Dans cet ouvrage, Jean Aulagnier se livre à une approche scientifique de la
naissance du christianisme. La référence à Maria Valtorta est implicite. La
note ci-contre répond à quelques exégèses particulièrement en cour.
Marie de Magdala
selon Maria Valtorta.
|
Dans le contexte général de l'examen des traditions, il convient
de faire litière de certaines affirmations, aussi gratuites que récentes,
concernant Marie-Madeleine : une école — écoutée, hélas !— de
"modernes" répand en effet l'idée que Marie, sœur de Lazare et
Marie-Madeleine (ou de Magdala) sont deux personnes distinctes. Certains,
dans la foulée de pseudo-révélations privées, vont même jusqu'à attribuer à
Lazare et à Marthe une ou deux sœurs en plus de Marie. Il n'est pas jusqu'à
MM. Monloubou et du Buit qui, dans leur Dictionnaire biblique universel, qui
fait autorité, n'écrivent (à la page 454) : "Marie de Béthanie ne peut
être confondue ni avec Marie de Magdala, et encore moins avec la pécheresse
anonyme (chez le pharisien Simon)"...
Il serait intéressant de savoir sur quoi ces spécialistes se fondent pour
affirmer cela, en dehors de l'idée... qu'il ne peut en être autrement parce
que les évangélistes ne le précisent pas !
Il y a de nombreuses manières de retrouver dans les textes sacrés des
réalités non explicitées directement, et le cas de Marie semble exemplaire à
cet égard. Qu'en disent les évangélistes ?
la pécheresse anonyme chez le pharisien est
une grande pécheresse, audacieuse (Luc 7,37 et 38 - 7, 47) en cours de repentir,
et l'incident se situe vers le milieu de la vie publique de Jésus,
par la suite (Luc 8, 1) Marie de Magdala,
guérie de sept démons, suit jésus,
plus tard (Luc 10, 39) Marthe, sœur de
Lazare, reçoit Jésus chez elle. Sa sœur Marie est là, qui boit littéralement
les paroles du Seigneur ; cela se passe avant la mort de Lazare. Lorsque
celle-ci intervient, peu de semaines avant la fin de la vie publique de
Jésus, — elle va déclencher la décision meurtrière des Juifs (Jean 11, 53) —
Marie, sa sœur est encore là.
Et, comme nous l'avons vu précédemment, le samedi, veille des Rameaux, c'est
avec un parfum de grand prix que Marie oignit les pieds de Jésus (Jean 12,
3), dans un geste tout à fait semblable et tout aussi incompris que celui de
la pécheresse anonyme chez le pharisien, sauf pour jésus.
enfin Marie de Magdala (l'ex-Marie de
Magdala, guérie par Jésus, et qui était toujours présente là où allait Jésus,
chaque fois qu'elle le pouvait) se trouve au pied de la Croix (Matthieu
27,56), à l'ensevelissement de Jésus (Marc 15,47), au tombeau au matin de la
Résurrection (Jean 20,1 - Matthieu 28,1).
En quoi y a-t-il là quelque incompatibilité à ce qu'il s'agisse tout au long
de la même personne ?
- pas d'incompatibilité dans le temps,
- pas d'incompatibilité dans l'audace,
- pas d'incompatibilité dans les attitudes.
N'est-ce pas finalement une grâce donnée à une grande pécheresse repentie que
de lui faire ressentir où est "la meilleure part" (Luc 10,42),
tournée uniquement, par la suite vers l'Amour de SON Dieu ?
Si cet ensemble de compatibilités fort diverses, qui a très peu de
probabilité d'être dû au seul hasard, ne suffit pas à entraîner l'adhésion du
lecteur, je lui propose encore de répondre à cette question :
Comment Marie, sœur de Lazare, toute en adoration devant Jésus, Marie, sœur
de Lazare, bravant le qu'en dira-t-on en ayant au repas de Béthanie, la
veille des Rameaux, la même attitude forte envers Jésus que la pécheresse
chez Simon le pharisien, comment cette femme, six jours plus tard,
n'aurait-elle pas été au premier rang de celles qui bravèrent la foule
excitée au pied de la Croix ? comment n'aurait-elle pas été dans les
premières, sinon la première, à se rendre au Tombeau au matin de la
Résurrection ?
Or que nous disent avec un bel ensemble les quatre évangélistes ? Que Marie
de Magdala était là. Qui seraient donc ces deux Marie, l'une disparaissant
quand l'autre apparaît, sinon, évidemment, une seule et même personne ?
Enfin, après tout ce que nous venons de voir, concernant les faits relatifs à
la venue en Provence de Lazare et de ses sœurs, si Marie-Madeleine n'était
pas Marie de Béthanie, sœur de Lazare, la même question se pose : où est
passée cette dernière, tandis que Marie-Madeleine accompagne Lazare et Marthe
? Ou encore : pourquoi Marie-Madeleine, retirée à la Sainte Baume,
choisit-elle de poursuivre ses jours dans l'attitude même, contemplative et
d'adoration, dans son ermitage, qui était celle de Marie de Béthanie du
vivant de Jésus sur Terre ?
Voilà le type de raisonnement, et le seul, qu'il convient d'utiliser pour
traiter au fond tous les problèmes relatifs au vécu des personnages présentés
par les rédacteurs des textes sacrés de la foi chrétienne. C'est bien le seul
qui élimine en effet la subjectivité a priori, cette sournoise ennemie des
exégètes.
Que d'affirmations gratuites se révélant le plus souvent pour le moins
douteuses à l'analyse, sont ainsi essaimées de nos jours, sans le moindre
commencement d'explications, de rapprochements, de comparaisons sur des faits
précis, et cela sous les apparences d'une exégèse qui ose se dire
scientifique et qui n'est — au mieux — que subjectivité littéraire ou
philosophique.
N'est-ce pas là l'occasion de citer cette définition du premier concile
Vatican I :
"Lorsque la raison, éclairée par la foi, cherche avec soin, piété,
modération, elle acquiert par le don de Dieu quelque intelligence très
fructueuse des mystères, tant par l'analyse des choses qu'elle connaît naturellement,
que par la liaison des mystères entre eux et avec la fin dernière de
l'Homme".
|