Le jeudi 14 juin
1945.
241> 189.1 - Naïm
devait avoir une certaine importance au temps de Jésus. La ville n'est pas
grande, mais bien construite, enfermée dans l'enceinte de ses murs, elle
s'étend sur une colline basse et riante, un contrefort du petit Hermon,
dominant de haut une plaine très fertile qui oblique vers le nord-ouest.
D’après un croquis de Maria Valtorta.
On
y arrive, en venant d'En-Dor, après avoir traversé un cours d'eau qui est certainement
un affluent du Jourdain. Pourtant, de cet endroit, on ne voit plus le
Jourdain, et pas davantage sa vallée, parce que des collines le cachent en
faisant vers l'est un arc en forme de point d'interrogation.
Jésus s'y rend par une grand-route qui unit la région du lac à l'Hermon et à
ses pays. Derrière Lui marchent de nombreux habitants d'En-Dor qui n'arrêtent
pas de parler entre eux.
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242> La distance qui sépare le groupe
apostolique des murs est maintenant très courte : deux cent mètres, au
maximum. La grand-route entre directement dans la ville par une porte qui est
ouverte en grand, car c'est plein jour. On peut voir ce qui arrive
immédiatement après les murs. C'est ainsi que Jésus, qui parlait avec ses
apôtres et le nouveau converti, voit venir, dans un grand bruit de pleureuses
et un semblable apparat oriental, un cortège funèbre.
"Nous allons voir, Maître ?" disent plusieurs. Et déjà parmi
les habitants d'En-Dor, plusieurs se sont précipités pour voir.
"Allons-y" consent Jésus.
"Oh ! ce doit être un enfant car tu vois combien de fleurs et de
rubans il y a sur la litière ?" dit Judas de Kérioth à Jean.
"Ou bien c'est une vierge" répond Jean.
"Non, c'est sûrement un jeune garçon à cause des couleurs qu'ils ont
mises et puis, il n'y a pas de myrtes..." dit Barthélemy.
Le cortège funèbre sort des murs. Ce qu'il y a sur la litière, que les
porteurs tiennent bien haut sur leurs épaules, il n'est pas possible de le
voir. On devine le corps étendu dans ses bandelettes et couvert d'un drap,
seulement par la forme qu'il dessine et on se rend compte que c'est un corps
qui a déjà atteint son développement complet car il est aussi long que la
litière.
À côté une femme voilée, que soutiennent des parents ou des amies, chemine en
pleurant. Ce sont les seules vraies larmes dans cette comédie larmoyante.
Quand un porteur rencontre une pierre, un trou, une bosse de la route, cela
donne une secousse à la litière et la mère gémit :
"Oh ! non ! Allez doucement ! Il a tant souffert, mon
petit !"
Et elle lève une main tremblante pour caresser le bord de la litière. Elle ne
saurait faire plus et, dans cette impuissance, elle baise les voiles qui
flottent et les rubans que le vent soulève parfois et qui viennent effleurer
la forme immobile.
"C'est la mère" dit Pierre ému et dans son œil fin et bon brille
une larme.
Mais il n'est pas le seul à avoir les larmes aux yeux devant ce
déchirement : Le Zélote, André, Jean et jusqu'au toujours jovial Thomas
ont dans les yeux la lueur d'une larme. Tous, tous sont profondément émus.
Judas Iscariote murmure : "Si c'était moi ! Oh ! ma
pauvre mère..."
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243> 189.2 - Jésus a dans les yeux une douceur
intolérable, tant elle est profonde. Il se dirige vers la litière.
La mère sanglote plus fort car le cortège tourne en direction du tombeau déjà
ouvert. Voyant que Jésus va toucher la litière, elle l'écarte violemment. Qui
sait ce qu'elle peut craindre dans son délire ? Elle crie ;
"Il est à moi !" et elle regarde Jésus avec des yeux hagards.
"Je le sais, mère. Il est à toi".
"C'est mon fils unique ! Pourquoi la mort pour lui, pour lui qui
était bon et qui m'était si cher, ma joie de veuve ?
Pourquoi ?"
La foule des pleureuses fait retentir plus haut ses cris funèbres et
rétribués pour faire écho à la mère qui continue :
"Pourquoi lui et pas moi ? Ce n'est pas juste que celle qui a
engendré voit périr son fruit. Le fruit doit vivre, car autrement, car
autrement à quoi servent ces entrailles qui se déchirent pour mettre au monde
un homme ?"
