Le lundi 9 juillet 1945.
430> 213.1 – L'intérieur de la synagogue de
Kérioth. Au même endroit où Saül fut allongé mort sur le sol après avoir vu
la gloire future du Christ.
Au milieu d'un groupe serré émergent Jésus et Judas - les deux plus grands,
tous les deux le visage rayonnant, l'un par son amour, l'autre par la joie de
voir que sa ville est toujours fidèle au Maître et qu'elle Lui fait
pompeusement honneur - il y a d'abord les notables de Kérioth et puis, plus
loin de Jésus, mais serrés comme des graines dans un sac, les habitants, et la synagogue est si pleine
qu'il est difficile de respirer, bien que les portes soient ouvertes. Et pour
faire honneur au Maître, pour l'écouter, ils finissent par créer un désordre
indescriptible et un bruit qui empêche d'entendre.
Jésus supporte tout en silence. Mais les autres se fâchent, font des gestes
et crient :
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431> "Silence !"
Mais le cri se perd dans le vacarme comme un cri que l'on jette sur une plage
pendant une tempête.
Judas ne fait pas d'histoires. Il monte sur un siège élevé et frappe en plein
les lampes suspendues en grappes au milieu d'eux. Le métal creux résonne, et
les chaînettes retentissent en se frappant, comme des instruments de musique.
Les gens se calment, et on peut enfin entendre parler Jésus.
Il dit au chef de la synagogue :
"Donne-moi le dixième rouleau de cette étagère."
Et l'ayant eu, il le déroule et le présente au chef de la synagogue en lui
disant :
"Lis le 4ème chapitre de l'histoire, dans le second livre des
Macchabées."
Obéissant, le chef lit. Et les épreuves d'Onias, et
les erreurs de Jason et les trahisons et les vols de Ménélas défilent ainsi
devant la pensée des assistants. Le chapitre est terminé. Le lecteur regarde
Jésus qui a écouté attentivement.
213.2 – Jésus fait signe que cela
suffit, et puis il se tourne vers le peuple :
"Dans la ville de mon très cher disciple, je ne dirai pas les paroles
habituelles de mon enseignement. Nous resterons ici quelques jours et je veux
que ce soit lui qui vous les dise. Parce que c'est d'ici que je veux que
commence le contact direct, le continuel contact entre les apôtres et
le peuple. Il a été décidé en haute Galilée et là-bas il y eut une première
lueur. Mais l'humilité de mes disciples les a fait rentrer ensuite dans
l'ombre parce qu'ils craignent de ne pas savoir faire et d'usurper ma place.
Non. Ils doivent le faire et le feront bien et aideront leur Maître. Ici
donc, en unissant dans un seul amour les confins galiléens-phéniciens avec
les terres de Juda, les plus au midi, des frontières de la Palestine
jusqu'aux pays du soleil et des sables, doit commencer la véritable
prédication apostolique. Car le Maître ne suffit plus aux besoins des foules
et parce qu'il est juste que les aiglons quittent le nid et fassent leurs
premiers vols pendant que le Soleil est encore avec eux et que son aile robuste
les conduit.
Pendant ces jours, je serai donc votre ami et votre réconfort. Eux seront la
parole et iront semer les graines que je leur ai données. Je ne vous
adresserai donc pas d'enseignement public, mais je vous donnerai une chose privilégiée. Une prophétie.
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432> Je vous prie d'en garder le
souvenir pour l'avenir lorsque l'évènement le plus horrible de l'histoire
humaine aura voilé le soleil et que, dans les ténèbres, les cœurs pourront
être amenés à des jugements erronés. Je ne veux pas que vous soyez induits en
erreur, vous qui dès le premier instant avez été bons avec Moi. Je ne veux
pas que le monde puisse dire : "Kérioth fut l'ennemie du
Christ". Je suis juste. Je ne peux permettre qu'une critique rancunière
ou énamourée de Moi puisse, poussée par l'aiguillon de son ressentiment, vous
accuser de fautes à mon égard. Dans une famille nombreuse, on ne peut exiger
une égale sainteté de tous les enfants et, de la même façon, on ne peut
l'exiger dans une ville populeuse. Mais ce serait très opposé à la charité de
dire, pour un mauvais fils ou pour un habitant qui n'est pas bon :
"Toute la famille, ou toute la ville est anathème".
Écoutez donc, rappelez-vous, soyez
toujours fidèles, et comme je vous aime au point de vouloir vous défendre
d'une accusation injuste, vous aussi, sachez aimer ceux qui ne sont pas
coupables. Toujours. Quels qu'ils soient. Quelle que soit leur parenté avec
les coupables.
213.3 – Maintenant écoutez. Il viendra
un temps où en Israël il y aura des gens qui pilleront le trésor et trahiront
la patrie lesquels, dans l'espoir de gagner l'amitié des étrangers, diront du
mal du véritable Grand Prêtre en l'accusant de s'allier avec les ennemis
d'Israël et de mal se conduire à l'égard des fils de Dieu. Et pour arriver à
leur but, ils seront capables de commettre des crimes dont ils feront porter
la responsabilité à l'Innocent. Et il viendra un temps, toujours en Israël
où, plus encore qu'au temps d'Onias, un infâme,
complotant d'être lui le Pontife, ira trouver les puissants d'Israël et les
corrompra avec l'or, et encore plus infâme, de paroles mensongères et, en
même temps, déformera la réalité des faits, ne parlera pas contre les fautes,
mais au contraire, poursuivant son but indigne, se mettra à changer les
coutumes pour avoir plus facilement prise sur les âmes privées de l'amitié de
Dieu : tout cela pour arriver à son but. Et il réussira. Oh !
