Le dimanche 1er
avril 1945.
(Dimanche de Pâques).
227> 616.1 – Les femmes reprennent leurs
travaux aux huiles qui, dans la nuit, à la fraîcheur de la cour, se sont
solidifiées en une lourde pâte.
Jean et Pierre pensent à ranger le Cénacle, en lavant la vaisselle, mais
remettent tout dans l’état où c’était dès la fin de la Cène.
"Lui l’a dit" dit Jean.
"Il avait dit aussi : 'Ne dormez pas !' Il avait dit : 'Ne sois pas
orgueilleux, Pierre. Ne sais-tu pas que l’heure de l’épreuve va venir ?'
Et... et il a dit : 'Tu me renieras...' "
Pierre pleure de nouveau en disant avec un sombre chagrin :
"Et moi, je l’ai renié !"
"Assez, Pierre ! Maintenant tu es revenu. Assez de ce tourment !"
"Jamais, jamais assez. Si je devenais vieux comme les premiers
patriarches, si je vivais les sept ou les neuf cents années d’Adam et de ses
premiers descendants, je ne cesserai jamais d’avoir ce tourment."
"Tu n’espères pas dans sa Miséricorde ?"
"Si. Si je n’y croyais pas, je serais comme l’Iscariote : un désespéré.
Mais même si Lui me pardonne du sein du Père où il est retourné, moi, je
ne me pardonne pas. Moi ! Moi ! Moi qui ai dit : " Je ne le
connais pas " parce qu'à ce moment-là il était dangereux de le
connaître, parce que j’ai eu honte d’être son disciple, parce que j’ai eu
peur de la torture... Lui allait à la mort, et moi... moi, j’ai pensé à me
sauver la vie. Et pour la sauver je l’ai repoussé, comme une femme qui a
péché repousse, après l’avoir enfanté, le fruit de son sein, qu’il est
dangereux d’avoir près d’elle, avant que revienne le mari ignorant. Je suis
pire qu’une adultère… pire que..."
616.2 – Marie-Madeleine entre, attirée
par ses cris.
"Ne crie pas ainsi. Marie t’entend. Elle est tellement épuisée ! Elle
n’a plus aucune force, et tout lui fait mal. Tes cris inutiles et désordonnés
la ramènent à se tourmenter de ce que vous avez été..."
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228> "Tu vois ? Tu vois, Jean ? Une
femme peut m’imposer le silence. Et elle a raison, parce que nous, les mâles
consacrés au Seigneur, nous avons su seulement mentir ou nous éloigner. Les
femmes ont été braves. Toi, un peu plus qu’une femme, tant tu es jeune et
pur, tu as su rester. Nous, nous, les forts, les mâles, nous nous sommes
enfuis. Oh ! quel mépris doit avoir le monde pour moi ! Dis-le-moi,
dis-le-moi, femme ! Tu as raison ! Mets ton pied sur cette bouche qui a
menti. Sur la semelle de ta sandale il y a peut-être un peu de son Sang. Et seul ce Sang, mêlé à la boue du chemin, peut donner un peu de
pardon, un peu de paix à celui qui a renié. Je dois pourtant m’habituer au
mépris du monde ! Que suis-je ? Mais dites-le : que suis-je ?"
"Tu es un grand orgueilleux, répond avec calme Marie-Madeleine.
Douleur ? Cela aussi. Mais crois pourtant que sur dix parts de ta douleur
cinq, pour ne pas t’offenser en disant six, viennent de la douleur d’être
quelqu’un qui peut être méprisé. Mais réellement je devrai te mépriser si tu
ne fais que gémir et te mettre dans tous tes états absolument comme fait une
sotte femmelette ! Ce qui est fait est fait, et ce ne sont pas les cris
désordonnés qui le réparent et l’annulent. Ils ne font qu’attirer l’attention
et mendier une compassion qu’on ne mérite pas. Sois viril dans ton repentir.
Ne crie pas. Agis.
616.3 – Moi... tu sais qui j’étais...
