La Vierge des Derniers temps, de Grignion de Montfort à Maria Valtorta.
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On peut célébrer la Vierge Marie à
biens des titres, mais celui que je vous propose ce soir, n’est pas un des
nombreux titres de gloire que chantent les litanies de la Vierge, mais un
titre que lui donne une prophétie reprise par des mystiques, des saints et
des papes : la Vierge des derniers temps.
Que veut dire la « Vierge des derniers temps » ? C’est une
prophétie qui affirme que dans les derniers temps, la Vierge Marie aura un
rôle majeur particulier et qu’elle suscitera des saints appelés les
« apôtres des derniers temps ».
Cette prophétie serait donc un signe des temps qu’il faut comprendre. En
effet, l’évocation des derniers temps est angoissante car elle soulève une
peur ancestrale. Mais cette prédiction est, tout au contraire, l'évocation
d’une période cruciale, mais jubilatoire.
À propos des prophéties, le Padre Pio disait, que si elles venaient des
hommes, elles parlaient toujours de châtiments, mais, si elles venaient de
Dieu, elles ne parlaient que d’Amour et de Miséricorde.
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre cette Vierge des derniers temps
que nous allons tenter de découvrir.
1. Valeur
et limites des révélations privées.
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On doit rappeler aussi que cette
prophétie s’appuie sur des révélations privées qui ne sont pas articles de
foi. L’Église établit en effet une distinction très nette entre la Révélation
publique, contenue essentiellement dans la Bible, et les révélations privées
qui ne sont crues, dit l’Église, que de « pure foi humaine », même s’il s’agit de révélations privées
largement reconnues comme celles de Marguerite-Marie Alacoque ou les secrets
de Fatima.
Le Ciel lui-même se soumet à cette règle : Pie XII rappelait ainsi que
la dévotion du Sacré-Cœur, popularisée par Marguerite Marie Alacoque, venait
de l’enseignement traditionnel de l’Église et non de ces révélations qui la
confirmaient.
Certains profitent de cette distinction pour faire une chasse impitoyable et
mal venue aux révélations privées car elles sont, dit l’Église, des dons du Ciel pour une époque donnée.
Au siècle d’or de la mystique espagnole, sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix, saint
Jean d’Avila furent poursuivis et condamnés par l’Inquisition, ancêtre du
Saint-Office. Ce sont pourtant aujourd’hui des docteurs de l’Église.
Plus proche de nous, ces condamnations malencontreuses s’exercèrent contre
les révélations de sœur Faustine ou contre Padre Pio, tous deux canonisés par
la suite.
Il en va ainsi de la lourdeur de notre humanité qui remonte au matin de
Pâques où les apôtres ne crurent pas d’emblée ce que leur dirent les saintes
femmes sur la Résurrection. Jésus reproche à ses apôtres ce manque de foi,
nous dit l’Évangile.
La Vierge des derniers temps trouve un écho dans le livre de l’Apocalypse au
chapitre 12 : On y voit la Vierge apparaître couronnée d’étoiles, la
lune sous ses pieds. Elle est torturée par les douleurs de l’enfantement.
Devant elle se tient un dragon rouge feu qui tente de dévorer sa progéniture,
mais elle finit par mettre au monde le Berger qui dirigera le monde avec un
sceptre de fer.
2. Le siècle des ténèbres ?
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Quand on regarde notre époque, on a
l’impression d’assister au triomphe de ce dragon qui balaye le tiers des
étoiles. Pour un chrétien, l’époque est difficile, et il faut la resituer
pour tenter de la comprendre :
Le 13 octobre 1884, le pape Léon XIII assiste à un dialogue entre Dieu et
Satan. Celui-ci réclame plus de moyens et plus de temps pour détruire
l’Église. Cela lui fut accordé pour une centaine d’années. Le pape voit alors
le siècle « enveloppé dans les ténèbres et l’abîme ». Une légion de
démons se disperse à travers le monde jusqu’à ce que saint Michel archange
les chasse dans l’abîme. Le pape compose alors une prière à l’archange dite à
la fin de chaque messe. Elle tomba en désuétude mais Jean-Paul II invita à la
restaurer.