Certainement ! Parce que si dans la demeure même sur le mont Moriah il
n'y a pas les gymnases de l'impie Jason, en réalité ils sont dans les cœurs
des habitants du mont qui sont disposés à vendre ce qui est bien plus qu'un
terrain, leur conscience même.
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433> Les fruits de l'antique erreur sont
maintenant visibles et celui qui a des yeux pour voir voit ce qui arrive là
où devrait se trouver la charité, la pureté, la justice, la bonté, une
religion sainte et profonde. Mais s'il y a des fruits qui déjà font trembler, les fruits nés des semences qu'ils auront jetées
ne seront pas seulement objets de crainte, mais de malédiction divine.
Et nous voilà à la prophétie elle-même. En vérité je vous dis que celui qui a
arraché la place et la confiance grâce à un jeu prolongé et astucieux,
celui-là livrera pour de l'argent aux ennemis le Souverain Prêtre, le Vrai
Prêtre. Trompé par des protestations d'affection, désigné aux bourreaux par
un acte d'amour, Lui sera tué en dépit de toute justice.
Quelles accusations adressera-t-on au Christ, puisque c'est de Moi que je
parle, pour justifier le droit de le tuer ? Quel sort sera réservé à
ceux qui agiront ainsi ? Un sort immédiat d'effroyable justice. Un sort
non pas individuel mais collectif pour les complices du traître. Un sort plus
lointain et encore plus effroyable que celui de l'homme que le remords
amènera à couronner sa vie de démon par le dernier crime contre lui-même. Ce
dernier, en effet, ne durera qu'un instant. L'autre châtiment sera long,
effroyable. Trouvez-le dans cette phrase : "et enflammé
d'indignation, il ordonna qu'Andronique fût
dépouillé de la pourpre et exécuté à l'endroit où il avait commis l'impiété
contre Onias".
Oui, la caste sacerdotale sera frappée dans ses enfants en plus que dans les
exécuteurs du crime. Et le destin de la masse complice, lisez-le dans ces
paroles : "La voix de ce sang crie vers Moi, de la terre. Tu seras
donc maudit...".
Et c'est Dieu qui les dira à tout un peuple qui n'aura pas su protéger le don
du Ciel. Car, s'il est vrai que je suis venu pour racheter, malheur à ceux
qui seront des assassins et ne seront pas rachetés, parmi ce peuple qui aura
eu comme première rédemption ma Parole.
J'ai dit. Gardez-en le souvenir. Et, quand vous entendrez dire que je suis un
malfaiteur, dites : "Non, Lui l'a dit. C'est l'accomplissement de
ce qu'il a indiqué et Lui est la Victime mise à mort pour les péchés du
monde".
213.4 – La synagogue se vide et tout
le monde parle et gesticule à propos de la prophétie et de l'estime que Jésus
a pour Judas.
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434> Les gens de Kérioth sont exaltés
par l'honneur que leur a fait le Messie en choisissant la ville d'un apôtre,
et précisément de l'apôtre de Kérioth pour commencer le ministère
apostolique, et aussi pour le don de la prophétie. Car, si triste qu'elle
soit, c'est un grand honneur de l'avoir eue et avec les paroles d'amour qui
la précèdent...
Dans la synagogue, il reste Jésus et le groupe des apôtres. Ou plutôt ils
passent dans le jardinet qui se trouve entre la synagogue et la maison du
chef. Judas s'est assis, et il pleure.
"Pourquoi pleures-tu ? Je n'en vois pas le motif..." lui dit
Jude.
"Mais voilà, je ferais bien comme lui. Vous avez entendu ?
Maintenant il faut que nous parlions..." dit Pierre.
"Mais nous l'avons déjà fait sur la montagne. Nous ferons toujours
mieux. Toi et Jean en avez été tout de suite capables" dit Jacques de
Zébédée pour les encourager.
"Le pire, c'est pour moi... mais Dieu m'aidera. N'est-ce pas
Maître ?" dit André.
Jésus, qui parcourait des rouleaux qu'il avait emportés avec Lui, se retourne
et dit :
"Que disais-tu ?"
"Que Dieu m'aidera quand je devrai parler. Je chercherai à répéter tes
paroles le mieux que je pourrai. Mais mon frère a peur et Judas pleure."
"Tu pleures ? Pourquoi ?" demande Jésus.
"Parce que j'ai vraiment péché. André et Thomas peuvent le dire. J'ai
fait des médisances sur ton compte, et Toi tu me récompenses en m'appelant
"très cher disciple" et en voulant que j'enseigne ici... Quel
amour !"
"Mais tu ne le savais pas, que je t'aimais ?"
"Si, mais... Merci, Maître. Je ne médirais plus car je suis les ténèbres
et Toi tu es vraiment la Lumière."
Le chef de la synagogue revient et les invite dans sa maison. Et tout en
marchant, il dit à Jésus :
"Je réfléchis à tes paroles. Si j'ai bien compris, à Kérioth, de même
que tu as trouvé un préféré, notre Judas de Simon, tu prophétises d'y trouver
un indigne. Cela m'afflige. Heureusement que Judas compensera
l'autre..."
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