Le vendredi 10 mars 1944.
72> 604.36 – Jésus dit :
"Je veux te faire méditer le passage qui se rapporte à mes rencontres
avec Pilate.
Jean, ayant été presque toujours présent ou du moins très proche, est le
témoin et le narrateur le plus exact. Il raconte comme sorti de la maison de
Caïphe je fus amené au Prétoire. Et il précise "de bon matin". En
fait, tu l'as vu, le jour commençait à peine. Il précise aussi : "Eux
(les juifs) n'entrèrent pas pour ne pas se contaminer et pour manger la
Pâque". Hypocrites, comme toujours, ils trouvaient qu'il y avait danger
de se contaminer en piétinant la poussière de la maison d'un gentil, mais ils
ne trouvaient pas que c'était un péché de tuer un Innocent. Et avec l'âme
satisfaite par le crime accompli, ils purent goûter mieux encore la Pâque.
Ils ont maintenant eux aussi de nombreux imitateurs. Tous ceux qui intérieurement agissent mal et extérieurement
professent le respect pour la religion et de l'amour pour Dieu, leur
ressemblent. Des formules, des formules, et pas de religion vraie ! Ils
m'inspirent répugnance et indignation.
Les juifs n'entrant pas chez Pilate, Pilate sortit pour entendre ce qu'avait
la foule qui vociférait et, expert comme il l'était en fait de gouvernement
et de jugement, il comprit d'un seul regard que le coupable ce n'était pas
Moi, mais ce peuple ivre de haine. La rencontre de nos regards fut une
lecture réciproque de nos cœurs. Je jugeai l'homme pour ce qu'il était, et
lui me jugea pour ce que j'étais.
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73> En Moi il y eut pour lui de la
pitié parce que c'était un faible. Et en lui il y eut pour Moi de la pitié
parce que j'étais un Innocent. Il chercha à me sauver dès le premier instant.
Et comme c'était uniquement à Rome qu'était déféré et réservé le droit
d'exercer la justice envers les malfaiteurs, il tenta de me sauver en disant
: "Jugez-le selon votre Loi".
604.37 – Hypocrites une seconde fois,
les juifs ne voulaient prononcer une condamnation. Il est vrai que Rome avait
le droit de juger, mais quand, par exemple, Étienne fut lapidé, Rome
commandait toujours à Jérusalem et malgré cela, ils prononcèrent le jugement
et exécutèrent le supplice sans se soucier de Rome. Pour Moi, pour qui ils
avaient non pas de l'amour mais de la haine et de la peur — ils ne voulaient
pas croire que j'étais le Messie mais ne voulaient pas me tuer matériellement
dans le cas où je l'aurais été — ils agirent d'une manière différente et
m'accusèrent d'être un fauteur de troubles contre la puissance de Rome, vous
diriez : "rebelle", pour obtenir que Rome me jugeât. Dans leur
salle infâme, et plusieurs fois pendant les trois ans de mon ministère, ils
m'avaient accusé d'être blasphémateur et faux prophète, et comme tel j'aurais
dû être lapidé ou, quoi qu'il en soit, tué. Mais maintenant pour ne pas
accomplir matériellement le crime dont ils sentaient par instinct qu'ils
seraient punis, ils le firent accomplir par Rome en m'accusant d'être
malfaiteur et rebelle. Rien de plus facile, quand les foules sont perverties
et les chefs des satans, que d'accuser un innocent pour défouler leur passion
de férocité et d'usurpation, et de supprimer celui qui représente un obstacle
et un jugement.
Nous sommes revenus aux temps de cette époque. Le monde de temps en temps,
toujours après une incubation d'idées perverses, explose en ces
manifestations de perversité. Comme si elle était toute en état de gestation,
la foule, après avoir nourri dans son sein son monstre avec des doctrines de
fauves, le met au jour pour qu'il dévore, qu'il dévore d'abord
les meilleurs et puis se dévore elle-même.
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74> 604.38 – Pilate
rentre au Prétoire et m'appelle près de lui et il m'interroge. Il avait déjà
entendu parler de Moi. Parmi ses centurions il y en avait certains qui
répétaient mon Nom avec un amour reconnaissant, avec les larmes aux yeux et
le sourire au cœur, et parlaient de Moi comme d'un bienfaiteur. Dans leurs
rapports au Préteur, interrogés sur ce Prophète qui attirait à Lui les foules
et prêchait une doctrine nouvelle où on parlait d'un royaume étrange,
inconcevable à une mentalité païenne, eux avaient toujours répondu que
j'étais un homme doux, bon, qui ne cherchait pas les honneurs de cette Terre
et qui inculquait et pratiquait le respect et l'obéissance envers ceux qui
étaient les autorités. Plus sincères que les Israélites eux voyaient la
vérité et déposaient en sa faveur. Le dimanche précédent, attiré par les cris
de la foule, il s'était avancé sur la route et avait vu passer sur une jeune
ânesse un homme désarmé qui bénissait, entouré d'enfants et de femmes. Il
avait compris qu'il ne pouvait y avoir dans cet homme un danger pour Rome. Il
veut donc savoir si je suis roi. Dans son ironique scepticisme païen, il
voulait rire un peu sur cette royauté qui chevauche un âne, qui a pour
courtisans des enfants déchaussés, des femmes souriantes, des hommes du
peuple, de cette royauté qui depuis trois années prêche de ne pas avoir
d'attirance pour les richesses et le pouvoir, et qui ne parle d'autres
conquêtes que de celles de l'esprit et de l'âme. Qu'est l'âme pour un païen ?
