Vision du samedi 11 août 1945.
168>
250.1 – C’est
justement sur les rives du torrent profond que Jésus trouve Isaac avec de
nombreux disciples, connus et inconnus. Parmi ceux qui sont connus, il y a
Timon, le chef de la synagogue de "La Belle Eau" ; Joseph
d'Emmaüs qu'on avait accusé d'inceste ; le jeune homme qui abandonna
l'ensevelissement de son père pour suivre Jésus ;
Étienne ; le lépreux Abel purifié l'année précédente près de Chorazeïn
avec son ami Samuel ; il y a Salomon, le passeur de Jéricho, et
d'autres, d'autres, d'autres que je reconnais mais dont je ne me rappelle
absolument pas l'endroit où je les ai vus ni leurs noms. Visages connus, et
désormais il y en a tant, tous connus comme visages de disciples. Et puis
d'autres, conquis par Isaac ou par les disciples eux-mêmes que je viens de
nommer, qui suivent le groupe principal en espérant trouver Jésus.
La rencontre est affectueuse, joyeuse et respectueuse. Isaac rayonne de joie
de voir le Maître et de Lui montrer son nouveau troupeau et, comme
récompense, il demande une parole de Jésus pour la foule qu'il a avec lui.
"Connais-tu un endroit tranquille où l'on peut se réunir ?"
"À l'extrémité du golfe, il y a une plage déserte où se trouvent des
cabanes de pêcheurs, vides en cette saison parce que malsaines, et parce que
la saison de la pêche des poissons pour la salaison est terminée, et ils vont
en Syro-Phénicie pour pêcher la pourpre. Beaucoup d'entre eux croient déjà en
Toi pour t'avoir entendu parler dans les villes maritimes ou pour avoir
trouvé les disciples, et ils m'ont cédé leurs cabanes pour nous y reposer.
Nous y revenons après une mission. Car il y a beaucoup à faire sur cette
côte. Elle est totalement corrompue par tant de choses. Je voudrais arriver
jusqu'à la Syro-Phénicie et ce serait possible par la mer car la côte est
trop brûlée par le soleil pour la faire à pied .
Mais je suis berger pas marin, et parmi ceux-ci il n'y en a pas un qui sache
diriger un bateau à voile."
Jésus écoute attentivement avec un léger sourire. Il est un peu penché, Lui
si grand, devant le petit berger qui, comme un soldat, rapporte tout à son
général.
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169> Jésus répond :
"Dieu t'aide à cause de ton humilité. Si je suis connu ici, mon
disciple, c'est par toi, pas par les autres.
250.2 – Maintenant
nous allons demander à ceux du lac s'ils se sentent capables d'aller à la
voile sur la mer, et nous irons, si nous pouvons, en Syro-Phénicie."
Et il se retourne pour chercher Pierre, André, Jacques et Jean qui ont une
conversation animée avec quelques disciples, pendant que Judas Iscariote est
en arrière, occupé à faire des compliments à Etienne, et le Zélote, Barthélemy
et Philippe sont à côté des femmes. Les quatre autres sont près de Jésus.
Les quatre pêcheurs viennent tout de suite :
"Est-ce que vous vous sentez à même d'aller en barque sur la
mer ?" demande Jésus.
Les quatre se regardent, perplexes. Pierre, tout en réfléchissant, se passe
la main dans les cheveux, puis il demande :
"Mais où ? Au grand large ? Nous, nous sommes des poissons
d'eau douce..."
"Non, le long de la côte jusqu'à Sidon."
"Hum! Je crois que c'est possible. Qu'en dites-vous?"
"Moi aussi, je le crois. Mer ou lac, ce sera toujours la même
chose : de l'eau" dit Jacques.
"Et même ce sera plus beau et plus facile" dit Jean.
"Mais cela je ne sais pas d'après quoi tu le juges" lui répond son
frère.
"C'est à cause de son amour pour la mer. Celui qui aime quelque chose y
voit toutes les perfections. Si tu aimais ainsi une femme, tu serais un
parfait époux" plaisante Pierre en secouant Jean amicalement.
