TEXTES DE LA MESSE.
Missel de
saint Pie X en usage à l’époque.
Introït :
Le
Seigneur s’est fait mon défenseur ; il m’a mis au large, il m’a sauvé, parce
qu’il s’est complu en moi. Ps. Je
vous aimerai, Seigneur vous qui êtes ma force ; le Seigneur est mon
rempart, mon refuge et mon libérateur. Gloire au Père … Psaume 17 (Hébreu 18), 19-20.2-3.
Collecte : Faites, Seigneur, que nous ayons toujours et la
crainte et l’amour de votre saint Nom ; car votre providence n’abandonne
jamais ceux que vous établissez solidement dans votre amour. Par N.S.J.C…
Épître : 1
Jean 3, 13-18.
Graduel : Dans ma détresse, j’ai crié vers le Seigneur, et
il m’a exaucé. Seigneur, délivrez mon âme des lèvres de mensonge et de la
langue trompeuse. Psaume
119 (Hébreu 120), 1-2.
Alléluia : Seigneur mon Dieu,
je mets en vous mon espérance, sauvez-moi de tous ceux qui me persécutent, et
délivrez-moi. Psaume 7, 2.
Évangile : Luc
14, 16-24.
Offertoire : Tournez-vous vers moi Seigneur,
et délivrez mon âme ; sauvez-moi à cause de votre miséricorde. Psaume 6, 5.
Secrète :
Que ce sacrifice, Seigneur, qui va être offert à votre Nom, nous purifie, et
nous élève de jour en jour à la pratique d’une vie toute céleste. Par
N.S.J.C…
Communion : Je chanterai le Seigneur pour
le bien qu’il m’a fait, et je célébrerai le nom du Seigneur, du Très-Haut. Psaume 12 (Hébreu 13), 6.
Postcommunion : Ayant reçu ces dons sacrés,
faites, s’il vous plaît, Seigneur, que les fruits de salut augmentent en nous
en même temps que la réception
fréquente de ce mystère. Par N.S.J.C…
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Dimanche 23 juin 1946.
158> Azarias
dit :
"Par
le passé et dans le temps présent, dans le futur et dans l'éternité, le
Seigneur t'a tirée au large et t'a sauvée parce qu'il t'aime, il te sauve et il
te sauvera encore parce qu'il t'aime. Tu dois le reconnaître et ne pas
craindre. Tu l'as toujours reconnu, même quand ton amour était encore très
imparfait et combattu par ta jeunesse, par les épreuves et les peines de ta
jeunesse. Tu dois le reconnaître encore maintenant, et toujours, tant que tu
seras avec lui.
Les actions des autres ne doivent pas se superposer comme d'épais voiles
entre Dieu et toi en sorte que tu ne reconnaisses plus son visage, sa voix,
son amour, sa paix et sa vérité. Je ne dirai rien de ceux qui détruisent la
paix et la confiance d'un cœur par leur attitude qui trouble les âmes et les
remplit de doutes. Mais je te le dis à toi : même si leurs actions te
blessent, qu'elles n'aient pas raison de toi par les peurs et les doutes émis
sur la vérité de la Voix et sur sa provenance.
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159> Le Seigneur t'a soignée, pauvre
petite âme, et tu l'as reconnu. Il est impossible en effet de confondre Dieu
et Satan, les voix célestes et les voix infernales, si celui qui les entend
se préoccupe davantage des effets qu'elles produisent que des délices de ces
paroles. Satan peut singer Dieu par son éloquence, mais il ne peut
communiquer cette grâce et cette paix que produisent les paroles divines et
celles des esprits de lumière. Il ne peut produire la grâce, ni la sainteté,
parce que ses paroles sont toujours mêlées d'insinuations qui ne peuvent être
acceptées par une âme en état de grâce. Il ne peut produire une sensation de
paix parce que l'âme en grâce tressaillit d'horreur au son des voix
infernales. Même si l'individu n'a pas d'autre signe pour reconnaître quel
est l'esprit qui parle, ce frémissement de l'âme suffit à donner à l'homme la
certitude que c'est la Ténèbre qui à ce moment se manifeste. Satan peut
tromper les pécheurs abrutis par le péché, les distraits et les irréfléchis,
les curieux qui, parce qu'ils veulent trop savoir, s'approchent imprudemment
de toutes les sources. Mais Satan ne peut tromper un esprit droit et uni à
Dieu. Tout ce qu'il peut, c'est le troubler en s'approchant de lui, le
blesser par une action directe ou par le biais de malheureux rarement
conscients de ce qu'ils font ; ces derniers, s'ils ignorent généralement ce
qu'ils font, sont néanmoins pour un temps les instruments utilisés par Satan
pour faire souffrir et effrayer les instruments de Dieu. Alors le Seigneur
intervient et vous sort de là, il vous tire au large et vous sauve en vous
plongeant dans son océan de paix et d'amour. C'est exactement ce qu'il a fait
pour loi, parce qu'il t'aime.
