TEXTES DE RÉFÉRENCE
Constitution
pastorale
GAUDIUM ET SPES
sur l'Église dans le monde
de ce temps
(Paul VI - 7 décembre 1965)
Lettre encyclique
SOLICITUDO REI SOCIALIS
sur la question sociale
(Jean-Paul II - 30 décembre 1987)
Lettre
encyclique
CENTESIMUS ANNUS
pour le centenaire
de Rerum Novarum
(Jean-Paul II - 1er mai 1991)
Lettre
encyclique
LABOREM EXERCENS
sur le travail humain
(Jean-Paul II - 14 septembre 1981)
Décret
APOSTOLICAM ACTUOSITATEM
sur l'apostolat des laïcs
(Paul VI - 18 novembre 1965)
|
Chapitre
deuxième :
"Tu aimeras ton prochain comme toi-même"
Article 7.
Le septième commandement.
Tu
ne commettras pas de vol(1).
Tu ne voleras pas(2).
2401
Le septième commandement défend de
prendre ou de retenir le bien du prochain injustement et de faire du tort au
prochain en ses biens de quelque manière que ce soit. Il prescrit la justice
et la charité dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail
des hommes. Il demande en vue du bien commun le respect de la destination
universelle des biens et du droit de propriété privée. La vie chrétienne
s’efforce d’ordonner à Dieu et à la charité fraternelle les biens de ce
monde.
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(1) Exode 20, 15 ; Deutéronome 5, 19 – (2) Matthieu 19, 18.
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I. La Destination universelle et la propriété privée des
biens.
2402
Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la gérance
commune de l’humanité pour qu’elle en prenne soin, la maîtrise par son
travail et jouisse de ses fruits(1). Les biens de la création
sont destinés à tout le genre humain. Cependant la terre est répartie entre
les hommes pour assurer la sécurité de leur vie, exposée à la pénurie et
menacée par la violence. L’appropriation des biens est légitime pour garantir
la liberté et la dignité des personnes, pour aider chacun à subvenir à ses
besoins fondamentaux et aux besoins de ceux dont il a la charge. Elle doit
permettre que se manifeste une solidarité naturelle entre les hommes.
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(1) cf. Genèse 1, 26-29.
2403
Le droit à la propriété privée, acquise ou reçue de manière juste,
n’abolit pas la donation originelle de la terre à l’ensemble de l’humanité.
La destination universelle des biens demeure primordiale, même si la
promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée, de son
droit et de son exercice.
2404
"L’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les
choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les
regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter
non seulement à lui, mais aux autres"(1). La propriété d’un bien
fait de son détenteur un administrateur de la Providence pour le faire
fructifier et en communiquer les bienfaits à autrui, et d’abord à ses
proches.
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(1) Gaudium et spes 69, § 1.
2405
Les biens de production – matériels ou immatériels – comme des terres ou des
usines, des compétences ou des arts, requièrent les soins de leurs
possesseurs pour que leur fécondité profite au plus grand nombre. Les
détenteurs des biens d’usage et de consommation doivent en user avec
tempérance, réservant la meilleure part à l’hôte, au malade, au pauvre.
2406
L’autorité politique a le droit et le devoir de régler, en fonction du
bien commun, l’exercice légitime du droit de propriété (1).
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(1) cf. Gaudium et spes
71, § 4 ; Sollicitudo
rei socialis
42 ; Centesimus annus 40 ; 48.
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II. Le respect des personnes et de leurs biens.
2407
En matière économique, le respect de la dignité humaine exige la pratique de
la vertu de tempérance, pour modérer l’attachement aux biens de ce
monde ; de la vertu de justice, pour préserver les droits du
prochain et lui accorder ce qui lui est dû ; et de la solidarité,
suivant la règle d’or et selon la libéralité du Seigneur qui "de riche
qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté"(1).
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(1) 2 Corinthiens 8, 9.
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Le respect des biens d’autrui.
2408
Le septième commandement interdit le vol, c’est-à-dire
l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté raisonnable du propriétaire.
Il n’y a pas de vol si le consentement peut être présumé ou si le refus est
contraire à la raison et à la destination universelle des biens. C’est le cas
de la nécessité urgente et évidente où le seul moyen de subvenir à des
besoins immédiats et essentiels (nourriture, abri, vêtement ...) est de
disposer et d’user des biens d’autrui(1).
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(1) cf. Gaudium et spes
69, § 1.
