Le samedi 27 avril
1946.
475/476> 424.1 – Du sommet des dernières
hauteurs, que l'on ne peut appeler des collines tant est faible leur
altitude, la côte de la Méditerranée apparaît dans un large rayon, limité au
nord par le promontoire du Carmel, dégagé au sud jusqu'aux distances extrêmes
que peut atteindre la vue humaine.
Une côte tranquille, presque droite, dont l'arrière-pays est une plaine
fertile à peine rompue par des ondulations très légères. Les villes maritimes
se voient avec leurs maisons blanches qui se trouvent entre la verdure de
l'intérieur et l'azur d'une mer tranquille, sereine, d'un azur éclatant qui
reflète le pur azur du ciel.
Césarée est un peu au nord de l'endroit où se trouvent les apôtres avec Jésus
et certains disciples rencontrés peut-être dans les villages traversés le
soir ou à l'aube, parce que maintenant l'aube est passée et aussi l'aurore
bien qu'on n'en soit encore qu'aux premières heures du jour. Dans ces heures
si belles des matins d'été où le ciel, après le rose de l'aurore, devient
bleu, où l'air limpide est plein de fraîcheur, où sont fraîches les
campagnes, où aucune voile n'apparaît sur la mer, heures virginales du jour
où s'ouvrent les fleurs nouvelles, où la rosée s'évaporant aux premiers
rayons du soleil exhale avec elle les senteurs des herbes, en confiant
fraîcheur et parfum à la respiration légère de la brise matinale, qui remue à
peine les feuilles sur les tiges et ride à peine la surface plane de la mer.
La ville apparaît étendue sur la rive, belle comme tout endroit où se
manifeste la civilisation raffinée des romains. Des thermes et des palais de
marbre étalent leur blancheur comme des blocs de neige congelée dans les
quartiers les plus proches de la mer, gardés par une tour blanche elle aussi,
de forme carrée, élevée près du port. Peut-être un Camp ou un observatoire.
Puis les maisons plus modestes de la périphérie, de style hébraïque, et
partout la verdure des tonnelles, des jardins suspendus élevés plus ou moins
fastueusement sur les terrasses au-dessus des maisons, et les arbres qui
s'élèvent partout.
Les apôtres admirent en restant à l'ombre de platanes plantés presque sur la
crête des collines.
"On respire mieux en voyant cette immensité!" s'exclame Philippe.
"Et il me semble déjà sentir toute la fraîcheur de ces belles eaux
bleues" dit Pierre.
"Vraiment ! Après tant de poussière, de cailloux, de ronces...
regarde quelle limpidité ! Quelle fraîcheur ! Quelle paix ! La
mer donne toujours la paix..." commente Jacques d'Alphée.
"Hum ! Excepté quand... elle vous gifle et qu'elle vous fait
tourner vous et le bateau comme des toupies dans la main des garçons..."
lui répond Mathieu qui probablement se souvient de son mal de mer.
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477> 424.2 – "Maître... je pense... Je
pense à toutes les paroles de nos psalmistes, au livre de Job, aux paroles
des livres sapientiaux, où est célébrée la puissance de Dieu. Et, je ne sais pourquoi, cette pensée qui me
vient de la vue des choses fait naître en moi cette autre pensée que nous
serons ainsi élevés à une beauté parfaite sur une pureté azurée et lumineuse,
si nous sommes justes jusqu'à la fin, dans le grand rassemblement, dans ton
triomphe éternel, dans celui que tu nous décris, et qui sera la fin du Mal...
Et il me semble voir cette immensité céleste peuplée des corps lumineux des
ressuscités et Toi, plus resplendissant que mille soleils, au milieu des
bienheureux, où il n'y aura plus de douleurs, de larmes, d'insultes, de
dénigrements comme ceux d'hier soir. ..et la paix, la paix, la paix... Mais quand le Mal finira-t-il de
nuire ? Peut-être
qu'émoussera-t-il ses flèches contre ton Sacrifice ? Se persuadera-t-il
qu'il est vaincu ?" dit Jean d'abord souriant et ensuite angoissé.