C'est aussi
aujourd'hui la veille de la Nativité de Jean-Baptiste, et l'introït de cette
sainte messe chante : "Ne crains pas, Zacharie, car ta prière a été
exaucée..." Je te le
dis : " Ne crains pas, Maria, car ta prière a été exaucée. " Jésus
exauce les prières de veux qui l'aiment. Il est intervenu pour t'éviter de
périr dans une mer de découragement. Sans m'adresser à toi seulement, mais à
toutes les âmes, je dis que, toujours, le Seigneur aime et conduit au large,
à l'abri, ceux qui savent se confier à lui sans peur.
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160> Soyez vainqueurs de la peur qui paralyse
l'amour, la confiance et la prière. Soyez vainqueurs de la peur qui témoigne
que vous êtes encore dans l'ignorance de Dieu et de sa puissance, de cette
peur qui montre l'imperfection de votre foi en Dieu. La foi véritable et
bonne est humble, elle accepte tout parce qu'elle dit : "Si Dieu le
dit ou me le fait dire, c'est le signe que la chose est vraie. "
Cette foi totale ne connaît jamais la peur, ni la défiance, ni le doute ou,
pire encore, l'intime conviction obstinée que Dieu ne peut pas telle
ou telle chose. Dieu peut tout. Vous devez espérer que Dieu peut tout. Vous
devez croire que Dieu peut tout.
Ne tuez pas l'amour par le doute ou le refus. Jamais. Ne brisez pas la chaîne
d'amour qui vous unit à Dieu par la phrase de ceux qui sont pleins de doutes
et qui veulent juger Dieu selon leur mesure, cette phrase de Zacharie qui lui
valut d'être puni : "Comment
cela se peut-il si...? " Zacharie
resta avec son interrogation scellée sur les lèvres jusqu'à ce qu'il sache de
nouveau croire et louer le Seigneur en le reconnaissant capable d'accomplir
n'importe quel prodige.
Ne méritez jamais, chères âmes, la punition du mutisme spirituel à cause
d'une défiance envers le Très-Haut. Et priez afin d'être maintenues en cet
esprit de foi absolue dans le Seigneur votre Dieu, en cet esprit de crainte
uni à l'amour du Seigneur béni comme le rappellent les oraisons de la messe
d'aujourd'hui.
Observez
la belle foi de Jean-Baptiste en celui qu'il ne connaissait que par ce qu'en
disaient les prophètes. Rien ne désignait le Messie dans l'humble voyageur
qui venait vers les rives du Jourdain . Mais la
foi, quand elle est absolue, quand elle s'unit à une charité absolue, donne
la prescience et la possibilité de voir et entendre Dieu, même lorsqu'il se
cache sous l'apparence d'une vie ordinaire. Jean vit le Messie en l'homme de
Galilée et, comme la sainte crainte de Dieu avait fait de lui un saint, de
même son très saint amour en fit un voyant.
La crainte de Dieu qui préserve des fautes donne à l'esprit de l'homme une
vue sûre ; l'esprit qui "voit" ne peut ne pas croire en Dieu et en
sa Parole, et ainsi ne peut ne pas se sauver de la mort spirituelle. Jean, le
Précurseur, prêchait la crainte de Dieu pour préparer les chemins du Christ
qui venait sauver son peuple. Jésus, le Sauveur, prêcha l'amour pour porter
son peuple sur la voie du salut.
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161> La crainte précède toujours
l'amour ; c'est, pour ainsi dire, l'incubation de l'amour, c'est la
métamorphose du sentiment vers un degré plus élevé. La crainte est encore au
niveau de l'homme, l'amour est déjà au niveau de l'esprit. L'homme qui craint
Dieu est indéniablement sur la bonne voie si sa crainte est juste, en
d'autres termes s'il ne s'agit pas d'une peur ignorante et irraisonnée de
Dieu ; la crainte est toujours un sentier battu pour celui qui n'a pas encore
libéré ses ailes pour voler vers une plus haute connaissance de ce qu'est
Dieu : miséricorde et amour. L'homme qui craint se sent encore
"châtié" à cause de la faute originelle et des siennes actuelles.