2409
Toute manière de prendre et de détenir injustement le bien d’autrui,
même si elle ne contredit pas les dispositions de la loi civile, est
contraire au septième commandement. Ainsi, retenir délibérément des biens
prêtés ou des objets perdus ; frauder dans le commerce(1) ;
payer d’injustes salaires(2) ; hausser les prix en spéculant sur l’ignorance ou
la détresse d’autrui(3).
Sont encore moralement illicites : la spéculation par laquelle on agit
pour faire varier artificiellement l’estimation des biens, en vue d’en tirer
un avantage au détriment d’autrui ; la corruption par laquelle on
détourne le jugement de ceux qui doivent prendre des décisions selon le
droit ; l’appropriation et l’usage privés des biens sociaux d’une
entreprise ; les travaux mal faits, la fraude fiscale, la contrefaçon
des chèques et des factures, les dépenses excessives, le gaspillage. Infliger
volontairement un dommage aux propriétés privées ou publiques est contraire à
la loi morale et demande réparation.
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(1) cf. Deutéronome 25, 13-16 – (2) cf. Deutéronome 24, 14-15 ; Jacques 5, 4
– (3) cf. Amos 8, 4-6.
2410
Les promesses doivent être tenues, et les contrats
rigoureusement observés dans la mesure où l’engagement pris est moralement
juste. Une part notable de la vie économique et sociale dépend de la valeur
des contrats entre personnes physiques ou morales. Ainsi les contrats
commerciaux de vente ou d’achat, les contrats de location ou de travail. Tout
contrat doit être convenu et exécuté de bonne foi.
2411
Les contrats sont soumis à la justice commutative qui règle les
échanges entre les personnes et entre les institutions, dans l’exact respect
de leurs droits. La justice commutative oblige strictement ; elle exige
la sauvegarde des droits de propriété, le paiement des dettes et la
prestation des obligations librement contractées. Sans la justice
commutative, aucune autre forme de justice n’est possible.
On distingue la justice commutative de la justice légale qui
concerne ce que le citoyen doit équitablement à la communauté, et de la
justice distributive qui règle ce que la communauté doit aux citoyens
proportionnellement à leurs contributions et à leurs besoins.
2412
En vertu de la justice commutative, la réparation de
l’injustice commise exige la restitution du bien dérobé à son
propriétaire :
Jésus bénit Zachée de son engagement : "Si j’ai fait du tort à
quelqu’un, je lui rends le quadruple"(1). Ceux qui, d’une manière
directe ou indirecte, se sont emparés d’un bien d’autrui, sont tenus de le
restituer, ou de rendre l’équivalent en nature ou en espèce, si la chose a
disparu, ainsi que les fruits et avantages qu’en aurait légitimement obtenu
son propriétaire. Sont également tenus de restituer à proportion de leur
responsabilité et de leur profit tous ceux qui ont participé au vol en
quelque manière, ou en ont profité en connaissance de cause ; par
exemple ceux qui l’auraient ordonné, ou aidé, ou recélé.
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(1) Luc 19, 8.
2413
Les jeux de hasard (jeu de cartes, etc.) ou les paris ne sont
pas en eux-mêmes contraires à la justice. Ils deviennent moralement
inacceptables lorsqu’ils privent la personne de ce qui lui est nécessaire
pour subvenir à ses besoins et à ceux d’autrui. La passion du jeu risque de
devenir un asservissement grave. Parier
injustement ou tricher dans les jeux constitue une matière grave, à moins que
le dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse
raisonnablement le considérer comme significatif.
2414
Le septième commandement proscrit les actes ou entreprises qui, pour quelque
raison que ce soit, égoïste ou idéologique, mercantile ou totalitaire,
conduisent à asservir des êtres humains, à méconnaître leur dignité
personnelle, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des
marchandises. C’est un péché contre la dignité des personnes et leurs droits
fondamentaux que de les réduire par la violence à une valeur d’usage ou à une
source de profit. Saint Paul ordonnait à un maître chrétien de traiter son
esclave chrétien "non plus comme un esclave, mais comme un frère ...,
comme un homme, dans le Seigneur"(1).
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(1) Philémon 16.
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Le respect de l’intégrité de la création.
2415
Le septième commandement demande le respect de l’intégrité de la création.
