María Jesús de Ágreda (1602-1665)
"La Cité mystique de
Dieu" – Livre 3, Chapitre 11
Traduction P. Thomas
Croset, 1715
d'après la numérisation de l'Abbaye Saint-Benoît
§ 123
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555> Je veux confesser, en présence du
ciel, de la terre, de leurs habitants et du Créateur universel, notre Dieu
éternel, qu'au moment où je prends la plume pour décrire le profond mystère
de l'Incarnation, je sens mon peu de force défaillir, ma langue se paralyser,
mes discours se glacer, mes facultés s'évanouir. Je me trouve tout
interdite et je ne sais plus que tourner mon intelligence éperdue du côté
de la divine lumière qui me dirige et qui m'éclaire. 556> À ses rayons on connait toutes
choses sans illusion, on les découvre sans détours, et je vois mon
insuffisance, je reconnais l'impossibilité d'exprimer par de faibles
paroles et par des phrases creuses ce que je puis concevoir d'un mystère
qui renferme en abrégé Dieu même et la plus grande merveille de sa
toute-puissance. Je vois dans ce mystère l'harmonie admirable de la
Providence et de la sagesse infinie avec laquelle le Seigneur l'a conduit
de toute éternité et dès la création du monde, afin que toutes ses œuvres
et ses créatures fussent comme un moyen adapté à la très-haute fin qu'il
avait de descendre dans le monde pour s'y faire homme.
§ 124
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Je vois comment le Verbe
éternel attendit pour descendre du sein de son Père, et choisit comme le
temps et l'heure la plus propre, le silence de la pleine nuit , qui figurait l'ignorance des mortels, lorsque la postérité
d'Adam était ensevelie dans le profond sommeil de l'oubli et dans la
funeste méconnaissance de son Dieu, sans qu'il y eût personne qui ouvrit la
bouche pour le confesser et le bénir . À l'exception de quelques rares
fidèles de son peuple, tout le reste du monde se taisait au fond de ses
ténèbres, qu'avait accumulées une longue nuit de près de cinq mille deux
cents ans sur les siècles et les peuples se succédant les uns aux autres,
chacun à l'époque fixée d'avance et déterminée par la sagesse éternelle,
afin que tous puissent rencontrer et reconnaître ce Créateur qui se
manifestait sans cesse, en leur donnant la vie, l’être et le mouvement . 557> Mais comme le jour de la lumière inaccessible
n'était point encore arrivé, ils marchaient comme des aveugles, touchant
les créatures sans y apercevoir la Divinité et sans la connaître; et dans
cet aveuglement ils l'attribuaient à des choses sensibles et même à ce que
la terre a de plus vil .
§ 125.
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Or, le jour fortuné luisit où
le Très-Haut, méprisant les longs siècles d'une si lourde ignorance,
détermina de se manifester aux hommes et de commencer leur Rédemption, en
prenant leur nature dans le sein de la très-pure Marie, préparée, comme
nous l'avons dit, à l'accomplissement de ce mystère. Et pour mieux
expliquer ce qui m'en est découvert, il faut que je parle auparavant de
quelques mystères qui arrivèrent au moment où le Verbe allait descendre du
sein du Père éternel. Je présuppose que, bien qu'il y ait une distinction
personnelle entre les trois personnes divines, comme la foi nous
l'enseigne, il n'y a pourtant aucune inégalité dans la sagesse, dans la
toute-puissance, ni dans les autres attributs, pas plus qu'il ne saurait y
en avoir dans la substance de la nature divine; et comme elles sont égales
en dignité et en perfection infinie, elles le sont aussi dans les
opérations qu'on appelle du dehors, parce qu'elles aboutissent, hors de
Dieu, à la production extérieure d'une créature ou d'une chose temporelle
quelconque.
558> Ces opérations sont indivisibles
entre les personnes divines; parce que ce n'est pas une seule qui les fait,
mais toutes trois, en tant qu'elles sont un même Dieu et qu'elles ont une
même sagesse, un même entendement et une même volonté; et comme le Fils
fait, veut et opère ce que le Père fait et veut, tout de même le
Saint-Esprit fait, veut et opère les mêmes choses que le Père et le Fils.
§ 126
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Toutes les trois personnes
exécutèrent et opérèrent avec cette indivisibilité d'une même action
l'œuvre de l'Incarnation, quoique la seule personne du Verbe reçût en soi
la nature de l'homme, l'unissant hypostatiquement à elle-même; et c'est pour cela que nous disons que
le Fils fut envoyé par le Père éternel, de l'entendement duquel il procède,
et que le Père l'a envoyé par l'opération du Saint-Esprit, qui intervint
dans cette mission. Or, comme la personne du Fils était celle qui venait
s'humaniser, avant que de descendre des cieux, sans sortir du sein du Père,
il fit dans le divin consistoire, au nom de la même humanité dont il devait
revêtir sa personne, une proposition et une demande par lesquelles il
représenta ses mérites futurs, afin qu'en considération desdits mérites
toute la race humaine obtint sa rédemption et le pardon des péchés pour
lesquels il avait à satisfaire la justice divine. Il demanda le fiat
de la volonté du Père qui l'envoyait, pour accepter ce rachat en
considération de ses œuvres, de sa très-sainte passion, et des mystères
qu'il voulait opérer dans la nouvelle Église et dans la loi de grâce.
§ 127
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559> Le Père
éternel accepta cette demande et les mérites prévus du Verbe, et lui
accorda tout ce qui il proposa et tout ce qu'il demanda pour les mortels.
