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 TEXTES DE RÉFÉRENCE  Constitution
  pastorale
 GAUDIUM ET SPES
 sur l'Église dans le monde
 de ce temps
 (Paul VI - 7 décembre 1965)
  Lettre encyclique
 SOLICITUDO REI SOCIALIS
 sur la question sociale
 (Jean-Paul II - 30 décembre 1987)
  Lettre
  encyclique
 CENTESIMUS ANNUS
 pour le centenaire
 de Rerum Novarum
 (Jean-Paul II - 1er mai 1991)
  Lettre
  encyclique
 LABOREM EXERCENS
 sur le travail humain
 (Jean-Paul II - 14 septembre 1981)
  Décret
 APOSTOLICAM ACTUOSITATEM
 sur l'apostolat des laïcs
 (Paul VI - 18 novembre 1965)
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 Chapitre
  deuxième :         "Tu aimeras ton prochain comme toi-même"
 Article 7.     Le septième commandement.
 Tu
  ne commettras pas de vol(1).
       Tu ne voleras pas(2).
 
 2401
 Le septième commandement défend de
  prendre ou de retenir le bien du prochain injustement et de faire du tort au
  prochain en ses biens de quelque manière que ce soit. Il prescrit la justice
  et la charité dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail
  des hommes. Il demande en vue du bien commun le respect de la destination
  universelle des biens et du droit de propriété privée. La vie chrétienne
  s’efforce d’ordonner à Dieu et à la charité fraternelle les biens de ce
  monde.
 --------------------------------------
 (1) Exode 20, 15 ; Deutéronome 5, 19 – (2) Matthieu 19, 18.
 
 
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 I. La Destination universelle et la propriété privée des
  biens.
 
 
 2402
 Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la gérance
  commune de l’humanité pour qu’elle en prenne soin, la maîtrise par son
  travail et jouisse de ses fruits(1). Les biens de la création
  sont destinés à tout le genre humain. Cependant la terre est répartie entre
  les hommes pour assurer la sécurité de leur vie, exposée à la pénurie et
  menacée par la violence. L’appropriation des biens est légitime pour garantir
  la liberté et la dignité des personnes, pour aider chacun à subvenir à ses
  besoins fondamentaux et aux besoins de ceux dont il a la charge. Elle doit
  permettre que se manifeste une solidarité naturelle entre les hommes.
 --------------------------------------
 (1) cf. Genèse 1, 26-29.
 
 
 2403
 Le droit à la propriété privée, acquise ou reçue de manière juste,
  n’abolit pas la donation originelle de la terre à l’ensemble de l’humanité.
  La destination universelle des biens demeure primordiale, même si la
  promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée, de son
  droit et de son exercice.
 
 
 2404
 "L’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les
  choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les
  regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter
  non seulement à lui, mais aux autres"(1). La propriété d’un bien
  fait de son détenteur un administrateur de la Providence pour le faire
  fructifier et en communiquer les bienfaits à autrui, et d’abord à ses
  proches.
 --------------------------------------
 (1) Gaudium et spes 69, § 1.
 
 
 2405
 Les biens de production – matériels ou immatériels – comme des terres ou des
  usines, des compétences ou des arts, requièrent les soins de leurs
  possesseurs pour que leur fécondité profite au plus grand nombre. Les
  détenteurs des biens d’usage et de consommation doivent en user avec
  tempérance, réservant la meilleure part à l’hôte, au malade, au pauvre.
 
 
 2406
 L’autorité politique a le droit et le devoir de régler, en fonction du
  bien commun, l’exercice légitime du droit de propriété (1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Gaudium et spes
  71, § 4 ; Sollicitudo
  rei socialis
  42 ; Centesimus annus 40 ; 48.
 
 
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 II. Le respect des personnes et de leurs biens.
 
 
 2407
 En matière économique, le respect de la dignité humaine exige la pratique de
  la vertu de tempérance, pour modérer l’attachement aux biens de ce
  monde ; de la vertu de justice, pour préserver les droits du
  prochain et lui accorder ce qui lui est dû ; et de la solidarité,
  suivant la règle d’or et selon la libéralité du Seigneur qui "de riche
  qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté"(1).
 --------------------------------------
 (1) 2 Corinthiens 8, 9.
 