Mais quand j’ai compris que j’étais plus méprisable qu’un vomissement, je ne
me suis pas livrée aux convulsions. J’ai agi. Publiquement. Sans indulgence
pour moi et sans demander l’indulgence. Le monde me méprisait ? Il avait
raison. Je l’avais mérité. Le monde disait : "Une nouvelle fantaisie de
la prostituée" ? Et il appelait blasphème mon recours à Jésus ? Il avait
raison. Ma conduite passée le monde se la rappelait, et elle justifiait
toutes ces remarques. Eh bien ? Le monde a dû se persuader que la pécheresse
Marie n’existait plus. C’est par mes actes que j’ai persuadé le monde.
Fais-en autant, et tais-toi."
"Tu es sévère, Marie" objecte Jean.
"Plus avec moi qu’avec les autres. Mais je le reconnais : je n’ai pas la
main légère de la Mère. Elle est l’Amour. Moi.., oh ! moi ! J’ai brisé mes
sens par le fouet de ma volonté. Et je le ferai davantage.
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229> Crois-tu que je me suis
pardonnée d’avoir été la Luxure ? Non. Mais je ne le dis qu’à moi-même.
Et toujours je me le dirai. Je mourrai consumée en ce secret regret d’avoir
été ma propre corruptrice, dans l’inconsolable douleur de m’être profanée et de
n’avoir pu Lui donner qu’un cœur piétiné... Tu vois.., j’ai travaillé plus
que toutes aux baumes... Et avec plus de courage que les autres je le
découvrirai... Oh ! Dieu ! comment sera-t-il maintenant ! (Marie de Magdala
pâlit, rien que d’y penser). Et je le couvrirai de nouveaux baumes en
enlevant ceux qui certainement seront tout à fait corrompus sur ses plaies
sans nombre... Je le ferai, parce que les autres sembleront des liserons
après une averse... Mais j’ai le regret de le faire avec ces mains qui ont
donné tant de caresses lascives, de m’approcher de sa Sainteté avec ma chair
souillée... Je voudrais... je voudrais avoir la main de la Mère Vierge
pour faire cette dernière onction..."
Marie pleure maintenant doucement, sans sanglots. Combien différente
de la Marie-Madeleine théâtrale qu’on nous présente toujours ! Ce sont les
mêmes larmes silencieuses qu’elle avait le jour de son pardon dans la maison
du Pharisien .
616.4 – "Tu dis que... les femmes
auront peur ?" lui demande Pierre.
"Pas peur... Mais elles se troubleront certainement devant son Corps
certainement déjà corrompu... enflé... noir. Et puis, c’est certain, elles
auront peur des gardes."
"Veux-tu que je vienne moi ? Et Jean avec moi ?"
"Ah ! cela, non ! Nous sortons toutes parce que, comme nous
étions toutes là-haut, il est juste que nous soyons toutes
autour de son lit de mort. Toi et Jean, vous restez ici. Elle ne peut rester
seule !... "
"Elle ne vient pas, Elle ?"
"Nous ne la laissons pas venir !"
"Elle est convaincue qu’il va ressusciter... Et toi ?"
"Moi, après Marie, je suis celle qui croit le plus. J’ai toujours cru
qu’il pouvait en être ainsi. Lui le disait. Et Lui ne ment jamais... Lui !...
Oh ! avant je l’appelais Jésus, Maître, Sauveur, Seigneur... Maintenant je le
sens si grand que je ne sais, je n’ose plus Lui donner un nom... Que
Lui dirai-je quand je le verrai ?..."
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230> "Mais crois-tu vraiment qu’il
ressuscite ?..."
"Un autre ! Oh ! à force de vous dire que je crois et de vous entendre
dire que vous ne croyez pas, je finirai par ne plus croire moi non plus !
J’ai cru et je crois. J’ai cru et je Lui ai depuis longtemps préparé son
vêtement. Et pour demain, car demain c’est le troisième jour, je l’apporterai
ici, prêt..."
"Mais si tu dis qu’il sera noir, enflé, laid ?"
