Catéchèse du mercredi
8 mars 1944.
113>
17.8- Marie dit :
«Lorsque j’eus compris la mission à laquelle Dieu m’appelait, je fus comblée
de joie ; de joie, mon cœur s’ouvrit comme un lys fermé, et il en
sortit le sang qui servit de terreau au Germe du Seigneur.
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114> 17.9- Joie d’être mère.
Je m’étais consacrée à Dieu dès mon plus jeune
âge, car la lumière du Très-Haut m’avait éclairée sur la cause du mal du
monde, et j’avais voulu, pour autant que c’était en
mon pouvoir, effacer en moi l’empreinte de Satan.
J’ignorais que j’étais sans tache. Je ne pouvais l’imaginer. Cette seule
pensée aurait été de la présomption, de l’orgueil, car, étant née de parents
humains, il ne m’était pas permis de penser que c’était moi l’Elue appelée à
être l’Immaculée.
L’Esprit de Dieu m’avait instruite sur la douleur du Père devant la
corruption d’Ève qui, alors qu’elle était une créature de grâce, avait voulu
s’abaisser au niveau d’une créature inférieure. J’avais le désir d’adoucir
cette douleur en élevant ma chair à une pureté angélique par la volonté de me
garder inviolée de toute pensée, de tout désir et de tout contact humain.
Mon cœur ne battrait que pour mon Dieu, mon être tout entier ne serait qu’à
lui. Mais si je ne connaissais pas la fièvre brûlante de la chair, il y avait
encore le sacrifice de ne pas être mère.
Exempte de tout ce qui maintenant l’abîme, la
maternité avait aussi été accordée à Ève par le Père créateur. Sans la
pesanteur de la volupté, comme cette maternité était douce et pure ! J’en ai
fait l’expérience ! De quoi Ève ne s’est-elle pas appauvrie en renonçant à
cette richesse ! Plus que de l’immortalité ! Que cela ne vous paraisse
pas exagéré. Mon Jésus et moi, sa Mère, avec lui, nous avons connu la
langueur de la mort. Pour ma part, le doux
affaiblissement d’une personne fatiguée qui s’endort, et lui l’atroce anéantissement du condamné.
La mort est donc survenue pour nous aussi. Mais la maternité sans violation
d’aucune sorte, je suis seule à l’avoir connue, moi la nouvelle Ève, afin de
pouvoir dire au monde quelle est la douceur du sort de la femme appelée à
être mère sans souffrance aucune. Et le désir de cette maternité pure pouvait
exister et existait réellement dans la vierge toute donnée à Dieu, parce
qu’elle fait la gloire de la femme. Si en outre vous pensez au grand honneur
dans lequel les Juifs tenaient la femme mère, vous imaginerez d’autant mieux
quel avait été mon sacrifice en acceptant par mon vœu cette privation.
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115> Or la
Bonté éternelle accorda ce don à sa servante sans m’ôter la pureté dont
j’avais été revêtue pour devenir une fleur sur son trône. Et j’exultais de la
double joie d’être mère d’un homme et mère de Dieu.
17.10- Joie d’être celle
par qui la paix réconciliait le Ciel avec la terre.
Oh ! Avoir désiré cette paix par amour de Dieu
et du prochain, et savoir que c’est par mon intermédiaire à moi, pauvre
servante du Tout-Puissant, qu’elle venait au monde ! Dire : “Ô hommes,
ne pleurez plus. Je porte en moi le secret qui vous rendra heureux. Je ne
puis vous le révéler, parce qu’il est scellé en moi, dans mon cœur, tout
comme le Fils de Dieu est enfermé dans mon sein inviolé. Mais déjà je vous
l’apporte, et chaque heure qui passe rapproche le moment où vous le verrez et
en connaîtrez le nom saint.”
17.11- Joie d’avoir rendu
Dieu heureux : joie de croyante pour son Dieu empli de joie !
Avoir ôté du cœur de Dieu l’amertume de la
désobéissance d’Ève, de son orgueil, de son incrédulité !
Mon Jésus t’a expliqué de quelle faute le premier couple s’est entaché. J’ai
effacé cette faute en remontant à rebours les étapes de sa descente.