En regardant ce siècle qui vient de s’achever, on ne peut que penser au
dragon de l’Apocalypse : le XXe siècle vit en effet le triomphe des
idéologies idolâtres ou athées : elles promettaient le bonheur pour une
humanité affranchie de Dieu, mais elles semèrent la désolation et
provoquèrent les plus grands charniers de l’Histoire, pendant que
l’anticléricalisme entrainait l’apostasie généralisée des peuples, et parfois
des répressions sanglantes contre les croyants comme au Mexique avec les cristeros, en Espagne avec la terreur
rouge, prélude à la terreur blanche, ou en Russie où, au terme de 80 années
d’athéisme militant, il ne restait plus qu’une églises sur dix.
Pendant ce siècle, la voix des papes se fait entendre, mais elle semble
inaudible. Elle ne peut arrêter les boucheries de la première guerre mondiale, ni arrêter la montée des idéologies suicidaires qui
ravagèrent l’Europe et le monde.
En 1972, le Pape Paul VI ne peut que déplorer « la fumée de Satan »
qui est entrée dans le peuple de Dieu (l’ensemble des chrétiens). Il n’hésite
pas à nommer et à dénoncer l’auteur de ce trouble : « Une puissance
adverse est intervenue dont le nom est le diable, dit-il. »
Le 31 décembre 1983, cent ans après la vision de Léon XIII, la Vierge
confirme à Medjugorje : « Le pouvoir que Satan détient encore lui
sera retiré. Le siècle présent a été sous son pouvoir. Maintenant qu’il prend
conscience qu’il perdra la bataille, il se fait plus agressif. Il attaque la
famille, il sépare les époux. Il crée des divisions parmi les
prêtres. ». Message d’une brûlante actualité, trente ans après.
En 2000, Jean-Paul II voit dans ce XXe siècle, un siècle de martyrs dépassant
même les premiers temps du christianisme.
Dieu nous aurait-il abandonné au
pouvoir de Satan ? Serait-il impuissant à lutter contre lui ? Non,
bien sûr.
Une première clé de compréhension tient dans l’Écriture où Job, un homme
juste et craignant Dieu, est livré au
pouvoir du démon qui demande à ébranler sa foi. Les malheurs s’enchaînent
pour lui.
Mais Job garde la foi : pour lui l’absence de Dieu n’est qu’apparente.
Même s’il ne réussit pas à percevoir sa présence, il s’abandonne à ses
décisions qu’il sait bonnes même si elles lui apparaissent incompréhensibles,
voire injustes : « Lui connaît mon chemin, dit-il au plus fort de
l’épreuve. Qu’il me passe au creuset : j’en sortirai comme l’or. Mon pied
s’est attaché à son pas ; j’ai suivi son chemin sans dévier. »
Au terme de cette épreuve purificatrice Dieu récompense sa foi en multipliant
sa descendance et en le comblant de bontés.
De même, au soir de la sainte Cène, Satan demande à éprouver les apôtres. La prière de Jésus vole à leur secours pour les
empêcher de succomber et Pierre en sort raffermi.
Ainsi donc l’épreuve est une purification, non une punition. À son terme elle
comporte le triomphe de Dieu et comble celui qui a espéré.
Dans un message à Maria Valtorta, une mystique italienne morte en 1961, Jésus
explicite cette période :
« Après cette période de douloureux travail au cours de laquelle,
persécutée par des forces infernales, l’Église, comme la Femme mystique dont
parle Jean (il s’agit ici de ce passage de l’Apocalypse dont nous venons de
parler), après avoir fui pour se sauver, se réfugiant chez les meilleurs et
perdant ses membres indignes dans sa fuite mystique (Je dis bien mystique,
précise Jésus), accouchera des saints destinés à être à sa tête à l’heure qui
précède les temps derniers. »
Il ne s’agit donc pas de la fin ultime de l’Humanité dont nul ne connaît le
temps et le moment et surtout pas les faux prophètes qui nous l’annoncent
régulièrement.
