Le jeudi 18 juillet 1946.
215> 460.1 - "Ne
reconduis-tu pas l'enfant à sa mère ?"
demande Barthélemy à Jésus qu'il trouve sur la terrasse, absorbé dans une
profonde prière.
"Non, j'attendrai qu'elle revienne de la synagogue..."
"Tu espères que là, le Seigneur lui parlera... et qu'elle... comprendra
son devoir ? Tu penses en sage, mais elle n'est pas sage. Une autre mère
serait accourue hier soir pour reprendre son enfant. Enfin... nous avions
navigué sur une mer en tempête... elle ne savait pas d'où nous venions...
S'est-elle par hasard préoccupée de voir si son enfant n'en avait pas
souffert ? Elle vient peut-être ce matin ? Regarde combien de mères
sont déjà debout, bien qu'il fasse jour depuis peu, empressées à étendre les
vêtements de fête pour qu'ils finissent de sécher et que les enfants les
mettent propres pour le jour du Seigneur. Un pharisien dirait qu'elles font
une œuvre servile parce qu'elles étendent ces petits vêtements. Moi, je dis
qu'elles font une œuvre d'amour envers Dieu et envers leurs enfants. Ce sont
de pauvres femmes pour la plupart. Regarde là, Marie de Benjamin et Rébecca
de Michée. Et sur cette pauvre terrasse Jeanne qui, patiemment, démêle les
franges du pauvre vêtement de son garçon pour qu'il semble moins pauvre pour
aller à la fonction sacrée.
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216> Et là encore, sur la
rive qui va être bientôt toute ensoleillée, Selida
étend la toile encore grège, pour que paraisse fine ce qui est encore une
toile grossière, belle seulement en raison des sacrifices qu'elle lui
coûte : tant de bouchées de pain enlevées à la faim qui la tenaillait
pour les changer en filasse de chanvre. Et là-bas n'est-ce pas Adina qui frotte avec de la verdure le petit vêtement
déteint de sa fillette pour qu'il paraisse plus vert ? Mais elle, on ne
la voit pas..."
"Que le Seigneur change son cœur ! Il n'y a rien d'autre à
dire..."
460.2 - Ils
restent appuyés au muret de la terrasse à regarder la nature rafraîchie par
l'orage qui a éclairci l'atmosphère et nettoyé la verdure. Le lac est encore
un peu agité et moins bleu qu'à l'ordinaire. Des veines d'eau sont descendues
des torrents en crue pendant quelques heures, entraînant les poussières de
leurs lits desséchés, mais le lac est beau malgré ces infusions d'ocre. Il
semble un immense lapis-lazuli rayé de perles, et il rit sous le soleil
limpide qui maintenant dépasse des monts de l'occident et allume toutes les
gouttes que retiennent encore les ramilles. Hirondelles et colombes
sillonnent joyeusement l'air purifié et, dans les feuillages, des oiseaux de
toutes espèces font entendre leurs gazouillements.
"La chaleur s'en va. C'est une belle saison, riche et belle. Belle comme
l'âge mûr. N'est-ce pas, Maître ?"
"Belle... oui..."
Mais on voit que Jésus pense à toute autre chose.
Barthélemy le regarde... Puis il demande :
"À quoi penses-tu ? À ce que tu vas dire à la
synagogue ?"
"Non. Je pense que les malades attendent. Allons tous les deux les
guérir."
"Nous seuls ?"
"Simon, André, Jacques et Jean sont allés retirer les nasses mises par
Thomas en prévision de notre retour. Les autres dorment. Allons tous les
deux."
460.3 - Ils
descendent et se dirigent vers la campagne, vers les maisons éparses parmi
les jardins ou même parmi les champs, à la recherche des malades abrités dans
des maisons de pauvres toujours hospitalières. Mais il y a des gens qui
courent en avant, devinant où va le Maître, et il y a quelqu'un qui Lui
dit :
"Attends ici, dans mon jardin, nous allons te les amener ici..."
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217> Et bien vite, de divers côtés,
comme des eaux de ruisselets qui se réunissent en un seul étang, les malades
arrivent ou sont amenés à Celui qui guérit.
Les
miracles s'accomplissent. Jésus congédie ceux qui sont guéris en
disant :
"Ne dites pas à ceux qui vous interrogent que je vous ai guéris.
