Dictée du dimanche 20 février 1944.
196> 613.1 - Il fait déjà nuit quand Jésus
dit :
«Tu as vu ce qu’il en coûte d’être
Sauveur. Tu l’as vu chez moi et chez Marie. Tu as connu toutes nos tortures,
et tu t’es rendu compte de la générosité, de l’héroïsme, de la patience, de
la douceur, de la constance et de la force avec lesquelles nous les avons
subies, poussés par l’amour de votre salut.
197> Tous ceux qui le veulent et qui
demandent au Seigneur Dieu de faire d’eux des “sauveurs” doivent bien penser
que Marie et moi sommes le modèle et se rendre compte des tortures à partager
pour sauver. Si ce ne sont pas la croix, les épines, les clous ou les coups
de fouet, il y en aura d’autres, de formes et de natures différentes, mais
tout aussi douloureuses et consumantes. Car c’est seulement par la
consommation du sacrifice au moyen de ces souffrances que l’on peut devenir
sauveur.
C’est une mission ardue, la plus ardue de toutes. Par rapport à celle‑ci, la vie monastique selon la règle
la plus sévère n’est qu’une fleur comparée à un tas d’épines. Car il ne
s’agit pas là de la règle d’un Ordre humain, mais de celle d’un sacerdoce,
d’une vie monastique divine, dont je suis moi-même
le fondateur. C’est moi qui consacre et qui accueille dans mon Ordre,
selon ma règle,
ceux qui y sont élus, et je leur impose mon habit : la souffrance totale,
jusqu’au sacrifice.
613.2 Tu as contemplé mes
souffrances. Elles étaient destinées à réparer vos fautes. Aucune partie de
mon corps n’a été épargnée, car rien en l’homme n’est exempt de faute, et
toutes les parties de votre être physique et moral — cet être que Dieu vous a
donné avec la perfection de toute œuvre divine et que vous avez avili par la
faute originelle et par vos tendances au mal, par votre volonté mauvaise —
sont des instruments dont vous vous servez pour pécher.
Mais je suis venu effacer les effets du péché par mon sang et ma souffrance,
en y lavant chaque partie physique et morale de votre personne pour la
purifier et la rendre forte contre vos tendances coupables.
613.3 Mes mains ont été blessées et
emprisonnées, après s’être fatiguées à porter la croix, pour réparer tous les
délits et crimes commis par la main de l’homme. Depuis celui de tourner une
arme contre son frère — ce qui fait de vous des Caïn — jusqu’au vol, aux
accusations mensongères, aux actes contre votre propre corps ou celui
d’autrui, ou à la fainéantise propice à vos vices. C’est pour toutes les
libertés illicites de vos mains que j’ai fait crucifier les miennes, en les
clouant au bois de la croix et en les privant de tout mouvement plus qu’il
n’était permis et nécessaire.
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198> Les pieds de votre Sauveur, après s’être épuisés et blessés
sur les pierres de mon chemin de croix, ont été transpercés, immobilisés,
pour réparer tout le mal que vous faites par les vôtres, quand vous vous en
servez pour aller commettre vos délits, vols ou fornications. J’ai parcouru
les rues, les places, les maisons, les escaliers de Jérusalem pour purifier
toutes les rues, toutes les places, tous les escaliers, toutes les maisons de
la terre, du mal né ou semé à cet endroit au cours des siècles passés ou à
venir par votre mauvaise volonté, lorsque vous obéissez aux tentations de
Satan.
613.4 Ma chair a été maculée,
frappée, lacérée pour punir en moi le culte exagéré, l’idolâtrie même que
vous rendez à la vôtre et à celle des personnes que vous aimez par caprice
sensuel, ou même poussés par une affection qui en soi n’a rien de
répréhensible, mais que vous rendez telle lorsque vous aimez un parent, un
conjoint, un enfant, un frère ou une sœur plus que vous n’aimez Dieu.
Non : l’amour pour le Seigneur votre Dieu doit être plus grand que tout amour
ou tout lien de la terre. Aucune autre affection, vraiment aucune, ne peut
lui être supérieure. Aimez les personnes qui vous sont chères en Dieu, mais
pas plus que Dieu. Aimez Dieu de tout votre être. Cela ne diminuera pas votre
amour au point de vous rendre indiffèrent à votre conjoint, bien au
contraire : cela enrichira votre amour pour lui de la perfection que
vous puiserez en Dieu, car celui qui aime Dieu a Dieu en lui, et donc sa
perfection.