Même ses dieux n'ont pas d'âme. Et l'homme pourrait l'avoir ? Maintenant
aussi ce roi sans couronne, sans palais, sans cour, sans soldats, lui répète
que son royaume n'est pas de ce monde. C'est si vrai qu'aucun ministre et
aucune troupe ne se lève pour défendre son roi et l'arracher à ses ennemis.
Pilate, assis sur son siège, me scrute parce que je suis une énigme pour lui.
S'il débarrassait son âme des soucis humains, de l'orgueil de sa charge, de
l'erreur du paganisme, il comprendrait tout de suite qui je suis. Mais
comment la lumière pourrait-elle pénétrer là où trop de choses bouchent les
ouvertures pour empêcher la lumière d'entrer ?
604.39 – C'est toujours ainsi, fils,
même maintenant. Comment Dieu et sa lumière pourraient-ils entrer là où il
n'y a plus de place pour eux et où
les portes et les fenêtres sont barricadées et défendues par l'orgueil,
l'humanité, par le vice, par l'usure, par tant, tant de gardiens au service
de Satan contre Dieu ?
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75> Pilate ne peut comprendre ce
qu'est mon royaume. Et ce qui est plus douloureux, il ne
demande pas que je le lui explique. À mon invitation de connaître la
Vérité, lui, l'indomptable païen, répond : "Qu'est-ce que la Vérité
?" et il laisse tomber la question en haussant les épaules.
Oh ! fils ! mes fils ! Oh ! mes Pilates de maintenant ! Vous aussi, comme
Ponce Pilate, laissez tomber en haussant les épaules les
questions les plus vitales. Elles vous semblent des choses inutiles,
dépassées. Qu'est-ce que la Vérité ? De l'argent ? Non. Des femmes ? Non. Le
pouvoir ? Non. La santé physique ? Non. La gloire humaine ? Non. Et alors
qu'on la laisse tomber. Elle ne mérite pas que l'on coure après cette
chimère. Argent, femmes, puissance, santé, commodités, honneurs, voilà des
choses concrètes, utiles, à aimer et à atteindre de toutes façons. C'est
ainsi que vous raisonnez. Et pires qu'Esaü vous troquez les biens éternels
pour un aliment grossier qui nuit à votre santé physique et qui vous nuit
pour votre salut éternel. Pourquoi ne persistez-vous pas à demander :
"Qu'est-ce que la Vérité" ? Elle, la Vérité, ne demande qu'à se
faire connaître pour vous instruire à son sujet. Elle est devant vous
comme pour Pilate, et elle vous regarde avec les yeux d'un amour suppliant en
vous implorant : "Interroge-moi, je t'instruirai". Tu vois comment
je regarde Pilate ? De même je vous regarde tous ainsi. Et si j'ai un regard
d'amour pour celui qui m'aime et demande mes paroles, j'ai des regards d'un
amour affligé pour celui qui ne m'aime pas, ne me cherche pas, ne m'écoute
pas. Mais amour, toujours amour, car l'Amour est ma nature.
604.40 – Pilate
me laisse où je suis sans m'interroger davantage, et il va trouver les
mauvais qui parlent plus fort et s'imposent par leur violence. Et il les
écoute, ce malheureux qui ne m'a pas écouté et qui a repoussé en haussant les
épaules mon invitation à connaître la Vérité. Il écoute le Mensonge. L'idolâtrie,
quelle qu'en soit la forme, est toujours portée à respecter et à accepter le
Mensonge, quel qu'il soit. Et le Mensonge, accepté par un faible, amène au
crime celui qui est faible. Cependant Pilate, sur le seuil du crime, veut
encore me sauver par une et deux fois. C'est ici qu'il m'envoie à Hérode, Il
sait bien que le roi rusé, qui louvoie entre Rome et son peuple, agira de
manière à ne pas blesser Rome et à ne pas heurter le peuple juif. Mais comme
tous les faibles, il recule de quelques heures la décision qu'il ne se sent
pas en mesure de prendre, espérant que l'émeute se calme.
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76> Je vous l'ai dit : "Que votre
langage soit : oui, oui; non, non" .