Retournez dans les maisons où vous étiez. Mon disciple apportera des secours
aux plus pauvres avant le coucher du soleil."
"Oui. Ne parlez pas. Vous Lui feriez du mal. Rappelez-vous que c'est le
sabbat
et que beaucoup le haïssent" renchérit Barthélemy.
"Nous ne ferons pas de mal à Celui qui nous a fait du bien. Nous en
parlerons dans nos pays, sans dire quel jour nous avons été guéris" dit
quelqu'un qui auparavant était paralytique.
"Et même, dit quelqu'un qui avait eu les yeux malades, je dirais que
nous nous répandions dans les campagnes en attendant le coucher du soleil.
Les pharisiens savent où nous étions logés et ils pourraient venir
voir..."
"Tu as raison, Isaac. Hier ils demandaient trop, trop de choses... Ils
penseront que, las d'attendre, nous sommes partis avant le coucher du
soleil."
"Mais hier soir, l'apôtre nous a vus ?" demande quelqu'un qui
était aveugle. "N'était-ce pas lui qui parlait ?"
"Non. C'était un frère du Seigneur. Il ne nous trahira pas."
"Dites seulement où vous allez pour que je puisse vous trouver quand je
viendrai" dit Barthélemy.
Les malades tiennent conseil entre eux. Certains voudraient aller vers
Chorazeïn, d'autres vers Magdala. Ils s'en remettent à Jésus. Et Jésus leur
dit :
"Dans les champs, le long de la route qui va à Magdala. Suivez le second
torrent et vous trouverez peu après une maison. Allez-y et dites :
"C'est Jésus qui nous envoie". Ils vous accueilleront comme des
frères. Allez et que Dieu soit avec vous, et vous avec Dieu, en évitant le
péché à l'avenir."
460.4 - Jésus
se remet en route sans revenir tout de suite au village par le chemin déjà fait.
Il fait au milieu des jardins un détour qui l'amène près de la source voisine
du lac. La source est prise d'assaut par les femmes qui veulent faire leur
provision d'eau pendant qu'il fait frais et que le soleil n'est pas trop
haut.
"Le Rabbi ! Le Rabbi !"
Un rassemblement de femmes et d'enfants et aussi d'hommes du peuple, âgés
pour la plupart, et oisifs à cause du sabbat.
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218> "Un mot, Maître, pour rendre
joyeuse cette journée" dit un vieillard qui tient par la main un enfant,
peut-être un arrière-petit-fils car, si le vieil homme est presque
certainement centenaire, l'enfant n'a pas plus de six ans.
"Oui, contente le vieux Lévi, et nous avec lui."
"Aujourd'hui, vous avez l'explication de Jaïre. Je suis ici pour
l'entendre. Vous avez un sage chef de synagogue..."
"Pourquoi parles-tu ainsi, Maître ? Tu es leur chef à tous, le
Maître d'Israël. Nous, nous ne connaissons que Toi."
"Il
ne faut pas. Les chefs de synagogues sont établis pour être vos maîtres, pour
exercer le culte parmi vous en vous donnant l'exemple pour faire de vous de
fidèles Israélites. Ils seront encore là quand je ne serai plus. Ils auront
un autre nom, d'autres cérémonies, mais ils seront toujours les ministres du
culte. Vous devez les aimer et vous devez prier pour eux, car là où il y a un
bon chef, il y a de bons fidèles et, par conséquent, Dieu s'y trouve."
"Nous le ferons, mais parle-nous maintenant. On nous a dit que tu vas
nous quitter..."
"J'ai tant de brebis éparses à travers la Palestine. Elles attendent
toutes leur Pasteur. Mais vous avez des disciples de plus en plus nombreux et
sages..."
"Oui. Mais ce que tu dis est toujours bon et facile à comprendre pour
nos esprits ignorants."
"Que vais-je vous dire… ?"
"Jésus, nous t'avons cherché partout !" crie Joseph d'Alphée
qui est survenu avec son frère Simon et un groupe de pharisiens.
"Et où peut être le Fils de l'homme sinon parmi ceux qui sont petits et
simples de cœur ? Vous me vouliez ? Me voici. Mais avant
laissez-moi leur dire un mot...
460.5 - Écoutez.