17.12- L’origine de la faute se
situe dans la désobéissance. “Vous ne mangerez pas de cet arbre”, avait dit
Dieu. Or l’homme et la femme, ces rois de la création, qui pouvaient manger
de tout excepté de cela, parce que Dieu voulait que les anges seuls leur
soient supérieurs, ne tinrent pas compte de cette interdiction.
L’arbre, c’était le moyen de mettre à l’épreuve l’obéissance de ses enfants.
Qu’est-ce qu’obéir au commandement de Dieu ? C’est agir bien, car Dieu ne
commande que le bien. Qu’est-ce que désobéir ? C’est agir mal, car cela crée
en l’homme une disposition à la rébellion, terrain propice à l’action de
Satan.
Ève s’approche de l’arbre : elle aurait dû fuir pour en recevoir le bien,
mais son geste lui a valu le mal. Elle se laisse entraîner par la curiosité
puérile de voir ce qu’il pouvait bien avoir de spécial, par l’imprudence qui
lui fait juger inutile le commandement de Dieu, étant donné qu’elle est forte
et pure, reine de l’Eden où tout lui est soumis et où rien ne saurait lui
faire du mal. Sa présomption la perd, cette présomption qui est déjà le
levain de l’orgueil.
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116> C’est le Séducteur qu’elle trouve auprès de l’arbre : face
à son inexpérience, à sa pure et si belle inexpérience, à la faiblesse de son
inexpérience, il entonne la chanson du mensonge : “Penses-tu qu’il y ait quoi que ce soit de mal ? Mais
non ! Dieu te l’a dit parce qu’il veut vous garder esclaves de son pouvoir.
Vous vous prenez pour des rois ? Vous êtes moins libres qu’une bête sauvage.
Elle, au moins, a eu le droit d’aimer d’un amour véritable. Pas vous. Elle a
le droit d’être créatrice comme Dieu. Elle engendre des enfants et voit
grandir à souhait sa famille. Pas vous. Cette joie vous est refusée. À quoi
bon vous avoir fait homme et femme si c’est pour vivre de cette manière ? Soyez
des dieux. Ne connaissez-vous pas la joie d’être deux en une seule chair, qui
en crée une troisième et ainsi de suite ? Ne croyez pas aux promesses de Dieu
de jouir de votre postérité en voyant vos enfants créer de nouvelles
familles, après avoir quitté père et mère pour elles. Il vous a donné un
semblant de vie. La vraie vie, c’est d’en connaître les lois. Alors vous
serez comme des dieux et vous pourrez dire à Dieu : "Nous sommes tes
égaux."
Et la séduction a continué, parce qu’Ève n’a pas eu la volonté de la
repousser, mais plutôt de la suivre et d’expérimenter ce qu’il n’appartenait
pas à l’homme de connaître. C’est ainsi que l’arbre interdit est devenu
réellement mortel pour la race humaine, car ses branches portent le fruit de
l’amère connaissance qui vient de Satan. La femme devient femelle et, le
levain de la connaissance satanique dans le cœur, elle va corrompre Adam.
Leur chair ainsi avilie, leur sens moral corrompu, l’esprit dégradé, ils
connurent alors la douleur et la mort de l’âme privée de la grâce et de la
chair privée de l’immortalité. La blessure d’Ève engendra la souffrance, qui
ne sera pas apaisée avant la mort du dernier couple sur terre.
17.13- Moi, j’ai parcouru en
sens contraire le chemin de ces deux pécheurs. J’ai obéi. En toutes circonstances,
j’ai obéi. Dieu m’avait demandé d’être vierge. J’ai obéi. Après avoir aimé la
virginité qui me rendait aussi pure que la première femme avant de connaître
Satan, Dieu m’a demandé d’être épouse. J’ai
obéi, relevant ainsi le mariage au degré de pureté
qu’il avait dans la pensée de Dieu lorsqu’il a créé nos premiers parents.
Alors que j’étais convaincue que je serais destinée à la solitude dans le
mariage et au mépris des autres à cause de ma sainte stérilité, voici que
Dieu m’a demandé de devenir mère. J’ai obéi.
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117> J’ai cru
que ce serait possible et que cette parole venait bien de Dieu, parce qu’en
l’écoutant j’étais inondée de paix. Je n’ai pas pensé : “Je l’ai mérité.” Je
ne me suis pas dit : “Désormais, le monde va m’admirer, car je suis semblable
à Dieu en créant la chair de Dieu.” Non, je me suis anéantie dans l’humilité.