L'homme qui aime se sent "pardonné" par les mérites du Christ, et
revêtu de ces mêmes mérites, au point que le Père ne le voit plus comme un
sujet, mais comme un fils. Si la crainte est bonne pour tenir le mors et les
rênes de la matière, l'amour est sublime pour mettre la chaleur de la
sainteté dans l'esprit.
Par la crainte seule le coupable se repent, mais son repentir est encore muet
et obscur parce qu'étouffé, comme la flamme sous le boisseau, par la peur du
Dieu Juge. Le coupable qui unit l'amour à sa crainte peut souffler ; alors
son âme se trouve déjà dans une lumière qui l'aide à parler au Père et à voir
son état spirituel. Ce ne sont plus seulement les fautes graves qui se
dévoilent, mais aussi les fautes vénielles et les imperfections, comme une
couche d'herbe sous de très grands arbres ; à partir du moment où l'on s'en
rend compte, il devient possible, non seulement de scier les arbres, mais
aussi d'arracher les plantes pour préparer le terrain afin de pouvoir y semer
les vertus chères à Dieu.
Le
coupable qui a l'amour pour force a, certes, le parfait repentir puisqu'il ne
se repent déjà plus par peur d'être puni, mais par la douleur d'avoir affligé
son Dieu très aimé ; mais il trouve aussi dans l'amour même sa première
absolution. Et véritablement, rares sont les fois où celui qui aime de tout
son être commet des fautes mortelles. Seul un assaut imprévu et féroce de
Satan et de la chair peuvent l'abattre un instant. Mais généralement l'amour préserve
de la chute . Plus
cet amour est fort, plus la capacité à pécher est faible, aussi bien en
nombre qu'en gravité, jusqu'à réduire le péché en imperfections à peine apparentes chez ceux qui ont atteint l'amour absolu, c'est-à-dire
la sainteté.
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162> L'apôtre
Jean, l'heureux et amoureux Jean, vous donne dans son épître la mesure de ce
que peut la charité et les hauteurs qu'elle atteint ; et, en opposition, il montre
l'abîme dans lequel se précipite celui qui n'a pas la charité :
"Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, puisque
nous aimons nos frères."
De la mort à la vie ! Quelle phrase lapidaire, Maria ! L'homme est mort, c'est un
mort s'il n'aime pas. S'il aime, l'homme ressuscite et acquiert la vie, après
avoir été un mort ! Comment un tel miracle est-il possible ? Les pauvres, les
vrais pauvres du monde, c'est-à-dire ceux qui ne connaissent pas Dieu, ne
peuvent comprendre cette vérité et ils la tournent en dérision comme une
parole de délire. Mais celui qui croit, qui croit réellement, la comprend.
Dieu est charité. Celui qui aime est donc en Dieu
. Qui est
celui qui donne ou rend la vie ? Dieu. D'une part, il tire l'homme de la boue
et le vivifie par son souffle divin sur la glaise. D'autre part, il coopère à
la procréation des hommes en créant une âme pour l'embryon animal qui a été
conçu dans un sein. L'âme est en effet la vie de l'homme qui n'est pas une
brute, qui ne serait pas vivant, même matériellement, sans cette vie de l'âme
en son être propre, car le souffle dans les narines ne suffit pas à la vie de
l'homme comme il suffit à l'animal: l'homme doit posséder cette perle
spirituelle, cette veine spirituelle qui le tient uni au sein de son
Créateur, il doit se nourrir de lui qui est Esprit, lumière, sagesse et
amour. Ou encore il redonne son âme à celui qui l'a déjà rendue en la
ressuscitant. C'est toujours le "Je veux" de Dieu qui fait vivre la
créature.
Mais la créature a une vie dans sa vie : son âme.
Celle-ci, qui ne meurt pas avec la mort physique puisqu'elle est immortelle,
peut certes mourir si, comme je l'ai dit plus haut, elle se coupe du sein de
son Seigneur. La haine, quelle qu'en soit la forme et le témoignage, est le
couteau qui coupe le lien avec le Seigneur, et l'âme, séparée de son Dieu,
meurt.
C'est pourquoi seule la charité transforme les morts en vivants. Car sans
charité vous êtes morts. Et beaucoup étaient morts, la majorité, avant que la
Charité faite chair ne vienne pour enseigner l'amour comme
salut.