Les animaux, comme les plantes et les êtres inanimés, sont naturellement
destinés au bien commun de l’humanité passée, présente et future(1). L’usage
des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne peut être
détaché du respect des exigences morales. La domination accordée par le
Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n’est pas
absolue ; elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie du
prochain, y compris des générations à venir ; elle exige un respect
religieux de l’intégrité de la création(2).
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(1) cf. Genèse 1, 28-31 – (2) cf. Centesimus
annus
37-38.
2416
Les animaux sont des créatures de Dieu. Celui-ci les entoure
de sa sollicitude providentielle(1). Par leur simple
existence, ils le bénissent et lui rendent gloire(2).
Aussi les hommes leur doivent-ils bienveillance. On se rappellera avec quelle
délicatesse les saints, comme Saint François d’Assise ou Saint Philippe Neri, traitaient les animaux.
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(1) cf. Matthieu 6, 26 – (2) cf. Daniel 3, 57-58.
2417
Dieu a confiés les animaux à la gérance de celui qu’Il a créé à son image(1).
Il est donc légitime de se servir des animaux pour la nourriture et la
confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils assistent
l’homme dans ses travaux et dans ses loisirs. Les expérimentations médicales
et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement acceptables,
pourvu qu’elles restent dans des limites raisonnables et contribuent à
soigner ou sauver des vies humaines.
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(1) cf. Genèse 2, 19-20 ; 9, 1-4.
2418
Il est contraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement
les animaux et de gaspiller leurs vies. Il est également indigne de dépenser
pour eux des sommes qui devraient en priorité soulager la misère des hommes.
On peut aimer les animaux ; on ne saurait détourner vers eux l’affection
due aux seules personnes.
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III. La doctrine sociale de l’Église.
2419
"La révélation chrétienne conduit à une intelligence plus pénétrante des
lois de la vie sociale"(1). L’Église reçoit de l’Évangile la pleine révélation de
la vérité de l’homme. Quand elle accomplit sa mission d’annoncer l’Évangile,
elle atteste à l’homme, au nom du Christ, sa dignité propre et sa vocation à
la communion des personnes ; elle lui enseigne les exigences de la
justice et de la paix, conformes à la sagesse divine.
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(1) Gaudium et spes
23, § 1.
2420
L’Église porte un jugement moral, en matière économique et sociale,
"quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes
l’exigent"(1). Dans l’ordre de la moralité elle relève d’une mission
distincte de celle des autorités politiques : l’Église se soucie des
aspects temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain
Bien, notre fin ultime. Elle s’efforce d’inspirer les attitudes justes dans
le rapport aux biens terrestres et dans les relations socio-économiques.
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(1) Gaudium et spes
76, § 5.
2421
La doctrine sociale de l’Église s’est développée au dix-neuvième
siècle lors de la rencontre de l’Évangile avec la société industrielle
moderne, ses nouvelles structures pour la production de biens de
consommation, sa nouvelle conception de la société, de l’État et de
l’autorité, ses nouvelles formes de travail et de propriété. Le développement
de la doctrine de l’Église, en matière économique et sociale, atteste la
valeur permanente de l’enseignement de l’Église, en même temps que le sens
véritable de sa Tradition toujours vivante et active(1).
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(1) cf. Centesimus annus
3.
2422
L’enseignement social de l’Église comporte un corps de doctrine qui
s’articule à mesure que l’Église interprète les événements au cours de
l’histoire, à la lumière de l’ensemble de la parole révélée par le Christ
Jésus avec l’assistance de l’Esprit Saint(1). Cet enseignement devient
d’autant plus acceptable pour les hommes de bonne volonté qu’il inspire
davantage la conduite des fidèles.
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(1) cf. Sollicitudo
rei socialis 1
; 41.
2423
La doctrine sociale de l’Église propose des principes de
réflexion ; elle dégage des critères de jugement ; elle donne des
orientations pour l’action :
Tout système suivant lequel les rapports sociaux seraient entièrement
déterminés par les facteurs économiques est contraire à la nature de la
personne humaine et de ses actes (1).
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(1) cf. Centesimus annus
24.
2424
Une théorie qui fait du profit la règle exclusive et la fin ultime de
l’activité économique est moralement inacceptable. L’appétit désordonné de
l’argent ne manque pas de produire ses effets pervers. Il est une des causes
des nombreux conflits qui perturbent l’ordre social(1).
