| Vision du
  mercredi 8 août 1945. 143/144>
   247.1 – "Où
  ferons-nous étape, mon Seigneur?" demande Jacques de Zébédée alors
  qu'ils cheminent à travers une gorge entre deux collines entièrement
  cultivées et vertes de la base au sommet. 
 "À Bethléem de Galilée. Mais pendant les heures les plus chaudes, nous
  nous arrêterons sur la montagne qui surplombe Mérala. Ainsi ton frère sera
  heureux une deuxième fois en voyant la mer".
 
 Jésus sourit et ajoute :
 
 "Nous, les hommes, nous aurions pu faire plus de chemin mais nous avons
  à notre suite les femmes disciples qui ne se plaignent jamais mais que nous
  ne devons pas fatiguer à l'excès."
 
 "Elles ne se plaignent jamais, c'est vrai. Nous nous plaignons plus
  facilement" admet Barthélemy.
 
 "Et pourtant elles sont moins habituées que nous à cette vie..."
  dit Pierre.
 
 "C'est peut-être pour cela qu'elles la font volontiers" dit Thomas.
 
 "Non, Thomas. C'est par amour qu'elles la font volontiers. Crois bien
  que ma Mère et aussi les autres maîtresses de maison comme Marie d'Alphée,
  Salomé  et Suzanne, ne quittent pas par plaisir leurs maisons
  pour venir par les chemins du monde et au milieu des gens. Et Marthe et
  Jeanne, quand elle aussi viendra, qui ne sont pas habituées à la fatigue, ne
  le feraient pas volontiers si l'amour ne les y poussait.
 
 
  247.2 – En
  ce qui concerne Marie de Magdala seul un puissant amour peut lui donner la
  force de subir cette torture" dit Jésus. 
 "Pourquoi la lui as-tu imposée alors, si tu
  sais que c'est une torture ? demande l'Iscariote. Ce n'est pas une bonne
  chose pour elle, ni pour nous."
 
 "Rien d'autre que la preuve manifeste, indubitable de son changement ne
  pouvait persuader le monde. Marie veut en persuader le monde. Sa rupture avec
  le passé a été complète. Elle est complète."
 
 "C'est à voir. C'est bien tôt maintenant pour le dire. Quand on s'est
  habitué à un genre de vie, il est difficile de s'en détacher tout à fait. Les
  amitiés et la nostalgie nous y ramènent" dit l'Iscariote.
 
 "Alors tu as la nostalgie de ta vie précédente ?" demande
  Mathieu.
 
 "Moi... non. Mais c'est une façon de parler. Je suis moi : un
  homme, qui aime le Maître et... Enfin, j'ai en moi des éléments qui me
  servent à rester fidèle à mon projet. Mais elle, c'est une femme et quelle
  femme ! Et puis, même si elle ne manque pas de fermeté, c'est toujours
  peu agréable de l'avoir avec nous. Si on devait rencontrer des rabbins, des
  prêtres ou des pharisiens puissants, croyez bien que leurs commentaires ne
  seraient pas agréables. Je rougis à l'avance d'y penser."
 
 "Ne te contredis pas, Judas. Si tu as réellement coupé les ponts avec le
  passé, comme tu veux le dire, pourquoi tant t'affliger qu'une pauvre âme nous
  suive pour compléter sa transformation dans le Bien ?"
 
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 145> "Mais par amour, Maître, Moi
  aussi je fais tout par amour. Envers Toi."
 
 
  "Alors
  perfectionne-toi dans cet amour. Un amour, pour être, vraiment tel, ne doit
  jamais être exclusif. Quand quelqu'un ne sait aimer qu'un objet et ne sait en
  aimer aucun autre, même s'il est aimé de l'objet de son amour, il manifeste
  qu'il n'est pas dans le véritable amour. L'amour parfait aime, avec les
  degrés qui s'imposent, tout le genre humain, et même les animaux et les
  végétaux, les étoiles et les eaux, parce qu'il voit tout en Dieu. Il aime
  Dieu, comme il convient, et il aime tout en Dieu. Prends garde que l'amour
  exclusif est souvent de l'égoïsme. Sache donc arriver à aimer les autres
  aussi par amour." 
 "Oui, Maître."
 