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163> C'est à juste titre que l'apôtre Jean peut
dire que les vrais chrétiens savent qu'ils sont passés de la mort à la vie
par la charité qui leur a commandé d'aimer leurs frères jusqu'au sacrifice de
leur vie, en donnant l'exemple de l'amour parfait. Le commandement d'amour,
que les bons accueillent, est comme l'haleine de vie soufflée sur la glaise
pour en faire Adam, ou le "Fiat" qui se répète à chaque infusion
d'âme en un germe d'homme, et par-dessus tout comme le cri de celui qui est
la résurrection, qui s'adressait aux ressuscités de Palestine : "Je te
le dis : lève-toi !, et "Lazare, sors !"
Dieu
refait sa demeure en l'homme par l'amour, et il ramène les morts à la vie par
l'amour. Mais celui qui n'aime pas reste dans la mort, c'est-à-dire dans le
péché, parce que le péché sous toutes ses formes, c'est la haine. Le fils qui
ne respecte pas ses parents et les opprime par de prétendus droits et par
égoïsme, celui qui nuit à son prochain par la violence, le vol, la calomnie,
ou encore par l'adultère, celui-là est homicide. Il n'est pas nécessaire de
tuer pour être homicide. Même celui qui fait mourir de honte ou de douleur, qui
pousse les âmes au désespoir par des actions qui enlèvent la paix, la foi,
l'honneur, l'estime, ou encore le moyen de travailler, de vivre, de faire
vivre la famille, celui qui conduit, par sa férocité sanguinaire ou par
quelque subtile persécution morale à désespérer de Dieu et à mourir en le
haïssant, est homicide de ses frères ; c'est comme s'il tentait de tuer Dieu,
en une nouvelle crucifixion, parce que Dieu est dans vos frères, et vos
frères sont en Dieu dont ils sont les fils. L'homicide de ses frères, celui
qui haït ses frères matériellement, moralement ou spirituellement ne les
blesse pas seulement eux, mais c'est Dieu qu'il frappe à travers eux et,
comme tous les déicides, c'est un mort.
Les morts
n'entrent pas dans le Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu commence dans
l'esprit de l'homme sur la terre par l'union à Dieu, il se complète au ciel
par la pleine possession de Dieu. Ici, sur la terre, Dieu est en vous et, au
ciel, vous serez en Dieu. Mais Dieu n'entre pas dans la putréfaction de la
mort, et la pourriture de la mort n'entre pas au ciel. Comme dans la
Jérusalem éternelle il n'y aura pas de temple " parce que son Temple,
c'est le Seigneur dans lequel nous serons tous ".
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164> De même, il n'y aura plus besoin de soleil ni
de lune parce que Dieu est sa splendeur et l'Agneau son luminaire ; il n'y aura
pas de portes parce qu'elle n'aura plus d'ennemi ni de ténèbres pour la haïr
; il n'y aura personne d'impur ou de corrompu, rien de mort, mais ceux-là
seuls qui auront inscrit leur nom dans le Livre de la Vie, c'est-à-dire dans
l'amour qui est Vie. "Voici comment nous avons connu l'amour de Dieu :
il a donné sa vie pour nous."
Voici la
mesure du parfait amour : l'immolation. Jésus-Amour vous l'a manifesté
en mourant sur un gibet après vous avoir donné la doctrine et les miracles
qui, eux aussi, sont amour, quoique imparfait puisque la perfection de
l'amour se trouve dans le sacrifice. Jésus lui-même déclara, au seuil de sa
Passion, quand il pouvait déjà dire avoir achevé sa prédication, quand il
aurait dû être découragé parce qu'au fleuve de ses paroles ne correspondait
qu'un minuscule ruisseau de convertis : "Quand je serai élevé de terre,
j'attirerai tout à moi. " Le
Christ savait que seule l'immolation vaincrait les obstacles de Satan et de
la chair, et que ses paroles ne pouvaient germer que sous la pluie de son
sang.
L'immolation. La générosité : il y a une générosité matérielle dans les
œuvres de miséricorde corporelle, une générosité morale dans les œuvres de miséricorde
spirituelle. Mais la générosité par excellence, parce que spirituelle, c'est
de savoir mourir d'amour pour donner la vie aux esprits de ses frères morts
en esprit, en leur communiquant l'amour dont ils sont privés. L'exemple est
la plus sainte et la plus active des leçons, et l'action est l'unique chose
vraie. Sachez donc aimer "en œuvres et en vérité", pas seulement en
paroles, alors l'amour de Dieu sera en vous.