4. Le titre prophétique de Marie.
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Dans ce message, Jésus identifie
l’Eglise à la Vierge Marie dont parle l’Apocalypse. Voilà donc notre époque
concernée par la Vierge des derniers temps.
Cette vue prophétique de la Vierge Marie trouve son origine dans les écrits
de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, un apôtre du siècle de Louis XIV
qu’affectionnait particulièrement Jean-Paul II. Il prit pour devise de son
pontificat, la devise de Grignion de Montfort : Totus Tuus, Tout à toi. Formule qui résume la consécration à Dieu
par la Vierge Marie.
Grignion de Montfort était un apôtre original qui évangélisa avec succès
l’ouest de la France. Il n’hésitait pas à reprendre les airs à la mode pour
en faire des cantiques, ou à marcher de village en village avec un boulet au
pied.
Il écrivit plusieurs ouvrages qui sont aujourd’hui des livres de
références, comme le Traité de la vraie dévotion à la Sainte
Vierge.
Il écrit cette annonce surprenante : « C’est par Marie que le salut du monde a
commencé, et c’est par Marie qu’il doit être consommé. » Il affirme : « Marie
produira conséquemment les plus grandes choses qui seront dans les derniers
temps. La formation et l’éducation des grands saints, qui seront sur la fin
du monde, lui est réservée. » Ou encore : « Dans le second avènement de Jésus-Christ,
Marie doit être connue et révélée par le Saint-Esprit afin de faire par elle
connaître, aimer et servir Jésus-Christ. ».
Arrêtons-nous un instant sur ce qu’il dit et que viendront confirmer
plusieurs écrits de mystiques ou de papes :
Oui, le Salut du monde a commencé par Marie et par son Fiat de
l’Annonciation : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit
fait selon sa Parole ». Et le Verbe s’est fait chair et Il a habité
parmi nous rajoute l’Angélus.
De la même façon, et rappelons-nous le chapitre de l’Apocalypse, elle doit
mettre au monde le Berger qui dirigera le monde avec un sceptre de fer. C’est
le dernier avènement dont parle Grignion de Montfort.
5. La « nouvelle Pentecôte ».
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On sait que le Christ ne reviendra
que pour juger les vivants et les morts. Il n’y aura donc pas de seconde incarnation car la
première fut parfaite. Le dernier avènement dont parle symboliquement
l’Apocalypse désigne le règne du Christ dans les esprits et les cœurs :
c’est cette « nouvelle pentecôte » qu’ont prophétisée régulièrement
tous les papes depuis Pie XI qui fut le premier à employer ce terme.
Jean XXIII et Benoît XVI insistent sur le rôle de Marie dans cet évènement.
Pie XII se fait précis : le 8 décembre 1954, six jours après l’une des
apparitions qu’il eut du Christ, il affirme :
« Nous avons la ferme confiance que, dans un délai peut-être moindre
qu’il ne serait humainement prévisible, le mal pourra être arrêté dans sa
marche. […] Nous voulons que Jésus règne dans le monde. […] Nous prions que
Jésus hâte le jour qui doit venir où
une nouvelle effusion mystérieuse du Saint-Esprit enveloppera tous les
soldats du Christ et les enverra porter le salut parmi les misères de la
terre. Et ce seront des jours meilleurs pour l’Église et, à travers l’Église,
pour le monde entier. » Il annonce ainsi une effusion prochaine de
l’Esprit débouchant sur le règne universel de Jésus.
Pie XII parle « d’un délai peut-être moindre qu’il ne serait humainement
prévisible ». Grignion de Montfort prophétisait cet évènement
« plutôt qu’on ne le pense » et Jésus affirme à Maria Valtorta,
mystique dont nous venons de parler : « c’est maintenant le temps
de Marie ».
