Le vendredi 21
septembre 1945
434/435> 282.1 – Jésus, avec les apôtres et les
disciples, se dirige vers Béthanie et il est précisément en train de parler
aux disciples auxquels il donne l'ordre de se séparer en allant, les juifs à
travers la Judée, les galiléens remontant par l'au-delà du Jourdain pour
annoncer le Messie.
Cet ordre soulève quelques objections. Il me semble que l'au-delà du Jourdain
ne jouissait pas d'une bonne réputation parmi les israélites. Ils en parlent
comme de régions païennes, mais cela offense les disciples d'au-delà du
Jourdain, parmi eux, la voix la plus autorisée de tous, le chef de la
synagogue de "La Belle Eau" et puis un jeune dont j'ignore le nom,
qui défendent avec acharnement leurs villes et leurs concitoyens.
Timon dit :
"Viens, Seigneur, à Aëra et tu verras si là on ne te respecte pas. Tu ne
trouveras pas autant de foi en Judée que là. Et même moi, je ne veux pas y
aller. Garde-moi avec Toi et qu'aille dans ma ville un juif avec un galiléen.
Ils verront comment elle a su croire en Toi sur ma seule parole."
Et le jeune dit :
"Moi, j'ai su croire même sans t'avoir jamais vu. Et je t'ai cherché
après le pardon de ma mère. Mais je suis heureux de retourner là-haut, bien
que cela voudra dire railleries de mes concitoyens mauvais comme je l'étais
autrefois, et reproches des bons à cause de ma conduite passée. Mais cela ne
m'importe pas. Je te prêcherai par mon exemple."
"Tu as bien parlé. Tu feras comme tu as dit. Et puis je viendrai et toi
aussi, Timon, tu as bien parlé. Hermas ira donc avec Abel de Bethléem de
Galilée pour m'annoncer à Aëra, alors que toi, Timon, tu resteras avec Moi.
Mais pourtant, je ne veux pas de ces discussions. Vous n'êtes plus des juifs
ou des galiléens : vous êtes les disciples. Cela suffit. Le nom et la
mission vous mettent au même rang pour la région, pour la catégorie, pour
tout. Il n'y a qu'une chose où vous pouvez vous distinguer : la
sainteté. Elle sera individuelle et proportionnée à ce que chacun saura
atteindre. Mais Moi, je voudrais que vous arriviez tous au même degré :
à la perfection. Voyez-vous les apôtres ? Ils étaient, comme vous,
séparés par la race ou autre chose. Maintenant, après une année et plus de
formation, ils sont uniquement : les apôtres. Agissez,
vous aussi, de même et comme, parmi vous, le prêtre est près de l'ancien pécheur
et le riche à côté de celui qui autrefois mendiait, le jeune près du
vieillard, faites en sorte de supprimer la séparation d'appartenir à telle ou
telle région. Vous avez une seule patrie : le Ciel, désormais. Parce que
vous vous êtes mis volontairement sur le chemin du Ciel. Ne donnez jamais à
mes ennemis l'impression d'être ennemis entre vous, L'ennemi c'est le péché.
Pas autre chose."
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436> 282.2 – Ils avancent un moment en
silence, puis Étienne s'approche du Maître et dit :
"Je devrais te dire une chose. J'espérais que tu me la demanderais, mais
tu ne l'as pas fait, Hier Gamaliel m'a parlé..."
"Je l'ai vu."
"Tu ne me demandes pas ce qu'il m'a dit ?"
"J'attends que tu me le dises, car un bon disciple n'a pas de secret
pour son Maître."
"Gamaliel... Maître, viens quelques mètres en avant avec moi..."
"Oui, allons, mais tu pouvais parler en présence de tous..."
Ils s'éloignent de quelques mètres. Etienne dit en rougissant :
"Je dois te donner un conseil, Maître. Pardonne-moi..."
"S'il est bon, je l'accepterai. Parle donc."
"Maître, au Sanhédrin, on sait tout, tôt ou tard. C'est une institution
qui a mille yeux et cent ramifications. Il pénètre partout, il voit tout, il
entend tout. Il a davantage... d'informateurs qu'il n'y a de briques dans les
murs du Temple. Beaucoup vivent ainsi..."
"En faisant de l'espionnage. Termine donc, c'est la vérité et je le
sais. Eh bien ? Qu'est-ce qu'on a dit de plus ou moins vrai, au
Sanhédrin ?"