 L'objet de la discussion avance pendant ce temps avec les autres femmes à
  côté de Marie, sans se douter qu'elle est la cause d'une si
  grande discussion.
 
 
  247.3 – Ils
  ont atteint, traversé, dépassé, l'agglomération de Japhia sans qu'aucun
  citadin manifeste le désir de suivre le Maître ou de le retenir. 
 Ils continuent leur route, les apôtres inquiets de l'indifférence de cette
  localité, et Jésus qui cherche à les calmer.
 
 La vallée continue vers l'ouest, et on voit à son extrémité un autre pays qui
  s'étend au pied d'une autre montagne. Ce pays aussi, que j'entends nommer Méraba, est indifférent. Des enfants seulement
  s'approchent des apôtres pendant qu'ils prennent de l'eau à une limpide
  fontaine adossée à une maison. Jésus les caresse en leur demandant leurs
  noms, et les enfants Lui demandent le sien et qui il est, où il va, ce qu'il
  fait. un mendiant aussi s'approche, à moitié aveugle, vieux, courbé et il
  tend la main pour recevoir l'aumône qu'en effet il reçoit.
 
 La marche recommence avec la montée d'une colline qui barre la vallée dans
  laquelle elle déverse les eaux de ses petits ruisseaux maintenant réduits à
  un filet d'eau ou à des pierres brûlées par le soleil, mais la route est
  bonne, ouverte d'abord au milieu de bois d'oliviers, puis d'autres arbres,
  qui entrelacent leurs branches en formant une galerie verte au-dessus de la
  route. Ils atteignent le sommet qui est couronné d'un bois dont on entend le
  bruissement, un bois de frênes, si je ne me trompe. Et là ils s'assoient pour
  se reposer et prendre de la nourriture.
 
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 146> Et avec la nourriture et le repos,
  ils jouissent d'une vue charmante, car le panorama est merveilleux avec la
  chaîne du Carmel à la gauche quand on regarde vers l'ouest. C'est une chaîne
  très verte où l'on découvre toutes les plus belles tonalités de vert. Là où
  elle finit, c'est la mer qui scintille, découverte, sans limites, qui
  s'étend, avec son drap agité par de légères vagues, vers le nord. Elle baigne
  les rivages qui, de l'extrémité du promontoire formé par les contreforts du
  Carmel, montent vers Ptolémaïs et les autres villes, pour finalement se
  perdre dans une légère brume du côté de la Syro-Phénicie. Par contre, on ne
  voit pas la mer au sud du promontoire du Carmel car la chaîne plus haute que
  les collines où ils se trouvent en cache la vue.
  Ci-dessus le dessin de Maria
  Valtorta sur lequel on peut lire les noms de Sycaminon et de Mérala.
 Les
  heures passent dans l'ombre bruissante du bois bien aéré. Certains dorment,
  d'autres parlent à mi-voix, d'autres regardent. Jean s'éloigne de ses
  compagnons en montant le plus haut possible pour mieux voir. Jésus s'isole
  dans un endroit couvert pour prier et méditer. Les femmes, à leur tour, se
  sont retirées derrière le rideau ondulant d'un chèvrefeuille tout en fleurs.
  Là, elles se sont rafraîchies à une source minuscule qui, réduite à un filet
  d'eau, forme dans la terre une flaque qui n'arrive pas à se changer en
  ruisseau. Puis les plus âgées se sont endormies, fatiguées, alors que Marie très
  Sainte avec Marthe et Suzanne parlent de leurs maisons lointaines et que
  Marie dit qu'elle voudrait bien avoir ce beau buisson tout en fleurs pour
  orner sa petite grotte.        
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 147>
  247.4 – Marie-Madeleine, qui avait
  dénoué ses cheveux, ne pouvant en supporter le poids, les rassemble de
  nouveau et dit : 
 "Je vais vers Jean maintenant qu'il est avec Simon, pour regarder avec
  eux la mer."
 