Il lui recommanda aussi ses élus et ses prédestinés comme son héritage, et
c'est pour ce sujet que notre Seigneur Jésus-Christ dit par la voix de
saint Jean, qu'il ne perdit aucun de ceux que son Père lui donna , parce qu'il les conserva tous,
excepté le fils de perdition, qui fut Judas . Et une autre fois il dit que
personne ne ravirait de sa main, ni de celles de son Père, aucune de ses
brebis . Il en serait de même pour tous les
hommes, si la rédemption, qui fut suffisante pour tous, se trouvait par
leur correspondance efficace pour tous et en tous; puisque sa divine
miséricorde n'en a exclu aucun, pourvu que tous la reçussent par le moi en de
leur Restaurateur.
§ 128
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Tout cela eut lieu, selon notre
manière de concevoir, dans le ciel, au trône de la très-sainte Trinité,
avant le fiat de la très-pure Marie, dont je vais bientôt parler. Au
moment de la descente du Fils unique du Père dans son sein virginal, les
cieux et toutes les créatures s'émurent; et les trois personnes divines,
par suite de leur union inséparable, descendirent toutes avec le Verbe, qui
seul devait s'incarner. Tous les membres de la milice céleste sortirent
avec le Seigneur Dieu des armées, remplis d'une force invincible et d'une
splendeur admirable. 560> Et bien
qu'il ne soit pas nécessaire de débarrasser le chemin, parce que la
Divinité pénètre toutes choses, qu'elle occupe tous les espaces et que rien
ne la saurait arrêter, néanmoins les lieux matériels, pour témoigner à leur
Créateur leur profond respect, s'ouvrirent tous aussi bien que les éléments
qui leur sont inférieurs; les étoiles augmentèrent et renouvelèrent leur
lumière, la lune, le soleil et les autres planètes avancèrent leur cours
pour rendre hommage à leur Seigneur, et pour assister à la plus grande de
ses merveilles.
§ 129
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Les mortels ne connurent point
cette émotion ni ce renouvellement de toutes les créatures, tant parce que
la chose arriva de nuit, que parce que le même Seigneur voulut qu'elle fût
seulement manifestée aux anges, qui, initiés à des mystères aussi sublimes
que vénérables, le louèrent avec un surcroît d'admiration : car ces
mystères cachés aux hommes, encore éloignés de ces merveilles et de ces
bienfaits, ravissaient les esprits célestes, auxquels alors il était
seulement enjoint d'en bénir et glorifier l'auteur. Le Très-Haut fit naître
pourtant au même moment dans le cœur de quelques justes une impression de
joie extraordinaire et inaccoutumée, et ils en furent si doucement frappés,
qu'ils y donnèrent tous une attention toute particulière. Ils conçurent du
Seigneur des pensées plus grandes que jamais; plusieurs furent
instinctivement portés à attribuer ce qu'ils ressentaient d'insolite à la
venue du Messie, qui devait racheter le monde; mais ils tinrent tous la
chose secrète, parce que, par une disposition expresse de la puissance
divine, chacun croyait en être le seul favorisé.
§ 130
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561> Les autres
créatures eurent aussi part à ce renouvellement. Les oiseaux redoublèrent
leur chant, les plantes augmentèrent leur odeur, et les arbres leurs
fruits; enfin toutes les créatures ressentirent en elles quelque changement
favorable. Mais ceux qui éprouvèrent la joie la plus vive furent les saints
pères et les justes, habitant les limbes, où l'archange saint Michel fut
envoyé pour leur donner des nouvelles si agréables, qui furent pour eux un
grand sujet de consolation. Il n'y eut que l'Enfer qui en fut affligé et
qui en ressentit de nouvelles douleurs; parce qu'à la descente du Verbe
éternel, les démons sentirent une force impétueuse du pouvoir divin qui les
surprit, comme les flots d'une mer irritée, et qui les renversa tous dans,
le plus profond des ténébreux abîmes sans qu'ils y pussent résister. Il est
vrai que par la permission divine, ils revinrent sur la terre, où ils
firent toutes leurs diligences pour trouver la cause de ce qui venait de
leur arriver; mais ils ne purent pas la découvrir, malgré les conférences
qu'ils tinrent pour résoudre le cas, parce que le pouvoir divin leur cacha
le mystère de l'Incarnation, comme il arriva encore lorsque la très sainte
Vierge conçut le Verbe humanisé, ainsi que nous le verrons dans la suite;
car ils ne surent que Jésus-Christ était véritablement Dieu et homme, qu'au
moment de sa mort, comme je le dirai en son lieu.
§ 131
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Le Très-Haut voulant réaliser
ce mystère, l'archange Gabriel, accompagné d'une multitude innombrable
d'anges ayant tous une forme humaine d'un éclat et d'une beauté
incomparables à proportion de leur élévation entra sous les traits que j'ai
dépeints au chapitre précédent, dans la petite chambre où la très-pure
Marie était en prière; 562> c'était
un jeudi, à sept heures du soir et à l'entrée de la nuit. La Princesse du
ciel l'apercevant le regarda avec une modestie et avec une retenue
admirable, et ce ne fut qu'autant qu'il fallait pour reconnaître en lui
l'ange du Seigneur. Elle ne l'eut pas plutôt reconnu, qu'elle voulut avec
son humilité ordinaire se prosterner à ses pieds, mais le saint ambassadeur
ne le voulut pas permettre, au contraire il lui fit lui-même une profonde
révérence comme à sa Reine et Maîtresse, en laquelle il adorait les divins
mystères de son Créateur; il savait d'ailleurs que dès ce jour-là les
anciennes coutumes que les hommes avaient d'adorer les anges comme Abraham
le fit , étaient changées ; parce que la
nature humaine étant élevée à la dignité de Dieu en la personne du Verbe,
les hommes étaient en même temps adoptés pour ses enfants et pour
compagnons, ou frères des mêmes anges, comme celui qui ne voulut pas
recevoir l’adoration de l'évangéliste saint Jean, le lui dit .