 
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 Le respect des biens d’autrui.
 
 
 2408
 Le septième commandement interdit le vol, c’est-à-dire
  l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté raisonnable du propriétaire.
  Il n’y a pas de vol si le consentement peut être présumé ou si le refus est
  contraire à la raison et à la destination universelle des biens. C’est le cas
  de la nécessité urgente et évidente où le seul moyen de subvenir à des
  besoins immédiats et essentiels (nourriture, abri, vêtement ...) est de
  disposer et d’user des biens d’autrui(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Gaudium et spes
  69, § 1.
 
 
 2409
 Toute manière de prendre et de détenir injustement le bien d’autrui,
  même si elle ne contredit pas les dispositions de la loi civile, est
  contraire au septième commandement. Ainsi, retenir délibérément des biens
  prêtés ou des objets perdus ; frauder dans le commerce(1) ;
  payer d’injustes salaires(2) ; hausser les prix en spéculant sur l’ignorance ou
  la détresse d’autrui(3).
 Sont encore moralement illicites : la spéculation par laquelle on agit
  pour faire varier artificiellement l’estimation des biens, en vue d’en tirer
  un avantage au détriment d’autrui ; la corruption par laquelle on
  détourne le jugement de ceux qui doivent prendre des décisions selon le
  droit ; l’appropriation et l’usage privés des biens sociaux d’une
  entreprise ; les travaux mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon
  des chèques et des factures, les dépenses excessives, le gaspillage. Infliger
  volontairement un dommage aux propriétés privées ou publiques est contraire à
  la loi morale et demande réparation.
 --------------------------------------
 (1) cf. Deutéronome 25, 13-16 – (2) cf. Deutéronome 24, 14-15 ; Jacques 5, 4
  – (3) cf. Amos 8, 4-6.
 
 
 2410
 Les promesses doivent être tenues, et les contrats
  rigoureusement observés dans la mesure où l’engagement pris est moralement
  juste. Une part notable de la vie économique et sociale dépend de la valeur
  des contrats entre personnes physiques ou morales. Ainsi les contrats
  commerciaux de vente ou d’achat, les contrats de location ou de travail. Tout
  contrat doit être convenu et exécuté de bonne foi.
 
 
 2411
 Les contrats sont soumis à la justice commutative qui règle les
  échanges entre les personnes et entre les institutions, dans l’exact respect
  de leurs droits. La justice commutative oblige strictement ; elle exige
  la sauvegarde des droits de propriété, le paiement des dettes et la
  prestation des obligations librement contractées. Sans la justice
  commutative, aucune autre forme de justice n’est possible.
 On distingue la justice commutative de la justice légale qui
  concerne ce que le citoyen doit équitablement à la communauté, et de la
  justice distributive qui règle ce que la communauté doit aux citoyens
  proportionnellement à leurs contributions et à leurs besoins.
 
 
 2412
 En vertu de la justice commutative, la réparation de
  l’injustice commise exige la restitution du bien dérobé à son
  propriétaire :
 Jésus bénit Zachée de son engagement : "Si j’ai fait du tort à
  quelqu’un, je lui rends le quadruple"(1). Ceux qui, d’une manière
  directe ou indirecte, se sont emparés d’un bien d’autrui, sont tenus de le
  restituer, ou de rendre l’équivalent en nature ou en espèce, si la chose a
  disparu, ainsi que les fruits et avantages qu’en aurait légitimement obtenu
  son propriétaire. Sont également tenus de restituer à proportion de leur
  responsabilité et de leur profit tous ceux qui ont participé au vol en
  quelque manière, ou en ont profité en connaissance de cause ; par
  exemple ceux qui l’auraient ordonné, ou aidé, ou recélé.
 --------------------------------------
 (1) Luc 19, 8.
 
