Vision du mercredi 5
et du jeudi 6 avril 1944
(Semaine sainte)
158> 25.1 – Dans la nuit du mercredi au
jeudi de la semaine sainte voici ce que je vois :
D'un char confortable auquel est attachée aussi la monture
de Marie, je vois descendre Zacharie,
Élisabeth
et Marie qui tient le petit Jean,
et Samuel avec un agneau et, dans une cage,
une colombe. Ils descendent devant l'écurie habituelle où doivent s'arrêter
tous les pèlerins qui se rendent au Temple, pour remiser leurs montures.
Marie appelle le petit homme qui en est propriétaire et lui demande si aucun
Nazaréen n'est venu le jour précédent ou aux premières heures de la matinée.
"Personne, femme" répond le petit vieux.
Marie demeure étonnée, mais n'ajoute rien d'autre.
Elle fait détacher son âne par Samuel et puis rejoint Zacharie et Élisabeth.
Elle explique le retard de Joseph :
"Il aura été retenu par quelque chose, mais il viendra certainement
aujourd'hui."
Elle reprend le bébé qu'elle avait donné à Élisabeth et ils se dirigent vers
le Temple.
25.2 – Zacharie reçoit les honneurs
des gardes, les saluts et les compliments des autres prêtres. Il est
splendide aujourd'hui Zacharie avec ses vêtements sacerdotaux et sa joie de
père heureux. On dirait un Patriarche. Je pense qu'Abraham devait lui
ressembler quand il se réjouissait d'offrir Isaac au Seigneur.
Je vois la cérémonie de la présentation du nouvel Israélite et la purification
de la mère. Elle est encore plus pompeuse que pour la présentation de Marie,
parce que Jean est le fils d'un prêtre et les prêtres font grande fête. Ils
accourent en nombre et s'affairent autour du petit groupe des femmes et du
nouveau-né.
Des gens aussi se sont approchés par curiosité et j'entends les commentaires.
Comme Marie a l'enfant sur les bras pendant qu'on se dirige vers l'endroit
coutumier les gens croient que c'est la mère.
Mais une femme dit :
"Ce n'est pas possible. Ne voyez-vous pas qu'elle est enceinte ? Le
bambin n'a que quelques jours et elle, elle est déjà grosse."
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"Pourtant" dit un autre "il n'y a qu'elle qui puisse être la
mère. L'autre est vieille. Ce doit être une parente, mais elle ne peut être
mère à l'âge qu'elle a."
"Suivons-les, et nous verrons qui a raison."
Et la stupeur augmente quand on voit que celle qui accomplit le rite de la
purification, c'est Élisabeth. Elle offre son agneau bêlant pour l'holocauste
et la colombe pour le péché.
"C'est elle la mère, tu as vu ?"
"Non !"
"Oui."
Les gens chuchotent, incrédules encore. Ils font tant de bruit qu'un
"Pschit !" impérieux part du groupe des prêtres qui assistent
à la cérémonie. Les gens se taisent un moment, mais les chuchotements se font
plus forts quand Élisabeth rayonnante d'une sainte fierté prend le bambin et
pénètre dans le Temple pour en faire la présentation au Seigneur.
"C'est bien elle."
"C'est toujours la mère qui fait l'offrande."
"Quel miracle est donc ?"
"Que sera cet enfant accordé à un âge si avancé à cette
femme ?"
"Qu'est-ce que cela présage ?"
"Vous ne savez pas ? dit quelqu'un qui arrive tout essoufflé. C'est
le fils du prêtre Zacharie, de la descendance d'Aaron, celui-là qui devint
muet pendant qu'il offrait l'encens au Sanctuaire."
"Mystère ! Mystère ! Et maintenant il parle de nouveau !
La naissance de son fils lui a délié la langue."
"Quel esprit lui aura parlé et rendue morte sa langue pour l'habituer à
garder le silence sur les secrets de Dieu ?"
"Mystère ! Quelle vérité sera révélée à Zacharie ?"