Un système qui "sacrifie les droits fondamentaux des personnes et des
groupes à l’organisation collective de la production" est contraire à la
dignité de l’homme(2). Toute pratique qui réduit les personnes à n’être que
de purs moyens en vue du profit, asservit l’homme, conduit à l’idolâtrie de
l’argent et contribue à répandre l’athéisme. "Vous ne pouvez servir à la
fois Dieu et Mammon"(3).
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(1) cf. Gaudium et spes
63, § 3 ; Laborem exercens 7 ; Centesimus annus 35 – (2) Gaudium et spes 65 – (3) Matthieu 6, 24 ; Luc 16, 13.
2425
L’Église a rejeté les idéologies totalitaires et athées associées,
dans les temps modernes, au "communisme" ou au
"socialisme". Par ailleurs, elle a récusé dans la pratique du
"capitalisme" l’individualisme et le primat absolu de la loi du
marché sur le travail humain(1). La régulation de l’économie par la seule planification
centralisée pervertit à la base les liens sociaux ; sa régulation par la
seule loi du marché manque à la justice sociale "car il y a de nombreux
besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché"(2).
Il faut préconiser une régulation raisonnable du marché et des initiatives
économiques, selon une juste hiérarchie des valeurs et en vue du bien commun.
--------------------------------------
(1) cf. Centesimus annus
10 ; 13 ; 44 – (2) Centesimus annus 34.
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IV. L’activité économique et la justice sociale.
2426
Le développement des activités économiques et la croissance de la production
sont destinés à subvenir aux besoins des êtres humains. La vie économique ne
vise pas seulement à multiplier les biens produits et à augmenter le profit
ou la puissance ; elle est d’abord ordonnée au service des personnes, de
l’homme tout entier et de toute la communauté humaine. Conduite selon ses
méthodes propres, l’activité économique doit s’exercer dans les limites de
l’ordre moral, suivant la justice sociale, afin de répondre au dessein de
Dieu sur l’homme(1).
--------------------------------------
(1) cf. Gaudium et spes
64.
2427
Le travail humain procède immédiatement des personnes créées à l’image
de Dieu, et appelées à prolonger, les unes avec et pour les autres, l’œuvre
de la création en dominant la terre(1). Le travail est donc un
devoir : "Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas
non plus"(2). Le travail honore les dons du Créateur et les talents
reçus. Il peut aussi être rédempteur. En endurant la peine(3) du
travail en union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du
Calvaire, l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de Dieu dans
son Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix,
chaque jour, dans l’activité qu’il est appelé à accomplir(4).
Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des réalités
terrestres dans l’Esprit du Christ.
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(1) cf. Genèse 1, 28 ; Gaudium
et spes 34
; Centesimus annus
31 – (2) 2 Timothée 3,
10 ; cf. 1 Timothée 4, 11 – (3) cf. Genèse 3, 14-19 – (4) cf. Laborem exercens 27.
2428
Dans le travail, la personne exerce et accomplit une part des capacités
inscrites dans sa nature. La valeur primordiale du travail tient à l’homme
même, qui en est l’auteur et le destinataire. Le travail est pour l’homme, et
non l’homme pour le travail(1).
Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens de subvenir à sa vie et
à celle des siens, et de rendre service à la communauté humaine.
--------------------------------------
(1) cf. Laborem exercens
6.
2429
Chacun a le droit d’initiative économique, chacun usera légitimement
de ses talents pour contribuer à une abondance profitable à tous, et pour
recueillir les justes fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux
réglementations portées par les autorités légitimes en vue du bien commun(1).
--------------------------------------
(1) cf. Centesimus annus
32 ; 34.
2430
La vie économique met en cause des intérêts divers, souvent opposés
entre eux. Ainsi s’explique l’émergence des conflits qui la caractérisent(1).
On s’efforcera de réduire ces derniers par la négociation qui respecte les
droits et les devoirs de chaque partenaire social : les responsables des
entreprises, les représentants des salariés, par exemple des organisations
syndicales, et, éventuellement, les pouvoirs publics.
--------------------------------------
(1) cf. Laborem exercens
11.
2431
La responsabilité de l’État. "L’activité économique,
en particulier celle de l’économie de marché, ne peut se dérouler dans un
vide institutionnel, juridique et politique. Elle suppose que soient assurées
les garanties des libertés individuelles et de la propriété, sans compter une
monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir essentiel de
l’État est cependant d’assurer ces garanties, afin que ceux qui travaillent
puissent jouir du fruit de leur travail et donc se sentir stimulés à
l’accomplir avec efficacité et honnêteté ... L’État a le devoir de surveiller
et de conduire l’application des droits humains dans le secteur
économique ; dans ce domaine toutefois, la première responsabilité ne
revient pas à l’État mais aux institutions et aux différents groupes et
associations qui composent la société"(1).