La joie a jailli de mon cœur comme la tige d’une rose en fleur. Mais elle
s’est aussitôt parée d’épines aiguës et la douleur m’a étreinte comme ces
branches autour desquelles s’enroulent les liserons. La douleur due à la
souffrance de mon époux, c’est le spasme au sein de ma joie. La douleur due à
la souffrance de mon Fils, ce sont les épines de ma joie.
Ève a recherché la jouissance, le triomphe, la liberté. Moi, j’ai accepté la
douleur, l’anéantissement, l’esclavage. J’ai renoncé à ma vie tranquille, à
l’estime de mon époux, à ma propre liberté. Je n’ai rien gardé pour moi. Je
suis devenue la servante de Dieu dans mon corps, ma conduite et mon
âme ; je me suis fiée à lui non seulement pour la conception virginale,
mais aussi pour la défense de mon honneur, pour la consolation de mon époux,
pour le moyen de l’amener lui aussi à sublimer notre mariage, pour que nous devenions
ceux qui rendent à l’homme et à la femme leur dignité perdue.
17.14- J’ai embrassé la volonté
du Seigneur sur moi, sur mon époux, sur mon enfant. J’ai dit “oui” pour tous
les trois, avec la certitude que Dieu n’allait pas mentir à sa promesse de me
secourir dans ma douleur d’épouse qui se voit jugée coupable et de mère qui
se rend compte qu’elle enfante son fils pour le livrer à la souffrance.
“Oui”, ai-je dit. Oui, et cela suffit. Ce “oui” a effacé le “non” d’Ève au commandement de Dieu. “Oui, Seigneur, comme tu veux. Je connaîtrai ce que tu veux. Je
vivrai comme tu le veux. Je connaîtrai la joie si tu le veux. Je souffrirai
de ce que tu veux. Oui, toujours oui, mon Seigneur, depuis cet instant où ton
rayon m’a rendue mère jusqu’au moment où tu m’as appelée à toi. Oui, toujours
oui. Toutes les voix de la chair, toutes les inclinations de mes sens sont
remises sous le poids de ce oui perpétuel. Plus haut se trouve mon âme, placée
comme sur un piédestal de diamant. Il lui manque des ailes pour voler vers
toi, mais elle maîtrise tout mon être dompté et asservi pour te servir dans
la joie comme dans la douleur. Mais souris, mon Dieu, et sois heureux :
la faute est vaincue, effacée, annihilée.
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118> Elle gît
sous mon talon, elle est lavée par mes larmes, détruite par mon obéissance.
De mon sein naîtra l’Arbre nouveau. Il portera le Fruit qui connaîtra le mal,
intégralement, pour l’avoir souffert en lui-même, et il produira le bien,
intégralement. Les hommes pourront venir à lui et je serai heureuse qu’ils le
cueillent, même sans penser qu’il naît de moi. Pourvu que l’homme soit sauvé
et Dieu aimé, qu’il soit fait de sa servante ce que l’on fait de la terre où
un arbre se dresse : un tremplin pour s’élever.”
17.15- Maria, il faut toujours
savoir être un tremplin pour que les autres s’élèvent vers Dieu. Peu importe
s’ils nous piétinent, pourvu qu’ils réussissent à marcher vers la croix.
C’est le nouvel arbre qui porte le fruit de la connaissance du bien et du mal : il dit en effet
aux hommes ce qui est mal et ce qui est bien pour qu’ils sachent choisir et
vivre. Il sait en même temps devenir une liqueur capable de guérir les
personnes empoisonnées par le mal auquel elles ont voulu goûter. Qu’importe
si les pieds des hommes foulent notre cœur, pourvu que le nombre des rachetés
croisse et que le sang de mon Jésus n’ait pas été versé sans produire de
fruit. C’est là le sort des servantes de Dieu. Mais, ensuite, nous méritons
de recevoir dans notre sein la sainte Hostie et de dire au pied de la croix
baignée de son sang et de nos larmes : “Père, voici l’hostie immaculée
que nous t’offrons pour le salut du monde. Garde-nous, Père, unies à elle et,
par ses mérites infinis, donne-nous ta bénédiction. ”
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