§ 132
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Le saint archange salua notre
Reine et la sienne; et il lui dit : Ave, gratia plena, Dominus tecum,
benedicta tu in mulieribus . La plus humble des créatures,
entendant cette nouvelle salutation de l’ange, fut troublée, sans perdre la
tranquillité de son âme.
563> Ce trouble eut deux principes en
notre auguste Princesse : l'un fut sa très-profonde humilité par laquelle
elle se croyait la dernière de toutes les créatures; et s'étant ouïe saluer
et appeler bénie entre toutes les femmes, tandis qu'elle nourrissait de si
bas sentiments d'elle-même, cela lui parut tout à fait étrange. Le second
principe fut, que pendant qu'elle recevait la salutation et qu'elle la
considérait dans son cœur, le Seigneur lui fit connaître qu'il la
choisissait pour être sa Mère, et cela la troubla beaucoup plus, parce
qu'elle était fort éloignée de cette pensée. Alors l'ange la voyant dans ce
trouble, poursuivit son discours, et lui déclara l'ordre du Seigneur en ces
termes : "Marie, ne craignez point, parce que vous avez trouvé grâce
devant Dieu. Je vous déclare que vous concevrez dans votre sein et que vous
enfanterez un fils que vous nommerez Jésus. Il sera grand, et sera appelé
le Fils du Très-Haut" ; et le reste que le saint archange
acheva.
§ 133
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Il ne se trouva parmi les pures
créatures que notre très-prudente et très-humble Reine qui pût dûment
estimer et pénétrer un mystère si nouveau et si surprenant, et c'est parce
qu'elle en apprécia toutes les grandeurs qu'elle en fut ravie et troublée.
Mais dans ce trouble elle tourna son humble cœur vers le Seigneur qui ne
pouvait pas lui refuser ses demandes, et elle lui demanda du plus profond
de son âme une nouvelle lumière et un secours particulier pour se conduire
selon son bon plaisir dans une affaire d'une si grande importance; parce
que, comme j'ai dit dans le chapitre précédent, le Très-Haut la laissa pour
opérer ce mystère dans l'état commun de la foi, de l'espérance et de la charité,
lui suspendant les autres sortes de faveurs intérieures auxquelles
d'ordinaire elle était élevée. 564> Dans cette disposition elle repartit à saint Gabriel ce que saint
Luc rapporte : "Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point
mon mari ?" En même temps, elle représentait en
elle-même au Seigneur le vœu de chasteté qu'elle avait fait, et les
épousailles que sa divine Majesté avait contractées avec elle.
§ 134
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L'ambassadeur céleste lui
répondit : "Noble Dame, il est facile au pouvoir divin de vous
rendre mère sans que vous connaissiez aucun homme ; le Saint-Esprit
surviendra en vous par sa présence, il s'y trouvera d'une manière nouvelle,
et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre , afin que le Saint des saints, qui
sera appelé le Fils de Dieu, puisse naître de vous. Je vous déclare aussi
que votre cousine Élisabeth a conçu un fils dans sa vieillesse, et que
celle qu'on appelle stérile est présentement dans le sixième mois de sa
grossesse , car rien n'est impossible à Dieu;
et Celui qui peut faire concevoir et enfanter une stérile, peut bien,
illustre Dame, faire que vous deveniez sa Mère, tout en ne cessant point
d'être vierge, et en marquant au contraire votre pureté d'un sceau plus inviolable.
565> Dieu donnera au Fils que vous
enfanterez le trône de David, son père, et il régnera à jamais dans la
maison de Jacob . Vous n'ignorez pas la prophétie
d'Isaïe, qui dit qu'une vierge concevra et enfantera un fils qui sera
appelé Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous . Cette prophétie est infaillible, et
elle doit être accomplie en votre personne. Vous savez aussi le grand
mystère du buisson ardent que Moïse vit brûler sans qu'il fût consumé ni
endommagé par le feu , pour signifier le rapprochement des
deux natures divine et humaine, sans que la seconde soit consumée par la
première; et pour montrer que la Mère du Messie le concevra et l'enfantera
sans le moindre préjudice de son intégrité virginale. Souvenez-vous aussi,
grande Dame, de la promesse que notre Dieu éternel fit au patriarche
Abraham, qu'après la servitude de sa postérité en Égypte, ses descendants
retourneraient en ce pays à la quatrième génération . Le mystère de cette promesse était
que Dieu humanisé rachèterait alors par votre moyen tous les enfants d'Adam
de l'oppression du démon. Et cette échelle que Jacob vit en songe fut une figure expresse du chemin
royal que le Verbe incarné ouvrirait, afin que les mortels montassent
au ciel et que les anges descendissent sur la terre, où le Fils
unique du Père descendrait pour y converser avec les hommes, et
leur communiquer les trésors de sa divinité par la participation des vertus
et des perfections qui se trouvent en son être immuable, et éternel".
§ 135
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566> Le saint
archange informa la très-pure Marie par ces raisons et par plusieurs
autres, dissipant par l'autorité des anciennes promesses et des prophéties
de l'Écriture le trouble que son ambassade lui avait causé, aussi bien que
par la foi et par la connaissance qu'elle avait, de toutes ces choses et du
pouvoir infini du Très-Haut. Mais comme notre auguste Reine surpassait les
anges même en sagesse, en prudence et en sainteté, elle différait sa
réponse pour la donner avec autant de solidité qu'elle la donna, parce
qu'elle fut telle que l'exigeait le plus grand des prodiges de la puissance
divine. Cette dame considéra avec beaucoup de réflexion, que de sa réponse
dépendaient le dégagement de la parole de la très-sainte Trinité,
l'accomplissement de ses promesses et de ses prophéties, l'oblation du plus
agréable sacrifice qui lui eût été encore offert, l'ouverture des portes du
paradis, la victoire et le triomphe sur l'enfer, la rédemption de tout le
genre humain, la satisfaction de la justice divine, l'établissement de la
nouvelle loi de grâce, la gloire des hommes, la joie des anges; et tout ce
qui est renfermé dans l'incarnation du Fils unique du Père, et qui se
trouve caché sous cette adorable forme de serviteur qu'il devait prendre
dans le sein virginal de Marie .