 
 2413
 Les jeux de hasard (jeu de cartes, etc.) ou les paris ne sont
  pas en eux-mêmes contraires à la justice. Ils deviennent moralement
  inacceptables lorsqu’ils privent la personne de ce qui lui est nécessaire
  pour subvenir à ses besoins et à ceux d’autrui. La passion du jeu risque de
  devenir un asservissement grave. Parier
  injustement ou tricher dans les jeux constitue une matière grave, à moins que
  le dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse
  raisonnablement le considérer comme significatif.
 
 
 2414
 Le septième commandement proscrit les actes ou entreprises qui, pour quelque
  raison que ce soit, égoïste ou idéologique, mercantile ou totalitaire,
  conduisent à asservir des êtres humains, à méconnaître leur dignité
  personnelle, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des
  marchandises. C’est un péché contre la dignité des personnes et leurs droits
  fondamentaux que de les réduire par la violence à une valeur d’usage ou à une
  source de profit. Saint Paul ordonnait à un maître chrétien de traiter son
  esclave chrétien "non plus comme un esclave, mais comme un frère ...,
  comme un homme, dans le Seigneur"(1).
 --------------------------------------
 (1) Philémon 16.
 
 
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 Le respect de l’intégrité de la création.
 
 
 2415
 Le septième commandement demande le respect de l’intégrité de la création.
  Les animaux, comme les plantes et les êtres inanimés, sont naturellement
  destinés au bien commun de l’humanité passée, présente et future(1). L’usage
  des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne peut être
  détaché du respect des exigences morales. La domination accordée par le
  Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n’est pas
  absolue ; elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie du
  prochain, y compris des générations à venir ; elle exige un respect
  religieux de l’intégrité de la création(2).
 --------------------------------------
 (1) cf. Genèse 1, 28-31 – (2) cf. Centesimus
  annus
  37-38.
 
 
 2416
 Les animaux sont des créatures de Dieu. Celui-ci les entoure
  de sa sollicitude providentielle(1). Par leur simple
  existence, ils le bénissent et lui rendent gloire(2).
  Aussi les hommes leur doivent-ils bienveillance. On se rappellera avec quelle
  délicatesse les saints, comme Saint François d’Assise ou Saint Philippe Neri, traitaient les animaux.
 --------------------------------------
 (1) cf. Matthieu 6, 26 – (2) cf. Daniel 3, 57-58.
 
 
 2417
 Dieu a confiés les animaux à la gérance de celui qu’Il a créé à son image(1).
  Il est donc légitime de se servir des animaux pour la nourriture et la
  confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils assistent
  l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs. Les expérimentations médicales
  et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement acceptables,
  pourvu qu’elles restent dans des limites raisonnables et contribuent à
  soigner ou sauver des vies humaines.
 --------------------------------------
 (1) cf. Genèse 2, 19-20 ; 9, 1-4.
 
 
 2418
 Il est contraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement
  les animaux et de gaspiller leurs vies. Il est également indigne de dépenser
  pour eux des sommes qui devraient en priorité soulager la misère des hommes.
  On peut aimer les animaux ; on ne saurait détourner vers eux l’affection
  due aux seules personnes.
 
 
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 III. La doctrine sociale de l’Église.
 
 
 2419
 "La révélation chrétienne conduit à une intelligence plus pénétrante des
  lois de la vie sociale"(1). L’Église reçoit de l’Évangile la pleine révélation de
  la vérité de l’homme. Quand elle accomplit sa mission d’annoncer l’Évangile,
  elle atteste à l’homme, au nom du Christ, sa dignité propre et sa vocation à
  la communion des personnes ; elle lui enseigne les exigences de la
  justice et de la paix, conformes à la sagesse divine.
 --------------------------------------
 (1) Gaudium et spes
  23, § 1.
 
 
 2420
 L’Église porte un jugement moral, en matière économique et sociale,
  "quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes
  l’exigent"(1). Dans l’ordre de la moralité elle relève d’une mission
  distincte de celle des autorités politiques : l’Église se soucie des
  aspects temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain
  Bien, notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les attitudes justes dans
  le rapport aux biens terrestres et dans les relations socio-économiques.
 --------------------------------------
 (1) Gaudium et spes
  76, § 5.
 
