'elle parlait de son habit
de lin ceint à la taille d'une bande bleue et aussi de ses petits poignets et
de son cou... ou de la petite guirlande de fleurs bleues dont Anne l'avait
couronnée pour tenir en place les boucles de ses cheveux. On l'assurait qu'on
ne froisserait ni son vêtement ni sa guirlande. Mais elle, avec assurance,
petite femme de trois ans debout au milieu d'un cercle de grandes personnes,
dit avec sérieux : "Je ne pense pas à ce qui se répare. Je parle de mon âme. Elle appartient à Dieu et je veux que Dieu seul
y touche". On lui objectait : "Mais c'est à toi que nous
donnons des baisers, pas à ton âme". Et elle : "Mon corps est
le temple de mon âme et le prêtre en est l'Esprit. On n'admet pas le peuple
dans l'enceinte des prêtres. Je vous en prie. N'entrez
pas dans l'enceinte de Dieu".
Alphée
qui avait alors plus de huit ans et qui l'aimait beaucoup fut frappé par
cette réponse. Le lendemain, en la trouvant près de sa petite grotte occupée
à cueillir des fleurs, il lui demanda : "Marie, quand tu seras
femme, me voudrais-tu pour époux ?" En lui il y avait encore
l'effervescence de la fête nuptiale à laquelle il avait assisté. Et
elle ! "Je t'aime bien, mais je ne te vois pas comme homme. Je te
dis un secret. Je vois seulement l'âme des vivants. Elle, je l'aime beaucoup,
de tout mon cœur, mais je ne vois personne d'autre que Dieu comme 'Vrai
Vivant' à qui je pourrai me donner moi-même". Voilà un épisode."
"Vrai Vivant" !!! Mais tu sais que c'est une parole
profonde !" s'exclame Barthélemy.
Et Jésus, humblement, et avec un sourire :
"Elle était la Mère de la Sagesse."
"Elle était ? Mais elle n'avait pas trois ans ?"
"Elle l'était. Je vivais déjà en elle. J'étais Dieu en elle,
dès sa conception dans son Unité et sa très parfaite Trinité."
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288> 196.8 - "Mais, excuse-moi, si
moi, coupable, j'ose parler, mais Joachim et Anne savaient-ils qu'elle était
la Vierge élue ?" demande Judas Iscariote.
"Ils ne le savaient pas."
"Et alors comment Joachim pouvait-il dire que Dieu l'avait sauvée
d'avance ? Cela ne fait-il pas allusion à son privilège par rapport à la
faute ?"
"C'est une allusion. Mais Joachim parlait par la bouche de Dieu comme
tous les prophètes. Lui aussi ne comprit pas la sublime vérité surnaturelle
que l'Esprit-Saint mettait sur ses lèvres, car c'était un juste, Joachim, au
point de mériter cette paternité et c'était un humble. En effet il n'y a pas
de justice là où il y a l'orgueil. Lui était juste et humble. Il consola sa
Fille par son amour de père. Il l'instruisit par sa science de prêtre, car il
était tel comme tuteur de l'Arche de Dieu. Il la consacra comme Pontife par
le titre le plus doux : "La Sans Tache". Un jour viendra où un
autre Pontife aux cheveux blancs dira au monde : "Elle est la
Conception sans Tache" et il donnera au monde des croyants cette vérité,
comme un article de foi incontestable,
pour que dans le monde d'alors, en train de s'enfoncer toujours plus dans une
grisaille nébuleuse d'hérésies et de vices, resplendisse tout à fait à
découvert la Toute Belle de Dieu, couronnée d'étoiles, vêtue des rayons de la
lune moins purs qu'Elle, et appuyée sur les astres, la Reine du Créé et de
l'Incréé parce que Dieu-Roi a pour Reine, dans son Royaume, Marie."
"Alors Joachim était prophète ?"
"C'était un juste. Son âme répétait comme un écho ce que Dieu disait à
son âme aimée de Dieu."
196.9 - "Quand allons-nous voir
cette Maman, Seigneur ?" demande Yabeç avec des yeux de convoitise.
"Ce soir. Que lui diras-tu, en la voyant ?"
"Je te salue, Mère du Sauveur". Cela va bien ainsi ?"
"Très bien" confirme Jésus en le caressant.
"Mais ne devons-nous pas aller au Temple aujourd'hui ?"
demande Philippe.
"Nous irons avant de partir pour Béthanie. Et tu resteras tranquille
ici, n'est-ce pas ?"
"Oui, Seigneur."
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289> L'épouse de Jonas, le régisseur de
l'oliveraie, qui s'est approchée tout doucement, dit :
"Pourquoi ne l'y conduis-tu pas? L'enfant le désire..."
Jésus la fixe avec insistance sans parler.
La femme comprend et le dit :
"J'ai compris ! Mais je dois avoir encore un petit manteau de Marc.
Je vais le chercher" et elle part en courant.
Yabeç tire Jean par la manche :
"Seront-ils sévères les maîtres ?"
"Oh ! non. N'aie pas peur et puis ce n'est pas pour aujourd'hui.
Dans quelques jours, avec la Mère, tu seras plus sage qu'un docteur" dit
Jean pour le réconforter.
Les autres entendent et sourient de l'appréhension de Yabeç.
"Mais qui le présentera en qualité de père ?" demande
Matthieu.
"Moi. C'est naturel ! À moins... que le Maître ne veuille le
présenter" dit Pierre.
"Non, Simon. Je ne le ferai pas. Je te laisse cet honneur."
"Merci, Maître. Mais... tu y seras Toi aussi ?"
"Certainement. Nous y serons tous. C'est "notre"
enfant..."
Marie de Jonas revient avec un manteau violet foncé encore en bon état. Mais
quelle couleur ! Elle-même le dit :
"Marc ne voulait pas le porter parce que la couleur ne lui plaisait
pas."
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