Mais Grignion de Montfort dit cela il y a trois siècles. Peut-on accorder
crédit à son avertissement ?
Tous les prophètes voient l’avenir dans l’éternel présent de Dieu : la
prophétie de Grignion de Montfort ne fut réellement connue qu’en 1929, il y a
moins d’un siècle. De même la prophétie de Mélanie de La Salette sur les
« apôtres des derniers temps » ne fut réellement découverte dans sa
version authentique qu’en 1999, à l’ouverture des archives du Vatican.
En 1917, au cœur de la barbarie, la Vierge Marie annonce à Fatima le triomphe
final de son Cœur Immaculé. Mais la consécration du monde et de la Russie au
Cœur Immaculée de Marie ne fut effectivement prononcée qu’après cinq
tentatives, par Jean-Paul II, au seuil du nouveau millénaire, le 16 octobre
1983, 99 ans, presque jour pour jour après la vision de Léon XIII et au
moment même où la Vierge Marie confirme (31 décembre), à Medjugorje, que le
pouvoir que Satan détient encore, lui sera prochainement enlevé.et peu de
temps avant que le rideau de fer ne s’écroule de son propre poids.
Quels autres évènements peuvent nous
faire penser que ce temps a commencé, comme le dit Jésus à Maria Valtorta, et
qu’il « se déroulera dans toute sa longueur ». Rien, apparemment,
sinon les apparitions mariales qui se sont multipliées à notre époque, sur
tous les continents et pour toutes les religions si l’on pense aux
apparitions de Zeitoun en Égypte, visibles par tous, chrétiens coptes et
musulmans confondus. Ce qui constitue un fait nouveau.
Mgr Laurentin, l’un des spécialistes des apparitions mariales, notait cette
multiplication actuelle sans précédent des apparitions mariales et remarquait
« qu’à l’époque moderne, fait nouveau, plusieurs ont une importance
prophétique, historique et culturelle, indéniable, durable et considérable ».
« Dieu a délégué Marie auprès des hommes, notait-il par ailleurs, pour
les familiariser avec lui. Elle est la délégation privilégiée de la
Miséricorde de Dieu parmi les hommes ». Élection par Dieu-même, par laquelle s’accentue ce
prodige, sans le moindre détriment pour le Christ.
Jésus confirme à Maria Valtorta : « L’infinie Miséricorde de Dieu fera
resplendir Marie, annonciatrice de
la dernière venue du Christ ». Miséricorde divine caractéristique de la
Vierge des derniers temps selon Grignion de Montfort, et ligne de force de
notre époque selon les révélations faites à sœur Faustine ou à sœur Josefa
Menendez, deux apôtres contemporaines de la
Miséricorde divine.
À sainte Faustine, Jésus avait explicitement dit : « Parle au monde
de Ma miséricorde. Que l’humanité entière apprenne à connaître Mon insondable
miséricorde. C’est un signe pour
les derniers temps. Après viendra le
jour de la Justice. Tant qu’il en est temps, que les hommes aient recours à
la source de Ma miséricorde. ».
C’est le même appel que Jésus confie à sœur Josefa Menendez comme à d’autres mystiques. Nous verrons plus loin
l’importance qu’elles ont dans notre histoire.
7. La Mère de Miséricorde.
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Il n’échappera à personne que nous
sommes dans l’année de la Miséricorde voulue par le Pape François et que
Jean-Paul II a instauré le Dimanche de la Miséricorde dans l’octave de
Pâques, fête à la vieille de laquelle il mourût.
On se rappellera aussi que Marie est la Mère de la Miséricorde, Mère à qui
nous fûmes confiés sur la Croix, comme l’Église.
