72> 604.36 – Jésus
dit :
"Je veux te faire méditer le passage qui se rapporte à mes rencontres
avec Pilate.
Jean, ayant été presque toujours présent ou du moins très proche, est le témoin
et le narrateur le plus exact. Il raconte comme sorti de la maison de Caïphe
je fus amené au Prétoire. Et il précise "de bon matin". En fait, tu
l'as vu, le jour commençait à peine. Il précise aussi : "Eux (les juifs)
n'entrèrent pas pour ne pas se contaminer et pour manger la Pâque".
Hypocrites, comme toujours, ils trouvaient qu'il y avait danger de se
contaminer en piétinant la poussière de la maison d'un gentil, mais ils ne
trouvaient pas que c'était un péché de tuer un Innocent. Et avec l'âme satisfaite
par le crime accompli, ils purent goûter mieux encore la Pâque.
Ils ont maintenant eux aussi de nombreux imitateurs. Tous ceux qui intérieurement agissent mal et extérieurement professent
le respect pour la religion et de l'amour pour Dieu, leur ressemblent. Des
formules, des formules, et pas de religion vraie ! Ils m'inspirent répugnance
et indignation.
Les juifs n'entrant pas chez Pilate, Pilate sortit pour entendre ce qu'avait la
foule qui vociférait et, expert comme il l'était en fait de gouvernement et
de jugement, il comprit d'un seul regard que le coupable ce n'était pas Moi,
mais ce peuple ivre de haine. La rencontre de nos regards fut une lecture
réciproque de nos cœurs. Je jugeai l'homme pour ce qu'il était, et lui me
jugea pour ce que j'étais.
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73> En Moi il y eut pour lui de la
pitié parce que c'était un faible. Et en lui il y eut pour Moi de la pitié
parce que j'étais un Innocent. Il chercha à me sauver dès le premier instant.
Et comme c'était uniquement à Rome qu'était déféré et réservé le droit
d'exercer la justice envers les malfaiteurs, il tenta de me sauver en disant
: "Jugez-le selon votre Loi".
604.37 – Hypocrites une seconde fois,
les juifs ne voulaient prononcer une condamnation. Il est vrai que Rome avait
le droit de juger, mais quand, par exemple, Étienne fut lapidé, Rome
commandait toujours à Jérusalem et malgré cela, ils prononcèrent le jugement
et exécutèrent le supplice sans se soucier de Rome. Pour Moi, pour qui ils avaient
non pas de l'amour mais de la haine et de la peur — ils ne voulaient pas
croire que j'étais le Messie mais ne voulaient pas me tuer matériellement
dans le cas où je l'aurais été — ils agirent d'une manière différente et
m'accusèrent d'être un fauteur de troubles contre la puissance de Rome, vous
diriez : "rebelle", pour obtenir que Rome me jugeât. Dans leur
salle infâme, et plusieurs fois pendant les trois ans de mon ministère, ils
m'avaient accusé d'être blasphémateur et faux prophète, et comme tel j'aurais
dû être lapidé ou, quoi qu'il en soit, tué. Mais maintenant pour ne pas
accomplir matériellement le crime dont ils sentaient par instinct qu'ils
seraient punis, ils le firent accomplir par Rome en m'accusant d'être
malfaiteur et rebelle. Rien de plus facile, quand les foules sont perverties
et les chefs des satans, que d'accuser un innocent pour défouler leur passion
de férocité et d'usurpation, et de supprimer celui qui représente un obstacle
et un jugement.
Nous sommes revenus aux temps de cette époque. Le monde de temps en temps,
toujours après une incubation d'idées perverses, explose en ces
manifestations de perversité. Comme si elle était toute en état de gestation,
la foule, après avoir nourri dans son sein son monstre avec des doctrines de
fauves, le met au jour pour qu'il dévore, qu'il dévore d'abord
les meilleurs et puis se dévore elle-même.
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74> 604.38 – Pilate rentre au Prétoire et
m'appelle près de lui et il m'interroge. Il avait déjà entendu parler de Moi.
Parmi ses centurions il y en avait certains qui répétaient mon Nom avec un
amour reconnaissant, avec les larmes aux yeux et le sourire au cœur, et
parlaient de Moi comme d'un bienfaiteur. Dans leurs rapports au Préteur,
interrogés sur ce Prophète qui attirait à Lui les foules et prêchait une
doctrine nouvelle où on parlait d'un royaume étrange, inconcevable à une
mentalité païenne, eux avaient toujours répondu que j'étais un homme doux,
bon, qui ne cherchait pas les honneurs de cette Terre et qui inculquait et
pratiquait le respect et l'obéissance envers ceux qui étaient les autorités.