--------------------------------------
(1) Centesimus annus
48.
2432
Les responsables d’entreprises portent devant la société la
responsabilité économique et écologique de leurs opérations(1).
Ils sont tenus de considérer le bien des personnes et pas seulement
l’augmentation des profits. Ceux-ci sont nécessaires cependant. Ils
permettent de réaliser les investissements qui assurent l’avenir des
entreprises. Ils garantissent l’emploi.
--------------------------------------
(1) cf. Centesimus annus
37.
2433
L’accès au travail et à la profession doit être ouvert à tous sans
discrimination injuste, hommes et femmes, bien portants et handicapés,
autochtones et immigrés(1). En fonction des circonstances, la société doit pour sa
part aider les citoyens à se procurer un travail et un emploi(2).
--------------------------------------
(1) cf. Laborem exercens
19 ; 22-23 – (2) cf. Centesimus annus 48.
2434
Le juste salaire est le fruit légitime du travail. Le refuser ou le
retenir, peut constituer une grave injustice(1). Pour apprécier la
rémunération équitable, il faut tenir compte à la fois des besoins et des
contributions de chacun. "Compte tenu des fonctions et de la productivité,
de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail
doit assurer à l’homme et aux siens les ressources nécessaires à une vie
digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel"(2).
L’accord des parties n’est pas suffisant pour justifier moralement le montant
du salaire.
--------------------------------------
(1) cf. Lévitique 19, 13 ; Deutéronome 24, 14-15 ; Jacques 5, 4 – (2) Gaudium et spes 67, § 2.
2435
La grève est moralement légitime quand elle se présente comme un
recours inévitable, sinon nécessaire, en vue d’un bénéfice proportionné. Elle
devient moralement inacceptable lorsqu’elle s’accompagne de violences ou
encore si on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions de
travail ou contraires au bien commun.
2436
Il est injuste de ne pas payer aux organismes de sécurité sociale les cotisations
établies par les autorités légitimes.
La privation d’emploi à cause du chômage est presque toujours pour
celui qui en est victime, une atteinte à sa dignité et une menace pour
l’équilibre de la vie. Outre le dommage personnellement subi, des risques
nombreux en découlent pour son foyer(1).
--------------------------------------
(1) cf. Laborem exercens
18.
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V. Justice et solidarité entre les nations.
2437
Au plan international, l’inégalité des ressources et des moyens économiques
est telle qu’elle provoque entre les nations un véritable "fossé"(1).
Il y a d’un côté ceux qui détiennent et développent les moyens de la
croissance et, de l’autre, ceux qui accumulent les dettes.
--------------------------------------
(1) Sollicitudo
rei socialis 14.
2438
Diverses causes, de nature religieuse, politique, économique et financière
confèrent aujourd’hui "à la question sociale une dimension
mondiale"(1). La solidarité est nécessaire entre les nations dont les
politiques sont déjà interdépendantes. Elle est encore plus indispensable
lorsqu’il s’agit d’enrayer les "mécanismes pervers" qui font obstacle
au développement des pays moins avancés(2). Il faut substituer à des
systèmes financiers abusifs sinon usuraires(3), à des relations
commerciales iniques entre les nations, à la course aux armements, un effort
commun pour mobiliser les ressources vers des objectifs de développement
moral, culturel et économique "en redéfinissant les priorités et les
échelles des valeurs"(4).
--------------------------------------
(1) Sollicitudo
rei socialis 9
– (2) cf. Sollicitudo rei socialis
17 ; 45 – (3) cf. Centesimus
annus 35 –
(4) Centesimus annus 28.
2439
Les nations riches ont une responsabilité morale grave à l’égard de
celles qui ne peuvent par elles-mêmes assurer les moyens de leur
développement ou en ont été empêchées par de tragiques événements
historiques. C’est un devoir de solidarité et de charité ; c’est aussi
une obligation de justice si le bien-être des nations riches provient de
ressources qui n’ont pas été équitablement payées.
2440
L’aide directe constitue une réponse appropriée à des besoins
immédiats, extraordinaires, causés par exemple par des catastrophes naturelles,
des épidémies, etc. Mais elle ne suffit pas à réparer les graves dommages qui
résultent des situations de dénuement ni à pourvoir durablement aux besoins.