"On a dit... tout. Moi, je ne sais pas comment ils peuvent savoir
certaines choses. Je ne sais pas non plus si elles sont vraies... Mais je te
dis textuellement ce que m'a dit Gamaliel : "Dis au Maître qu'il
fasse circoncire Hermastée ou qu'il l'éloigne pour toujours. Il n'y a rien
d'autre à dire".
"En fait, il ne faut rien dire d'autre, premièrement parce que justement
je vais à Béthanie pour cela et j'y resterai jusqu'à ce que Hermastée puisse
voyager de nouveau. En second lieu parce qu'aucune justification ne pourrait
faire tomber les préventions et... les réserves de Gamaliel scandalisé du
fait que j'ai avec Moi quelqu'un incirconcis corporellement. Oh ! s'il
regardait autour de lui et en lui ! Que d'incirconcis en
Israël !"
"Mais Gamaliel..."
"C'est le parfait représentant du vieil Israël. Il n'est pas mauvais
mais... Regarde ce caillou. Je pourrais le briser mais non le rendre
malléable. Ainsi de lui. Il faudra l'écraser pour le recomposer, et je le
ferai."
"Tu veux combattre Gamaliel ? Prends garde ! Il est
puissant !"
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437> "Le combattre ? Comme si
c'était un ennemi ? Non. Au lieu de le combattre, je l'aimerai en
contentant un de ses désirs à cause de son cerveau momifié et je répandrai
sur lui un baume qui le désagrègera pour le refaire différent."
"Je prierai, moi aussi, pour que cela arrive, parce que je l'aime bien.
Est-ce que je fais mal ?"
"Non. Tu dois l'aimer en priant pour lui. Et tu le feras. Certainement
que tu le feras. Et même c'est toi qui m'aideras à composer le baume...
Cependant tu diras à Gamaliel, pour qu'il se tranquillise, que j'ai déjà
prévu pour Hermastée et que je le remercie de son conseil.
282.3 – Nous voici à Béthanie.
Arrêtons-nous ici pour que je vous bénisse tous, parce que c'est ici
l'endroit où nous allons nous séparer."
Et, s'étant réuni au groupe nombreux des apôtres mêlés aux disciples, il les
bénit et les congédie, tous, sauf Hermastée, Jean d'En-Dor et Timon.
Puis, avec ceux qui sont restés, il fait rapidement les quelques pas qui le
séparent de la grille de Lazare, déjà grande ouverte pour le recevoir, et il
entre dans le jardin en levant la main pour bénir la maison hospitalière,
dans le vaste parc de laquelle se trouvent çà et là les maîtres de maison et
les pieuses femmes, qui rient des courses de Marziam à travers les sentiers
ornés des dernières roses. Et, avec les maîtres et les femmes, au cri de ces
dernières, débouchent d'un sentier Joseph d'Arimathie et Nicodème, eux aussi
hôtes de Lazare pour pouvoir rester en paix avec le Maître. Et tous accourent
au-devant de Jésus, Marie avec son doux sourire et Marie de Magdala avec son
cri d'amour : "Mon Maître !", et Lazare qui boite, et les deux
solennels membres du Sanhédrin et, en queue, les pieuses femmes de Jérusalem
et de Galilée, visages ridés et visages lisses des jeunes femmes, et doux
comme un visage d'ange le visage virginal d’Annalia qui rougit en saluant le
Maître.
"Syntica n’est pas ici ?" demande Jésus, après les premières
salutations.
"Elle est avec Sarah et Marcelle et Noémi, à préparer les tables. Mais
les voilà qui viennent."
Et, en effet, arrivent avec la vieille Esther de Jeanne, deux visages marqués
par l’âge et les souffrances passées, au milieu de deux autres visages
sereins, et différent pour la race et un je ne sais quoi qui la distingue en
tout, le visage sévère et pourtant lumineux de paix de la grecque.