§ 136
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567> C'est à la vérité une merveille bien
grande et bien digne de notre admiration que le Très-Haut laissât entre les
mains d'une jeune femme tous ces mystères et tant d'autres qui s'y trouvent
renfermés, et que le tout dépendit de son flat. Mais aussi ce fut avec
beaucoup de sûreté qu'il s'en rapporta à la sagesse et à la discrétion de
cette femme forte et sublime, qui, après avoir médité ce que Dieu lui
proposait, ne trompa point la confiance qu'il avait mise en elle . Aux opérations qui ont lieu au dedans
de Dieu, la coopération des créatures est inutile, et Dieu ne l'attend pas
pour opérer au dedans de lui-même; mais il en est autrement des œuvres
contingentes du dehors, et comme son Incarnation fut la plus grande et la
plus excellente de toutes, il ne voulut pas l'exécuter sans la coopération
et sans le consentement de la très-pure Marie, afin de donner par son moyen
cette perfection à toutes les autres, et afin que nous fussions obligés de
ce bienfait à la Mère de la sagesse et à notre Restauratrice.
§ 137
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Cette auguste Dame considéra et
parcourut attentivement le champ immense de la dignité de Mère de Dieu,
qu'il s'agissait d'acheter par un fiat; elle fut revêtue d'une force
plus qu'humaine, elle goûta et elle vit que le commerce de la Divinité
était bon. Elle connut les voies de ses bienfaits cachés, elle s'orna de
force et de beauté . 568> Et lorsqu'elle eut conféré avec elle-même et avec
l'ambassadeur céleste sur la grandeur de mystères si hauts et si divins,
lorsqu'elle fut bien pénétrée de l'objet de l'ambassade qu'elle recevait,
son très-pur esprit fut ravi et absorbé dans l'admiration, dans le respect
et dans un très-ardent amour de Dieu. À la suite de ces mouvements si vifs
et de ces affections si véhémentes, et comme par leur effet naturel, son
très-chaste cœur fut comme étreint et pressé par une force qui lui fit
distiller trois gouttes de son très-pur sang dans son sein virginal, où le
corps de notre Seigneur Jésus-Christ fut conçu et formé d'elles par
l'opération et par la vertu du Saint-Esprit, de sorte que le cœur de la
très-pure Marie a réellement et véritablement fourni, à force d'amour, la
matière dont la très-sainte humanité du Verbe fut formée pour notre
rédemption. Et tout cela arriva su moment où elle prononçait avec une
humilité ineffable (ayant la tête un peu inclinée et les mains jointes) ces
paroles qui furent le commencement de notre réparation : "Ecce
ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum" .
§ 138
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page
Ce fiat, si doux aux
oreilles de Dieu et si favorable pour nous, ayant été prononcé, quatre
choses furent opérées dans un instant. La première fut le très-saint corps
de notre Seigneur Jésus-Christ, qui fut formé de ces trois gouttes de sang
que le cœur de la sacrée Vierge fournit. La seconde fut la création de la
très-sainte âme du même Seigneur, car elle fut aussi créée. La troisième
fut l'union de l'âme et du corps du Sauveur, union qui donna a son humanité
toute la perfection dont elle était capable. 569> Enfin la quatrième fut l'union hypostatique de la
Divinité en la personne du Verbe avec l'humanité, qui par cette union
devint le suppôt de l'incarnation ; de sorte que Jésus-Christ fut formé Dieu
et homme véritable, pour être notre Seigneur et notre Rédempteur. Cette
merveille arriva un vendredi, vingt-cinquième de mars, à la pointe du jour,
dans l'année dé la création du monde 5199, selon que l'Église romaine,
inspirée par le Saint-Esprit, le raconte dans le Martyrologe, et à la même
heure que notre père Adam fut formé. Cette supputation est la véritable, et
c'est ce qui m'a été déclaré, l'ayant demandé par ordre de l'obéissance.
Conformément à cela, le monde fut créé dans le mois de mars, qui répond au
commencement de la création; et parce que les œuvres du Très-Haut sont
toutes parfaites et achevées , les plantes et les arbres sortirent
de la main de sa divine Majesté avec leurs fruits, et ils ne les eussent
jamais perdus si le péché n'eût altéré et corrompu toute la nature, comme
je le dirai, s'il plait à Dieu, dans un autre traité; et je ne le dis pas
présentement parce qu'il n'est pas nécessaire à celui-ci.