Dans ces messages et ces signes, il n’y a pas de Dieu vengeur promettant
l’extermination, mais le Dieu souffrant qui « a tant aimé le monde ». Nous verrons aussi que cet appel pressant à
l’amour, qui retentit de diverses manières, nous concerne comme refuge
d’abord, mais aussi comme collaboration. Car saint Paul le dit : nous
sommes les collaborateurs de Dieu, notamment depuis notre baptême.
La Miséricorde est pour tous les hommes. Et là commence une frontière qu’il
nous est difficile parfois de franchir : celle de l’amour universel de Dieu. Car la Vierge des
derniers temps prépare ce règne universel qui verra la réunion des croyants
en un seul troupeau du Christ. Pas seulement les « brebis perdues
d’Israël », c’est-à-dire les chrétiens divisés, mais encore les juifs
dont la conversion est prédite par les Écritures, mais encore ceux que Grignion de Montfort appelle
« les turcs ou les mahométans », mais aussi les hommes de bonne
volonté.
L’actualité et le vécu de chacun dressent parfois une barrière dure
à franchir, mais c’est bien la reprise de ce qu’annonce, de diverses
manières, l’Écriture.
8. Les « apôtres des derniers temps ».
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Comment cela adviendra-t-il ?
Dieu seul le sait. C’est la « nouvelle Pentecôte » dont nous avons parlé.
Grignon de Montfort y précise le rôle de Marie : dès lors qu’Elle
règnera dans les cœurs : « Le Saint-Esprit, trouvant sa chère Épouse comme
reproduite dans les âmes, y surviendra abondamment et les remplira de ses
dons, particulièrement du don de sa sagesse, pour opérer des merveilles de
grâces ».
Le secret de La Salette, dans sa version longue découverte en 1999, comporte
un appel de la Vierge aux « apôtres des derniers temps » repris de
Grignion de Montfort. Je vous le lit :
« J’adresse un pressant appel à la terre, dit la Vierge de La Salette ;
« j’appelle les vrais disciples du Dieu vivant et régnant dans les Cieux
;
« j’appelle les vrais imitateurs du Christ fait homme, le seul et vrai
Sauveur des hommes,
« j’appelle mes enfants, mes vrais dévots, ceux qui se sont donné à moi
pour que je les conduise à mon divin Fils, ceux que je porte, pour ainsi
dire, dans mes bras, ceux qui ont vécu de mon esprit
« enfin j’appelle les apôtres des derniers temps, les fidèles disciples
de Jésus-Christ qui ont vécu dans un mépris du monde et d’eux-mêmes, dans la
pauvreté et l’humilité, dans le mépris et le silence, dans l’oraison et la
mortification, dans la chasteté et l’union avec Dieu, dans la souffrance et
inconnus du monde.
« Allez et montrez-vous comme mes enfants chéris ; je suis avec vous et
en vous, pourvu que votre foi soit la lumière qui vous éclaire dans ces jours
de malheurs. Que votre zèle vous rende comme des affamés pour la gloire et
l’honneur de Jésus-Christ. Combattez, enfants de lumière, vous, petit nombre
qui y voyez ; car voici le temps des temps, la
fin des fins. »
Approfondissons ce que dit la Vierge dans ce message sur les personnes
qu’Elle appelle.
Il y a des personnes qui ont donné leur vie à Dieu, qui la lui ont consacrée.
Elles ont été choisies par Dieu et appelé en conséquence. Visiblement, ce sont les
prêtres, les religieux et religieuses. Les jeunes franciscains du Bronx à New
York résument leur engagement total à la suite de Dieu et au service de leurs
frères, par cette formule humoristique :
No money, no honey, one boss : pas de fric, pas de chérie, un seul
patron.
Mais tous ne sont pas appelés ainsi. Ceux qui ne le sont pas de cette manière
n’ont-ils aucun rôle ? Non, bien sûr. Nous sommes tous appelés à
collaborer avec Dieu, mais chacun à notre manière, sans que rien ne soit
au-dessus de nos forces dit Dieu.