Il faut aussi réformer les institutions économiques et financières
internationales pour qu’elles promeuvent mieux des rapports équitables avec
les pays moins avancés(1). Il faut soutenir l’effort des pays pauvres travaillant
à leur croissance et à leur libération(2). Cette doctrine demande à
être appliquée d’une manière très particulière dans le domaine du travail
agricole. Les paysans, surtout dans le Tiers Monde, forment la masse
prépondérante des pauvres.
--------------------------------------
(1) cf. Sollicitudo
rei socialis 16
– (2) cf. Centesimus
annus 26.
2441
Accroître le sens de Dieu et la connaissance de soi-même est à la base de
tout développement complet de la société humaine. Celui-ci multiplie
les biens matériels et les met au service de la personne et de sa liberté. Il
diminue la misère et l’exploitation économiques. Il fait croître le respect
des identités culturelles et l’ouverture à la transcendance(1).
--------------------------------------
(1) cf. Sollicitudo
rei socialis 32
; Centesimus annus
51.
2442
Il n’appartient pas aux pasteurs de l’Église d’intervenir directement dans la
construction politique et dans l’organisation de la vie sociale. Cette tâche
fait partie de la vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre
initiative avec leurs concitoyens. L’action sociale peut impliquer une
pluralité de voies concrètes. Elle sera toujours en vue du bien commun et
conforme au message évangélique et à l’enseignement de l’Église. Il revient
aux fidèles laïcs "d’animer les réalités temporelles avec un zèle
chrétien et de s’y conduire en artisans de paix et de justice"(1).
--------------------------------------
(1) Sollicitudo
rei socialis 47
; cf. 42.
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VI. L’amour des pauvres.
2443
Dieu bénit ceux qui viennent en aide aux pauvres et réprouve ceux qui s’en
détournent : "À qui te demande, donne ; à qui veut
t’emprunter, ne tourne pas le dos"(1). "Vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement"(2). C’est à ce qu’ils auront
fait pour les pauvres que Jésus Christ reconnaîtra ses élus(3).
Lorsque "la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres"(4),
c’est le signe de la présence du Christ.
--------------------------------------
(1) Matthieu 5, 42 – (2) Matthieu 10, 8 – (3) cf. Matthieu 25, 31-36 – (4)
Matthieu 11, 5 ; cf. Luc 4, 18.
2444
"L’amour de l’Église pour les pauvres ... fait partie de sa tradition
constante"(1). Il s’inspiré de l’Évangile des béatitudes(2),
de la pauvreté de Jésus(3) et de son attention aux pauvres(4).
L’amour des pauvres est même un des motifs du devoir de travailler, afin de
"pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux"(5).
Il ne s’étend pas seulement à la pauvreté matérielle, mais aussi aux
nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse(6).
--------------------------------------
(1) Centesimus annus
57 – (2) cf. Luc 6,
20-22 – (3) cf. Matthieu 8, 20 – (4) cf. Marc 12, 41-44 – (5) Éphésiens 4, 28
– (6) cf. Centesimus annus 57.
2445
L’amour des pauvres est incompatible avec l’amour immodéré des richesses
ou leur usage égoïste :
Eh bien, maintenant, les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui
vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par
les vers. Votre or et votre argent sont souillés, et leur rouille témoignera
contre vous : elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez
thésaurisé dans les derniers jours ! Voyez : le salaire dont vous
avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs
des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées. Vous
avez vécu sur terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour
du carnage. Vous avez condamné le juste, il ne vous résiste pas(1).
--------------------------------------
(1) Jacques 5, 1-6.
2446
Saint Jean Chrysostome le rappelle vigoureusement : "Ne pas faire
participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever
la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs"(1).
"Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que
l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice"(2) :
Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur
faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux.
Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n’accomplissons un
acte de charité(3).
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(1) In Lazarum
1, 6 – (2) Apostolicam actuositatem 8 –
(3) Saint Grégoire le Grand, Regula pastoralis 3, 21.
2447
Les œuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles
nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et
spirituelles(1). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des
œuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec
patience. Les œuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir
les affamés, loger les sans-logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades
et les prisonniers, ensevelir les morts(2). Parmi ces gestes,
l’aumône faite aux pauvres(3) est un des principaux témoignages de la charité
fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu(4) :
Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui
n’en a pas, et que celui qui a à manger fasse de même(5).