On vous a dit que je vais vous quitter. C'est vrai. Je ne l'ai pas nié, mais
avant de vous quitter, je vous donne ce commandement : de veiller
beaucoup sur vous-mêmes pour vous bien connaître, de vous approcher de plus
en plus de la Lumière pour y voir clair. Ma parole est Lumière. Gardez-la en
vous et quant à sa lumière vous découvrirez des taches ou des ombres,
attachez-vous à les chasser de votre cœur. Ce que vous étiez avant que je ne
vous connaisse, vous ne devez plus l'être. Vous devez être de beaucoup
meilleurs, car maintenant vous en savez bien plus.
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219> Auparavant, vous étiez comme dans un
crépuscule, maintenant, vous avez la Lumière en vous. Vous devez donc être
fils de la Lumière.
Regardez le ciel le matin, quand l'aube l'éclaircit : il peut sembler
serein seulement parce qu'il n'est pas couvert de nuages orageux, mais à
mesure que la lumière croît et que la vive clarté du soleil se développe à
l'orient, voilà que l’œil étonné voit se former des taches rosées sur l'azur.
Qu'est-ce ? Oh ! c'étaient de légères nuées, si légères qu'elles
paraissaient ne pas exister tant que la lumière était incertaine mais qui, maintenant que le soleil les
frappe, apparaissent comme de légères écumes sur le champ du ciel. Et elles y
restent jusqu'à ce que le soleil les fonde, les dissipe par son grand éclat.
Vous, faites la même chose pour votre âme. Amenez-la de
plus en plus près de la lumière, pour découvrir toute brume, même la plus
légère, et puis tenez-la sous le grand Soleil de la Charité. Elle consumera
vos imperfections comme le soleil fait évaporer la légère humidité qui se
condense dans ces nuées si fines que le soleil fait disparaître à l'aurore.
Si vous restez à fond dans la Charité, la Charité opérera en vous de
continuels prodiges. Allez maintenant et soyez bons..."
460.6 - Il
les congédie et va trouver les deux cousins qu'il embrasse après avoir fait
de profondes inclinations aux pharisiens présents parmi lesquels se trouve
Simon, le pharisien de Capharnaüm. Les autres sont des visages nouveaux.
"Nous t'avons cherché plutôt pour eux que pour nous. Ils sont venus à
Nazareth pour te chercher, et alors..." explique Simon d’Alphée en
désignant les pharisiens.
"Paix à vous. De quoi avez-vous besoin ?"
"Oh ! de rien. De te voir, de te voir seulement pour t'écouter,
entendre la sagesse de tes paroles..."
"Pour cela seulement ?"
"Et aussi pour te conseiller, vraiment... Tu es trop bon et le peuple en
abuse. Il n'est pas bon, ce peuple, tu le sais bien. Pourquoi ne maudis-tu
pas les pécheurs ?"
"Parce que le Père m'ordonne de sauver et non pas de perdre."
"Tu vas aller au-devant de malheurs..."
"N'importe. Je ne puis transgresser l'ordre du Très-Haut pour aucun
intérêt humain."
"Et si... Sais-tu... on dit tout bas que tu flattes le peuple pour t'en
servir en le soulevant. Nous sommes venus te demander si c'est vrai."
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220> "Vous êtes venus ou bien on
vous a envoyés ?"
"C'est la même chose."
"Non. Mais je vous réponds à vous et à ceux qui vous ont envoyés que
l'eau qui déborde de ma seille
c'est de l'eau de paix, que la semence que je répands est une semence de
renoncement. Je taille les rameaux orgueilleux. Je suis disposé à arracher
les mauvaises plantes pour qu'elles ne nuisent pas aux bonnes, si elles ne se
prêtent pas à la greffe. Mais ce que j'appelle "bon" n'est pas ce
que vous dites bon. En effet je donne le
nom de "bon" à l'obéissance, à la pauvreté, au
renoncement, à l'humilité, à la charité qui se prête à toutes les humilités
et à toutes les miséricordes. Ne craignez personne. Le Fils de l'homme ne dresse pas des
embûches aux puissances humaines, mais il vient inculquer la puissance aux
esprits. Allez et rapportez que l'Agneau ne sera jamais loup."
"Que veux-tu dire ? Tu nous comprends mal et nous te comprenons
mal."
"Non. Vous et Moi, nous nous comprenons fort bien..."
"Et alors, tu sais pourquoi nous sommes venus ?"