J’ai fait de ma chair une plaie pour enlever à la vôtre le venin de la
sensualité, de l’impudeur, du manque de respect, de l’ambition et de
l’admiration pour les corps destinés à retourner à la poussière. Ce n’est pas
en rendant un culte à la chair qu’on la rend belle. C’est en s’en détachant
qu’on lui donne la beauté éternelle dans le Ciel de Dieu.
613.5 Ma tête a subi mille
tortures : les coups, le soleil, les hurlements, les épines, pour
réparer les fautes que vous commettez par votre intelligence. Orgueil,
impatience, caractère insupportable, intolérance pullulent comme des
champignons dans votre cerveau. J’en ai fait un organe torturé, enfermé dans
un écrin orné de sang, pour réparer tout ce que vos pensées produisent.
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199> La dernière couronne que j’ai voulue, tu l’as vue : la
couronne que seul un fou ou un supplicié peut porter. Aucune personne saine
d’esprit (humainement parlant) et libre de soi ne saurait se l’imposer. Mais
moi, j’ai été juge fou ; surnaturellement, divinement, je l’étais d’ailleurs,
en voulant mourir pour vous qui ne m’aimez pas — ou si peu ! —, en
voulant mourir pour vaincre en vous le Mal, tout en sachant pertinemment que
vous le préférez à Dieu. Et j’étais à la merci de l’homme, son prisonnier,
son condamné… moi, Dieu, condamne par l’homme !
De quelle impatience vous faites preuve pour des riens, avec quelle
incompatibilité vous vous opposez pour des inepties, quelle intolérance vous
montrez à de simples malaises ! Mais regardez donc votre Sauveur.
Réfléchissez comme cela devait être irritant, des épines qui s’enfoncent a
des endroits toujours différents, s’empêtrent dans les touffes de cheveux, se
déplacent continuellement sans laisser la possibilité de bouger la tête, de
l’appuyer d’une manière que leur tourment cesse ! Pensez à ce que devaient
être pour ma tête torturée, souffrante, fébrile, les hurlements de la foule,
les coups sur la tête, le soleil cuisant ! Méditez sur la souffrance que
je devais ressentir dans mon pauvre cerveau, qui est allé à l’agonie du
vendredi après l’extrême douleur due à l’effort subi le jeudi soir, dans ce
pauvre cerveau auquel montait la fièvre de tout mon corps supplicié et des
intoxications provoquées par les tortures !
613.6 Sur ma tête, ces tortures s’en
prirent aussi à mes yeux, à ma bouche, à mon nez, à ma langue. Pour réparer
vos regards si friands de se porter vers ce qui est mal en négligeant la
recherche de Dieu pour réparer le flot incessant de paroles menteuses, sales
ou luxurieuses que vous dites au lieu d’utiliser votre bouche pour prier,
enseigner, réconforter. Mon nez et ma langue ont souffert pour réparer votre
gourmandise et votre sensualité olfactive : elles vous conduisent à des
imperfections qui sont le terrain de fautes plus graves, par exemple votre
avidité pour des aliments superflus, sans pitié pour les affamés, des
aliments que vous pouvez vous permettre en ayant bien souvent recours à des
profits illicites.
Quant à mes organes, pas un seul ne fut exempt de souffrance. Suffocation et
toux s’en prirent à mes poumons lésés par la flagellation barbare que j’avais
subie, puis les œdèmes, vu ma position sur la croix. Ma souffrance au cœur
vint de ce qu’il était déplacé et affaibli par la flagellation, par la
douleur morale qui l’avait précédée, par la fatigue de la montée sous le
poids de la croix, par l’anémie consécutive a tout le sang que j’avais déjà
perdu. J’avais le foie et la rate congestionnés, les reins blessés et eux
aussi congestionnés.
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200> 613.7 Tu as vu la couronne de bleus qui
entouraient mes reins. Vos scientifiques essaient d’étayer votre incrédulité
à propos de cette preuve de ma souffrance qu’est le saint Suaire en expliquant que le sang, la
sueur cadavérique et l’urée d’un corps extenué mêlés aux aromates ont pu
produire la peinture naturelle de mon corps éteint et supplicié.