 
 2421
 La doctrine sociale de l’Église s’est développée au dix-neuvième
  siècle lors de la rencontre de l’Évangile avec la société industrielle
  moderne, ses nouvelles structures pour la production de biens de
  consommation, sa nouvelle conception de la société, de l’État et de
  l’autorité, ses nouvelles formes de travail et de propriété. Le développement
  de la doctrine de l’Église, en matière économique et sociale, atteste la
  valeur permanente de l’enseignement de l’Église, en même temps que le sens
  véritable de sa Tradition toujours vivante et active(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Centesimus annus
  3.
 
 
 2422
 L’enseignement social de l’Église comporte un corps de doctrine qui
  s’articule à mesure que l’Église interprète les événements au cours de
  l’histoire, à la lumière de l’ensemble de la parole révélée par le Christ
  Jésus avec l’assistance de l’Esprit Saint(1). Cet enseignement devient
  d’autant plus acceptable pour les hommes de bonne volonté qu’il inspire
  davantage la conduite des fidèles.
 --------------------------------------
 (1) cf. Sollicitudo
  rei socialis 1
  ; 41.
 
 
 2423
 La doctrine sociale de l’Église propose des principes de
  réflexion ; elle dégage des critères de jugement ; elle donne des
  orientations pour l’action :
 Tout système suivant lequel les rapports sociaux seraient entièrement
  déterminés par les facteurs économiques est contraire à la nature de la
  personne humaine et de ses actes (1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Centesimus annus
  24.
 
 
 2424
 Une théorie qui fait du profit la règle exclusive et la fin ultime de
  l’activité économique est moralement inacceptable. L’appétit désordonné de
  l’argent ne manque pas de produire ses effets pervers. Il est une des causes
  des nombreux conflits qui perturbent l’ordre social(1).
 Un système qui "sacrifie les droits fondamentaux des personnes et des
  groupes à l’organisation collective de la production" est contraire à la
  dignité de l’homme(2). Toute pratique qui réduit les personnes à n’être que
  de purs moyens en vue du profit, asservit l’homme, conduit à l’idolâtrie de
  l’argent et contribue à répandre l’athéisme. "Vous ne pouvez servir à la
  fois Dieu et Mammon"(3).
 --------------------------------------
 (1) cf. Gaudium et spes
  63, § 3 ; Laborem exercens 7 ; Centesimus annus 35 – (2) Gaudium et spes 65 – (3) Matthieu 6, 24 ; Luc 16, 13.
 
 
 2425
 L’Église a rejeté les idéologies totalitaires et athées associées,
  dans les temps modernes, au "communisme" ou au
  "socialisme". Par ailleurs, elle a récusé dans la pratique du
  "capitalisme" l’individualisme et le primat absolu de la loi du
  marché sur le travail humain(1). La régulation de l’économie par la seule planification
  centralisée pervertit à la base les liens sociaux ; sa régulation par la
  seule loi du marché manque à la justice sociale "car il y a de nombreux
  besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché"(2).
  Il faut préconiser une régulation raisonnable du marché et des initiatives
  économiques, selon une juste hiérarchie des valeurs et en vue du bien commun.
 --------------------------------------
 (1) cf. Centesimus annus
  10 ; 13 ; 44 – (2) Centesimus annus 34.
 
 
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 IV. L’activité économique et la justice sociale.
 
 
 2426
 Le développement des activités économiques et la croissance de la production
  sont destinés à subvenir aux besoins des êtres humains. La vie économique ne
  vise pas seulement à multiplier les biens produits et à augmenter le profit
  ou la puissance ; elle est d’abord ordonnée au service des personnes, de
  l’homme tout entier et de toute la communauté humaine. Conduite selon ses
  méthodes propres, l’activité économique doit s’exercer dans les limites de
  l’ordre moral, suivant la justice sociale, afin de répondre au dessein de
  Dieu sur l’homme(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Gaudium et spes
  64.
 