 "J'y vais moi aussi" répond Marie très Sainte.
 
 Marthe et Suzanne restent auprès de leurs compagnes endormies.
 
 Pour rejoindre les deux apôtres, elles doivent passer près du buisson où
  Jésus s'est isolé pour prier.
 
 "Mon Fils trouve son repos dans la prière" dit doucement Marie.
 
 Marie-Madeleine lui répond :
 
 "Je crois qu'il Lui est indispensable aussi de s'isoler pour garder sa
  merveilleuse maîtrise que le monde met à dure épreuve. Tu sais, Mère ?
  J'ai fait ce que tu m'as dit. Toutes les
  nuits je m'isole plus ou moins longtemps pour rétablir en moi-même le calme
  que troublent beaucoup de choses. Je me sens beaucoup plus forte après." 
 "Plus forte maintenant, plus tard tu te sentiras heureuse. Crois-le
  aussi, Marie : dans la joie comme dans la douleur, dans la paix comme
  dans la lutte, notre esprit a besoin de se plonger tout entier dans l'océan
  de la méditation pour reconstruire ce qu'abattent le monde et les
  vicissitudes de la vie et pour créer de nouvelles forces pour s'élever
  toujours davantage. En Israël, nous usons et abusons de la prière vocale. Je
  ne veux pourtant pas dire qu'elle soit inutile et mal vue de Dieu. Mais je
  dis pourtant que beaucoup plus utile à l'esprit est l'élévation mentale vers
  Dieu, la méditation où, en contemplant sa divine perfection et notre misère,
  ou celle de tant de pauvres âmes, non pas pour les critiquer mais pour les
  plaindre et les comprendre, et pour remercier le Seigneur qui nous a
  soutenues pour nous empêcher de pécher, ou nous a pardonnées pour ne pas nous
  laisser par terre, nous arrivons à prier réellement, c'est-à-dire à aimer.
  Parce que l'oraison pour être réellement ce qu'elle doit être, doit être
  amour. Autrement c'est une agitation des lèvres d'où l'âme est absente."
 
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 148>
  247.5 – "Mais, est-il permis de
  parler à Dieu quand on a les lèvres souillées par tant de paroles
  profanes ? Moi, dans mes heures de recueillement que je passe comme tu
  me l'as enseigné, toi, mon très doux apôtre, je fais violence à mon cœur qui voudrait
  dire à Dieu : Je t'aime..." 
 "Non ! Pourquoi ?"
 
 "Parce qu'il me semble que je ferais une offrande sacrilège en offrant
  mon cœur..."
 
 "Ne fais pas cela, ma fille, ne le fais pas. Ton cœur, avant tout, est
  consacré à nouveau par le pardon du Fils, et le Père ne voit que ce par don.
  Mais, même si Jésus ne t'avait pas encore pardonné, et si toi, dans une
  solitude ignorée, qui peut être aussi bien matérielle que morale, tu criais
  vers Dieu : "Je t'aime, Père, pardonne mes misères parce qu'elles
  me déplaisent à cause de la douleur qu'elles te donnent", crois bien, ô
  Marie, que le Dieu Père t'absoudrait de Lui-même et que cher Lui serait ton
  cri d'amour. Abandonne-toi, abandonne-toi à l'amour. Ne lui fais pas
  violence. Laisse-le même devenir violent comme un incendie. L'incendie
  consume tout ce qui est matériel mais ne détruit pas une molécule d'air, car
  l'air est incorporel. Au contraire il le purifie des minuscules déchets que
  les vents y apportent, le rend plus léger. Il en est ainsi de l'amour pour
  l'esprit. Il consumera plus rapidement la matière de l'homme, si Dieu le
  permet, mais il ne détruit pas l'esprit. Au contraire il en augmente la
  vitalité et le fait pur et agile pour monter vers Dieu.
 