§ 139
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page
Dans le même instant que le
Tout-Puissant célébra les épousailles de l'union hypostatique dans le sein
de la très-sainte Vierge, elle fut élevée à la vision béatifique où la
Divinité lui fut manifestée intuitivement, et elle y connut de très-hauts
mystères dont je parlerai dans le chapitre qui suit. 570> Elle y découvrit notamment le sens
secret des chiffres, qui se trouvaient dans l'ornement qu'elle reçut, et
dont j'ai parlé au chapitre septième, et elle eut aussi connaissance de
ceux que les anges portaient. Le divin Enfant croissait dans ce lieu sacré
par l'aliment, par la substance et par le sang de sa très-sainte Mère,
ainsi que les autres le font, quoiqu'il fut exempt de plusieurs choses que
les enfants d'Adam souffrent dans cet état, la Reine du ciel n'ayant pas
été sujette à de certains accidents qui ne sont pas essentiels à la
génération, mais inhérents au péché, puisque cette nourriture que les
autres mères descendantes d'Ève fournissent à leurs enfants avec des
imperfections qui leur sont naturelles et communes, la très-sainte Vierge
la fournissait au sien en exerçant des actes héroïques de toutes les
vertus, et singulièrement de la charité. Et comme les opérations ferventes
et les affections amoureuses de l'âme émeuvent le sang et les humeurs, par cette
émotion la divine Providence communiquait à ce divin Enfant l'aliment
naturel dont son humanité avait besoin pour se nourrir, pendant que sa
divinité se récréait par la complaisance qu'elle prenait dans L'exercice
des vertus héroïques de sa Mère. De sorte que la sacrée Vierge fournit au
Saint-Esprit, pour la formation du corps, un sang pur et limpide, comme
étant conçue sans péché et exempte de ses suites. 571> Et bien loin de donner à son divin Enfant un sang
impur et imparfait, comme les autres mères le donnent aux leurs, elle lui
donnait le plus pur, le plus substantiel et le plus délicat, parce qu'elle
le lui communiquait à force d'affections d'amour et des autres vertus.
Comme elle savait qu'elle devait partager la nourriture qu'elle prenait avec
le Fils de Dieu et le sien elle la prenait toujours avec des dispositions
si saintes; que les esprits célestes étaient ravis en admiration de voir en
des actions si communes tant de mérites pour elle et tant de sujets de
complaisance pour le Seigneur.
§ 140
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Cette divine Dame fût mise en
possession de la dignité de Mère de Dieu avec des privilèges si éminents,
que tout ce que j'ai dit jusqu'à présent, et que je dirai dans la suite,
est fort au-dessous de leur excellence; il ne m'est pas possible de les
expliquer, parce que l'entendement humain ne les saurait dûment concevoir,
et les plus doctes même ne trouveront pas des termes assez justes pour
exprimer ce qu'ils eu pourront découvrir. Les humbles, qui sont
expérimentés en l'amour divin, en connaîtront quelque chose par la lumière
infuse et par un certain goût intérieur qui fait pénétrer le secret de
pareils mystères. L'auguste Marie ayant été élevée si haut et si ennoblie
par cette nouvelle et merveilleuse assistance de la Divinité dans son sein
virginal, ne devint pas seulement le ciel, le temple et la demeure de la
très-sainte Trinité, mais cette pauvre, maison et ce petit oratoire furent
aussi consacrés pour servir de nouveau sanctuaire au Seigneur. 572> Les esprits angéliques qui y
assistaient comme témoins de ce prodige, exaltaient le Tout-Puissant avec
une joie indicible; ils le bénissaient en la compagnie de cette
très-heureuse Mère par de nouveaux cantiques de louange, et ils lui
rendaient de continuelles actions de grâces en son nom et en celui du genre
humain, qui ignorait le plus grand de ses bienfaits et les plus tendres
marques de ses miséricordes.
Instruction de la Mère de Dieu
§ 141
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Ma fille, je vous vois dans
l'admiration, et c'est avec raison, puisque vous venez d'apprendre par une
nouvelle révélation le mystère dans lequel vous découvrez que la Divinité
s'est humiliée jusqu'à s'unir avec la nature humaine dans le sein d'une
pauvre fille comme j'étais. Je veux dire, ma très-chère, que vous employiez
votre plus forte attention à considérer que Dieu ne s'abaissa pas de la
sorte pour moi seule, mais qu'il le fit aussi bien pour vous que pour moi . Le Seigneur est infini en miséricorde
et son amour n'a point de bornes; il prend un aussi grand soin d'une seule
âme qui le reçoit, il se plait autant avec elle, que s'il n'en eût point
créé d'autres; et qu'il ne se fût fait homme que pour elle seule. 573> C'est pourquoi vous devez vous considérer comme
étant seule dans le monde pour y reconnaître avec les plus ardentes
affections la venue du Seigneur; ensuite vous lui rendrez des actions de
grâces de ce qu'il y est venu également pour tous. Que si vous pénétrez
avec une vive foi que le même Dieu, dont les attributs sont infinis et la
majesté éternelle, est descendu pour prendre chair humaine dans mon sein;
que c'est lui-même qui vous cherche, qui vous appelle, qui vous caresse, et
qui se donne tout à vous comme si vous étiez l'unique de ses créatures,
cette pénétration vous fera sans doute découvrir ce à quoi un effet si
admirable de sa bonté vous oblige, et vous fera changer cette admiration en
des actes animés d'une foi la plus ferme et d'un amour le plus ardent,
puisque vous êtes redevable de tout cela à un tel Roi et Seigneur, qui a
daigné venir à vous lorsque vous ne le pouviez ni chercher ni trouver.
§ 142
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Tout ce que cet adorable
Seigneur vous peut donner hors de lui-même, vous paraîtrait fort grand,
même en ne l'envisageant qu'au point de vue et avec des sentiments humains,
sans élever votre esprit à ce souverain bien ; tant il est vrai que tout ce
qui vient de la main d'un si grand Roi est digne d'une très-haute estime.