 
 2427
 Le travail humain procède immédiatement des personnes créées à l’image
  de Dieu, et appelées à prolonger, les unes avec et pour les autres, l’œuvre
  de la création en dominant la terre(1). Le travail est donc un
  devoir : "Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas
  non plus"(2). Le travail honore les dons du Créateur et les talents
  reçus. Il peut aussi être rédempteur. En endurant la peine(3) du
  travail en union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du
  Calvaire, l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de Dieu dans
  son Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix,
  chaque jour, dans l’activité qu’il est appelé à accomplir(4).
  Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des réalités
  terrestres dans l’Esprit du Christ.
 --------------------------------------
 (1) cf. Genèse 1, 28 ; Gaudium
  et spes 34
  ; Centesimus annus
  31 – (2) 2 Timothée 3,
  10 ; cf. 1 Timothée 4, 11 – (3) cf. Genèse 3, 14-19 – (4) cf. Laborem exercens 27.
 
 
 2428
 Dans le travail, la personne exerce et accomplit une part des capacités
  inscrites dans sa nature. La valeur primordiale du travail tient à l’homme
  même, qui en est l’auteur et le destinataire. Le travail est pour l’homme, et
  non l’homme pour le travail(1).
 Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens de subvenir à sa vie et
  à celle des siens, et de rendre service à la communauté humaine.
 --------------------------------------
 (1) cf. Laborem exercens
  6.
 
 
 2429
 Chacun a le droit d’initiative économique, chacun usera légitimement
  de ses talents pour contribuer à une abondance profitable à tous, et pour
  recueillir les justes fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux
  réglementations portées par les autorités légitimes en vue du bien commun(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Centesimus annus
  32 ; 34.
 
 
 2430
 La vie économique met en cause des intérêts divers, souvent opposés
  entre eux. Ainsi s’explique l’émergence des conflits qui la caractérisent(1).
  On s’efforcera de réduire ces derniers par la négociation qui respecte les
  droits et les devoirs de chaque partenaire social : les responsables des
  entreprises, les représentants des salariés, par exemple des organisations
  syndicales, et, éventuellement, les pouvoirs publics.
 --------------------------------------
 (1) cf. Laborem exercens
  11.
 
 
 2431
 La responsabilité de l’État. "L’activité économique,
  en particulier celle de l’économie de marché, ne peut se dérouler dans un
  vide institutionnel, juridique et politique. Elle suppose que soient assurées
  les garanties des libertés individuelles et de la propriété, sans compter une
  monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir essentiel de
  l’État est cependant d’assurer ces garanties, afin que ceux qui travaillent
  puissent jouir du fruit de leur travail et donc se sentir stimulés à
  l’accomplir avec efficacité et honnêteté ... L’État a le devoir de surveiller
  et de conduire l’application des droits humains dans le secteur
  économique ; dans ce domaine toutefois, la première responsabilité ne
  revient pas à l’État mais aux institutions et aux différents groupes et
  associations qui composent la société"(1).
 --------------------------------------
 (1) Centesimus annus
  48.
 
 
 2432
 Les responsables d’entreprises portent devant la société la
  responsabilité économique et écologique de leurs opérations(1).
  Ils sont tenus de considérer le bien des personnes et pas seulement
  l’augmentation des profits. Ceux-ci sont nécessaires cependant. Ils
  permettent de réaliser les investissements qui assurent l’avenir des
  entreprises. Ils garantissent l’emploi.
 --------------------------------------
 (1) cf. Centesimus annus
  37.
 
 
 2433
 L’accès au travail et à la profession doit être ouvert à tous sans
  discrimination injuste, hommes et femmes, bien portants et handicapés,
  autochtones et immigrés(1). En fonction des circonstances, la société doit pour sa
  part aider les citoyens à se procurer un travail et un emploi(2).
 --------------------------------------
 (1) cf. Laborem exercens
  19 ; 22-23 – (2) cf. Centesimus annus 48.
 