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438> Je ne pourrais pas néanmoins la
considérer comme une vraie et authentique beauté. Mais pourtant ses yeux d'un
noir adouci par des nuances d'indigo foncé, sous un front haut et plein de
noblesse, attirent l'attention plus encore que son corps qui est certainement
plus beau que son visage, assurément. Un corps mince sans maigreur,
proportionné, harmonieux dans sa démarche et dans ses mouvements. Mais c'est
le regard qui attire l'attention : ce regard intelligent, ouvert,
profond, qui semble aspirer le monde, en faire le tri, retenir ce qui est
bon, utile, saint, et repousser ce qui est mauvais, ce regard sincère et qui
se laisse fouiller jusque dans ses profondeurs et dont l'âme ressort pour
scruter ce qui l'environne. S'il est vrai que le regard permet de connaître
une personne, je dis que Syntica est une femme d'un jugement sûr, aux pensées
fermes et honnêtes.
Elle s'agenouille, elle aussi avec les autres, et attend pour se relever que
le Maître le commande.
282.4 – Jésus s'avance à travers le
vert jardin jusqu'au portique qui précède la maison, et il entre ensuite dans
une salle où les serviteurs sont prêts à offrir des rafraîchissements et à
aider ceux qui arrivent à faire les purifications qui précèdent le repas. Alors
que les femmes se retirent, toutes, Jésus reste avec les apôtres dans la
salle, alors que Jean d'En-Dor s'en va avec Hermastée dans la maison de Simon
le Zélote pour déposer les sacs dont ils sont chargés.
"Ce jeune homme qui est allé avec Jean le borgne, c'est le philistin que
tu as accepté ?" demande Joseph.
"Oui, Joseph. Comment fais-tu pour le savoir ?"
"Maître... Nicodème et moi, nous nous demandions depuis quelques jours
comment nous pouvions le savoir et comment peuvent malheureusement le savoir
les autres du Temple. Mais ce qui est certain, c'est que nous le savons.
Avant les Tabernacles, à la séance qui précède toujours la fête, certains
pharisiens ont dit savoir avec exactitude que parmi tes disciples, outre les... - pardon, Lazare - les pécheresses connues et
inconnues et les publicains - pardon, Mathieu, fils d'Alphée - et les anciens
galériens, s'étaient unis un philistin incirconcis et une païenne. Pour la
païenne qui est certainement Syntica, on comprend que l'on puisse le savoir ou,
au moins, le deviner. Le romain en a fait grand bruit, et s'est fait tourner
en ridicule parmi ses compatriotes et parmi les juifs parce qu'il est allé
aussi, plaintif et en même temps menaçant, chercher partout sa fugitive,
allant jusqu'à importuner Hérode, parce qu'il disait qu'elle s'était cachée
dans la maison de Jeanne et que le Tétrarque devait obliger son intendant à
la rendre à son maître.
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439> Mais que parmi tant d'hommes qui te
suivent on puisse savoir que l'un d'eux est philistin et incirconcis, et
qu'un autre était autrefois galérien !... C'est étrange, très étrange.
Ne te semble-t-il pas ?"
"Oui et non.
282.5 – J'y pourvoirai pour Syntica et
pour l'ancien galérien."
"Oui. Tu feras bien surtout d'éloigner Jean. Il ne fait pas bien dans ta
troupe."
"Joseph, es-tu peut-être devenu
pharisien ?" demande sévèrement Jésus.
"Non... mais..."
"Et Moi, je devrais humilier une âme qui s'est régénérée par sot
scrupule de pur pharisaïsme ? Non, je ne le ferai pas ! Je vais
pourvoir à sa tranquillité, à la sienne, pas à la mienne. Je veillerai
à sa formation comme je veille à celle de l'innocent Marziam. En
vérité, il n'y a pas de différence dans leur ignorance spirituelle !
L'un dit pour la première fois des paroles de sagesse parce que Dieu lui a
pardonné, parce qu'il est né de nouveau en Dieu, parce que Dieu a attiré à
Lui le pécheur. L'autre les dit parce que, passant d'une enfance abandonnée à
une adolescence sur laquelle veille l'amour de l'homme en plus de celui de
Dieu, il ouvre son âme comme une corolle au soleil, et le Soleil l'éclaire
par Lui- même. Son Soleil : Dieu. Et le premier va dire ses
dernières paroles... Vous n'avez pas des yeux pour voir qu'il se consume de
pénitence et d'amour ? Oh ! en vérité, je voudrais avoir beaucoup de
Jean d'En-Dor en Israël et parmi mes serviteurs. Je voudrais que toi aussi,
Joseph, et toi, Nicodème, ayez son cœur, et surtout celui qui l'a dénoncé ;
l'abject serpent qui se cache sous l'extérieur d'un ami et qui est un espion
avant d'être un assassin. Le serpent qui envie à l'oiseau ses ailes et lui
tend des pièges pour les lui arracher et le jeter en prison. Oh !
non ! L'oiseau va se changer en ange. Et même si le serpent pouvait
s'emparer de ses ailes, mais il ne le pourra pas, adaptées à son corps
visqueux, elles se changeraient en ailes de démon. Tout délateur est déjà un
démon."