 
  247.6 – Vois-tu
  Jean là-bas ? C'est vraiment un garçon. Mais pourtant c’est un aigle. Il
  est le plus fort de tous les apôtres, car il a compris le secret de la force,
  de la formation spirituelle : l'amoureuse méditation." 
 "Mais lui est pur. Moi... Lui c'est un jeune garçon. Moi..."
 
 "Regarde alors le Zélote. Ce n'est pas un garçon. Il a vécu, il a lutté,
  il a haï. Il le reconnaît sincèrement. Mais il a appris à méditer. Et lui
  aussi, crois-moi, est bien haut. Tu vois ? Ils se cherchent tous les
  deux, parce qu'ils se ressemblent. Ils ont atteint le même âge parfait de
  l'esprit et par le même moyen : l'oraison mentale. C'est par elle que le
  garçon est devenu viril en son esprit et c'est par elle que celui qui était
  déjà vieux et fatigué est revenu à une forte virilité. Et tu connais un autre
  qui, sans être apôtre sera et même est très avancé à cause de sa
  tendance naturelle à la méditation qui, depuis qu'il est l'ami de Jésus, est
  devenue en lui une nécessité spirituelle ? Ton frère."
 
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 149/150>
  247.7 – "Mon
  Lazare ? ...Oh ! Mère ! Dis-le-moi, toi
  qui sais tant de choses parce que Dieu te les montre, comment me traitera Lazare
  à la première rencontre ? Avant, il se taisait, méprisant, mais il le
  faisait parce que moi, je ne supportais pas les observations. J'ai été très
  cruelle avec mon frère et ma sœur... Maintenant je le comprends. Maintenant
  qu'il sait qu'il peut parler, que me dira-t-il ? Je crains de lui un
  franc reproche. Oh ! certainement il me rappellera toutes les peines
  dont j'ai été la cause. Je voudrais voler vers Lazare, mais j'en ai peur.
  Auparavant j'y allais, mais les souvenirs de maman qui était morte, ses larmes
  présentes encore sur les objets dont elle se servait, les larmes répandues
  pour moi, par ma faute, rien ne m'émouvait. Mon cœur était cynique, effronté,
  fermé à toute voix qui n'était pas celle du "mal". Mais maintenant
  je n'ai plus la force mauvaise du Mal et je tremble... Que me fera
  Lazare ?" 
 "Il t'ouvrira les bras et t'appellera "sœur bien-aimée" plus
  avec son cœur qu'avec ses lèvres. Il est si bien formé en Dieu qu'il ne peut
  user que de cette manière. Ne crains pas. Il ne te dira pas un mot du passé.
  Lui, c'est comme si je le voyais, il est là-bas à Béthanie et les jours
  d'attente sont pour lui bien longs. Il t'attend pour te serrer sur son cœur,
  pour contenter son amour fraternel. Tu n'as qu'à l'aimer comme il t'aime,
  lui, pour goûter la douceur d'être nés d'un même sein."
 
 "Je l'aimerais même s'il m'adressait des reproches. Je les mérite."
 
 "Mais lui t'aimera seulement, sans plus."
 
 
  247.8 – Elles
  ont rejoint Jean et Simon qui parlent des futurs voyages et qui se lèvent,
  respectueux, quand arrive la Mère du Seigneur. 
 "Nous venons nous aussi pour louer le Seigneur pour les belles œuvres de
  sa création."
 
 "Mère, as-tu jamais vu la mer ?"
 
 
  "Oh !
  Je l'ai vue. Et alors elle était moins agitée, dans sa tempête, que mon cœur,
  et moins salée que mes larmes pendant que je fuyais le long de la côte de
  Gaza vers la Mer Rouge, avec mon Bébé dans mes bras et la peur d'Hérode qui
  me poursuivait . Et je l'ai vue au
  retour. Mais alors c'était le printemps sur la terre et dans mon cœur. Le
  printemps du retour dans la patrie. Et Jésus battait de ses petites mains,
  heureux de voir des choses nouvelles... Joseph et moi, nous étions heureux
  aussi, bien que la bonté du Seigneur nous eût rendu moins dur l'exil à Matarea, de mille manières." . |