Le samedi 5 février 1944, 13h30
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42.1 -
Impérieusement, pendant que je suis en train de corriger le fascicule et
précisément cette dictée sur les fausses religions de l'heure actuelle, voilà
que pénètre en moi cette vision. Je l'écris pendant que je la vois.
Je vois l'intérieur d'un atelier de menuisier. Il me semble que deux des murs sont formés de parois de roche comme si on
avait profité de grottes naturelles pour former les pièces d'une maison. Ce
sont exactement les côtés nord et ouest qui se présentent ainsi, tandis que
les deux autres, sud et est, sont enduits de plâtre comme les nôtres.
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284> Au nord, il y a une
excavation dans la roche pour faire un foyer rudimentaire
où se trouve une petite marmite avec du vernis ou de la colle. Je ne vois pas
bien. Le bois, qui a brûlé pendant des années à cet endroit, a noirci
tellement la paroi qu'elle semble goudronnée. Un trou dans la paroi, surmonté
d'une sorte de grosse tuile courbe, essaye de faire office de cheminée pour
aspirer la fumée du bois. Mais elle a dû mal à remplir son rôle car les
autres parois sont aussi noircies par la fumée et même en ce moment, il y a
un nuage de fumée répandu dans la pièce.
42.2
- Jésus travaille à
un établi de menuisier. Il est en train de raboter des planches qu'il dresse
contre le mur en arrière. Puis il prend une
sorte de tabouret serré entre les deux mâchoires d'un étau, le dégage,
regarde si le travail est au point, le mesure à l'équerre dans tous les sens.
Ensuite il va à la cheminée, prend la marmite, y plonge un bâtonnet ou un
pinceau, je ne sais. Je ne vois que la partie qui dépasse et ressemble à un
bâtonnet.
Le vêtement de Jésus est couleur noisette foncée. Sa tunique est plutôt courte et les manches sont retroussées
au-dessus du coude. Il a, par devant, une sorte de tablier où il se frotte
les doigts quand il a touché la marmite. Il est seul. Il travaille activement
mais avec calme. Aucun mouvement désordonné, aucune impatience. Il est précis
et appliqué à son travail. Il ne s'énerve de rien: ni d'un nœud dans le bois
qui ne se laisse pas raboter, ni d'un tournevis
(me semble-t-il) qui tombe deux fois de l'établi, ni de la fumée qui
doit Lui venir dans les yeux.
De temps en temps, il lève la tête et regarde vers la paroi sud, où il y a une porte fermée, comme s'il écoutait. À un
certain moment il s'avance, ouvrant une porte qui est dans la paroi vers
l'est et qui donne sur la rue. Je vois un coin de ruelle poussiéreuse. On
dirait qu'il attend quelqu'un. Puis il retourne au travail. Il n'est pas
triste mais sérieux. Il referme l'entrée et retourne au travail.
42.3 -
Pendant qu'il est occupé à façonner quelque chose qui me semble être des
pièces de cercle d'une roue, la Maman
entre. Elle entre par une porte qui se
trouve sur le mur qui est au sud. Elle entre en toute hâte et court vers
Jésus.
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285> Elle porte un vêtement
azur foncé et rien sur la tête. Une simple tunique serrée à la taille par un
cordon de même couleur. Elle appelle, anxieuse, le Fils et Lui pose les deux
mains sur le bras en un geste de supplication douloureuse. Jésus la caresse
en lui mettant le bras sur l'épaule et la réconforte puis s'en va avec elle,
laissant le travail et quittant son tablier.
Je pense que vous voulez savoir aussi les paroles échangées. Bien peu de la part de Marie : "Oh !
Jésus ! Viens, viens. Il se sent mal !" Elle le dit avec un
tremblement des lèvres et des larmes qui brillent dans ses yeux rougis et
fatigués. Jésus ne dit que : "Maman !" mais il y a tout
dans cette parole.
Ils entrent dans une pièce voisine toute riante de soleil qui pénètre par une
porte entr'ouverte sur le jardinet rempli d'une lumineuse verdure et où
volent des colombes au milieu du linge étendu
à sécher. La pièce est pauvre mais bien rangée. Il y a une couche basse
couverte de petits matelas (je dis petits matelas, car c'est quelque chose
d'épais et de doux, mais ce n'est pas un lit comme le nôtre). Là-dessus, est
étendu Joseph, la tête appuyée à plusieurs oreillers. Il est mourant. On le
voit clairement, à son visage d'une pâleur livide, à son œil éteint, à sa
poitrine haletante et à l'abandon de tout le corps.