"Laid, jamais. Laid est le péché. Mais.., mais oui ! Il sera noir. Eh
bien ? Lazare n’était-il pas déjà pourri ? Et pourtant il est ressuscité et
sa chair fut guérie. Mais, mais si je le dis !... Taisez-vous, incroyants !
En moi aussi la raison humaine dit : "Il est mort et il ne ressuscitera
pas". Mais mon esprit, "son" esprit, car j’ai eu de Lui un
nouvel esprit, crie, et il semble que retentissent des trompettes d’argent :
"Il ressuscite ! Il ressuscite ! Il ressuscite !" Pourquoi me
battez-vous comme une nacelle sur les écueils de votre doute ? Je crois ! Je
crois, mon Seigneur ! Lazare a obéi, malgré son déchirement, au Maître et il
est resté à Béthanie... Moi qui sais qui est Lazare de Théophile : un homme
courageux, pas un levraut craintif, je puis mesurer son sacrifice de rester
dans l’ombre et non près du Maître. Mais il a obéi. Plus héroïque dans cette obéissance
que s’il l’avait arraché par les armes aux hommes armés. Moi, j’ai cru, et je crois. Et je reste ici, à l’attendre, comme
Elle. Mais laissez-moi aller. Le jour se lève et à peine y verrons-nous
suffisamment que nous irons au Tombeau... "
Et Marie-Madeleine s’en va, le visage brûlé par les pleurs, mais
toujours courageuse.
616.5 – Elle rentre chez Marie.
"Qu’avait Pierre ?"
"Une crise de nerfs. Mais c’est passé."
"Ne sois pas dure, Marie. Il souffre."
"Moi aussi. Mais tu vois que je ne t’ai pas même demandé une caresse.
Lui a déjà été soigné par toi... Et moi, au contraire, je pense que toi
seule, ma Mère, tu as besoin de baume. Ma Mère, sainte, aimée ! Mais prends
courage... Demain, c’est le troisième jour. Nous nous enfermerons ici à
l’intérieur, nous deux : ses énamourées. Toi, l’Enamourée sainte, moi, la
pauvre énamourée... Mais c’est comme je puis que je le suis, avec tout
moi-même. Et nous l’attendrons... Eux, ceux qui ne croient pas, nous les
enfermerons à côté, avec leurs doutes. Et ici, je mettrai tant de roses...
Aujourd’hui, je vais faire apporter le coffre... Je vais passer au palais et
je vais donner des ordres à Lévi.
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231> Au loin toutes ces horribles choses
! Il ne doit pas les voir, notre Ressuscité... Tant de roses... Et tu te
mettras un habit neuf... Il ne doit pas te voir ainsi. Je vais te peigner, je
vais laver ce pauvre visage que tant de pleurs ont défiguré. Éternelle
enfant, je vais te servir de mère... J’aurai enfin la joie de donner des
soins maternels à une enfant plus innocente qu’un nouveau-né ! Aimée !"
Et avec son affection exubérante, Marie-Madeleine serre contre sa poitrine la
tête de Marie qui est assise, la baise, la caresse, remet en ordre les
légères boucles des cheveux dépeignés derrière les oreilles, essuie les
nouvelles larmes qui descendent encore, encore, toujours, avec l’étoffe de
son vêtement...
616.6 – Les femmes entrent avec des
lampes et des amphores et des vases aux larges becs. Marie d’Alphée porte un
lourd mortier.
"On ne peut rester dehors. Il y a un peu de vent et il éteint les
lampes" explique-t-elle.
Elles se placent sur un côté. Sur une table, étroite mais longue, elles
placent tout leur matériel et puis elles donnent un dernier apprêt à leurs
baumes, en mêlant dans le mortier, avec une poussière blanche qu’elles
sortent à poignées d’un sachet, la pâte déjà lourde des essences. Elles
mélangent en travaillant énergiquement et puis emplissent un vase au large
bec. Elles le placent sur le sol et répètent avec un autre la même opération.
