"Comme une violette
au pied de la Croix …"
En avril 1943, Maria Valtorta est
clouée au lit depuis 9 ans. Elle se prépare sereinement à la mort qu'elle
pense inéluctable.
Son confesseur, le P. Migliorini, frappé par la grandeur d'âme de Maria, lui
demande d'écrire l'histoire de sa vie.
Elle s'en acquitte en moins de deux mois et remet les 760 pages (7 cahiers)
de manuscrit à son confesseur.
Soudain, le 22 avril au soir, elle a cette vision. Elle la consigne sur son
cahier mais n'en parle qu'à son confesseur. Il lui confirme son origine
inspirée et lui demande de se tenir disponible.
Maria Valtorta commence alors à recevoir visions et dictées à un rythme
quotidien : elle écrit d'une seule traite 15.000 pages de cahiers.
Le P. Romualdo Migliorini, confesseur de Maria Valtorta.
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8> Il me semble presque inutile de
continuer à écrire après avoir tout dit.
Mais vous
m’exhortez à écrire les choses qui me frappent le plus et j’obéis.
C’est le soir du Jeudi Saint.
En parlant de Jésus, je ne détourne pas mon attention de lui, mais au
contraire, je me concentre sur lui. Je vous dirai donc comment j’ai passé ces
dernières vingt-quatre heures. Hier soir, vous m’avez vue épuisée. J’étais
vraiment épuisée. Mais quand je
suis au bout de toute résistance humaine et que
je donne l’impression, à quiconque me voit, de n’être plus qu’une pauvre
créature incapable même de penser, c’est justement à ce moment-là que j’ai,
pour ainsi dire, des illuminations.
Hier soir; j’avais lu le journal; et puis,
lasse même de ça, j’avais fermé les yeux et je restais là... inerte. Tout à
coup, j’ai vu, mentalement, un terrain très pierreux et aride. Cela
ressemblait au sommet d’un monticule comme on en voit tant dans nos collines.
Dénué de toute végétation, riche seulement en pierres et silex brutes
blanchâtres, il était entouré d’un vaste horizon. Tout au sommet avait poussé
un plant de violettes, la seule chose vivante au milieu d’une telle
désolation. Je voyais distinctement la touffe épaisse de feuilles rapprochées
les unes des autres, comme pour mieux résister aux vents qui battaient la
cime. Quelques bourgeons de violette, plus ou moins ouverts, montraient leur
petite tête au-dessus de la touffe verte. Mais une seule violette était
complètement éclose, belle, d’une couleur vive, corolle ouverte tendue vers
le ciel.
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de page
10>
Ce fut de la voir si droite, comme si elle
était attirée par une force singulière, qui fixa mon attention et me fit
chercher du regard. Et je vis une planche, une grosse planche enfoncée dans le
sol. On aurait dit un tronc grossièrement raboté, encore rugueux. À un mètre
et demi du sol, peut-être moins, je vis deux pieds transpercés... je ne vis
que cela hier soir. Deux pieds torturés. Et qu’ils fussent âprement torturés
se devinait à la contraction des orteils qui se repliaient presque jusqu’à la
plante des pieds comme en un spasme tétanique.
Du sang, qui coulait le long des talons, tombait sur la planche rugueuse et
la sillonnait jusqu’au sol. D’autre gouttes tombaient des orteils contractés
et ruisselaient sur la touffe de violettes. C’est donc vers cela que se
tournait la violette, toute tendue vers le ciel ! Vers ce sang qui la
nourrissait, tout comme il nourrissait cette touffe unique de verdure qui
avait su, en cette terre stérile, pousser contre ce bois.
Cette vision m’a dit beaucoup de choses... Et quand vous êtes venu, j’étais
en train de voir ce signe qui était mon sermon du Mercredi Saint. Cette scène
ne s’est pas évanouie. Elles ne s’évanouissent pas facilement. Elles restent
clairement gravées dans le cerveau, même si les choses habituelles
reprennent, ou tentent de reprendre, le dessus.
Et puis ce matin, avant que vous n'arriviez, j’ai entrevu le reste du corps.
Je dis bien, entrevu, parce qu’il apparaissait et disparaissait comme dans
l’ondoiement de voiles de brouillard. D’autres fois, l’image en était
beaucoup plus nette... mais, alors, il me semblait mort. Maintenant, il me
paraît vivant. Et je pense que c’est une grande pitié de la part de Jésus de
ne pas me montrer son visage. Jésus est tellement affligé, la
tristesse que lui cause l’iniquité humaine — qui ne faiblit jamais mais, bien
au contraire, ne cesse de grandir — a atteint une telle intensité que
nous ne pourrions supporter; sans en mourir de douleur; l’expression de son
divin visage.
Jésus, mon Maître, de sa parole muette, me
dit que ma place est plus que jamais au
pied de la croix. Je dois tirer ma vie uniquement de son Sang...
et mon seul devoir est d’être l’encens au pied de son trône de Rédempteur.
L’encens dont le parfum recouvre l’odeur nauséabonde du péché, de la
méchanceté, de la barbarie qui émane de la terre. L’encens n’exhale son parfum
qu’en brûlant et en se consumant. Et c’est ce que je dois faire.
La
vision me dit aussi que la fleur peut attirer d’autres regards à la croix,
peut amener d’autres créatures à s’incliner sous la pluie de son sang. C’est
là la tâche de la fleur envers Dieu et son prochain.
Réparation d’amour envers Jésus et attraction à Jésus de beaucoup de cœurs,
en acceptant de vivre à cette fin dans un désert aride, seule avec la croix.
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de page
11> Je pourrais dire que je suis restée
les lèvres pressées contre ces pieds transpercés comme si je buvais à une
source qui est à la fois fraîcheur et ardeur. Une sensation spirituelle, mais
si vive qu’elle semble réelle...
Puis, ce matin à 10 heures, j’ai reçu de Rome une lettre d’une de mes sœurs,
lettre que je vais vous montrer et dans laquelle on parle justement de cette
mission au pied de la croix; une image est jointe à la lettre, avec un
Crucifix et, au-dessous, un encensoir ardent et l’inscription suivante : “Que
mon oraison s’élève comme l’encens en ta présence.” J’ai pris tout cela comme
un discours muet de mon Jésus à sa petite hostie qui se consume petit à
petit, plus d’amour que de maladie.
Je pense au fait que demain, c’est Vendredi Saint : le jour des jours pour
moi. Je voudrais accumuler des sacrifices et encore des sacrifices pour en
faire un véritable jour d’expiation. Mais Maria ne peut désormais faire que
si peu de choses ! Eh bien, faisons ce peu de choses.
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