42.4 -
Marie se place à sa gauche, prend sa main calleuse et livide jusqu'aux
ongles. Elle la frotte, la caresse, la baise, essuie avec un linge la sueur qui fait des raies brillantes aux tempes
qui se creusent, la larme qui luit à coin de l’œil. Elle lui baigne les
lèvres avec un linge humecté d'un liquide qui semble du vin blanc.
Jésus se met à droite. Il lui soulève avec agilité et précaution le corps qui s'affaisse, le
redresse sur les oreillers avec l'aide de Marie. Il caresse l'agonisant sur
le front et cherche à le ranimer.
Marie pleure très doucement, sans bruit, mais elle pleure. Les larmes coulent le long de ses joues pâles jusque sur son
vêtement azur foncé. Elles semblent des saphirs étincelants.
Joseph se ranime et regarde fixement Jésus.
Il Lui donne la main, comme pour dire quelque chose et pour trouver dans ce
contact divin la force pour l'ultime épreuve. Jésus se penche sur cette main
et la baise. Joseph sourit. Puis il se tourne pour regarder et chercher Marie
et il lui sourit aussi.
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286> Marie s'agenouille
près du lit, essayant de sourire, mais elle y réussit mal et incline la tête.
Joseph lui pose la main sur la tête en une chaste caresse qui semble une
bénédiction.
On n'entend que le vol et le roucoulement des colombes, le bruissement des feuilles, le clapotement de l'eau, et
dans la pièce la respiration du mourant.
Jésus tourne autour du lit, prend un tabouret et fait asseoir Marie en lui disant encore et uniquement :
"Maman". Puis il retourne à sa place et reprend dans ses mains la
main de Joseph. La scène est si vraie que la peine de Marie m'arrache des
larmes.
42.5 -
Puis Jésus, se penchant sur la tête du mourant, lui murmure un psaume; mais à
présent, je ne peux dire lequel.
Il commence ainsi :
"Protège-moi, Seigneur, parce
que en Toi j'ai mis mon espoir...
Au profit des saints qui sont sur sa terre. Il a rempli merveilleusement tous
mes désirs...
Je bénirai le Seigneur qui me donne ses conseils...
J'ai toujours, en ma présence, le Seigneur. Il se tient à ma droite pour que
je ne chancelle pas.
Aussi mon cœur se réjouit et ma langue exulte; mon corps, lui aussi, reposera dans l'espérance.
Car Tu n'abandonneras pas mon âme au séjour des morts et Tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption.
Tu me feras connaître les chemins de la vie. Tu me combleras de joie par la vue de ta face" .
Joseph se réanime tout à fait. D'un
regard plus vivant il sourit à Jésus et Lui serre les doigts. Jésus répond
par un sourire au sourire de Joseph et par une caresse à l'étreinte de ses
doigts. Penché sur son père putatif, il continue doucement :
"Qu'ils sont aimables.
Seigneur, tes Tabernacles.
Mon âme se consume de désir pour les parvis du Seigneur.
Le passereau aussi trouve un abri, et la tourterelle un nid pour ses petits. Moi, je désire tes autels. Seigneur.
Bienheureux ceux qui habitent ta maison... Bienheureux l'homme qui trouve en
Toi sa force. Il a disposé son cœur à monter de la vallée des larmes au lieu qu'il a choisi.
O Seigneur, écoute ma prière...
O Dieu, tourne ton regard et contemple la face de ton Christ..."
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287>
Joseph, avec un sanglot, regarde Jésus et remue les lèvres
comme pour le bénir. Mais il ne peut. On se rend compte qu'il comprend mais
qu'il ne peut parler. Il est pourtant heureux: dans un regard plein de vie et de confiance en son Jésus.
"Oh! Seigneur, continue Jésus.
Tu as été favorable à ta terre, Tu as délivré Jacob de la servitude...
Montre-nous, ô Seigneur, ta miséricorde et envoie-nous le Sauveur.
Je veux écouter ce que dit, au dedans de moi, le Seigneur Dieu. Sûrement, c'est de paix qu'il parlera à son peuple, pour
ses saints et pour ceux qui ont le cœur tourné vers Lui.
Oui, ta santé est proche... et la gloire habitera sur la terre... La bonté et la vérité se sont rencontrées, et la justice et
la paix se sont baisées. La vérité s'est levée de la terre et la justice a
regardé du Ciel.
Oui, le Seigneur montrera sa bienveillance et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant Lui et laissera sur la route l'empreinte de ses pas" .