Plus sincères que les Israélites eux voyaient la vérité et déposaient en sa
faveur. Le dimanche précédent, attiré par les cris de la foule, il s'était
avancé sur la route et avait vu passer sur une jeune ânesse un homme désarmé
qui bénissait, entouré d'enfants et de femmes. Il avait compris qu'il ne
pouvait y avoir dans cet homme un danger pour Rome. Il veut donc savoir si je
suis roi. Dans son ironique scepticisme païen, il voulait rire un peu sur
cette royauté qui chevauche un âne, qui a pour courtisans des enfants
déchaussés, des femmes souriantes, des hommes du peuple, de cette royauté qui
depuis trois années prêche de ne pas avoir d'attirance pour les richesses et
le pouvoir, et qui ne parle d'autres conquêtes que de celles de l'esprit et
de l'âme. Qu'est l'âme pour un païen ? Même ses dieux n'ont pas d'âme. Et
l'homme pourrait l'avoir ? Maintenant aussi ce roi sans couronne, sans
palais, sans cour, sans soldats, lui répète que son royaume n'est pas de ce
monde. C'est si vrai qu'aucun ministre et aucune troupe ne se lève pour
défendre son roi et l'arracher à ses ennemis. Pilate, assis sur son siège, me
scrute parce que je suis une énigme pour lui. S'il débarrassait son âme des
soucis humains, de l'orgueil de sa charge, de l'erreur du paganisme, il
comprendrait tout de suite qui je suis. Mais comment la lumière pourrait-elle
pénétrer là où trop de choses bouchent les ouvertures pour empêcher la lumière
d'entrer ?
604.39 – C'est toujours ainsi, fils,
même maintenant. Comment Dieu et sa lumière pourraient-ils entrer là où il
n'y a plus de place pour eux et où
les portes et les fenêtres sont barricadées et défendues par l'orgueil,
l'humanité, par le vice, par l'usure, par tant, tant de gardiens au service
de Satan contre Dieu ?
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de page.
75> Pilate ne peut comprendre ce
qu'est mon royaume. Et ce qui est plus douloureux, il ne
demande pas que je le lui explique. À mon invitation de connaître la
Vérité, lui, l'indomptable païen, répond : "Qu'est-ce que la Vérité
?" et il laisse tomber la question en haussant les épaules.
Oh ! fils ! mes fils ! Oh ! mes Pilates de
maintenant ! Vous aussi, comme Ponce Pilate, laissez tomber en
haussant les épaules les questions les plus vitales. Elles vous semblent
des choses inutiles, dépassées. Qu'est-ce que la Vérité ? De l'argent ? Non.
Des femmes ? Non. Le pouvoir ? Non. La santé physique ? Non. La gloire
humaine ? Non. Et alors qu'on la laisse tomber. Elle ne mérite pas que l'on
coure après cette chimère. Argent, femmes, puissance, santé, commodités,
honneurs, voilà des choses concrètes, utiles, à aimer et à atteindre de toutes façons. C'est ainsi que vous raisonnez. Et pires qu'Esaü
vous troquez les biens éternels pour un aliment grossier qui nuit à votre
santé physique et qui vous nuit pour votre salut éternel. Pourquoi ne
persistez-vous pas à demander : "Qu'est-ce que la Vérité" ? Elle,
la Vérité, ne demande qu'à se faire connaître pour vous instruire à son
sujet. Elle est devant vous comme pour Pilate, et elle vous regarde avec
les yeux d'un amour suppliant en vous implorant : "Interroge-moi, je
t'instruirai". Tu vois comment je regarde Pilate ? De même je vous
regarde tous ainsi. Et si j'ai un regard d'amour pour celui qui m'aime et
demande mes paroles, j'ai des regards d'un amour affligé pour celui qui ne
m'aime pas, ne me cherche pas, ne m'écoute pas. Mais amour, toujours amour,
car l'Amour est ma nature.
604.40 – Pilate me laisse où je suis
sans m'interroger davantage, et il va trouver les mauvais qui parlent plus
fort et s'imposent par leur violence. Et il les écoute, ce malheureux qui ne
m'a pas écouté et qui a repoussé en haussant les épaules mon invitation à
connaître la Vérité. Il écoute le Mensonge. L'idolâtrie, quelle qu'en soit
la forme, est toujours portée à respecter et à accepter le Mensonge, quel
qu'il soit. Et le Mensonge, accepté par un faible, amène au crime celui qui
est faible. Cependant Pilate, sur le seuil du crime, veut encore me
sauver par une et deux fois. C'est ici qu'il m'envoie à Hérode, Il sait bien
que le roi rusé, qui louvoie entre Rome et son peuple, agira de manière à ne
pas blesser Rome et à ne pas heurter le peuple juif. Mais comme tous les
faibles, il recule de quelques heures la décision qu'il ne se sent pas en
mesure de prendre, espérant que l'émeute se calme.
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76> Je vous l'ai dit : "Que votre
langage soit : oui, oui; non, non" .
Mais lui ne l'a pas entendu ou si quelqu'un le lui a répété, il a haussé les épaules comme d'habitude. Pour triompher dans le
monde, pour avoir honneurs et profits, il faut savoir faire un non d'un oui,
ou un oui d'un non selon que le bon sens (lis : le sens humain) le conseille.