9. Les âmes corédemptrices.
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Si les âmes consacrées sont des âmes
de prédilection, il en est d’autres, dont elles font souvent partie, qui se
font aussi les « vrais imitateurs du Christ » comme dit la Vierge
de La Salette, jusqu’à devenir les âmes corédemptrices, appelées autrement,
hosties, ou victimes d’holocauste.
Ces âmes victimes font don de leur vie humaine à Dieu, en la conditionnant
toute entière à la Volonté divine. Elles ne veulent que ce que Dieu veut
d’elles. Elles ne désirent que Dieu, en s’offrant et s’immolant elles-mêmes,
par amour pour Dieu, pour réparer leurs offenses et plus encore, celles
d'autrui.
La première et la plus importante des « corédemptrices » fut justement la Vierge Marie dont le cœur fut
transpercé par une épée au long de la si longue Passion de son Fils. À sa
suite, il y en eut d’autres que seul Dieu connaît. Toutes se sont reconnues
dans la phrase de saint Paul qui explicite la « corédemption » :
« Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour
vous ; ce qui reste à souffrir des
épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps
qui est l’Église ».
Et par ailleurs :
« Je porte dans mon corps les stigmates
(les marques) des souffrances de Jésus »
Dieu aimerait-Il donc nous faire souffrir ? Non, d’ailleurs, Il
l’atteste : Dieu ne prend pas plaisir à voir souffrir les siens.
Si Paul trouve sa joie dans sa participation aux souffrances du Christ, comme
le Christ lui-même exultait à l’idée de sa Passion, c’est par amour passionné
pour les hommes.
On le sait par les mystiques : le Cœur sacré de Jésus est un feu brûlant
d’amour qui ne consume que notre humanité pour libérer notre divinité. Dieu a
tant aimé les hommes qu’Il s’est offert pour nous, jusqu’à s’abaisser dans la
condition d’esclave, dit saint Paul
10. À la suite et à l’imitation du Christ.
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Là où notre humanité compatit aux
souffrances de la Passion, les âmes corédemptrices voient, avec les yeux de
leur cœur, le débordement d’amour du Christ pour l’Humanité. Elles en
viennent à vouloir le partager en montant à sa suite, et à son imitation, sur
la Croix.
Maria Valtorta, qui fut une de ces âmes offertes, explique :
« Pour une âme généreuse (aimante), le sacrifice n'est plus un effort et
la souffrance n'est plus un tourment… Et même une seule chose préoccupe une
âme généreuse : elle a peur de ne point souffrir. C'est là que réside le
renversement des valeurs. … Une âme généreuse est tout à fait incapable de
souffrir de la façon amère dont souffrent ceux qui ne sont pas généreux.
« La souffrance demeure, parce que cela est inévitable, mais elle ne se
présente plus comme un ennemi : elle est une amie qui nous aide à monter de
plus en plus haut. La seule pensée que cette souffrance nous rend semblables
au Christ et fait de nous des continuateurs de son œuvre, nous donne une soif
insatiable de souffrances toujours nouvelles et plus profondes… Cela fait des
années que je vis de la sorte et que j'ai trouvé la paix de l'âme,
conclue-t-elle »
Paradoxe de la Croix, folie et scandale pour les hommes disait saint Paul. Mystère qu’on n’a pas fini de comprendre car c’est le
mystère même de la Rédemption.
Entrons un peu plus dans cet amour souffrant que chacun peut cependant
approcher dans la pratique de la compassion : là où la souffrance ne
vient que de la souffrance éprouvée par la personne qu’on aime et non de ses
propres épreuves. Compassion qui soulage et secoure celui qui la reçoit.
À ne considérer que les cas connus d’âmes offertes en victime d’expiation,
les femmes sont sept fois plus nombreuses que les
hommes.
Chacun donnera l’explication qu’il veut à ce fait, mais 70 ans de vie me font
voir là, le rapport particulier de la femme à l’amour et à l’amour
compatissant plus spécifiquement.