"Non. Je le dis parce qu'à Ascalon j'ai vu que les manœuvres sont les
mêmes et la navigation est tellement agréable" répond Jean.
"Alors, allons-y ! s'exclame Pierre. Il vaudrait pourtant toujours
mieux avoir quelqu'un du pays. Nous ne connaissons pas cette mer, ni ses
hauts fonds" observe Jacques.
"Oh ! Je n'y pense même pas ! Nous avons Jésus avec
nous ! Autrefois je n'étais pas tranquille, mais depuis qu'il a apaisé
le lac ! Allons, allons avec le Maître à Sidon. Peut-être il y a du bien
à faire" dit André.
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170> "Alors nous irons. Tu te
procureras les barques pour demain. Fais-toi donner la bourse par Judas de
Simon."
250.3 – Les
apôtres et les disciples sont mêlés. Il n'est pas nécessaire de dire quelle fête
c'est pour un grand nombre et ce sont ceux qui sont bien connus de Jésus. Ils
reviennent sur leurs pas, se dirigeant vers la ville et se promènent dans la
banlieue jusqu'à rejoindre la pointe extrême de la baie qui s'allonge dans la
mer comme un bras recourbé. Les cabanes, disséminées en petit nombre sur la
petite côte couverte de graviers, représentent l'endroit le plus misérable de
la ville, le plus dépeuplé et qui n'est habité qu'occasionnellement. Les
maisonnettes sont des cubes aux murs effrités par l'air salin et par leur
vétusté. Elles sont toutes fermées et, quand les disciples les ouvrent, elles
font voir leur misère enfumée, leur mobilier vraiment réduit au strict
minimum.
"Voilà, elles sont très commodes et propres à défaut de beauté" dit
Isaac qui en fait les honneurs.
"Belles non, les pauvres. "La Belle Eau" était un palais en
comparaison. Et il y en avait qui se plaignaient..." bougonne Pierre.
"Mais, pour nous, c'est une fortune."
"Bien sûr, bien sûr ! L'important c'est d'avoir un toit et de
s'aimer. Oh ! mais regarde où est notre Jean ! Comment
vas-tu ? Où étais-tu ?"
Mais Jean d'En-Dor, tout en souriant à Pierre, court vénérer Jésus qui le
salue avec de très bonnes paroles.
"Je ne l'ai pas fait venir parce qu'il n'était pas très bien... Je
préfère qu'il reste ici. Il sait si bien y faire avec les gens de la ville et
avec ceux qui demandent des renseignement sur le Messie..." dit Isaac.
En fait l'homme d'En-Dor est beaucoup plus maigre qu'auparavant, mais son
visage est serein. La maigreur ennoblit ses traits et
fait penser à quelqu'un qui est déjà touché par
le double martyre de la chair et de l'esprit.
Jésus l'observe et lui demande :
"Es-tu malade, Jean ?"
"Pas plus qu'avant de te voir. Et cela pour la chair. Mais pour l'âme,
si je me juge bien, je suis en train de me guérir de mes blessures
personnelles."
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171> Jésus regarde encore son œil apaisé
et son front creusé aux tempes et n'ajoute rien. Mais il lui met une main sur
l'épaule pendant qu'il entre avec lui dans une maisonnette où l'on a apporté
des bassines d'eau de mer pour rafraîchir les pieds fatigués et des brocs
d'eau fraîche pour la soif, pendant que dehors, sur une table rustique
ombragée par un semblant de tonnelle de plantes grimpantes, on prépare les
tables.
Et c'est un beau spectacle, pendant que descend la nuit et que la mer murmure
les prières du soir par le bruit léger du ressac sur la petite plage
caillouteuse, de voir le souper de Jésus avec les femmes et les apôtres assis
à une table grossière alors que les autres, ou bien assis par terre, ou sur
des sièges, ou sur des paniers renversés, font cercle autour de la table
principale.
Le repas est vite terminé et encore plus vite est desservie la table; car il
y avait peu de vaisselle et pour les hôtes les plus importants. La mer a pris
une couleur indigo dans la nuit encore sans lune, et toute sa majesté se
dévoile à cette heure pleine d'une tristesse solennelle particulière aux
rivages marins.