Combien de Pilates a le vingtième siècle ! Où
sont les héros du Christianisme qui disaient oui, constamment oui à la Vérité
et pour la Vérité, et non, constamment non pour le Mensonge ? Où sont les
héros qui savent affronter le danger et les événements avec la force de
l'acier et avec une sereine promptitude et sans atermoiement, car le Bien, il
faut l'accomplir tout de suite et fuir tout de suite le Mal sans "mais"
et sans "si" ?
604.41 – À mon retour de chez Hérode,
voici une nouvelle transaction de Pilate : la flagellation. Et qu'espérait-il
? Ne savait-il pas que la foule est le fauve qui quand il commence à voir le
sang devient plus féroce ? Mais je devais être brisé pour expier vos péchés
de la chair. Et je fus brisé. Pas une partie de mon corps qui n'ait pas été
frappée. Je suis l'Homme dont parle Isaïe. Et au supplice commandé s'ajoute
celui non commandé, mais créé par la cruauté humaine, des épines.
Vous le voyez, hommes, votre Sauveur, votre Roi, couronné de douleur pour
vous libérer la tête de tant de fautes qui y fermentent ? Réfléchissez-vous à
la douleur qu'a subie ma tête innocente pour expier pour vous, pour vos
péchés toujours plus atroces de pensée qui se transforment en actes ? Vous
qui vous offensez même quand il n'y a pas de motif de le faire, regardez le
Roi offensé, et il est Dieu, avec son ironique manteau de pourpre déchiré,
avec le sceptre de roseau et la couronne d'épines. Il est déjà mourant et ils
le fouettent encore de leurs mains et de leurs moqueries. Et vous n'en
éprouvez pas de la pitié. Comme les juifs vous continuez à me montrer le
poing et à crier : "Dehors, dehors ! Nous n'avons pas d'autre Dieu que
César", ô idolâtres qui n'adorez pas Dieu, mais vous-mêmes et parmi vous
celui qui est le plus autoritaire. Vous ne voulez pas du Fils de Dieu.
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77> Pour vos crimes, il ne vous aide
pas. Satan est plus serviable. Aussi vous préférez Satan. Du Fils de l'homme
vous avez peur, comme Pilate. Et quand vous le sentez vous dominer par sa
puissance, et s'agiter par la voix de la conscience qui vous fait des
reproches en son nom, vous demandez comme Pilate : "Qui es-tu ?"
Qui je suis, vous le savez. Même ceux qui me nient savent ce que je suis et
qui je suis. Ne mentez pas. Vingt siècles m'entourent et mettent en lumière
qui je suis et vous font connaître mes prodiges. Pilate est plus pardonnable.
Pas vous qui avez un héritage de vingt siècles de
christianisme pour soutenir votre foi ou pour vous l'inculquer et ne voulez
rien savoir.
Et pourtant avec Pilate j'ai été plus sévère qu'avec vous. Je ne lui aï
pas répondu. Avec vous je parle, et malgré cela, je ne réussis pas à vous
persuader que c'est Moi, que vous me devez adoration et obéissance. Même
maintenant vous m'accusez d'être même la ruine de Moi en vous, parce que je
ne vous écoute pas. Vous dites que vous perdez la foi à cause de cela. Oh !
menteurs ! Où est-elle votre foi ? Où est-il votre amour ? Quand donc
priez-vous et vivez-vous avec amour et foi ? Êtes-vous des grands ?
Rappelez-vous que vous êtes tels parce que je le permets. Êtes-vous des
anonymes dans la foule ? Rappelez-vous qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Moi.
Personne n'est plus que Moi et avant Moi. Donnez-moi donc ce culte d'amour
qui me revient et je vous écouterai car vous ne serez plus des bâtards mais
des fils de Dieu.
604.42 – Et voilà la dernière tentative
de Pilate pour me sauver la vie en admettant qu'il pût la sauver après
l'impitoyable et illimitée flagellation. Il me présente à la foule :
"Voilà l'Homme !" Je lui fais humainement pitié à lui. Il espère
dans la pitié de la foule. Mais devant la dureté qui résiste et la menace qui
avance, il ne sait pas accomplir un acte surnaturellement juste et bon par
conséquent, et dire : "Je le libère parce qu'il est innocent. Vous êtes
des coupables, et si vous ne vous dispersez pas, vous allez connaître la
rigueur de Rome". C'est cela qu'il devait dire s'il avait été juste sans
calculer le mal qui pouvait lui en venir par la suite.
Pilate n'est pas vraiment bon. Bon est Longinus qui, moins puissant que le
Préteur et moins défendu, au milieu du chemin, entouré de peu de soldats et
d'une multitude ennemie, ose me défendre, m'aider, m'accorder du repos, me
réconforter avec les femmes pieuses, et être secouru par le Cyrénéen et enfin
d'avoir la Mère au pied de la Croix. Celui-là fut un héros de la justice et
devint ainsi un héros du Christ.
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