Il vaudrait mieux croire sans avoir besoin de tant de preuves. Il vaudrait
mieux dire : “Voilà l’œuvre de Dieu” et bénir Dieu qui vous a permis
d’avoir la preuve irréfutable de ma crucifixion et des tortures qui l’ont
précédée.
Mais puisque vous ne savez plus croire aujourd’hui avec la simplicité d’un
enfant, puisque vous avez besoin de preuves scientifiques — pauvres croyants
que vous êtes, vous qui ne savez plus tenir debout et marcher sans le soutien
de la science ! —, sachez que les cruelles contusions de mes reins ont
été l’agent chimique le plus puissant dans le miracle du saint Suaire. Mes
reins, presque brisés par les coups de fouet, n’ont plus pu jouer leur rôle.
Comme ceux des grands brulés dans les flammes, ils devinrent incapables de
filtrer, de sorte que l’urée s’est accumulée et répandue dans mon sang, dans
mon corps. Cela m’a fait souffrir d’une intoxication urémique et a provoqué
l’apparition d’un réactif qui, en suant de mon cadavre, a fixé mon empreinte
sur le tissu. Mais n’importe quel médecin parmi vous, n’importe quelle
personne qui souffre d’urémie, sera en mesure de comprendre quelles
souffrances ont du causer en moi les toxines urémiques, abondantes au point
d’être capables de produire une empreinte indélébile.
613.8 Venons-en à la soif. Quelle
torture ! Pourtant, tu l’as vu : pendant toutes ces heures, personne,
dans cette foule, n’a su me donner une goutte d’eau. À partir de la Cène, je
n’ai plus eu aucun réconfort. En revanche, la fièvre, le soleil, la chaleur,
la poussière, les pertes de sang, s’unissaient pour provoquer chez votre
Sauveur une soif abominable.
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201> Tu as vu que j’ai repoussé le
vin mêle de myrrhe. Je voulais que rien ne vienne adoucir ma souffrance.
Quand on s’est offert en victime, il faut l’être sans compromis, sans
adoucissement. Il convient de boire le calice tel qu’il est donné, de goûter
le vinaigre et le miel jusqu’au fond… et non pas le vin drogué qui engourdit
la douleur.
Ah ! le sort de victime est bien sévère ! Mais bienheureux celui
qui le choisit.
613.9 Voilà ce que ton Jésus a subi
dans son corps innocent. Et je ne te parle pas du déchirement que mon affection
pour ma Mère me causait, surtout à la vue de sa douleur. Cette douleur était
nécessaire, mais ce fut mon plus cruel tourment. Seul le Père sait ce que son
Verbe a enduré spirituellement, moralement, physiquement.
La présence de ma Mère elle-même me fut une
torture, même si elle est ce qui répondait le mieux au désir de mon cœur
d’avoir ce réconfort dans l’infinie solitude qui n’entourait — solitude qui
venait de Dieu et des hommes.
Ma Mère devait être présente, telle un ange de chair, pour empêcher le
désespoir de m’assaillir comme l’ange spirituel l’avait contrecarré à
Gethsémani ; elle devait être présente pour recevoir l’investiture de Mère du
genre humain. Mais la voir mourir à chacun de mes frémissements fut ma plus
grande souffrance. Rien ne saurait lui être comparé, pas même la trahison,
pas même la conscience que mon sacrifice serait inutile pour tant de
personnes, alors que ces deux douleurs m’avaient paru terribles au point de
me faire suer du sang quelques heures plus tôt.
613.10 Mais tu as vu comme Marie
s’est montrée grande dans un tel moment. Son déchirement ne l’a pas empêchée
d’être bien plus forte que Judith. Celle‑ci
a tué. Marie a été tuée à travers
son Enfant. Elle n’a pas murmuré, elle n’a pas eu de haine. Elle a prié,
aimé, obéi. Elle est toujours restée mère, au point de penser, au milieu de
toutes ces tortures, que son Jésus avait besoin de son voile virginal sur sa
chair innocente pour défendre sa pudeur. Elle a su en même temps être la
Fille du Père des Cieux et obéir à sa terrible volonté de cette heure-là. Elle n’a pas lancé
d’imprécations contre Dieu ou contre les hommes. Elle a dit “Fiat” à Dieu et
pardonné aux hommes.