282.6 – "Mais où est cet
individu ? Dites-le-moi pour que je puisse aller tout de suite lui
arracher la langue" s'écrie Pierre.
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440/441> "Tu ferais
mieux de lui enlever ses dents venimeuses" dit Jude d'Alphée.
"Mais non !" dit l'Iscariote d'un ton tranchant. Il vaut mieux
l'étrangler ! Ainsi il ne fera plus de mal, d'aucune façon. Ce sont des
êtres qui peuvent toujours nuire..."
Jésus le fixe et achève :
"...et mentir. Mais personne ne doit faire quoi que ce soit contre lui.
Il ne faut pas, en s'occupant du serpent, laisser périr l'oiseau. En ce qui
concerne Hermastée, je vais le garder ici, précisément dans la maison de
Lazare, pour la circoncision d'Hermastée qui embrasse la religion sainte de
notre peuple par amour pour Moi et pour éviter des persécutions de la part
des petits esprits hébreux. Ce n'est qu'un passage des ténèbres à la Lumière.
Et il n'est pas nécessaire pour que la Lumière vienne dans un cœur. Mais je
l'accorde pour calmer les susceptibilités d'Israël et pour montrer la volonté
réelle du philistin d'arriver à Dieu. Mais, je vous le dis, dans le
temps du Christ ce n'est pas nécessaire pour appartenir à Dieu. Il suffit
d'avoir la volonté et l'amour, il suffit d'avoir la rectitude de la
conscience. Et où circoncirons-nous la grecque ? En quel point de son
esprit si, par elle-même, elle a su sentir Dieu mieux que tant de gens en Israël ?
En vérité, parmi ceux qui sont ici, beaucoup sont ténèbres
comparés à ceux que vous méprisez comme ténèbres. De toutes façons le
délateur et vous, membres du Sanhédrin, vous pouvez informer qui de droit que
ce scandale est enlevé à partir d'aujourd'hui même."
"Pour qui ? Pour tous les trois !"
"Non, Judas de Simon. Pour Hermastée. Pour les autres j'y pourvoirai.
As-tu autre chose à demander ?"
"Moi, non, Maître."
282.7 – "Et Moi non plus, je n'ai
rien d'autre à te dire, Cependant je vous demande de me dire, si vous le
savez, ce qu'il en est du maître de Syntica."
"C'est que Pilate l'a expédié en Italie par le premier bateau en
partance, pour ne pas avoir d'ennuis avec Hérode et avec les hébreux en
général. Il traverse des moments difficiles Pilate... et cela lui
suffit..." dit Nicodème.
"La nouvelle est-elle sûre ?"
"Je peux la contrôler, Maître, si tu le juges bon" dit Lazare.
"Oui, fais-le et dis-moi ensuite la vérité."
"Mais dans ma maison Syntica est tout à fait en sûreté."
"Je le sais. Israël aussi protège
l'esclave fugitive contre un maître étranger et cruel. Mais je veux le
savoir."
"Et moi, je voudrais savoir quel est le délateur, l'informateur, le
gracieux espion des pharisiens... et, cela on peut le savoir et je veux le
savoir, quels sont les pharisiens dénonciateurs. Savoir les noms des
pharisiens et de leur ville. Je parle des pharisiens qui ont fait le joli
travail d'informer, grâce à la trahison préalable de l'un de nous, parce que
nous sommes les seuls à savoir certaines choses, nous les disciples, anciens
et nouveaux, le joli travail d'informer le Sanhédrin sur les actes du Maître.
Ces faits sont exacts et il n'y a qu'un démon qui dise et pense le contraire
et..."
"Cela suffit, Simon de Jonas. Je te le commande."
"Et moi, j'obéis, même si l'effort que je fais me fait éclater les
veines du cœur. Mais, en attendant, l'agrément de cette journée est
parti..."
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