Parfums et larmes tombent sur les résines.
Marie-Madeleine dit :
"Cela n’était pas l’onction que j’espérais pouvoir te
préparer."
En effet Marie-Madeleine, plus habile que toutes, a toujours réglé et dirigé
la composition du parfum, si capiteux, qu’elles se décident à ouvrir la porte
et à entrouvrir la fenêtre sur le jardin qui commence juste à blanchir.
Toutes pleurent plus fort après l’observation à voix basse de
Marie-Madeleine.
Elles ont fini. Tous les vases sont pleins.
Elles sortent avec les amphores vides, le mortier désormais inutile, et
plusieurs lampes. Il en reste seulement deux dans la petite pièce et elles
tremblent, semblent sangloter elles aussi avec les palpitations de leur
lumière...
Les femmes rentrent et ferment de nouveau la fenêtre car l’aube est un peu
froide. Elles se revêtent de leurs manteaux et prennent de larges sacs où
elles placent les vases de baume.
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232> 616.7 – Marie se lève et cherche son
manteau, mais toutes se pressent autour d’elle pour la persuader de ne pas
venir.
"Tu ne tiens pas debout, Marie. Cela fait deux jours que tu ne prends
pas de nourriture, un peu d’eau seulement."
"Oui, Mère, nous ferons vite et bien. Et nous reviendrons tout de
suite."
"Ne crains pas. Nous l’embaumerons comme un roi. Tu vois quel baume précieux
nous avons composé ! Et combien !..."
"Nous ferons attention aux membres et aux blessures et nous le mettrons
en place avec nos mains. Nous sommes fortes et nous sommes mères. Nous le
mettrons comme un enfant dans son berceau. Et aux autres il ne restera qu’à
fermer sa place."
Mais Marie insiste :
"C’est mon devoir" dit-elle. "C’est moi qui l’ai toujours
soigné. Ce n’est que pendant ces trois années qu’il a appartenu au monde que
j’ai cédé à d’autres de prendre soin de Lui quand il était loin de moi.
Maintenant que le monde l’a repoussé et renié, il m’appartient de nouveau, et
je redeviens sa servante."
Pierre, qui avec Jean s’était approché de la porte, sans être vu par les
femmes, s’enfuit en entendant ces paroles. Il s’enfuit dans quelque coin
caché pour pleurer sur son péché. Jean reste près du seuil, mais il ne dit
rien. Il voudrait bien y aller lui aussi, mais il fait le sacrifice de rester
près de la Mère.
616.8 – Marie-Madeleine ramène Marie à
son siège. Elle s’agenouille devant elle, embrasse ses genoux en levant vers
elle son visage douloureux et énamouré et elle lui promet :
"Lui, avec son Esprit, sait et voit tout. Mais à son Corps, avec des
baisers, je Lui dirai ton amour, ton désir. Je sais ce que c’est que l’amour.
Je sais quel aiguillon, quelle faim c’est d’aimer, quelle nostalgie d’être
avec celui qui est l’amour pour nous. Et ceci existe aussi dans les vils
amours qui semblent de l’or et qui sont de la boue. Quand ensuite la
pécheresse peut savoir ce qu’est l’amour saint pour la Miséricorde vivante
que les hommes n’ont pas su aimer, alors elle peut mieux comprendre ce qu’est
ton amour, Mère. Tu sais que je sais aimer.