 
 2434
 Le juste salaire est le fruit légitime du travail. Le refuser ou le
  retenir, peut constituer une grave injustice(1). Pour apprécier la
  rémunération équitable, il faut tenir compte à la fois des besoins et des
  contributions de chacun. "Compte tenu des fonctions et de la productivité,
  de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail
  doit assurer à l’homme et aux siens les ressources nécessaires à une vie
  digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel"(2).
  L’accord des parties n’est pas suffisant pour justifier moralement le montant
  du salaire.
 --------------------------------------
 (1) cf. Lévitique 19, 13 ; Deutéronome 24, 14-15 ; Jacques 5, 4 – (2) Gaudium et spes 67, § 2.
 
 
 2435
 La grève est moralement légitime quand elle se présente comme un
  recours inévitable, sinon nécessaire, en vue d’un bénéfice proportionné. Elle
  devient moralement inacceptable lorsqu’elle s’accompagne de violences ou
  encore si on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions de
  travail ou contraires au bien commun.
 
 
 2436
 Il est injuste de ne pas payer aux organismes de sécurité sociale les cotisations
  établies par les autorités légitimes.
 La privation d’emploi à cause du chômage est presque toujours pour
  celui qui en est victime, une atteinte à sa dignité et une menace pour
  l’équilibre de la vie. Outre le dommage personnellement subi, des risques
  nombreux en découlent pour son foyer(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Laborem exercens
  18.
 
 
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 V. Justice et solidarité entre les nations.
 
 
 2437
 Au plan international, l’inégalité des ressources et des moyens économiques
  est telle qu’elle provoque entre les nations un véritable "fossé"(1).
  Il y a d’un côté ceux qui détiennent et développent les moyens de la
  croissance et, de l’autre, ceux qui accumulent les dettes.
 --------------------------------------
 (1) Sollicitudo
  rei socialis 14.
 
 
 2438
 Diverses causes, de nature religieuse, politique, économique et financière
  confèrent aujourd’hui "à la question sociale une dimension
  mondiale"(1). La solidarité est nécessaire entre les nations dont les
  politiques sont déjà interdépendantes. Elle est encore plus indispensable
  lorsqu’il s’agit d’enrayer les "mécanismes pervers" qui font obstacle
  au développement des pays moins avancés(2). Il faut substituer à des
  systèmes financiers abusifs sinon usuraires(3), à des relations
  commerciales iniques entre les nations, à la course aux armements, un effort
  commun pour mobiliser les ressources vers des objectifs de développement
  moral, culturel et économique "en redéfinissant les priorités et les
  échelles des valeurs"(4).
 --------------------------------------
 (1) Sollicitudo
  rei socialis 9
  – (2) cf. Sollicitudo rei socialis
  17 ; 45 – (3) cf. Centesimus
  annus 35 –
  (4) Centesimus annus 28.
 
 
 2439
 Les nations riches ont une responsabilité morale grave à l’égard de
  celles qui ne peuvent par elles-mêmes assurer les moyens de leur
  développement ou en ont été empêchées par de tragiques événements
  historiques. C’est un devoir de solidarité et de charité ; c’est aussi
  une obligation de justice si le bien-être des nations riches provient de
  ressources qui n’ont pas été équitablement payées.
 
 
 2440
 L’aide directe constitue une réponse appropriée à des besoins
  immédiats, extraordinaires, causés par exemple par des catastrophes naturelles,
  des épidémies, etc. Mais elle ne suffit pas à réparer les graves dommages qui
  résultent des situations de dénuement ni à pourvoir durablement aux besoins.
  Il faut aussi réformer les institutions économiques et financières
  internationales pour qu’elles promeuvent mieux des rapports équitables avec
  les pays moins avancés(1). Il faut soutenir l’effort des pays pauvres travaillant
  à leur croissance et à leur libération(2). Cette doctrine demande à
  être appliquée d’une manière très particulière dans le domaine du travail
  agricole. Les paysans, surtout dans le Tiers Monde, forment la masse
  prépondérante des pauvres.
 --------------------------------------
 (1) cf. Sollicitudo
  rei socialis 16
  – (2) cf. Centesimus
  annus 26.
 
 
 2441
 Accroître le sens de Dieu et la connaissance de soi-même est à la base de
  tout développement complet de la société humaine. Celui-ci multiplie
  les biens matériels et les met au service de la personne et de sa liberté. Il
  diminue la misère et l’exploitation économiques. Il fait croître le respect
  des identités culturelles et l’ouverture à la transcendance(1).
 --------------------------------------
 (1) cf. Sollicitudo
  rei socialis 32
  ; Centesimus annus
  51.
 