Cela se manifeste déjà dans les femmes présentes au pied de la Croix et
actives dans la tourmente de la Passion. C’est à une femme que Jésus se
manifeste en premier dans sa Gloire, et pas n’importe laquelle : Marie de Magdala, la patronne de la Provence, celle qui fut délivrée de 7
démons et dont Jésus dit qu’il lui fut beaucoup pardonné parce qu’elle avait
beaucoup aimé. Elle est donc la
messagère de la Résurrection et l’exemple vivant de la Miséricorde. Son tombeau est,
à n’en pas douter, réellement en Provence et, de ce fait, le troisième de la
chrétienté.
11. La puissance des âmes
corédemptrices.
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L’acte d’offrande en victime d’holocauste à l’Amour Miséricordieux que fit sainte Thérèse de Lisieux est un long poème
d’amour d’une âme qui vibre sous l’archet de Dieu.
Humainement elle ne fut qu’une carmélite morte jeune dans l’anonymat d’un
couvent. Mais spirituellement : quelle puissance ! C’est par son
simple journal qu’elle mérite le titre de Docteure de l’Église.
Ces âmes complètement données à Dieu acquièrent, en effet, une puissance
humainement inexplicable, seulement compréhensible à la lueur de cette phrase
de saint Paul :
« Avec le Christ, je suis crucifié.
Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est
le Christ qui vit en moi ».
C’est donc la puissance même du Christ qui s’opère dans le monde par le biais
de ces âmes qui laissent Dieu agir en elles.
Charles de Foucauld fit aussi l’offrande
de sa vie. Son acte s’exprime dans la sobriété
du militaire qu’il fut : Il s’offre « Parce que je t'aime, dit-il à
Dieu, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner ».
Lointain écho de l’acte d’offrande de saint Ignace de Loyola,
lui aussi un soldat, le premier à
avoir formulé de tels actes repris et amplifié par les mystiques depuis ce
temps.
Foi des centurions que nous répétons avant de communier : « Dis
seulement une parole ! »
Charles de Foucauld eut un apostolat humainement stérile : il mourût il
y a cent ans sans avoir obtenue une seule conversion, mais aujourd’hui une
vingtaine de mouvements, regroupant 13.000 membres, se réclament de sa
spiritualité.
Le siècle donné à Satan pour éprouver l’Église, fut aussi le siècle des âmes
victimes, jusqu’à Jean-Paul II qui s’offrit de porter la souffrance des
personnes âgées et malades. Là où le péché abonde, la grâce surabonde.
Mais il n’y eut pas que des personnes consacrées : Conception de Armida
(Conchita), une mexicaine, était une mère de famille dont on connaît
l’ascension spirituelle par le journal qu’elle tenait. Elle fonda les œuvres
de la Croix, des œuvres fécondes.
La plus âgées des âmes corédemptrices connues est Natuzza Evolo, une mère de
famille calabraise sans instruction.
La plus jeune est Anonietta Meo, dite Nennolina, une italienne morte à 6 ans
et demi. C’était une âme victime dont les paroles d’offrande de sa vie et de
ses souffrances pour les autres et par amour de Jésus, sont empreintes de la
fraicheur enfantine.
En France, à la suite de sainte Thérèse ou de Charles de Foucauld, nous
connaissons Yvonne Aimée de Malestroit ou Marthe Robin.
Il y en a d’autres comme Mère Amélie de Gibergues qui reçut une Supplique du Rédempteur aux âmes
consacrées. Elle a croisé peut-être sœur Josefa Menendez, espagnole
qui réalisa sa vocation en France.
Toutes s’associèrent à l’amour du Christ dans sa Passion. Toutes laissèrent
Dieu vivre en elles. Toutes eurent des fruits spirituels humainement
incompréhensibles.
Maria Valtorta eut cette vie sans éclat. Elle fut grabataire. Mais au plus
fort de la guerre, elle reçut sept ans durant les visions de la Vie du Christ
en Palestine et des dictées du Ciel.