250.4 – Jésus,
grandeur blanche parmi des ombres de plus en plus obscures, se lève de table
et vient au milieu de la petite foule des disciples, pendant que les femmes
se retirent. Isaac et un autre allument de petits jeux sur la grève pour
éclairer et pour éloigner les nuées de moustiques qui viennent sans doute de
marécages tout proches.
"La paix à vous tous.
La miséricorde de Dieu nous réunit en avance sur le temps fixé en donnant à
nos cœurs une joie réciproque. Je les ai tous scrutés, ces cœurs, vos cœurs
moralement bons, comme le montre votre présence ici, en m'attendant, en vous
formant en Moi, encore imparfaits spirituellement comme le montrent certaines
de vos réactions. Elles manifestent comment persiste encore en vous le vieil
homme d'Israël avec ses idées et ses préjugés, et il n'est pas encore sorti
de lui, comme le papillon de la chrysalide, l'homme nouveau, l'homme du
Christ qui du Christ possède la large, la lumineuse, miséricordieuse
mentalité et la charité encore plus large. Mais n'en
soyez pas mortifiés si je vous ai scrutés et lus en tous vos secrets. Un
Maître doit connaître ses élèves pour pouvoir corriger leurs défauts et,
croyez-moi, s'il est un bon maître, il n'est pas dégoûté par ceux qui ont le
plus de défauts, mais au contraire il se penche sur eux pour les rendre
meilleurs. Vous, vous savez que je suis un bon Maître.
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172> Et maintenant voyons ensemble ces
réactions et ces préjugés, envisageons de considérer ensemble le motif pour
lequel nous sommes ici et, à cause de la joie que cette réunion nous donne, sachons bénir le Seigneur qui toujours, d'un
bien particulier, tire un bien collectif.
250.5 – J'ai
entendu de vos lèvres votre admiration pour Jean d'En-Dor, d'autant plus grande
qu'il se reconnaît pécheur converti, et c'est son ancienne manière d'être et
la nouvelle qu'il prend comme base de prédication pour ceux qu'il veut amener
à Moi. C'est vrai. C'était un pécheur. Maintenant c'est un disciple. Beaucoup
de vous sont désormais venus au Messie grâce à lui. Vous voyez donc que c'est
précisément par ces moyens que le vieil homme d'Israël mépriserait, que Dieu
crée le nouveau peuple de Dieu.
Maintenant je vous prie de vous abstenir de porter un jugement qui ne serait
pas sain sur une sœur que le vieil Israël ne comprend pas qu'elle soit une disciple. J'ai ordonné aux femmes d'aller se reposer,
mais ce n'était pas tant par désir de leur donner du repos que pour avoir la
possibilité de vous donner à vous une sainte appréciation d'une conversion et
pour vous empêcher de commettre un péché contre l'amour et la justice. C'est
la raison pour laquelle je leur ai donné cet ordre qui n'a pas manqué
d'attrister les femmes disciples.
Marie de Magdala, la grande pécheresse
d'Israël, celle qui n'avait pas d'excuse pour son péché, est revenue au
Seigneur. Et de qui attendra-t-elle la fidélité et la miséricorde sinon de
Dieu et des serviteurs de Dieu ? Israël tout entier, et avec Israël les
étrangers qui sont parmi nous, ceux qui la connaissent bien et qui la jugent
sévèrement maintenant qu'elle n'est plus leur complice dans leurs débauches,
critiquent et tournent en ridicule cette résurrection.
Résurrection. C'est le mot le plus exact. Ce
n'est pas le plus grand miracle que de ressusciter une chair, c'est un
miracle toujours relatif parce qu'il est destiné à être un jour annulé par la
mort. Je ne donne pas l'immortalité à celui que je ressuscite dans sa chair,
mais je donne l'immortalité à celui qui est ressuscité dans son esprit. Et
alors que celui qui est mort dans sa chair n'unit pas sa volonté de
ressusciter à la mienne, et par conséquent n'a en cela aucun mérite, en celui
qui ressuscite en son esprit se trouve présente sa volonté et même elle est
la première à être présente. Il n'est donc pas inexistant son mérite pour sa
résurrection.