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233> Et tu sais que Lui l’a dit ,
en cette soirée de ma vraie naissance, là-bas sur les rives de notre lac
serein, que Marie sait beaucoup aimer. Or cet amour exubérant qui est
le mien, comme l’eau qui déborde d’un bassin incliné, comme le rosier en
fleurs qui passe par dessus un mur, comme la flamme qui trouvant sa
nourriture prend et s’élève davantage, s’est tout entier déversé sur Lui, et
a tiré de Lui-Amour une nouvelle puissance... Oh ! pourquoi ma puissance
d’aimer n’a-t-elle pas pu se substituer à Lui sur la Croix !... Mais ce que
je n’ai pas pu faire pour Lui — souffrir, verser mon sang, et mourir à sa
place au milieu des mépris de tout le monde, heureuse, heureuse, heureuse de
souffrir à sa place, et, j’en suis certaine, le cours de ma pauvre vie en
aurait été brûlé plus par l’amour triomphal que par le gibet infâme, et
serait sortie des cendres la fleur nouvelle, candide de la vie nouvelle,
pure, vierge, ignorante de tout ce qui n’est pas Dieu — tout cela que je n’ai
pas pu faire pour Lui, pour toi je puis le faire encore... Mère que j’aime de
tout mon cœur. Fie-toi à moi. Moi qui ai su, dans la maison de Simon le
pharisien, caresser si doucement ses pieds saints, maintenant avec mon âme
qui s’ouvre de plus en plus à la Grâce, je saurai encore plus doucement
caresser ses membres saints, soigner ses plaies, les embaumer plus avec mon
amour, plus avec le baume tiré de mon cœur sous l’action de l’amour et de la
douleur, qu’avec l’onguent. Et la mort n’abîmera pas ces chairs qui ont donné
tant d’amour et en ont tant reçu. La Mort fuira, car l’Amour est plus fort
qu’elle. L’Amour est invincible. Et moi, Mère, avec ton amour parfait, avec
mon amour total, j’embaumerai par l’amour mon Roi d’Amour."
Marie embrasse cette passionnée qui, finalement, a su trouver qui mérite tant
de passion et elle cède à sa prière.
616.9 – Les femmes sortent en
emportant une lampe. Dans la pièce il n’en reste qu’une. Marie-Madeleine sort
la dernière après un dernier baiser à la Mère qui reste.
La maison est toute sombre et silencieuse. Le chemin est encore obscur et
solitaire.
Jean demande :
"Vous ne voulez vraiment pas de moi ?"
"Non. Tu peux être utile ici. Adieu."
Jean revient trouver Marie.
"Elles n’ont pas voulu de moi..." dit-il doucement.
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234> "Ne t’en mortifie pas. Elles
sont à Jésus, toi à moi. Jean, prions un peu ensemble. Où est Pierre ?"
"Je ne sais pas. Dans la maison. Mais je ne le vois pas. C’est... Je le
croyais plus fort... Moi aussi, j’ai de la peine, mais lui..."
"Lui a deux douleurs, toi une seule. Viens, prions aussi pour
lui."
Et Marie dit lentement le "Pater noster". Puis elle caresse Jean :
"Va trouver Pierre. Ne le laisse pas seul. Il a été tellement dans les
ténèbres en ces heures, qu’il ne supporte même pas la légère lumière du
monde. Sois l’apôtre de ton frère égaré. Commence par lui ta prédication. Sur
ton chemin, et il sera long, tu en trouveras toujours qui lui ressemblent.
Commence ton travail avec ton compagnon..."
"Mais que dois-je dire ?... Moi, je ne sais pas... Tout le fait
pleurer..."
"Dis-lui Son précepte d’amour. Dis-lui que celui qui seulement craint ne
connaît pas encore Dieu suffisamment, car Dieu est Amour. Et s’il te dit :
"J’ai péché" réponds-lui que Dieu a tant aimé les pécheurs que pour
eux Il a envoyé son Fils Unique. Dis-lui qu’à tant d’amour il faut répondre
par l’amour. Et l’amour donne la confiance dans le Seigneur très bon. Cette
confiance ne nous fait pas craindre son jugement parce que, avec elle, nous
reconnaissons la Sagesse et la Bonté divine et nous disons : "Je suis
une pauvre créature, mais Lui le sait, et Il me donne le Christ comme
garantie de pardon et colonne de soutien. Ma misère est vaincue par mon union
avec le Christ". C’est au nom de Jésus que tout est pardonné... Va,
Jean, dis-lui cela. Je reste ici avec mon Jésus..." et elle caresse le
Suaire.
Jean sort en fermant la porte derrière lui.
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