Mais si vous le considérez en lui-même, à la lueur du divin flambeau de la
foi, et si vous êtes assurée, comme vous le devez être, qu'il vous a rendue
capable de sa Divinité; alors vous verrez que si Dieu ne se donnait pas à
vous, tout ce qui est créé vous semblerait un néant, et deviendrait pour
vous un objet de mépris; cette seule pensée satisfera tous vos désirs, et
vous comblera de consolation, lorsque vous ferez attention que vous avez un
Dieu si amoureux, si aimable, si puissant, si doux, si riche; 574> et qu'étant si infini en tontes
choses, il a daigné s'humilier jusqu'à votre bassesse, pour vous relever de
la poussière, pour enrichir votre pauvreté, et pour voué rendre l'office de
pasteur, de père, d'époux et d'ami très-fidèle.
§ 143
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Or prenez bien garde, ma fille,
aux effets que ces vérités produiront au fond de votre cœur. Faites de
sérieuses réflexions sur le très-doux amour que ce grand Roi vous témoigne par
sa sollicitude continuelle, par les caresses et les faveurs qu'il vous
prodigue, par les tribulations qu’ il vous envoie, par le don du flambeau
que sa divine science a allumé dans votre âme, afin qu'elle connût à fond
les grandeurs infinies de son être, le caractère admirable de ses œuvres et
les mystères les plus cachés, la vérité eu toutes choses et le néant de ce
qui est visible. Cette science est le principe essentiel et la base
fondamentale de la doctrine que je vous ai enseignée, pour vous faire apprécier
avec combien de respect et de retour vous devez recevoir les bienfaits du
Seigneur votre Dieu, votre véritable bien, votre trésor, votre lumière et
votre guide. Regardez-le comme un Dieu infini, amoureux et terrible. Soyez
attentive à mes paroles et à mes instructions; vous trouverez en elles la
parure de votre cœur et la lumière de vos yeux.
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Anne-Catherine
Emmerich (1774–1824)
"La vie de la Vierge
Marie" – Presses de la Renaissance – 2006 – pages 164 à 167).
…
La chambre à coucher de la Sainte Vierge était située
dans la partie arrière de la maison, près du foyer [qui n'était pas, comme
dans la maison d'Anne, situé au milieu du logis, mais sur un côté. L'entrée
de l'habitation était près de la cuisine]. On devait monter trois marches
de biais pour accéder à la chambre de Marie, car le sol de cette partie de
la maison était surélevé sur un affleurement de rocher. Vis-à-vis de la
porte, la chambre était arrondie, constituant une alcôve séparée du reste
de la pièce par une cloison de vannerie arrivant à hauteur d'homme : c'est
là que se trouvait la couche de Marie, roulée [pendant la journée]. Les
murs de la chambre étaient revêtus jusqu'à une certaine hauteur par un
treillis de marqueterie un peu plus robuste que les légers paravents
amovibles : on y avait employé du bois de plusieurs couleurs pour
constituer un dessin en petit damier. Le plafond de la chambre était étayé
par quelques poutres parallèles entre lesquelles était tendu un clayonnage
orné de figures d'étoiles.
Le jeune homme lumineux qui m'accompagne toujours me conduisit dans cette
chambre, et j'y vis ce que je vais relater, m'efforçant de le faire aussi
bien que le peut une misérable personne comme moi.
Dès qu'elle fut entrée, la Sainte Vierge passa derrière le paravent, et
revêtit une longue robe de laine blanche, avec une large ceinture ; elle se
couvrit la tête d'un voile blanc jaunâtre. Pendant ce temps, la servante
entra à son tour, portant un lumignon, et elle alluma une lampe à plusieurs
bras suspendue au plafond ; puis elle se retira. La Sainte Vierge prit une
petite table basse qui était rangée contre le mur ; la dépliant, elle la
dressa au milieu de la pièce. [Placé contre le mur, ce meuble se présentait
comme un plateau rabattu sur deux pieds. Marie le plaça à l'horizontale et
tira en avant un autre pied qui était plié, si bien que la table reposait à
présent sur trois pieds. Le plateau était arrondi du côté où il s'appuyait
sur le troisième pied.] Il était recouvert d'un tapis rouge et bleu [,
retombant du côté où il n'était pas arrondi et formant une frange], au
milieu duquel était brodée ou cousue une figure : je ne me rappelle plus si
c'était une lettre ou un motif ornemental. [Sur une nappe blanche dépliée du
côté arrondi de la table,] un rouleau de parchemin était déployé.
La Sainte Vierge avait dressé ce meuble au milieu de la pièce, un peu sur
la gauche, entre l'alcôve où elle dormait et la porte, là où le sol était
recouvert d'un tapis. Elle posa devant la table un petit coussin rond pour
s'agenouiller et, prenant appui des deux mains sur le meuble, elle se mit
lentement à genoux. La porte de la chambre était à droite devant elle, et
elle tournait le dos à sa couche. Elle baissa le voile sur son visage et joignit
les mains sur sa poitrine, mais sans croiser les doigts. Elle pria
longtemps ainsi, le visage tourné avec ferveur vers le ciel. Elle demandait
la venue de la Rédemption, du roi promis, implorait la grâce d'avoir, par
sa prière, quelque part à sa mission. Elle demeura longtemps agenouillée,
ravie en sa prière, puis elle pencha doucement la tête sur sa poitrine.