"Jamais. Il croira toujours triompher malgré les démentis que les justes
lui donneront. Et mon Sacrifice n'émoussera pas ses flèches. Mais l'heure
finale viendra où le Mal sera vaincu et, dans une beauté plus infinie que
celle que ton esprit entrevoyait, les élus seront l'unique Peuple, éternel,
saint, le vrai Peuple du vrai Dieu."
"Et nous y serons tous ?" demandent les apôtres.
"Tous. "
"Et nous ?" demande le groupe déjà nombreux des disciples.
"Vous aussi y serez tous."
"Tous ceux qui sont présents ou tous les disciples? Nous sommes nombreux
désormais malgré ceux qui se sont séparés."
"Et vous serez de plus en plus
nombreux. Mais tous ne seront pas fidèles jusqu'à la fin, pourtant beaucoup
seront avec Moi dans le Paradis. Certains auront la récompense après
l'expiation, d'autres sitôt après la mort, mais la récompense sera telle que
comme vous oublierez la Terre et ses douleurs, ainsi vous oublierez le
Purgatoire avec ses nostalgies pénitentielles d'amour."
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478/479> 424.3 – "Maître, tu nous as dit
que nous subirons des persécutions et des martyres. Pourrons-nous alors être
pris et tués sans avoir le temps de nous repentir, ou bien notre faiblesse ne nous fera-t-elle pas
manquer de résignation à la mort sanglante... Et alors ?" demande Nicolaï d'Antioche qui est parmi les disciples.
"Ne le crois pas. À cause de votre faiblesse d'hommes, vous ne pourriez
en effet subir le martyre avec résignation. Mais aux grands esprits qui
doivent rendre témoignage au Seigneur, le Seigneur infuse une aide
surnaturelle..."
"Quelle aide ? L'insensibilité, peut-être ?"
"Non, Nicolaï. L'amour parfait. Ils
arriveront à un amour si complet que les tourments de la torture, ceux des
accusations, de la séparation des parents, de la vie, de tout, cesseront
d'être chose déprimante mais, au contraire, tout se changera en tremplin pour
s'élever vers le Ciel, pour l'accueillir, le voir et par conséquent tendre
leurs bras et leur cœur aux tortures, pour aller là où déjà sera leur
cœur : dans le Ciel. "
"À quelqu'un qui meurt ainsi, il sera beaucoup pardonné" dit un
disciple âgé dont je ne connais pas le nom.
"Ce n'est pas beaucoup, Papias,
mais tout, qui lui sera pardonné, car l'amour est absolution, le sacrifice
est absolution, et la confession héroïque de la foi est absolution. Tu vois
par conséquent que les martyrs auront une triple purification."
"Oh ! alors ... Moi, j'ai beaucoup péché, Maître, et je les ai
suivis pour avoir le pardon, et hier tu me l'as donné et, pour ce motif, tu
as été insulté par des gens qui ne pardonnent pas et sont coupables. Je crois
que ton pardon est valide mais, à cause de mes longues années de fautes,
donne-moi le martyre qui absout."
"Tu me demandes beaucoup, homme !"
"Jamais autant que ce que je dois donner pour avoir la béatitude que
Jean de Zébédée a décrite et que Toi, tu as confirmée. Je t'en supplie,
Seigneur, fais que je meure pour Toi, pour ta doctrine..."
"Tu me demandes beaucoup, homme ! La vie de l'homme est dans les
mains de mon Père..."
"Mais toute prière de Toi est accueillie, comme est accueilli tout
jugement qui vient de Toi. Demande à l'Éternel ce pardon pour moi..."
L'homme est à genoux aux pieds de Jésus, qui le regarde dans les yeux et lui
dit ensuite :
"Et cela ne te paraît-il pas un martyre de vivre quand le monde a perdu
tout attrait et que le cœur aspire au Ciel, et de vivre pour apprendre aux
autres l'amour, et connaître les déceptions du Maître et persévérer sans
lassitude pour donner au Maître des âmes ? Fais la volonté de Dieu,
toujours, même si la tienne te paraît plus héroïque, et tu seras saint...
424.4 – Mais
voici les compagnons qui viennent avec les provisions. Mettons-nous en route
pour arriver à la ville avant les heures torrides."
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