Donnez plutôt en aumône tout ce que vous avez, et tout sera pur pour vous(6).
Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture
quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : "Allez en paix,
chauffez-vous, rassasiez-vous", sans leur donner ce qui est nécessaire à
leur corps, à quoi cela sert-il ? (7).
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(1) cf. Isaïe 58, 6-7 ; Hébreux 13, 3 – (2) cf. Matthieu 25, 31-46 – (3) cf.
Tobie 4, 5-11 ; Ben Sirac 17, 22 – (4) cf. Matthieu 6, 2-4 – (5) Luc 3, 11 –
(6) Luc 11, 41 – (7) Jacques 2, 15-16 ; cf. 1 Jean 3, 17.
2448
"Sous ses multiples formes : dénuement matériel, oppression
injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la mort, la misère
humaine est le signe manifeste de la condition native de faiblesse où
l’homme se trouve depuis le premier péché et du besoin de salut. C’est
pourquoi elle a attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre
sur lui et s’identifier aux ‘plus petits d’entre ses frères’. C’est pourquoi
ceux qu’elle accable sont l’objet d’un amour de préférence de la part
de l’Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup
de ses membres, n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les
libérer. Elle l’a fait par d’innombrables œuvres de bienfaisance qui restent
toujours et partout indispensables"(1).
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(1) Congrégation pour la doctrine de la foi, instruction "Libertatis conscientia" 68.
2449
Dès l’Ancien Testament, toutes sortes de mesures juridiques (année de
rémission, interdiction du prêt à intérêt et de la conservation d’un gage,
obligation de la dîme, paiement quotidien du journalier, droit de grappillage
et de glanage) répondent à l’exhortation du Deutéronome : "Certes
les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce
commandement : tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est
humilié et pauvre dans ton pays"(1). Jésus fait sienne cette
parole : "Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec
vous : mais moi, vous ne m’aurez pas toujours"(2).
Par là il ne rend pas caduque la véhémence des oracles anciens :
"Parce qu’ils vendent le juste à prix d’argent et le pauvre pour une
paire de sandales ..."(3), mais il nous invite à reconnaître sa présence dans
les pauvres qui sont ses frères(4) :
Le jour où sa mère la reprit d’entretenir, à la maison, pauvres et infirmes,
sainte Rose de Lima lui dit : "Quand nous servons les pauvres et
les malades, nous servons Jésus. Nous ne devons pas nous lasser d’aider notre
prochain, parce qu’en eux c’est Jésus que nous servons"(5).
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(1) Deutéronome 15, 11 – (2) Jean 12, 8 – (3) Amos 8, 6 – (4) cf. Matthieu
25, 40 (5) Vita mirabilis, P.
Hansen, Louvain 1668.
En bref
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2450
"Tu ne voleras pas" (Deutéronome 5, 19). "Ni voleurs, ni
cupides ... ni rapaces n’hériteront du Royaume de Dieu" (1 Corinthiens
6, 10).
2451
Le septième commandement prescrit la pratique de la justice et de la charité
dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail des hommes.
2452
Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit
à la propriété privée n’abolit pas la destination universelle des biens.
2453
Le septième commandement proscrit le vol. Le vol est l’usurpation du bien
d’autrui, contre la volonté raisonnable du propriétaire.
2454
Toute manière de prendre et d’user injustement du bien d’autrui est contraire
au septième commandement. L’injustice commise exige réparation. La justice
commutative exige la restitution du bien dérobé.
2455
La loi morale proscrit les actes qui, à des fins mercantiles ou
totalitaires, conduisent à asservir des êtres humains, à les acheter, à les
vendre et à les échanger comme des marchandises.
2456
La domination accordée par le Créateur sur les ressources minérales,
végétales et animales de l’univers ne peut être séparé du respect des
obligations morales, y compris envers les générations à venir.
2457
Les animaux sont confiés à la gérance de l’homme qui leur doit bienveillance.
Ils peuvent servir à la juste satisfaction des besoins de l’homme.
2458
L’Église porte un jugement en matière économique et sociale quand les
droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent. Elle se
soucie du bien commun temporel des hommes en raison de leur ordination au
souverain Bien, notre fin ultime.
2459
L’homme est lui-même l’auteur, le centre et le but de toute la vie économique
et sociale. Le point décisif de la question sociale est que les biens créés
par Dieu pour tous arrivent en fait à tous, suivant la justice et avec l’aide
de la charité.
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