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173> Je ne vous dis pas cela pour me
justifier : C’est à Dieu seul que je dois rendre compte de mes actions.
Mais vous êtes mes disciples. Mes disciples doivent être d'autres Jésus. Il
ne doit y avoir en eux aucune ignorance et aucune de ces fautes invétérées à
cause desquelles beaucoup de gens ne sont unis à Dieu que de nom.
250.6 – Tout
peut produire de bonnes actions. Même ce qui paraît en être le moins capable.
Quand une matière se présente à la volonté de Dieu, fût-elle la plus inerte,
la plus froide, la plus dégoûtante, elle peut devenir mouvement, flamme,
beauté pure. Je vous présente une comparaison tirée du livre des Macchabées .
Quand Néhémie fut renvoyé par le roi de Perse à Jérusalem, dans le Temple
reconstruit on voulut offrir des sacrifices sur l'autel purifié. Néhémie se
rappela comment au moment où ils allaient être faits prisonniers par les
Perses, les prêtres préposés au culte de Dieu prirent le feu de l'autel et le
cachèrent dans un endroit secret, au fond d'une vallée, dans un puits profond
et sec, et le firent si bien et si secrètement qu'eux seuls savaient où était
le feu sacré. Néhémie se rappelait cela et se le rappelant, il envoya les
descendants de ces prêtres au lieu où l'on avait porté le feu - en effet les
prêtres l'avaient dit à leurs fils et ceux-ci à leurs fils et le secret
s'était ainsi transmis de père en fils - y prendre le feu sacré pour allumer
le feu du sacrifice.
Mais descendus dans le puits secret, les petits-fils n'y trouvèrent pas de
feu mais une eau épaisse, une vase putride, fétide, pesante, le résidu de
tous les égouts encombrés de Jérusalem en ruines. Ils le dirent à Néhémie,
mais il leur dit de prendre de cette eau et de la lui apporter. Il fit placer
le bois sur l'autel, et sur le bois les sacrifices, il aspergea le tout
abondamment de façon que tout fût mouillé par l'eau vaseuse. Le peuple étonné
et les prêtres scandalisés regardaient et firent cela avec respect uniquement
parce que c'était Néhémie qui l'ordonnait. Mais quelle tristesse dans les
cœurs ! Quelle méfiance ! Comme dans le ciel il y avait des nuages
pour rendre le jour maussade, ainsi dans les cœurs il y avait le doute pour
rendre les hommes mélancoliques.
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174> Mais le soleil dispersa les nuages
et ses rayons descendirent sur l'autel et le bois arrosé avec l'eau fangeuse
s'alluma en produisant un grand feu qui consuma tout d'un coup le sacrifice
pendant que les prêtres
récitaient les prières composées par Néhémie et les plus belles hymnes
d'Israël jusqu'à ce que tout le sacrifice fut brûlé. Et, pour persuader les
foules que Dieu peut aussi avec les matériaux les moins convenables, mais
employés avec une intention droite, produire des prodiges, Néhémie fit
répandre le reste de l'eau sur de grandes pierres. Les pierres arrosées
s'enflammèrent et se consumèrent dans la grande lumière qui venait de
l'autel.
250.7 – Toute
âme est un feu sacré placé par Dieu sur l'autel du cœur pour servir â
consumer le sacrifice de la vie par amour pour son Créateur. Toute vie est un
holocauste, si on la dépense bien, toute journée est un sacrifice qu'il faut
consumer par la sainteté.
Mais viennent les pillards, ceux qui accablent l'homme et l'âme de l'homme.
Le feu s'enfonce dans le puits profond. Ce n'est pas par une nécessité
sainte, mais par une sottise néfaste. Et là, submergé par les égouts de
toutes les sentines des vices, il devient une boue putride et lourde jusqu’à
ce que dans ces profondeurs descende un prêtre et qu'il ramène cette boue à
la lumière du soleil en la plaçant sur l'holocauste de son propre sacrifice.