Mais lui ne l'a pas entendu ou si quelqu'un le lui a répété, il a haussé les épaules comme d'habitude. Pour triompher dans le monde,
pour avoir honneurs et profits, il faut savoir faire un non d'un oui, ou un
oui d'un non selon que le bon sens (lis : le sens humain) le conseille. Combien
de Pilates a le vingtième siècle ! Où sont les héros du Christianisme qui
disaient oui, constamment oui à la Vérité et pour la Vérité, et non,
constamment non pour le Mensonge ? Où sont les héros qui savent affronter le
danger et les événements avec la force de l'acier et avec une sereine
promptitude et sans atermoiement, car le Bien, il faut l'accomplir tout de
suite et fuir tout de suite le Mal sans "mais" et sans
"si" ?
604.41 – À
mon retour de chez Hérode, voici une nouvelle transaction de Pilate : la
flagellation. Et qu'espérait-il ? Ne savait-il pas que la foule est le fauve
qui quand il commence à voir le sang devient plus féroce ? Mais je devais
être brisé pour expier vos péchés de la chair. Et je fus brisé. Pas une
partie de mon corps qui n'ait pas été frappée. Je suis l'Homme dont parle
Isaïe. Et au supplice commandé s'ajoute celui non commandé, mais créé par la
cruauté humaine, des épines.
Vous le voyez, hommes, votre Sauveur, votre Roi, couronné de douleur pour
vous libérer la tête de tant de fautes qui y fermentent ? Réfléchissez-vous à
la douleur qu'a subie ma tête innocente pour expier pour vous, pour vos
péchés toujours plus atroces de pensée qui se transforment en actes ? Vous
qui vous offensez même quand il n'y a pas de motif de le faire, regardez le
Roi offensé, et il est Dieu, avec son ironique manteau de pourpre déchiré,
avec le sceptre de roseau et la couronne d'épines. Il est déjà mourant et ils
le fouettent encore de leurs mains et de leurs moqueries. Et vous n'en
éprouvez pas de la pitié. Comme les juifs vous continuez à me montrer le
poing et à crier : "Dehors, dehors ! Nous n'avons pas d'autre Dieu que
César", ô idolâtres qui n'adorez pas Dieu, mais vous-mêmes et parmi vous
celui qui est le plus autoritaire. Vous ne voulez pas du Fils de Dieu.
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77> Pour vos crimes, il ne vous aide
pas. Satan est plus serviable. Aussi vous préférez Satan. Du Fils de l'homme
vous avez peur, comme Pilate. Et quand vous le sentez vous dominer par sa
puissance, et s'agiter par la voix de la conscience qui vous fait des reproches
en son nom, vous demandez comme Pilate : "Qui es-tu ?"
Qui je suis, vous le savez. Même ceux qui me nient savent ce que je suis et
qui je suis. Ne mentez pas. Vingt siècles m'entourent et mettent en lumière
qui je suis et vous font connaître mes prodiges. Pilate est plus pardonnable.
Pas vous qui avez un héritage de vingt siècles de
christianisme pour soutenir votre foi ou pour vous l'inculquer et ne voulez
rien savoir.
Et pourtant avec Pilate j'ai été plus sévère qu'avec vous. Je ne lui aï
pas répondu. Avec vous je parle, et malgré cela, je ne réussis pas à vous
persuader que c'est Moi, que vous me devez adoration et obéissance. Même
maintenant vous m'accusez d'être même la ruine de Moi en vous, parce que je
ne vous écoute pas. Vous dites que vous perdez la foi à cause de cela. Oh !
menteurs ! Où est-elle votre foi ? Où est-il votre amour ? Quand donc
priez-vous et vivez-vous avec amour et foi ? Êtes-vous des grands ? Rappelez-vous
que vous êtes tels parce que je le permets. Êtes-vous des anonymes dans la
foule ? Rappelez-vous qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Moi. Personne n'est
plus que Moi et avant Moi. Donnez-moi donc ce culte d'amour qui me revient et
je vous écouterai car vous ne serez plus des bâtards mais des fils de Dieu.
604.42 – Et
voilà la dernière tentative de Pilate pour me sauver la vie en admettant
qu'il pût la sauver après l'impitoyable et illimitée flagellation. Il me
présente à la foule : "Voilà l'Homme !" Je lui fais humainement
pitié à lui. Il espère dans la pitié de la foule. Mais devant la dureté qui
résiste et la menace qui avance, il ne sait pas accomplir un acte
surnaturellement juste et bon par conséquent, et dire : "Je le libère
parce qu'il est innocent. Vous êtes des coupables, et si vous ne vous
dispersez pas, vous allez connaître la rigueur de Rome". C'est cela
qu'il devait dire s'il avait été juste sans calculer le mal qui pouvait lui
en venir par la suite.
Pilate n'est pas vraiment bon. Bon est Longinus qui, moins puissant que le
Préteur et moins défendu, au milieu du chemin, entouré de peu de soldats et
d'une multitude ennemie, ose me défendre, m'aider, m'accorder du repos, me
réconforter avec les femmes pieuses, et être secouru par le Cyrénéen et enfin
d'avoir la Mère au pied de la Croix. Celui-là fut un héros de la justice et
devint ainsi un héros du Christ.
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