Vision du dimanche 2 avril 1944
142> 22.6 – Je vois Marie
qui file, vite, vite, sous la tonnelle où le raisin
grossit. Il a dû passer un certain temps parce que les pommes commencent à
rougir sur les arbres et les abeilles ronronnent près des fleurs du figuier
déjà mûres.
Élisabeth
est tout à fait grosse et marche lourdement. Marie la regarde avec une
attention affectueuse. Marie, elle-même quand elle se lève pour ramasser le
fuseau tombé trop loin, paraît s'arrondir sur les côtés et l'expression du
visage est changée. Elle est plus mûre. C'était une jeune fille. Maintenant
c'est une femme.
Les femmes entrent dans la maison parce que le jour baisse et à l'intérieur
on allume les lampes. En attendant le souper, Marie tisse.
"Mais ne te fatigue-t-il pas réellement ?" demande Élisabeth
en montrant du doigt le métier à tisser.
"Non, sois tranquille."
"Pour moi, cette chaleur me fatigue. J'ai été sans souffrir, mais
maintenant le poids est lourd pour mes reins vieillis."
"Prends courage, tu seras bientôt libérée. Comme tu seras heureuse,
alors ! 22.7 – Pour moi, je ne vois pas
l'heure de ma maternité. Mon Enfant ! Mon Jésus ! Comment
sera-t-il ?"
"Beau, comme toi, Marie."
"Oh ! non ! Plus beau ! Lui est Dieu, je suis sa
servante. Mais j'ai voulu dire: sera-t-il blond ou brun ?
Aura-t-il les yeux comme un ciel tranquille ou comme les cerfs de
montagnes ? Moi, je me le représente plus beau qu'un
chérubin, avec une chevelure couleur d'or avec les yeux de la couleur de
notre mer de Galilée quand les étoiles commencent à se lever sur l'horizon du
ciel, une bouche petite et rouge comme une tranche de grenade quand elle
s'ouvre à maturité, et les joues, et bien voilà comme le teint rosé de
cette rose pâle, et deux petites mains qui tiendraient dans le calice d'un
lys, tant elles sont petites et belles, et deux pieds petits au point de
remplir le creux de la main et gracieux et veloutés plus qu'un pétale de
fleur.
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143> Vois. J'emprunte l'idée que je me fais de Lui à toutes
les beautés que me suggère la terre. Et j'entends sa voix. En pleurant - il
pleurera un peu, de faim ou de lassitude, mon Petit et ce sera toujours
grande douleur pour sa Maman qui ne pourra... oh ! non, elle ne pourra
le voir pleurer sans avoir le cœur transpercé - son cri sera comme le
bêlement qui nous arrive de ce petit agneau qui vient de naître et qui cherche
la mamelle de sa mère et pour dormir la chaleur de sa toison. Son rire
emplira de ciel mon cœur épris de ma Créature. Je puis être énamourée de Lui,
parce qu'il est mon Dieu et mon amour d'amante ne s'oppose pas à ma
consécration virginale. Son rire sera comme le roucoulement joyeux d'une
petite colombe rassasiée et satisfaite dans la tiédeur de son nid. Je pense à
ses premiers pas... un oiseau sautillant sur un pré fleuri. Le pré sera le
cœur de sa Maman qui soutiendra ses petits pieds roses avec tout son amour
pour qu'il ne rencontre rien qui le fasse souffrir. Comme je l'aimerai mon
Enfant ! Mon Fils ! 22.8 – Joseph aussi
l'aimera !"
"Mais tu devras le lui dire à Joseph !"
Marie s'assombrit et soupire, "Je devrais pourtant le lui dire...
J'aurais voulu que le Ciel le lui fasse savoir car c'est très difficile d'en
parler."
"Veux-tu que je lui en parle ? Que je le fasse venir pour la
circoncision de Jean ?
..."
"Non. J'ai remis à Dieu le soin de l'instruire de son heureux sort de
nourricier du Fils de Dieu. Il s'en chargera. L'Esprit m'a dit ce soir :
"Tais-toi, laisse-Moi le soin, je te justifierai". Et Il le fera.
Dieu ne ment jamais. C'est une grande épreuve, mais avec l'aide de l'Éternel
elle sera surmontée. En dehors de toi à qui l'Esprit l'a révélé, personne ne
doit connaître par ma bouche la bienveillance du Seigneur à l'égard de sa
servante."
"J'ai toujours gardé le silence, moi aussi avec Zacharie
qui en aurait éprouvé une grande joie. Il croit à ta maternité
naturelle."
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144>
"Je le sais et je l'ai aussi voulu par prudence. Les secrets de Dieu
sont saints. L'ange du Seigneur n'avait pas révélé à Zacharie ma maternité divine.
Il aurait pu le faire, si Dieu l'avait voulu car Dieu savait qu'était
imminente l'époque de l'Incarnation de son Verbe en moi. Mais Dieu a tenu
cachée cette joie lumineuse à Zacharie qui refusait comme impossible votre
fécondité tardive. Je me suis conformée à la volonté de Dieu. Et, tu le vois,
tu as su ce secret vivant en moi... Lui, n'a rien remarqué. Tant que ne
tombera pas le voile de son incrédulité à l'égard de la puissance de Dieu, il
vivra à l'écart de la lumière surnaturelle."
Élisabeth soupire et garde le silence.
22.9 – Zacharie entre. Il présente
des rouleaux à Marie. C'est l'heure de la prière avant le souper. C'est Marie
qui prie à haute voix à la place de Zacharie. Puis ils prennent place à
table.
"Quand tu ne seras plus ici, comme nous pleurerons de n'avoir personne
qui nous dise les prières." dit Élisabeth en regardant son mari muet.
"Tu prieras alors, Zacharie" dit Marie.
Il secoue la tête et écrit : "Je ne pourrai plus jamais prier pour
les autres. J'en suis devenu indigne, du moment où j’ai douté de Dieu."
"Zacharie: tu prieras. Dieu pardonne." Le vieillard essuie
une larme et soupire.
Après le repas, Marie retourne au métier à tisser. "C'est
assez !" dit Élisabeth. "Tu te fatigues trop."
"Le temps est très proche, Élisabeth. Je veux faire à ton enfant un
trousseau digne de celui qui précède le Roi de la race de David."
Zacharie écrit :
"De qui naîtra-t-il ? Et où ?"
Marie répond :
"Là où les Prophètes l'ont dit
et de qui l'Éternel fera choix. Tout est bien fait de ce que fait notre
Seigneur, le Très-Haut."
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