Tu l'as vue, cette heure, père, et
pour elle tu t'es fatigué. Tu as aidé l'arrivée de
cette heure et le Seigneur t'en récompensera. Je te le dis" ajoute Jésus
en essuyant une larme de joie qui descend lentement sur la joue de Joseph.
Puis il reprend :
"O Seigneur, souviens-Toi de
David et de toute sa mansuétude.
Comme lui en fit le serment au Seigneur : je n'entrerai pas dans ma maison, je ne monterai pas sur mon lit de repos, je
n'accorderai pas de sommeil à mes yeux, de repos à mes paupières, de relâche
à mon esprit, tant que je n'aurai pas trouvé une place pour le Seigneur, une
demeure pour le Dieu de Jacob...
Lève-Toi, Seigneur, et viens au lieu de ton repos, Toi et ton Arche sainte. (Marie comprend et fond en larmes).
Que tes prêtres soient revêtus de la justice et tes saints se réjouissent.
Pour l'amour de David ton serviteur, ne nous cache pas le visage de ton Christ.
Le Seigneur a fait à David avec serment une promesse et Il la tiendra : 'Je mettrai sur ton trône le fruit de ton
sein'.
Le Seigneur l'a choisie pour sa demeure...
Je ferai fleurir la puissance de David. Je préparerai pour mon Christ un
flambeau allumé " .
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288>
42.6 -
Merci, mon père, en mon nom et au nom de ma Mère. Tu as été pour Moi un père juste et l'Éternel t'a confié la
garde de son Christ et de son Arche Sainte. Tu as été le flambeau allumé pour
Lui, et pour le Fruit d'un sein sanctifié, tu as eu des entrailles de
charité. Va en paix, père. Ta Veuve ne sera pas sans secours. Le Seigneur a
tout disposé pour qu'elle ne reste pas seule. Va, je te le dis, en paix au
lieu de ton repos."
Marie pleure, le visage penché sur les couvertures (on dirait des manteaux)
étendues sur le corps de Joseph qui se refroidit. Jésus s'empresse de lui
rendre les derniers services car la respiration s'affaiblit et le regard se
voile.
"Heureux l'homme qui craint le
Seigneur et met toute sa joie à Lui obéir...
Sa justice demeure dans les siècles des siècles.
Parmi les hommes droits, il se lève au milieu des ténèbres, le
miséricordieux, le bienveillant, le juste...
Le souvenir du juste sera éternel... Sa justice est éternelle. Sa puissance s'élèvera jusqu'à la gloire... " .
Tu l'auras, cette gloire, père. Je
viendrai bientôt t'amener, avec les Patriarches qui
t'ont précédé, à la gloire qui t'attend. Que ton esprit exulte à ma parole.
"Qui repose dans l'assistance
du Très-Haut vit sous la protection du Dieu du Ciel ".
C'est là que tu es, mon père.
" Il m'a délivré des rets des chasseurs et des paroles méchantes.
Il te couvrira de ses ailes et sous tes plumes tu trouveras refuge.
Sa vérité te protégera comme un bouclier, tu ne craindras pas les frayeurs de
la nuit...
Le mal ne s'approchera pas de toi... car Il a donné l'ordre à ses anges de te
garder sur ta route.
Ils te porteront en leurs mains pour que ton pied ne heurte pas les cailloux.
Tu marcheras sur l'aspic et le basilic et tu fouleras aux pieds le dragon et
le lion.
Parce que tu as espéré dans le Seigneur, Il te dit, ô père, qu'il te libérera
et te protégera.
Parce que tu as élevé vers Lui ta voix, Il t'exaucera, Il sera avec toi dans ta dernière épreuve. Il te glorifiera après
cette vie en te faisant voir, dès cette vie son Salut"
.
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Et il te fera entrer dans l'autre vie par le Salut qui maintenant te
réconforte et qui promptement viendra, je te le répète, te serrer dans un
embrassement divin et t'emporter avec Lui, à la tête de tous les Patriarches,
là où est préparée la demeure du Juste de Dieu qui fut pour Moi un père béni.
Précède-Moi pour dire aux Patriarches que le Salut est venu en ce monde et
que le Royaume des Cieux leur sera bientôt ouvert. Va, père, que ma
bénédiction t'accompagne."
42.7 -
Jésus a élevé la voix pour arriver jusqu'à l'esprit de Joseph qui s'enfonce
dans les nuées de la mort. La fin est imminente. Le vieillard ne respire plus
qu'à peine. Marie le caresse. Jésus s'assied sur le
bord du lit. Il entoure et attire à Lui le mourant qui s'affaisse et s'éteint
paisiblement.
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