 
 2442
 Il n’appartient pas aux pasteurs de l’Église d’intervenir directement dans la
  construction politique et dans l’organisation de la vie sociale. Cette tâche
  fait partie de la vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre
  initiative avec leurs concitoyens. L’action sociale peut impliquer une
  pluralité de voies concrètes. Elle sera toujours en vue du bien commun et
  conforme au message évangélique et à l’enseignement de l’Église. Il revient
  aux fidèles laïcs "d’animer les réalités temporelles avec un zèle
  chrétien et de s’y conduire en artisans de paix et de justice"(1).
 --------------------------------------
 (1) Sollicitudo
  rei socialis 47
  ; cf. 42.
 
 
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 VI. L’amour des pauvres.
 
 
 2443
 Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et réprouve ceux qui s’en
  détournent : "À qui te demande, donne ; à qui veut
  t’emprunter, ne tourne pas le dos"(1). "Vous avez reçu
  gratuitement, donnez gratuitement"(2). C’est à ce qu’ils auront
  fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus(3).
  Lorsque "la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres"(4),
  c’est le signe de la présence du Christ.
 --------------------------------------
 (1) Matthieu 5, 42 – (2) Matthieu 10, 8 – (3) cf. Matthieu 25, 31-36 – (4)
  Matthieu 11, 5 ; cf. Luc 4, 18.
 
 
 2444
 "L’amour de l’Église pour les pauvres ... fait partie de sa tradition
  constante"(1). Il s’inspiré de l’Évangile des béatitudes(2),
  de la pauvreté de Jésus(3) et de son attention aux pauvres(4).
  L’amour des pauvres est même un des motifs du devoir de travailler, afin de
  "pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux"(5).
  Il ne s’étend pas seulement à la pauvreté matérielle, mais aussi aux
  nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse(6).
 --------------------------------------
 (1) Centesimus annus
  57 – (2) cf. Luc 6,
  20-22 – (3) cf. Matthieu 8, 20 – (4) cf. Marc 12, 41-44 – (5) Éphésiens 4, 28
  – (6) cf. Centesimus annus 57.
 
 
 2445
 L’amour des pauvres est incompatible avec l’amour immodéré des richesses
  ou leur usage égoïste :
 Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui
  vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par
  les vers. Votre or et votre argent sont souillés, et leur rouille témoignera
  contre vous : elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez
  thésaurisé dans les derniers jours ! Voyez : le salaire dont vous
  avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs
  des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées. Vous
  avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour
  du carnage. Vous avez condamné le juste, il ne vous résiste pas(1).
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 (1) Jacques 5, 1-6.
 
 
 2446
 Saint Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement : "Ne pas faire
  participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever
  la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs"(1).
  "Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que
  l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice"(2) :
 Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur
  faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux.
  Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n’accomplissons un
  acte de charité(3).
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 (1) In Lazarum
  1, 6 – (2) Apostolicam actuositatem 8 –
  (3) Saint Grégoire le Grand, Regula pastoralis 3, 21.
 
 
 2447
 Les œuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles
  nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et
  spirituelles(1). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des
  œuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec
  patience. Les œuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir
  les affamés, loger les sans-logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades
  et les prisonniers, ensevelir les morts(2). Parmi ces gestes,
  l’aumône faite aux pauvres(3) est un des principaux témoignages de la charité
  fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu(4) :
 Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui
  n’en a pas, et que celui qui a à manger fasse de même(5).
  Donnez plutôt en aumône tout ce que vous avez, et tout sera pur pour vous(6).
  Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture
  quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : "Allez en paix,
  chauffez-vous, rassasiez-vous", sans leur donner ce qui est nécessaire à
  leur corps, à quoi cela sert-il ? (7).
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 (1) cf. Isaïe 58, 6-7 ; Hébreux 13, 3 – (2) cf. Matthieu 25, 31-46 – (3) cf.
  Tobie 4, 5-11 ; Ben Sirac 17, 22 – (4) cf. Matthieu 6, 2-4 – (5) Luc 3, 11 –
  (6) Luc 11, 41 – (7) Jacques 2, 15-16 ; cf. 1 Jean 3, 17.
 