Car, sachez-le, il ne suffit pas de l'héroïsme de celui qui doit être
converti, il faut aussi celui de celui qui convertit. Et même c'est ce
dernier qui doit précéder l'autre car les âmes ne se sauvent que par notre
sacrifice. Car c'est ainsi qu'on arrive à obtenir que la boue se change en
flamme et que Dieu juge parfait et agréable à sa sainteté le sacrifice qui se
consume.
Alors qu'il ne suffit pas pour persuader le monde qu'une fange qui s'est
repentie soit encore plus ardente qu'un feu ordinaire, même si c'est un feu
consacré, ce feu ordinaire ne servant qu'à brûler le bois et les victimes,
matières qui conviennent à la combustion, voilà que cette fange repentie
devient puissante au point d'allumer et de brûler les pierres mêmes qui sont
incombustibles.
Et vous ne demandez pas de qui vient à cette fange cette propriété ?
Vous ne le savez pas ? Moi, je vous le dis : c'est que dans
l'ardeur du repentir, elle se fond avec Dieu, flamme avec flamme; flamme qui
monte, flamme qui descend; flamme qui s'offre par amour, flamme qui se donne
par amour; embrassement de deux êtres qui s'aiment, qui se retrouvent, qui
s'unissent en faisant une seule chose.
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175> Et comme la flamme la plus grande
est celle de Dieu, voilà qu'elle déborde, surabonde, pénètre, absorbe, et la flamme
de la fange repentie n'est plus une flamme relative d'une chose créée, mais
la flamme infinie de la Chose Incréée : du Très-Haut, du Très Puissant,
de l'Infini, de Dieu.
Tels sont les grands pécheurs convertis vraiment, totalement convertis, qui se
sont généreusement donnés à la conversion sans rien retenir du passé, se
brûlant d'abord eux-mêmes dans la partie la plus pesante, par la flamme qui
s'élève de leur fange, qui sont allés à la rencontre de la Grâce et ont été
touchés par Elle.
En vérité, en vérité je vous dis qu'en Israël beaucoup de pierres seront
pénétrées par le feu de Dieu pour ces fournaises ardentes qui brûleront
toujours plus, jusqu'à consumer la nature humaine et qui continueront de
brûler les pierres, les tiédeurs, les incertitudes, les timidités de la
Terre, de leurs trônes au Ciel, vrais miroirs ardents surnaturels qui
rassemblent les Lumières Unes et Trines pour les faire converger sur
1'humanité et l'enflammer de Dieu.
250.8 – Je
vous répète que je n'avais pas besoin de justifier mes actions, mais j'ai
voulu vous faire entrer dans ma pensée et la faire vôtre, pour l'instant,
pour d'autres cas semblables dans l'avenir quand je ne serai pas avec vous.
Qu'une pensée dévoyée, une suspicion pharisaïque de contaminer Dieu en Lui
adressant un pécheur repenti ne vous retienne jamais de faire cette
œuvre qui est le parfait couronnement de la mission à laquelle je vous
destine. Ayez toujours présent à l'esprit que je ne suis pas venu sauver les
saints mais les pécheurs .
Et vous faites la même chose car le disciple n'est pas au-dessus du Maître
et si Moi je ne répugne pas à prendre par la main les rebuts de la Terre qui
éprouvent le besoin du Ciel, qui finalement l'éprouvent, c'est avec grande
joie que je les amène à Dieu, car c'est là ma mission, et toute conquête est
une justification de mon Incarnation qui mortifie l'Infini. N'ayez pas de
répugnance à le faire vous non plus, hommes bornés qui avez tous, plus ou
moins, connu l'imperfection, étant faits de la même nature que vos frères
pécheurs, hommes que je choisis comme sauveurs pour que soit continuée mon
œuvre dans les siècles des siècles de la Terre, comme si je continuais à y
vivre, dans une existence séculaire.
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176> Et il en sera ainsi, car l'union de
mes prêtres sera comme la partie vitale du grand corps de mon Eglise, dont je
serai l'Esprit animateur, et autour de cette partie vitale se grouperont
toutes les infinies parcelles des croyants pour faire un corps unique qui
tirera son nom de mon Nom .