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202> Même ensuite, tu l’as entendue
dire : “Père, je t’aime et tu nous as aimés” ! Elle se rappelle que
Dieu l’a aimée, elle le proclame et lui renouvelle son acte d’amour. À ce
moment-là ! Après que le Père l’a
transpercée et privée de sa raison d’être ! Elle l’aime. Elle ne dit
pas : “Je ne t’aime plus, parce que tu m’as fait du mal.” Elle l’aime et
ne s’arrête pas à sa propre douleur, mais à celle que subit son Fils. C’est
de celle-ci qu’elle demande raison au
Père, pas de sa souffrance personnelle. Elle demande raison au Père au nom de
leur Fils.
613.11 Elle est bien l’Épouse de
Dieu. Elle est bien celle qui a conçu conjointement avec le Père. Elle sait qu’aucun
contact humain n’a engendré son Enfant, mais que seul le Feu descendu du Ciel
a pénétré son sein immaculé et y a déposé le Germe divin, la chair de l’Homme‑Dieu, du Dieu‑Homme, du Rédempteur du monde.
Et parce qu’elle en est consciente, c’est en tant qu’épouse et mère qu’elle
demande raison de cette blessure. Les autres devaient être
faites. Mais celle-là, quand tout était
déjà accompli, pourquoi ?
Pauvre Maman ! Il y avait bien une raison, que ta douleur ne t’a pas
permis de lire sur ma blessure : il fallait que les hommes puissent voir
le cœur de Dieu. Toi, tu l’as vu, Maria. Ne l’oublie jamais.
Cependant, même si Marie ne connait pas les motifs surnaturels de cette
blessure, elle pense aussitôt qu’elle ne m’a pas fait mal et elle bénit Dieu
pour cela. Cela a beau la faire souffrir, elle, elle n’en a cure. Il lui
suffit de savoir qu’elle ne m’a pas fait souffrir, moi, et elle y trouve
l’occasion de bénir Dieu qui l’immole.
613.12 Elle se contente de demander
un peu de réconfort pour ne pas mourir. Elle est nécessaire à l’Église
naissante, dont elle vient d’être faite la Mère. L’Église, comme un nouveau-né, a besoin des soins et du
lait d’une mère. Marie les apportera à l’Église en priant pour elle, en
soutenant les apôtres, en leur parlant du Sauveur. Mais comment le pourrait‑elle si elle mourait le soir
même ? L’Église, qui n’a plus que quelques jours à rester sans son Chef,
serait complètement orpheline si ma Mère aussi expirait. Et le sort des bébés
orphelins est toujours précaire.
Dieu ne déçoit jamais une prière juste, et il réconforte ses enfants qui
espèrent en lui. Marie trouve ce soutien grâce à Véronique. Ma pauvre Maman a
imprimé dans ses yeux l’effigie de mon visage de défunt.
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203> Elle ne peut résister à cette
vue. Ce n’est plus son Jésus, cet homme vieilli, boursouflé, aux yeux fermes
qui ne la regardent pas, cet homme a la bouche tordue qui ne parle ni ne
sourit. Mais voilà sur le voile un visage qui est celui de Jésus vivant. Douloureux,
blessé, mais encore vivant. Voilà ses yeux qui la regardent, sa bouche qui
semble dire “Maman”, son sourire qui la salue encore.
Oh ! Maria, cherche ton Jésus dans ta douleur. Il viendra toujours et te
regardera, t’appellera, te sourira. Nous partagerons la souffrance, mais nous
serons unis !
613.13 Jean, ô petit Jean, a partagé la
douleur de Marie et de Jésus. Sois toujours comme lui, en cela aussi. Je te
l’ai déjà dit : “Ce ne seront jamais
les contemplations ou les dictées qui te rendront grande. Elles sont miennes.
Ce sera par ton amour. Or l’amour le plus élevé est la participation à la
souffrance.” C’est là le moyen de comprendre les moindres désirs de Dieu et
de les réaliser en dépit de tous les obstacles.
Vois avec quelle sensibilité, avec quelle délicatesse Jean se conduit en
cette nuit du vendredi saint. Plus tard aussi, mais observons‑le pendant ces heure-là.
Un instant d’égarement, une heure de pesanteur. Mais une fois le sommeil
surmonté par le choc de la capture, et le choc par l’amour, il vient, en
entrainant Pierre, afin que le Maitre soit réconforté par la vue du chef des
apôtres et de son apôtre bien-aimé.
