Le lundi 6 mai 1946.
522> 429.1 - Il
a dû pleuvoir toute la journée précédente et pendant la nuit, car la terre
est très humide et les routes deviennent boueuses. Mais, en revanche,
l'atmosphère est claire, dégagée de toute poussière à toute altitude. Le
ciel rit là-haut comme redevenu printanier après l'orage qui l'a purifié, et
la terre rit, elle aussi, rafraîchie par la pluie, propre, évoquant elle
aussi un souvenir printanier par la fraîcheur de cette aurore sereine qui
suit la tempête. Les dernières gouttes, retenues dans l'entrelacement des
feuillages ou suspendues aux vrilles, brillent comme des diamants sous le
soleil qui les frappe, alors que les fruits lavés par les averses montrent
les couleurs de leurs peaux qui avec les tons de pastel prennent jour après
jour les teintes parfaites de la maturation complète. Seuls les raisins et
les olives, verts, durs, se confondent avec le vert du feuillage, mais chaque
petite olive a sa gouttelette suspendue à son extrémité et les grains serrés
forment un vrai filet de gouttelettes suspendus aux pétioles.
"Comme il fait bon marcher,
aujourd'hui !" dit Pierre qui foule avec plaisir le terrain qui ne
fait pas de poussière, qui n'est pas brûlant et qui n'est pas rendu glissant
par la boue.
"Il semble qu'on respire la pureté, lui répond Jude Thaddée. Mais
regarde cette couleur de ciel !"
"Et ces pommes ? dit le Zélote. Ce groupe là tout autour de la
branche dont je ne sais pas comment elle résiste au poids et qui se dégage
avec une touffe de feuilles de l'amas de pommes ? Que de couleurs !
Celles-ci plus cachées dont le vert commence seulement à jaunir, les autres
déjà rosies et les deux plus exposées tout à fait rouges Sur le côté qui
regarde le soleil. Elles semblent couvertes de cire à cacheter !"
Et ils s'en vont joyeux en contemplant la beauté de la création jusqu'au
moment où le Thaddée, tout de suite imité par Thomas, puis par les autres,
entonne un psaume qui célèbre les gloires de la création divine.
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523> 429.2 - Jésus sourit en les
entendant chanter joyeusement et il unit au chœur sa belle voix. Mais il ne
peut finir car l'Iscariote, pendant que les autres continuent de chanter,
s'approche et Lui dit :
"Maître, pendant qu'ils sont occupés et distraits par le chant,
dis-moi : comment s'est passé le voyage à Césarée et qu'y as-tu
fait ? Tu ne m'en as pas encore parlé... Et seulement maintenant il est
possible de parler. Ce fût d'abord les compagnons, les disciples et les
paysans qui nous ont accueillis, puis les compagnons et les disciples, puis
les compagnons, maintenant que les disciples nous ont quittés, en prenant les
devants... Je n'ai jamais pu te questionner..."
"Cela t'intéresse beaucoup... Mais, à Césarée, je n'ai fait que ce que
je vais faire dans le domaine de Yokhanan (Giocana). J'ai parlé de la Loi et du Royaume des Cieux."
"À qui ?"
"Aux habitants, près des marchés."
"Ah ! Pas aux romains ?! Tu ne les as pas vus ?"
"Comment est-il possible d'être à Césarée, siège du Proconsul, et de ne
pas voir des romains ?"
"Je le sais, mais je dis... Voilà... À eux personnellement, tu ne leur
as pas parlé ?"
"Je répète : cela t'intéresse beaucoup !"
"Non, Maître, simple curiosité."
"Eh bien, j'ai parlé aux romaines."
"À Claudia aussi ? Que t'a-t-elle dit ?"
"Rien, car Claudia ne s'est pas montrée. Et même elle m'a fait
comprendre qu'elle ne désire pas que l'on sache qu'elle a des
relations avec nous."
Jésus marque fortement la phrase et observe beaucoup Judas qui, malgré
son effronterie, change de couleur et prend un teint terreux après avoir
légèrement rougi.
Mais il a vite fait de se reprendre et il dit :
"Elle ne veut pas ? Elle n'a plus de considération pour Toi ?
C'est une folle."
"Non. Elle n'est pas folle, elle est équilibrée. Elle sait distinguer et
séparer son devoir de romaine et ses devoirs envers elle-même. À elle-même, à
son esprit, elle procure la lumière et la respiration en venant vers la
Lumière et la Pureté, car c'est une créature qui cherche instinctivement la
Vérité et elle n'est pas satisfaite du mensonge du paganisme, mais elle ne
veut pas nuire à sa Patrie, pas même théoriquement, comme ce pourrait l'être,
de faire penser qu'elle serait partisane d'un possible compétiteur de
Rome..."
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524/525> "Oh !
mais... Tu es Roi de l'esprit… !"
"Mais vous-mêmes, qui le savez, vous n'arrivez pas à vous en persuader.
Peux-tu le nier ?"
Judas rougit, puis pâlit. Il ne peut mentir et il dit :
"Non ! Mais c'est le trop d'amour qui..."
"À plus forte raison, celui qui ne me connaît pas, c'est-à-dire Rome,
peut craindre en Moi un compétiteur. Claudia agit avec droiture aussi bien
envers Dieu qu'envers sa Patrie, en me donnant à Moi honneur, sinon comme
Dieu du moins comme roi et maître spirituel, et en donnant à la Patrie sa
fidélité. Moi, j'admire les esprits fidèles et justes et pas obstinés. Et je
voudrais que mes apôtres méritent la louange que je donne à la païenne."
429.3 - Judas ne sait que
dire. Il va se séparer du Maître, mais ensuite la curiosité l'aiguillonne
encore. C'est plus que de la curiosité : le désir de savoir jusqu'à quel point le Maître est au courant... et il
demande :
"Elles m'ont demandé ?"
"Ni toi, ni aucun autre apôtre."
"Mais, alors, de quoi avez-vous parlé ?"
"De la vie chaste et de leur poète Virgile. Tu vois que c'était un sujet
qui n'intéressait ni Pierre, ni Jean, ni d'autres."
"Mais… quel intérêt ? Des conversations inutiles..."
"Non. Elles m'ont servi à leur faire considérer que l'homme chaste a
l'intelligence lucide et le cœur honnête. C'est très intéressant pour des
païennes... et pas pour elles seules."
"Tu as raison... Je ne te retiens pas davantage, Maître."
Et il s'en va presque en courant rejoindre ceux qui ont fini de chanter et
attendent les deux restés en arrière...
Jésus les rejoint plus lentement et se réunit à eux en disant :
"Prenons ce sentier boisé, nous abrégerons la route et nous serons à
l'abri du soleil qui déjà reprend de la force. Nous pourrons aussi nous
arrêter à l'ombre et manger tranquillement entre nous."
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