Mais si la vitalité manquait dans le groupe sacerdotal, est-ce que ces
parcelles en nombre infini pourraient avoir la vie ? En vérité Moi,
résidant dans ce corps, je pourrais envoyer ma vie jusque dans les parcelles
les plus lointaines, en laissant de côté les citernes et les canalisations, obstruées et inutiles, se refusant à
leur service. En effet la pluie descend où elle veut et les parcelles bonnes,
capables par elles-mêmes de vouloir la vie, vivraient également ma Vie. Mais
que serait alors le Christianisme ? Un voisinage entre âmes et âmes.
Voisines et pourtant séparées par des canalisations et des citernes qui ne
seraient plus un lien qui unit en distribuant à chaque parcelle le sang vital
venu d'un centre unique. Mais ils seraient des murs et des précipices de
séparation à travers lesquels les parcelles se regarderaient, humainement
hostiles, dans une surnaturelle affliction, en se disant dans leurs
esprits : "Et pourtant nous étions frères et nous nous sentons
encore tels bien que nous nous trouvions divisés !". Un voisinage,
non pas une fusion, pas un organisme. Et sur cette ruine resplendirait avec
douleur mon amour...
Et de plus. Ne pensez pas que cela s'applique seulement aux schismes
religieux. Non, cela s'applique aussi à toutes les âmes qui restent seules
parce que les prêtres refusent de les soutenir, de s'en occuper, de les
aimer, en contredisant leur mission qui est de dire et de faire ce que je dis
et ce que je fais, à savoir : "Venez à Moi, tous, et Moi je vous
conduirai à Dieu".
250.9 – Allez
en paix maintenant, et que Dieu soit avec vous."
Les gens se séparent lentement, chacun gagnant la cabane qui doit l'abriter.
Jean d'En-Dor se lève aussi. Il n'a pas cessé de prendre des notes pendant
que Jésus parlait, se faisant rôtir par le feu pour avoir la possibilité de
voir ce qu'il écrivait. Mais Jésus l'arrête en lui disant :
"Reste un peu avec ton Maître."
Et il le garde près de Lui jusqu'à ce que tous les gens soient partis.
"Allons jusqu'à ce rocher qui se trouve au bord de l'eau. La lune est de
plus en plus haute et l'on voit le chemin ."
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177> Jean acquiesce sans rien dire.
Ils s'éloignent des habitations à environ deux cents mètres, et ils
s'assoient sur un gros rocher. Je ne sais pas si c'est les restes d'un môle,
ou te prolongement d'un écueil qui plonge dans la mer, ou les ruines d'une
cabane à demi engloutie par les eaux, peut-être une avancée de la côte qui
s'est produite au cours des siècles. Je sais qu'alors que de la petite plage
on peut y monter en posant le pied sur des creux et des saillies qui forment
des marches, du côté de la mer la paroi descend pour ainsi dire à pic et
plonge dans l'eau glauque. Maintenant la marée l'entoure d'un flot qui
mouille et frappe légèrement cet obstacle, se retire en faisant le bruit
d'une énorme aspiration et puis se tait un moment pour revenir encore avec un
mouvement et un bruit régulier fait de gifles et
d'aspirations et de silences, comme une musique syncopée.
Ils s'assoient précisément en haut de ce bloc frappé par la mer. La lune
produit un chemin argenté sur les eaux et rend d'un bleu très foncé la mer
qui, avant son lever, n'était qu'une vague étendue noirâtre dans le noir de
la nuit.
250.10 – "Jean,
tu ne dis pas à ton Maître la raison pour laquelle souffre ton
corps ?"
"Tu le sais, Seigneur. Mais ne dis pas : "souffre".