Et voici que, du plafond de la chambre, descendit suivant une ligne
oblique, un peu à sa droite, une telle masse de lumière que je fus obligée
de détourner les yeux vers le mur, là où était la porte. Dans cette lumière
se tenait un adolescent d'une blancheur éclatante, aux longs cheveux blonds
flottants, qui alla vers Marie. C'était l'ange Gabriel. Il lui parla, tout
en écartant doucement les bras. Et je vis ses paroles sortir de sa bouche
comme des lettres de feu, je les lus, je les entendis. Marie tourna quelque
peu sa tête voilée vers la droite, mais, dans sa modestie, elle ne leva pas
les yeux. L'ange continua de parler : alors, comme si elle obéissait à un
ordre, Marie tourna son visage vers lui, souleva un peu son voile et
répondit. L'ange parla encore. Marie releva tout à fait son voile, regarda
l'ange et prononça les paroles sacrées : « Voici la servante du Seigneur,
qu'il m'advienne selon ta parole. »
La Sainte Vierge était dans un profond ravissement ; la lumière emplissait
la chambre, je ne voyais plus l'éclat de la lampe qui brûlait, ni le
plafond de la pièce. Le ciel semblait s'être ouvert, une traînée lumineuse
était apparue au-dessus de l'ange, et je vis à l'extrémité de ce fleuve de
lumière une figure de la très sainte Trinité, tel un triangle de lumière
dont les rayons s'entre-pénétraient ; et j'y reconnus ce que l'on ne peut
qu'adorer, que l'on ne peut jamais exprimer, Dieu tout-puissant, le Père et
le Fils et le Saint-Esprit, et cependant un seul Dieu tout-puissant.
Quand la Sainte Vierge dit : « Qu'il me soit fait selon ta parole », je vis
une apparition ailée du Saint-Esprit, qui ne ressemblait pas exactement à
la figuration habituelle sous forme de colombe : sa tête était comme un
visage d'homme, de la lumière partait de son corps en s'élargissant comme
des ailes, s'écoulant de sa poitrine et de ses mains en trois courants
lumineux qui se répandaient sur la Sainte Vierge, pénétrant dans son côté
droit où ils se réunissaient. [Touchée au cœur par cette lumière qui
prenait possession d'elle,] la Sainte Vierge en fut tout illuminée et
devint comme transparente : ce fut comme si les ténèbres s'écartaient
d'elle, comme la nuit reflue devant le jour. Elle fut alors si irradiée de
cette lumière qu'il n'y avait en elle plus rien d'obscur ni d'opaque : elle
était resplendissante et comme illuminée en son être entier. Après cette
effusion lumineuse, je vis l'ange disparaître, la voie lumineuse d'où il
était sorti se retira, c'était comme si le ciel ramenait en soi ce fleuve
de lumière. [Et une pluie de roses blanches encore fermées, au feuillage
verdoyant, se répandit sur Marie.]
Pendant que je contemplais ces choses qui se déroulaient dans la chambre de
la Sainte Vierge, j'eus une expérience personnelle tout à fait singulière :
en proie à une profonde angoisse, comme si l'on m'avait tendu des pièges,
je vis un horrible serpent qui, rampant à travers la maison, montait sur
les marches jusqu'à la porte près de laquelle je me tenais. Le monstre
avait atteint la troisième marche quand la lumière investit Marie. Ce
serpent, de la taille d'un enfant, dardait une tête large et plate, il
avait à la hauteur de la poitrine deux courtes pattes membraneuses armées
de griffes, un peu comme les ailes des chauves-souris, dont il s'aidait
pour ramper. Tacheté de toutes sortes de couleurs hideuses, il rappelait le
serpent du Paradis, avec quelque chose de plus repoussant. Quand l'ange
quitta la chambre de la Sainte Vierge, il piétina la tête du monstre, qui
poussa un cri si affreux que j'en frémis. Et je vis apparaître trois
esprits angéliques qui, frappant le répugnant reptile à coups de pied, le
chassèrent de la maison.
Après le départ de l'ange, la Sainte Vierge absorbée en une profonde extase
contempla en elle-même l'incarnation du Rédempteur promis, qu'elle adorait
sous la forme d'un petit corps humain resplendissant, parfaitement formé et
pourvu de tous ses membres, jusqu'aux doigts minuscules. Oh, ici à
Nazareth, c'est tout autre chose qu'à Jérusalem : là-bas, les femmes
doivent se tenir dans le parvis, elles n'ont pas le droit de pénétrer dans
le Temple, seuls les prêtres entrent dans le sanctuaire. Mais ici, à
Nazareth, ici dans cette église, c'est une vierge qui est elle-même le
sanctuaire, et le Saint des saints est en elle, et le grand prêtre est en
elle, et elle est seule à se tenir près de lui ! Comme tout cela est
touchant et merveilleux, et pourtant si simple et naturel ! Les paroles de
David, dans le psaume 46, se trouvaient accomplies : "Le Très-Haut a
sanctifié sa demeure, Dieu est en elle, elle ne peut chanceler."
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Consuelo (contemporaine)
"Marie, Porte du Ciel" -
Editions du Parvis – 1992 – Pages 47 à 50
Chapitre 4. L'Incarnation du Fils de Dieu
Je me trouvais abîmée en présence de Dieu quand
m'apparut un ange qui, sans perdre son apparence d'homme, resplendissait
comme un soleil: j'avais l'habitude de voir les esprits célestes et ils
avaient en général l'aspect humain. Ils se distinguaient des hommes par
leurs paroles, leurs œuvres et un maintien singulier. C'est seulement quand
ils venaient de la part de Dieu qu'ils étaient très lumineux. Au ciel, les
messages se transmettent par illumination: Dieu illumine les anges qui lui
sont les plus proches, et ces anges qui sont au service du Saint des Saints
illuminent à leur tour ceux qui se trouvent sur un plan inférieur: ils
irradient la lumière divine les uns vers les autres. Au ciel tout est
lumière; c'est pour quoi les messages se transmettent et se reçoivent par
illumination. Un rayon de cette divine lumière m'atteignit et m'encercla.
L'ange du Seigneur me dit: "Dieu te salue, Marie", et avec une
voix très douce, comme pour ne pas m'effrayer ni éveiller en moi de
méfiance, il continua à me parler: "Réjouis-toi, pleine de grâce, le
Seigneur est avec toi, bénie sois-tu entre les femmes."