"Oui. Pour me dire que je ne dois pas parler aux foules. Et vous ne
réfléchissez pas que vous ne pouvez pas m'interdire d'entrer comme tout
Israélite là où on lit et explique les Écritures et où tout circoncis a le
droit de parler."
"Qui te l'a dit ? Jaïre, n'est-ce pas ? Nous le
rapporterons."
"Je n'ai pas encore vu Jaïre."
"Tu mens."
"Je suis la Vérité."
Du milieu du rassemblement qui s'est formé, un homme dit :
"Lui ne ment pas. Jaïre est parti hier, avant le coucher du soleil, avec
sa femme et sa fille. Il les a accompagnées en laissant ici l'assistant. Il
les a accompagnées chez sa mère mourante et il ne reviendra qu'après les
purifications."
Les pharisiens n'ont pas la joie de pouvoir montrer que Jésus ment, mais ils
ont celle de le savoir privé de son ami le plus puissant à Capharnaüm. Ils se
regardent entre eux. C'est toute une mimique de regards.
460.7 - Joseph
d'Alphée, l'aîné de la famille, se sent obligé de défendre Jésus, et il se
tourne vers Simon le pharisien :
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221> "Tu m'as honoré de vouloir
partager avec moi le pain et le sel, et le Très-Haut tiendra compte de cet honneur
donné aux descendants de David. Tu t'es montré juste pour moi. Mon Frère est
accusé par les pharisiens. Hier, ils m'ont dit à moi, chef de la maison, que
leur unique douleur était que Jésus délaisse la Judée car, étant le Messie
d'Israël, il avait le devoir d'aimer et d'évangéliser également tout Israël.
J'ai trouvé juste leur raisonnement et je l'aurais dit à mon Frère. Mais
alors, pourquoi parlent-ils ainsi aujourd'hui ? Qu'ils disent au moins
pourquoi il ne doit pas parler. Il ne me semble pas qu'il dise des choses
contraires à la Loi et aux Livres. Donnez la raison et je persuaderai Jésus
de parler autrement."
"Ton discours est juste. Répondez à l'homme..., dit Simon le pharisien.
A-t-il dit des choses... sacrilèges ?"
"Non. Mais le Sanhédrin l'accuse de diviser, d'essayer de diviser la
Nation. Le Roi doit appartenir à Israël, pas seulement à la Galilée."
"Chère est toute la Patrie, très chère, dans la Patrie, la région
natale. Ce n'est pas une raison assez grave pour mériter une punition, c’est
l'amour qu'il a pour la Galilée. Du reste, nous venons de David, et par
conséquent..."
"Qu'il vienne alors en Judée, qu'il ne nous méprise pas."
"Tu les entends ? C'est un honneur pour Toi et pour la
famille !" dit Joseph, un peu goguenard.
"J'entends."
"Je te conseille de céder à leur désir. Il est bon et tout à fait
honorable. Tu dis que tu veux la paix. Mets donc fin, puisque on t'aime dans
les deux régions, au dissentiment qui les oppose. Tu le feras certainement.
Oh ! bien sûr il le fera. Moi, je m'en porte garant pour Lui qui obéit
aux aînés."
"Il est dit : "Il n'y a personne de plus grand que Moi. Il n'y
a pas d'autre dieu qui passe avant Moi".
Moi, j'obéirai toujours à ce que Dieu veut."
"Vous l'entendez ? Allez donc en paix."
"Nous l'entendons. Mais, ô Joseph, avant de partir nous voulons savoir
ce que c'est pour Lui ce que Dieu veut."
"Ce que Dieu veut, c'est que je fasse sa Volonté."
"Et ce serait ? Dis-le."
"Que je rassemble les brebis d'Israël et que je les réunisse en un seul
troupeau. Et je le ferai."
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222> "Nous prenons note de tes
paroles."
"Ce sera bien. Dieu soit avec vous."
Et Jésus tourne le dos au groupe de pharisiens et va à la maison.
460.8 - Joseph,
son cousin, se met à côté de Lui, à moitié satisfait et, d'un air protecteur,
Lui fait remarquer qu'en sachant s'y prendre (comme lui), et en s'appuyant
sur les parents (comme heureusement aujourd'hui), en rappelant qu'il a droit
au trône (comme descendant de David) et cætera, les pharisiens eux-mêmes
deviennent de bons amis.