Et toi,
mon âme ? Pour toi, voici l'épître de la sainte messe de la vigile de saint
Jean-Baptiste. Le Seigneur t'a déjà parlé il y a plusieurs mois de ce passage
de Jérémie . Il sera
bon pour toi d'y repenser pour te persuader que tu es ce que tu es parce que
Dieu le veut, car ce qui se passe et résonne en toi est la volonté et la Parole
de Dieu ; il sera tout aussi bon pour toi de relire les actions que la
divinité accomplit pour préparer ses "voix".
"Avant même de te former dans le sein de ta mère, je t'ai connu."
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165> Bien sûr,
mon âme ! Dieu n'ignore pas ses créatures. Il en respecte la liberté
d'action, il sait par quelles voies elles passeront pour se sanctifier ou se
damner, il voit ce qui sera pour eux une cause de mal ou une cause de bien ;
il sait déjà qui s'immolera secrètement pour disputer une âme à Satan au
profit de la créature qui possède cette âme, et il coopère par ses lumières,
ses inspirations et par les mérites de Jésus à la lutte contre Satan et le
bon sens humain pour sauver un de ses fils et le conduire au ciel.
Parce qu'il est Père, Dieu n'aurait voulu que des saints parmi les hommes.
Mais le Mal s'oppose au Bien et, si la bataille augmente les mérites de celui
qui ressort victorieux, il est aussi vrai que la bataille laisse morts dans
la boue de nombreux faibles...
Avant même que tu ne sois, Dieu t'a connue. Il a connu la petite Maria, la
petite "voix", toute de hardiesse dans sa petitesse, et pour cette
raison il t'a aimée. Tu connaîtras toutes les œuvres de grâce qu'il a
accomplies en toi quand tu seras au ciel. Mais crois ton ange gardien : le
Père a agi envers toi de la même manière que chaque battement du cœur pousse
le sang dans les veines du sein et le change en vague de lait chez la mère
qui nourrit son petit avec amour, et du sein le verse dans la bouche du bébé
qui s'en nourrit et grandit sans même savoir qu'il tire vie et croissance de
ce tiède et doux liquide ; de même, à ton insu, le Père a prodigué ses œuvres
pour toi et t'a formée pour que tu deviennes ce que tu es maintenant. Et encore
: comme le bébé sourit instinctivement au sein qui le nourrit sans même
savoir précisément ce qui lui en vient, et tend vers lui sa petite main et sa
bouche avide, toi de même, instinctivement, tu t'es donnée à Dieu sans
désirer rien d'autre que lui. Cette action réciproque d'amour a permis à Dieu
de te former, et à toi de te former, parce que le succès de la volonté de
Dieu a toujours deux sources : son amour et l'amour de la créature, fondus en
un seul amour et désir : faire ce qui est bon.
"Je
ne sais pas parler", disait Jérémie. Toi, tu disais et tu dis
encore : "Je n'en suis pas digne. Pourquoi moi ? Est-il possible que
tu choisisses une nullité ?"
À toi comme à Jérémie le Seigneur répond :
"Ne parle pas ainsi car 'tu iras vers tous ceux à qui je t'enverrai, et
tout ce que je t'ordonnerai, tu le diras. N'aie aucune crainte en présence
des hommes car je suis avec toi pour te délivrer."
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166> Oh ! Comme le Seigneur se complaît dans les
humbles et obéissantes nullités ! Ne crains pas, mon âme, ta "nullité"
n'est capable que d'aimer. Mais "le Seigneur étendit sa main, toucha sa
'victime' et te dit : 'Voici ! Je place mes paroles en ta bouche pour le bien
de tes frères."
"Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi", a dit le
Rédempteur.
Tu as demandé et obtenu la croix et, clouée sur elle, tu as espéré, par ton
sacrifice, attirer beaucoup d'âmes au Seigneur. Le Seigneur ne t'a pas donné
ce seul aimant pour attirer tes frères à Dieu, il t'a aussi donné cet autre
aimant qu'est la Parole.
Reste sur la croix, jusqu'à la fin, et attire tes frères à Dieu, en souffrant
et en recevant les paroles, en mourant et en donnant à chaque instant par
amour, avec amour, avec un amour que rien n'effraie : "Parce que l'amour
total est plus fort que la mort, et les eaux ne peuvent l'éteindre ni les
fleuves le submerger "
Que ton amour ne soit ébranlé ni par l'apathie des hommes, ni par la rancœur
de Satan.
Demeure là où Dieu t'a mise : dans son amour. Et ne crains pas, parce
qu'avant même que tu ne l'invoques, Dieu agit en libérant ton âme de qui te
persécute.
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