Puis il pense à ma Mère, à qui quelque personne méchante pourrait apprendre
cruellement ma capture. Et il se rend auprès d’elle. Il ne sait pas que Marie
vit déjà les
tourments de son Fils et que, pendant que les apôtres dormaient, elle
veillait et priait, et elle agonisait avec son Fils. Comme Jean l’ignore, il
va la trouver et la prépare à apprendre cette nouvelle.
Il fait ensuite la navette entre la maison de Caïphe et le Prétoire, entre la
maison de Caïphe et le Palais d’Hérode, et de nouveau entre la maison de
Caïphe et le Prétoire. Courir ainsi ce matin-là,
en traversant la foule enivrée de haine, avec des vêtements qui trahissent
son origine galiléenne, ce n’est pas chose facile. Mais l’amour le soutient,
et il ne pense pas à lui-même, mais à ma
souffrance et à celle de ma Mère.
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204> Comme disciple du Nazaréen, il risque
d’être lapidé. Peu lui importe. Il défie tout. Les autres se sont enfuis, ils
sont cachés, ils sont menés par la peur ou la prudence. Lui, c’est l’amour
qui le conduit, donc il reste et se montre. C’est un pur. L’amour prospère dans la pureté.
Et si sa pitié et son
bon sens populaire le poussent à tenir Marie éloignée de la foule et du
Prétoire — il ne se doute pas que Marie partage toutes les tortures de son
Fils en les souffrant spirituellement —, il n’hésite pas à la conduire à lui
quand il estime que le moment est venu où Jésus a besoin de sa Mère et qu’il
n’est pas permis de garder davantage la Mère séparée de son Fils. Mais il
reste présent pour la soutenir et la défendre.
Il a la poigne des personnes fidèles : que peut un homme seul, désarmé,
jeune, sans autorité, à la tête de quelques femmes, contre toute une foule
bestiale ? Rien. C’est un tas de feuilles que le vent peut disperser.
Peu importe. L’amour est la force de Jean, la voile qui l’entraine. C’est
armé d’amour qu’il part, et protège la Femme et les femmes jusqu’à la fin.
Jean a possédé l’amour de compassion comme personne au monde, excepté ma
Mère. Il est le chef de file des amoureux de cet amour. Il est ton maitre en
cela. Suis l’exemple de pureté et de charité qu’il te donne, et tu seras
grande.
Maintenant, va en paix. Je te bénis.»
[Le 7 avril 1945]
613.14 Jésus dit :
«[…]
Je prévois les observations des trop nombreux Thomas et des scribes
d’aujourd’hui sur une phrase de cette dictée qui semble en contradiction
avec la gorgée d’eau offerte par Longinus. Ah, comme les négateurs du
surnaturel, les rationalistes de la perfection se réjouiraient s’ils
pouvaient trouver une fissure dans le magnifique ensemble de cette œuvre de
bonté divine unie à ton sacrifice, petit Jean, une fissure dans laquelle ils
glisseraient, en guise de levier, le pic de leur rationalisme meurtrier pour
tout faire écrouler ! C’est donc pour les prévenir que je vais
m’expliquer.
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205> Cette pauvre gorgée d’eau — une
goutte dans l’incendie de la fièvre et par rapport à la sècheresse de mes
veines vides — acceptée par amour pour une âme qu’il fallait persuader par
l’amour pour l’amener à la Vérité, cette gorgée m’a demandé un immense effort,
car l’essoufflement m’étranglait la gorge et empêchait toute déglutition, et
les coups de fouet m’avaient brisé ; elle ne m’a apporté aucun soulagement autre que
spirituel. Pour mon corps, elle n’a servi à rien. Je pourrais presque parler
d’un tourment supplémentaire…
Il aurait fallu des fleuves pour désaltérer ma soif ! Et je ne pouvais
pas boire en raison de l’angoisse de la douleur précordiale. Tu sais ce qu’il
en est… Il m’aurait donc fallu des fleuves, mais on ne me les a pas donnés.
D’ailleurs, je n’aurais pu les accepter tant je suffoquais. Mais quel
réconfort cela aurait été pour mon cœur s’ils m’avaient été offerts !
C’est d’amour que je mourais, d’amour non reçu. La pitié est amour. Or Israël
n’a montré aucune pitié.
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