Jésus l'interrompt en disant :
"Et tu les crois ? Tu crois à leurs paroles ? En vérité
l'orgueil et la louange menteuse suffisent pour couvrir d'un bandeau la vue
la plus perçante."
"Moi, pourtant... je les contenterais. Tu ne peux prétendre qu'ils te
portent en triomphe au milieu des hosannas, d'un seul coup... Tu dois les
conquérir. Un peu d'humilité, Jésus, un peu de patience. L'honneur mérite tous les sacrifices..."
"Il suffit ! Ce sont des paroles humaines et pis encore. Que
Dieu te pardonne et qu'il te donne la lumière, frère. Mais écarte-toi car tu
me peines. Et tais à ta mère, à tes frères, à ma Mère ces sots
conseils."
"Tu veux te perdre ! Tu es la cause de notre ruine et de la
tienne !"
"Pourquoi es-tu venu si tu es toujours le même ? Je n'ai pas encore
souffert pour toi. Mais je le ferai, et alors..."
Joseph s'en est allé, fâché.
"Tu le décourages... Il est comme notre père, tu le sais. C'est le vieil
Israélite..." murmure Simon.
"Quand il comprendra, il verra que ma conduite, qui maintenant le
déconcerte, était sainte..."
460.9 - Ils
sont au seuil de la maison. Ils entrent. Jésus commande à Pierre :
"Fais en sorte que la barque soit prête au coucher du soleil. Nous
accompagnerons les deux Marie à Tibériade et Simon les accompagnera à la
maison. Mathieu viendra avec toi, en plus de tes compagnons pêcheurs. Les
autres resteront ici à nous attendre."
Pierre tire Jésus à part :
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223> "Et s'il vient celui d'Antioche ? C'est à
cause de Judas de Kérioth que je le dis..."
"Ton Maître te dit que nous le trouverons sur le môle de
Tibériade."
"Ah ! Alors !" et à haute voix : "La barque
sera prête."
460.10 - "Mère,
monte avec Moi. Nous serons ensemble pendant ces heures."
Marie le suit sans parler. Ils entrent dans la chambre du haut, fraîche et
ombragée par la vigne qui la couvre et par des rideaux installés pour faire
de l'ombre.
"Tu t'en vas, mon Jésus ?!"
Marie est très pâle.
"Oui, il est temps."
"Et moi, je ne dois pas venir pour les Tabernacles ? Mon
Fils… !"
Marie sanglote.
"Maman ! Pourquoi ? Ce n'est pas la première fois que nous
nous quittons !"
"Non. C'est vrai. Mais... Oh ! je me rappelle ce que tu m'as dit
dans le bois près de Gamla...
Mon Fils ! Pardonne à une pauvre femme. Je t'obéirai... Moi, avec l'aide
de Dieu, je serai forte... Mais je veux une promesse de Toi..."
"Laquelle, ma Mère ?"
"Que tu ne me cacheras pas l'heure redoutable. Non pas par pitié, non
pas par défiance de moi... Ce serait trop de douleur... et trop de torture... De douleur parce que... j'apprendrais tout à l'improviste
et par quelqu'un qui ne m'aime pas comme Toi tu aimes cette pauvre maman...
Et ce serait une torture si je pensais que peut-être au moment où je file, où
je tisse, où je soigne les colombes, Toi, mon Enfant, tu es mis à
mort..."
"Ne crains pas, Mère. Tu sauras... Mais ce n'est pas le dernier adieu.
Nous nous verrons encore..."
"Vraiment ?"
"Oui. Nous nous verrons encore."
"Et tu me diras : "Je vais accomplir le Sacrifice" ?
Oh..."
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224> "Je ne dirai pas cela, mais tu
comprendras... Et puis ce sera la paix. Une telle paix... Pense : avoir
fait tout ce que Dieu veut de nous, ses fils, pour le bien de tous les autres
fils. Une paix si grande... La paix du parfait amour..."
Il l'a serrée sur son cœur et il la tient étroitement dans son embrassement
filial, Lui tellement plus grand et plus fort, elle plus menue, jeune de la
jeunesse intacte de sa chair et de ce qu'elle exprime, qui couvre l'éternelle
jeunesse de son esprit immaculé. Et elle répète héroïque, combien
héroïque :
"Oui, oui. Ce que Dieu veut..."
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