Une fois écoutées ces paroles, je ne sus que faire et mon cœur se troubla.
L'ange me dit :
"Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici
que tu concevras dans ton sein et tu mettras au monde un fils à qui tu
donneras le nom de jésus. Il sera grand et il sera appelé le Fils du Très-Haut.
Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père; il règnera sur la maison de
Jacob à jamais et son règne n'aura point de fin."
Mais Marie dit à l'ange : "Comment cela se fera-t-il puisque je ne
connais point d'homme ?" L'ange lui répondit: "L'Esprit-Saint
viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre;
c'est pourquoi l'enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Et voici
qu'Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils en sa
vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la
stérile; car rien n'est impossible à Dieu." Marie dit alors: "Je
suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!" Et
l'ange la quitta." (Luc 1,28.30-38)
§ 4.1
La liberté des enfants de Dieu
Toute la lumière qu'il y avait dans la salle m'environna: je compris
la grandeur de Dieu et la petitesse de sa servante.
L'Esprit-Saint planait sur moi en attendant que je prononce les paroles si
importantes. La Très Sainte Trinité attendait, pleine de respect, qu'une
jeune vierge prononce le "oui"! Cette attitude démontrait le
respect qu'avait Dieu notre Seigneur pour tous les êtres créés: car s'il en
avait été autrement, il n'aurait pas doté l'homme de liberté, ce don
précieux que cet homme ne sait souvent pas utiliser comme il le devrait.
Puisque j'avais été créée d'argile, comme tous les hommes, je jouissais
aussi de la liberté, puisque la volonté ne m'avait été ni retirée, ni
diminuée: tout au contraire, car la grâce exalte les puissances de l'âme et
j'avais reçu de Dieu dons et grâces à pleines mains.
J'étais donc libre de décider si j'acceptais ou non la proposition que
m'avait apportée l'envoyé de Dieu.
Je savais que les portes du ciel étaient fermées à tous les hommes et cela,
je ne pouvais l'oublier; je ne pouvais non plus repousser l'appel amoureux
de mon Dieu, puisque mon âme se délectait à faire sa volonté.
Par la grande miséricorde de Dieu, et non pas à cause de mes propres
mérites, j'ai été préservée du péché: j'étais sans faute, je ne pouvais
donc pas pécher. Mais par disposition divine, ce secret avait été
soigneusement gardé: mystères insondables, pleins d'amour et de tendresse
qui, chez l'homme, sans qu'il s'en aperçoive, produisent des merveilles !
C'est ainsi que, sans le savoir, je me suis davantage exercée à l'amour,
j'ai pratiqué les vertus avec plus de perfection et celles-ci ont fait
grandir en moi la grâce.
J'ai toujours vécu dans la crainte de Dieu, évitant, pour petite qu'elle
soit, toute chose qui puisse offenser mon Seigneur ou dévier sa volonté.
Ma fille, je veux que tu écrives que je n'ai pas été forcée; que j'ai
accepté librement cette haute mission d'être la Mère de Dieu et des hommes.
L'amour que j'ai eu pour le Tout-Puissant, depuis ma plus tendre enfance,
m'a conduite à accepter toujours de bon gré sa divine volonté, car les deux
volontés, celle de Dieu et la mienne, allaient toujours de pair: au
préalable, je ne désirais rien que Lui n'eût désiré auparavant. Mon âme
était immergée en Dieu et en Lui je trouvais mes délices. Comment ne pas
faire sa volonté, si là était ma vie ? Comment dire "non" à mon
doux Maître ? J'étais éprise de Lui. Est-ce qu'une Bien-aimée peut se
refuser à l'appel amoureux de son Bien-aimé ?
Le ciel entier était attentif à mes paroles: les trois Personnes divines
m'observaient en silence. Les saints patriarches et les prophètes
imploraient Dieu et bénissaient son nom. Les astres interrompaient leur
mouvement et toute la création s'était arrêtée un moment dans l'attente du
grand événement, parce que quelque chose de merveilleux et de nouveau
allait changer la face de la terre. Et la joie contenue des anges, qui
contemplaient en extase le mystère, formait comme un murmure plein de la
gloire de Dieu.
Dans le profond silence, chargé de mystère, ma petitesse, émerveillée
devant la divinité, s'exclama : "Je suis la servante du Seigneur:
qu'il m'advienne selon ta parole." (Lc 1,38)
Au moment de dire "qu'il m'advienne", le Verbe divin prit
possession de mon être. Mon âme était déjà le Tabernacle du Très-Haut et
mon sein virginal, la chambre nuptiale de mon Seigneur. Sous l'emprise de
la joie, je commençai à dire à mon Maître :
"Que mon Bien-aimé entre dans son jardin" Ct 4,16)
Car mon aimé est à moi et moi je suis à Lui.
"Mon Bien-aimé a passé la main par le trou de la porte; et du
coup mes entrailles ont frémi. Je me suis levée pour ouvrir à mon
Bien-aimé" Ct 5,4-5), pour qu'il prenne possession de sa demeure.
Quand j'eus fini de prononcer ces mots, l'archange saint Gabriel s'agenouilla,
inclina la tête, joignit ses mains et disparut, profondément absorbé dans
sa prière. C'est que la grande œuvre, le merveilleux mystère de
l'Incarnation avait commencé, et le salut des hommes se trouvait déjà dans
mon sein virginal.
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Commentaires des récits synoptiques des voyantes.
Toutes
les voyantes confirment que la jeune Marie était en prière au moment de
l'Annonciation. A.C. Emmerich, comme M. Valtorta précisent même que la
prière concernait la venue du Messie attendu.
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