Dis : "se consume". C'est plus exact, et tu le sais, et tu
sais qu'il se consume avec joie. Merci, Seigneur. Je me suis reconnu, moi
aussi, dans la fange qui devient flamme, mais moi, je n'aurai pas le temps
d'allumer les pierres. Mon Seigneur, je vais bientôt mourir. J'ai trop
souffert de la haine du monde, et je jubile de l'amour de Dieu. Mais je ne
regrette pas la vie. Ici je pourrais encore pécher, manquer à la mission à
laquelle tu nous destines. Déjà par deux fois j'ai manqué dans ma vie :
à ma mission de maître, car je devais savoir y trouver de quoi me former
moi-même et je ne me suis pas formé; à ma mission de mari, car je n'ai pas su
former ma femme. C'était logique. Je n'avais pas su me former et je n'ai pu
savoir la former. Je pourrais manquer aussi à la mission de disciple. Et
manquer à Toi, je ne le veux pas. Que soit donc bénie la mort si elle me
conduit là où l'on ne peut plus pécher ! Mais si je n'ai pas le sort de disciple
enseignant, j'aurai celui de disciple victime, et ce sera celui qui ressemble
le plus à ton sort. Tu l'as dit ce soir : "En se brûlant, pour
commencer, soi-même"
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178> "Jean, est-ce un sort que tu
subis ou une offrande que tu fais ?"
"Une offrande que je fais, si Dieu ne dédaigne pas la fange qui est
devenue feu."
"Jean, tu fais beaucoup de pénitences."
"Les saints aussi. Toi le premier. Il est juste que les fasse celui qui
a tant à payer. Mais Toi peut-être tu trouves que les miennes ne sont pas
agréables à Dieu ? Tu me les défends ?"
"Moi, je n'apporte jamais d'obstacles aux bonnes aspirations de l'âme
énamourée. Je suis venu prêcher par les faits que dans la souffrance se
trouve l'expiation, et dans la douleur la rédemption. Je ne puis me
contredire."
"Merci, Seigneur. Ce sera ma mission."
250.11 – "Qu'écrivais-tu,
Jean ?"
"Oh ! Maître ! Parfois le vieux Félix réapparaît encore avec ses
habitudes de maître. Je pense à Marziam. Lui a toute
une vie pour te prêcher et, à
cause de son âge, il n'est pas présent à tes prédications. J'ai pensé à noter
certains enseignements que tu nous a donnés et que
l'enfant n'a pas entendus parce qu'il était occupé à ses jeux, ou au loin
avec un de nous. Dans tes paroles, même les plus petites, il y a tant de
sagesse ! Tes conversations familières sont déjà un enseignement, et
justement sur les choses de chaque jour, de chaque homme, sur ces petits détails
qui, au fond, sont les grandes choses de la vie car leur ensemble forme un
total important qui exige patience, constance, résignation pour être
accomplies avec sainteté.
Il est plus facile d'accomplir un grand et unique acte d'héroïsme que mille
et dix mille petites choses qui exigent une constante application de la
vertu. Et pourtant on n'arrive à l'acte important, soit dans le mal soit dans
le bien, je le sais pour le mal, si l'on n'accumule pas longuement de petits
actes, en apparence insignifiants. J'ai commencé de tuer lorsque, fatigué par
les frivolités de ma femme, je lui ai donné le premier regard de mépris.
C'est pour Marziam que j'ai noté tes petites explications.
Et ce soir, j'ai désiré noter ton grand enseignement. Je laisserai mon
travail à l'enfant pour qu'il se souvienne de moi, le vieux maître, et pour
qu'il ait aussi ces enseignements qu'autrement il n'aurait pas. Son splendide
trésor. Tes paroles. Me le permets-tu ?"
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179> "Oui, Jean. Mais sois en paix
surtout, comme cette mer. Vois-tu ? Pour toi ce serait trop accablant de
subir l'ardeur du soleil, et la vie apostolique est vraiment une ardeur. Tu
as tant lutté pendant ta vie. Maintenant Dieu t'appelle à Lui sous ce tranquille
clair de lune qui apaise et purifie toutes choses. Marche dans la douceur de
Dieu. Je te le dis : Dieu est content de toi."
Jean d'En-Dor prend la main de Jésus, la baise et murmure : "Et
Pourtant il aurait été beau aussi de dire au monde : "Viens à Jésus !"
"Tu le diras du Paradis. Toi aussi tu seras un miroir ardent. Allons,
Jean, Je voudrais lire ce que tu as écrit."
"Voici le rouleau, Seigneur. Et demain je te donnerai l'autre sur lequel
j'ai noté les autres paroles."
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