Et elle se frappe le ventre, féroce et désespérée.
"Ne fais pas ainsi ! Ne pleure pas, mère"
Jésus lui prend les mains dans une étreinte puissante et les retient de sa
main gauche pendant qu'avec la droite il touche la litière en disant aux
porteurs :
"Arrêtez-vous et posez-la à terre."
Les porteurs obéissent et descendent le brancard qui reste soutenu par ses
quatre pieds.
Jésus saisit le drap qui couvre le mort et le rejette en arrière, découvrant
la dépouille. La mère crie sa douleur en appelant le nom de son fils, je
crois :
"Daniel !"
Jésus, qui tient toujours les mains de la mère dans la sienne, se redresse,
imposant par l'éclat de son regard, avec son visage des miracles les plus
puissants et, abaissant sa main droite, il ordonne avec toute la puissance de
sa voix :
"Jeune homme ! Je te le dis : lève-toi!"
189.3 - Le
mort, comme il est, avec ses bandelettes, se lève pour s'asseoir sur la
litière et appelle :
"Maman !"
Il l'appelle avec la voix balbutiante et effrayée d'un enfant terrorisé.
"Il est à toi, femme. Je te le rends au nom de Dieu. Aide-le à se
débarrasser du suaire. Et soyez heureux."
Et Jésus va se retirer.
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244> Mais, oui ! La foule le bloque
à la litière sur laquelle la mère s'est penchée et où elle s'embrouille au
milieu des bandelettes pour faire vite, vite, vite, pendant que les
lamentations de l'enfant ne cessent d'implorer :
"Maman ! Maman !"
Le suaire est enlevé, les bandelettes sont enlevées, la mère et le fils
peuvent s'embrasser et ils le font sans tenir compte du baume et qu'ensuite
la mère essuie du cher visage, des chères mains, avec les bandelettes
elles-mêmes. Puis, n'ayant rien pour l'habiller, la mère quitte son manteau
et l'en revêt, et tout permet de le caresser...
189.4 - Jésus
la regarde... il regarde ce groupe affectueux serré contre les bords de la
litière qui maintenant n'est plus funèbre et il pleure. Judas Iscariote voit
ces larmes et demande :
"Pourquoi pleures-tu, Seigneur ?"
Jésus tourne vers lui son visage et dit :
"Je pense à ma Mère..."
Cette brève conversation ramène l’attention de la femme vers son Bienfaiteur.
Elle prend son fils par la main et le soutient. En effet il est comme
quelqu'un dont le corps supporte un reste de torpeur. Elle s'agenouille en
disant :
"Toi aussi, mon fils, bénis ce Saint qui t'a rendu à la vie et à ta
mère"
Et elle se penche pour baiser le vêtement de Jésus pendant que la foule
chante l'hosanna à Dieu et à son Messie, désormais connu pour ce qu'il est.
En effet les apôtres et les habitants d'En-Dor se sont chargés de dire qui a
accompli le miracle.
Toute la foule maintenant s'écrie :
"Que soit béni le Dieu d'Israël ! Que soit béni le Messie, son
Envoyé ! Que soit béni Jésus, fils de David ! Un grand
Prophète s'est élevé parmi nous ! Dieu a vraiment visité son
peuple ! Alléluia ! Alléluia !"
189.5 - Finalement
Jésus peut se dégager de l'étreinte et entrer dans la ville. La foule le suit
et le poursuit, exigeante dans son amour.
Un homme accourt et le salue profondément.
"Je te prie de rester sous mon toit."
"Je ne peux. La Pâque m'interdit toute halte sauf celles qui sont fixées
d'avance."
"Dans quelques heures, ce sera le crépuscule et c'est vendredi…"
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245> "Justement je dois, avant le crépuscule,
avoir achevé mon étape. Je te remercie tout de même, mais ne me retiens
pas."
"Mais, je suis le chef de la synagogue."
"Et avec cela, tu veux dire que tu en as le droit. Homme : il
suffisait que je m'attarde une heure et cette mère n'aurait pas recouvré son
fils. Je vais où d'autres malheureux m'attendent. Ne retarde pas leur joie
par égoïsme. Je viendrai certainement une autre fois et je resterai avec toi
à Naïm plusieurs jours. Pour l'instant, laisse-moi aller."
L'homme n'insiste plus. Il dit seulement:
"C'est dit. Je t'attends."
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