 
 2448
 "Sous ses multiples formes : dénuement matériel, oppression
  injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la mort, la misère
  humaine est le signe manifeste de la condition native de faiblesse où
  l’homme se trouve depuis le premier péché et du besoin de salut. C’est
  pourquoi elle a attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre
  sur lui et s’identifier aux ‘plus petits d’entre ses frères’. C’est pourquoi
  ceux qu’elle accable sont l’objet d’un amour de préférence de la part
  de l’Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup
  de ses membres, n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les
  libérer. Elle l’a fait par d’innombrables œuvres de bienfaisance qui restent
  toujours et partout indispensables"(1).
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 (1) Congrégation pour la doctrine de la foi, instruction "Libertatis conscientia" 68.
 
 
 2449
 Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de
  rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d’un gage,
  obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grappillage
  et de glanage) répondent à l’exhortation du Deutéronome : "Certes
  les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce
  commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est
  humilié et pauvre dans ton pays"(1). Jésus fait sienne cette
  parole : "Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec
  vous : mais moi, vous ne m’aurez pas toujours"(2).
  Par là il ne rend pas caduque la véhémence des oracles anciens :
  "Parce qu’ils vendent le juste à prix d’argent et le pauvre pour une
  paire de sandales ..."(3), mais il nous invite à reconnaître sa présence dans
  les pauvres qui sont ses frères(4) :
 Le jour où sa mère la reprit d’entretenir, à la maison, pauvres et infirmes,
  sainte Rose de Lima lui dit : "Quand nous servons les pauvres et
  les malades, nous servons Jésus. Nous ne devons pas nous lasser d’aider notre
  prochain, parce qu’en eux c’est Jésus que nous servons"(5).
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 (1) Deutéronome 15, 11 – (2) Jean 12, 8 – (3) Amos 8, 6 – (4) cf. Matthieu
  25, 40 (5) Vita mirabilis, P.
  Hansen, Louvain 1668.
 En bref        Haut de page
 
 2450
 "Tu ne voleras pas" (Deutéronome 5, 19). "Ni voleurs, ni
  cupides ... ni rapaces n’hériteront du Royaume de Dieu" (1 Corinthiens
  6, 10).
 
 2451
 Le septième commandement prescrit la pratique de la justice et de la charité
  dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail des hommes.
 
 2452
 Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit
  à la propriété privée n’abolit pas la destination universelle des biens.
 
 2453
 Le septième commandement proscrit le vol. Le vol est l’usurpation du bien
  d’autrui, contre la volonté raisonnable du propriétaire.
 
 2454
 Toute manière de prendre et d’user injustement du bien d’autrui est contraire
  au septième commandement. L’injustice commise exige réparation. La justice
  commutative exige la restitution du bien dérobé.
 
 2455
 La loi morale proscrit les actes qui, à des fins mercantiles ou
  totalitaires, conduisent à asservir des êtres humains, à les acheter, à les
  vendre et à les échanger comme des marchandises.
 
 2456
 La domination accordée par le Créateur sur les ressources minérales,
  végétales et animales de l’univers ne peut être séparé du respect des
  obligations morales, y compris envers les générations à venir.
 
 2457
 Les animaux sont confiés à la gérance de l’homme qui leur doit bienveillance.
  Ils peuvent servir à la juste satisfaction des besoins de l’homme.
 
 2458
 L’Église porte un jugement en matière économique et sociale quand les
  droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent. Elle se
  soucie du bien commun temporel des hommes en raison de leur ordination au
  souverain Bien, notre fin ultime.
 
 2459
 L’homme est lui-même l’auteur, le centre et le but de toute la vie économique
  et sociale. Le point décisif de la question sociale est que les biens créés
  par Dieu pour tous arrivent en fait à tous, suivant la justice et avec l’aide
  de la charité.
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