Cette vie de Jésus fut encouragée par Pie XII, mais combattue après la mort
du Saint-Père jusqu’à la mise à l’index temporaire de son œuvre, rejoignant
ainsi l’infamie qui frappa sœur Faustine ou Padre Pio.
Cette Vie de Jésus est aujourd’hui lue par des millions de lecteurs de tous
les continents. Elle fait l’objet d’études scientifiques qui authentifient
l’extraordinaire exactitude, historique, archéologique, astronomique,
sociologique, botanique, zoologique, géologique, etc. de cette œuvre qui
confirme ainsi l’Evangile éternel dans un siècle où on le défigure en autant
de Da Vinci Code.
C’était aussi, nous l’avons vu, une âme corédemptrice. De celles qui, à la
suite de la première d’entre elles, la Vierge Marie, et avec son aide,
parsemèrent le chemin de l’Église de tant de grâces depuis 2000 ans.
J’ai eu l’occasion de croiser la
route de Mgr Laurentin. Nous collaborons sur les mystiques depuis 9 ans. Dans
le cadre de ces travaux, je côtoie les richesses du Ciel, mais les lire et les
méditer n’amène qu’à remplir la tête, non le cœur qui reste fermé aux savants
et ouverts seulement aux cœurs d’enfants. Je ne suis donc qu’un colporteur.
Mais même à ce stade, j’ai eu l’occasion de vérifier la puissance de la
Croix. Pour cela, et en guise de conclusion, vous me permettrez une anecdote
personnelle.
Je suis ce que l’on appelle un recommençant, c’est-à-dire quelqu’un qui a
retrouvé les chemins de l’Église après 25 ans d’errance et d’erreurs.
Ce retour, je le dois à l’intercession de la Vierge de Medjugorje, lieu où je
n’ai pourtant jamais été et où, cependant, je me rends en pensée chaque jour
depuis 26 ans. C’est donc bien Marie qui m’a donné son Fils, terme et
achèvement de toutes choses, y compris de la Vierge des derniers temps.
Dès mon retour en Église, je me suis retrouvé en responsabilité laïque, et
pour 18 ans, dans une paroisse populaire des quartiers cosmopolites. Ce sont
des quartiers riches de leur humanité et pauvres de leurs déviances : le
mien était fréquenté par le tueur de l’hyper casher. Dans les églises de ces quartiers, généralement jeunes,
le Christ se loue dans toutes les langues, de tous les continents.
Il y a une quinzaine d’années l’islamisme a commencé à ronger ces quartiers.
Nous assistions médusés à ses ravages, y compris dans nos rangs. Je
culpabilisais sur la responsabilité que j’exerçais mal. Nous nous terrions
comme des assiégés.
Mais un jour un prêtre nous a fait traverser toute la cité populaire forte de
15.000 habitants. Nous l’avons fait un vendredi Sant, Croix en tête avec
cantiques et prières.
J’ai alors vu ce que je n’imaginais pas : des inconnus se signer et
d’autres, musulmans affichés, saluer admirativement notre initiative. Ce
jour-là, notre peur a définitivement disparue.
Au fil des années nous n’avons eu que deux manifestations d’hostilité :
une femme qui a fermé ses volets en chantant l’Internationale et un jeune en vélo un peu provocateur. Cela
s’est tout de suite arrêté : un autre lui a dit un seul mot, le mot
magique des cités où se côtoient races, peuples et nations :
« respect ».
- Puissance de la Croix qui délivre aussi une communauté de sa crainte, dès
lors qu’elle met le Christ à sa tête.
- Leçon de respect qui rappelle que pour être respecté, il faut d’abord
respecter soi-même ses propres convictions, car nul ne le fera à notre place.
Merci de votre écoute.
François-Michel Debroise.
NB : Certains travaux de cet
exposé sont développés dans « La Vierge des Derniers Temps », René
Laurentin, François-Michel Debroise, éditions Salvator.
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