Le dimanche 31 décembre 1944
10> Jésus dit :
"Mon regard avait lu dans le cœur de Judas Iscariote.
Personne ne doit penser que la Sagesse de Dieu n'a pas été capable de
comprendre ce cœur. Mais, comme je l'ai dit à ma Mère, il le fallait. Malheur à Lui d'avoir été le traître ! Mais
un traître il le fallait. Plein de duplicité, d'astuce, avide, luxurieux,
voleur, et intelligent et cultivé plus que la masse des gens, il avait su
s'imposer à tous. Audacieux, il m'aplanissait le chemin même s'il était
difficile. Il aimait surtout sortir du rang et faire valoir sa place de
confiance auprès de Moi. Sa serviabilité ne venait pas de la charité. Mais il
était uniquement ce que vous appelleriez un "faiseur". Cela lui
permettait de garder la bourse et d'approcher des femmes. Deux choses,
qu'avec la troisième : sa charge humaine, il aimait effrénément.
La Femme pure, humble, détachée des richesses terrestres,
ne pouvait ne pas éprouver de dégoût pour ce serpent. Moi aussi, j'en
éprouvais du dégoût. Moi seul, et le Père, et l'Esprit, nous savons quels
efforts j'ai dû soutenir pour pouvoir le supporter près de Moi. Mais je te
l'expliquerai une autre fois.
Je n'ignorais pas non plus l'hostilité des prêtres, des pharisiens, scribes
et sadducéens. C'étaient des renards rusés qui cherchaient à me pousser dans
leur tanière pour me mettre en pièces. Ils avaient faim de mon Sang. Et ils
cherchaient à me tendre partout des pièges pour s'emparer de Moi, pour avoir
l'arme des accusations, pour me faire disparaître. Pendant trois ans, longue
a été l'embûche et elle ne s'est apaisée que quand ils m'ont su mort. Ce
soir-là, ils ont dormi heureux. La voix de leur accusateur était pour
toujours éteinte. Ils le croyaient. Non, elle n'était pas encore éteinte. Elle
ne le sera jamais et elle tonne, elle tonne et elle maudit leurs semblables
d'aujourd'hui. Que de douleurs eut ma Mère à cause d'eux ! Et cette douleur
Moi, je ne l'oublie pas.
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11> Que la foule fût
changeante, ce n'était pas chose nouvelle. C'est le fauve qui lèche la main
du dompteur, s'il est armé de la cravache ou s'il lui offre un morceau de
viande pour calmer sa faim. Mais il suffit que le dompteur tombe et ne puisse
pas se servir de la cravache, ou bien n'ait plus de proie pour le rassasier,
pour qu'il se jette sur lui et le mette en pièces. Il suffit de dire la
vérité et d'être bon pour être haï par la foule après le premier moment
d'enthousiasme. La vérité est reproche et avertissement. La bonté dépouille
de la cravache et fait que ceux qui ne sont pas bons ne craignent plus. De là
viennent les "crucifie-le" après que l'on a dit
"hosanna". Ma vie de Maître est pleine de ces deux voix. Et la
dernière a été "crucifie-le". L'hosanna est comme la respiration du
chanteur afin d'avoir du souffle pour monter à l'aigu. Marie, le soir du
Vendredi Saint, a entendu de nouveau en elle tous les hosannas mensongers,
devenus des cris de mort pour son Enfant, et elle en est restée brisée. Cela
aussi, je ne l'oublie pas.
L'humanité des apôtres !
Combien grande ! Je portais sur mes bras, pour les élever vers le Ciel, des
blocs qu'attirait la terre. Même ceux qui ne se voyaient pas comme les
ministres d'un roi terrestre, comme Judas l'Iscariote, ceux qui ne pensaient
pas comme lui à monter, à l'occasion, à ma place sur le trône, étaient toujours
cependant désireux de gloire. Un jour vint où même mon Jean et son frère désirèrent cette gloire qui vous éblouit comme un mirage même
dans les choses célestes. Ce n'est pas l'aspiration sainte au Paradis que je
veux que vous ayez, mais un désir humain que votre sainteté soit connue.
Non seulement cela, maïs avidité de changeur, d'usurier pour lequel, en
échange d'un peu d'amour donné à celui auquel je vous ai dit que vous devez
donner tout vous-mêmes, prétendez avoir une place à sa droite dans le Ciel.
Non, fils. Non. Auparavant il faut savoir boire tout le calice que j'ai bu.
Tout : avec sa charité donnée en échange de la haine, avec sa chasteté contre
les appels des sens, avec son héroïsme dans les épreuves, avec son holocauste
pour l'amour de Dieu et des frères. Puis, quand tout est accompli du propre
devoir, dire encore : "Nous sommes des
serviteurs inutiles" et attendre que mon Père et le vôtre,
vous accorde, grâce à sa bonté, une place dans son Royaume. Il faut se
dépouiller, comme tu as vu qu'on me dépouillait dans le Prétoire, de tout ce
qui est humain, en gardant seulement l'indispensable qui est respect envers
le don de Dieu qu'est la vie, et envers les frères auxquels nous pouvons être
utiles plutôt du Ciel que sur la Terre, et laisser que Dieu vous revête du
vêtement immortel, purifié dans le Sang de l'Agneau.
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