"Son fils serait-il le Messie qu'attend Israël ?"
"Il est né en Judée, mais pas à Bethléem et pas d'une vierge. Il ne peut
être le Messie."
"Qui donc est-il ?"
Mais la réponse reste dans le secret de Dieu et les gens restent avec leur
curiosité.
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La cérémonie est achevée. Les prêtres font fête, maintenant à la mère aussi
et au bébé. La seule à qui on ne fait pas attention, qu'on évite même dédaigneusement ,
quand on s'aperçoit de son état, c'est Marie.
25.3 – Une fois les félicitations
finies, la plupart se remettent en route et Marie veut retourner à
l'hôtellerie pour voir si Joseph est arrivé. Il n'est pas arrivé. Marie reste
déçue et pensive.
Élisabeth se préoccupe de sa situation.
"Nous pouvons rester jusqu'à la sixième heure ,
mais ensuite, nous devons partir pour être à la maison avant la première
veille. Il est encore trop petit pour rester la nuit tombée."
Et Marie calme et triste :
"Je resterai dans une cour du Temple. J'irai trouver mes maîtresses...
Je ne sais. Mais je ferai quelque chose."
Zacharie intervient avec un projet immédiatement accepté,
comme une bonne solution.
"Allons chez les parents de Zébédée,
c'est sûrement là que Joseph va te chercher et s'il ne venait pas, il te sera
facile de trouver quelqu'un pour t'accompagner vers la Galilée. Dans cette
maison il y a un va-et-vient continuel de pêcheurs de Génésareth."
Ils prennent la monture de Marie et vont chez les parents de Zébédée, qui au
fond ne sont que ceux qui ont donné l'hospitalité à Marie et Joseph
quatre mois auparavant .
Les heures passent vite et Joseph ne paraît point. Marie maîtrise sa peine en
berçant le petit, mais on voit qu'elle est pensive. Comme pour cacher son
état, elle n'a pas enlevé son manteau bien qu'il fasse une chaleur qui fait
transpirer tout le monde.
25.4 – Finalement, un grand coup à la
porte annonce Joseph. Le visage de Marie resplendit rasséréné.
Joseph la salue, après qu'elle s'est présentée tout d'abord le saluant avec
respect :
"La bénédiction de Dieu sur toi, Marie !"
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"Et sur toi, Joseph et louange au Seigneur que tu sois venu ! C'est
que Zacharie et Élisabeth allaient partir pour être à la maison avant la
nuit."
"Ton messager est arrivé à Nazareth pendant que j'étais à Cana pour des
travaux. J'ai été informé hier soir et je suis parti tout de suite. Mais
ayant marché sans arrêt, je suis en retard parce que l'âne avait perdu un
fer. Pardonne-moi."
"C'est à toi de me pardonner d'être restée si longtemps loin de
Nazareth ! Mais regarde: ils étaient si heureux de m'avoir avec eux,
c'est pourquoi j'ai voulu leur faire plaisir jusqu'à maintenant."
"Tu as bien fait, Femme. Et le bambin où est-il ?"
Ils entrent dans la pièce où se trouve Élisabeth qui donne son lait à Jean
avant de partir. Joseph complimente les parents pour la robustesse de
l'enfant. Élisabeth l'enlève de son sein pour le montrer à Joseph, mais il
crie et se débat comme si on l'écorchait. Tout le monde rit de ses
protestations, même les parents de Zébédée qui sont accourus apportant des fruits
frais pour tout le monde, du lait, du pain et un grand plat de poissons, ils
rient et s'unissent à la conversation des autres.
25.5 – Marie parle très peu. Elle
reste tranquille et silencieuse assise dans son coin, les mains sur son sein,
sous son manteau. Et même quand elle boit une tasse de lait et mange une
grappe de raisin doré avec un peu de pain, elle parle peu et ne bouge guère. Elle regarde Joseph avec un mélange de peine et d'inquiétude. Lui
aussi la regarde et après quelque temps, se penchant sur son épaule, lui
demande :
"Es-tu fatiguée ? Souffres-tu ? Tu es pâle et
triste."
"J'ai de la peine de me séparer du petit Jean. Je l'aime bien. Je l'ai
porté sur mon cœur presque dès sa naissance..."
Joseph ne pose pas d'autre question.
L'heure du départ est venue pour Zacharie. Le char s'arrête à la porte et
tout le monde s'approche. Les deux cousines s'embrassent affectueusement.
Marie embrasse plusieurs fois le bébé avant de le reporter sur le sein de sa
mère déjà assise dans son char. Puis elle salue Zacharie et lui demande sa
bénédiction. Quand elle s'agenouille devant le prêtre, le manteau glisse de
ses épaules et ses formes apparaissent dans la lumière intense d'un
après-midi d'été. Je ne sais si Joseph le remarque à ce moment occupé qu'il est
à saluer Elisabeth. Le char s'éloigne.
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25.6 – Joseph rentre avec Marie qui
reprend sa place dans un coin à moitié éclairé.
"S'il ne te déplaisait pas de voyager de nuit, je proposerais de partir
au crépuscule. La chaleur est forte dans la journée. La nuit, au contraire,
est fraîche et tranquille. C'est pour toi que je le dis pour ne pas t'exposer
trop au soleil. Pour moi, ce n'est rien d'être exposé à la canicule. Mais
toi..."
"Comme tu veux Joseph. Oui, je crois que ce serait bien de voyager de
nuit."
"La maison est bien en ordre, et aussi le jardinet. Tu verras quelles
belles fleurs ! Tu arrives à temps pour voir tout fleuri. Le pommier, le
figuier et la vigne sont chargés de fruits comme jamais et le grenadier, j'ai
dû lui mettre des tuteurs tant ses branches sont chargées de fruits déjà bien
formés qu'on n'a jamais vu chose pareille en ce temps-ci. Et puis l'olivier
... Tu auras de l'huile en abondance. Il a eu une floraison miraculeuse et
pas une fleur ne s'est perdue; toutes ont déjà donné une petite olive. Quand
elles seront mûres, l'arbre sera couvert de perles noires. Il n'y a que toi
pour avoir un si beau jardin dans toute Nazareth. Même les parents en sont
étonnés. Et Alphée dit que c'est un miracle."
"Tes soins l'ont créé."
"Oh ! non ! Pauvre homme que je suis !
Qu'ai-je donc fait, moi ? Un peu de soins aux arbres et un peu d'eau aux
fleurs... Sais-tu ? Je t'ai fait une fontaine, tu n'auras pas besoin de
sortir pour avoir de l'eau. Je l'ai amenée au fond, près de la grotte, et
j'y ai mis une vasque. Je l'ai conduite de la source qui se trouve au-dessus
de l'olivier de Mathias. Elle est pure et abondante. C'est par un petit
ruisseau que je te l'ai amenée. J'ai fait un petit canal bien couvert et
maintenant l'eau arrive et chante comme une harpe. Ça me faisait de la peine
de te voir aller à la fontaine du pays et en revenir chargée d'amphores
remplies d'eau."
"Merci, Joseph. Tu es bon !"
Les deux époux se taisent maintenant comme fatigués, Joseph sommeille même.
Marie prie.
25.7 – Le soir arrive. Les hôtes
insistent pour qu'ils mangent encore avant de se mettre en route. Joseph
mange du pain et du poisson. Marie seulement des fruits et du lait.
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Puis c'est le départ. Ils montent sur leurs ânes. Comme à l'aller, Joseph a
installé sur le sien le coffre de Marie et avant que Marie ne monte il
regarde si la selle est bien en place. Je remarque que Joseph regarde Marie
quand elle monte en selle ; mais il ne dit rien .
Le voyage a commencé au moment où les étoiles, les premières se mettent à
clignoter dans le ciel.
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