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RETOURS
AUX FICHES
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Mercredi 8 novembre 1950.
Romains 12 et 13.
285> « Un sacrifice vivant, un culte raisonnable ».
Les sacrifices étaient la base et la forme
de la religion ancienne. Tout
était invoqué et tout a été expié au moyen de sacrifices. C'est par le
sacrifice qu'on entendait honorer Dieu, l'apaiser, ou le remercier pour une
victoire ou une guérison. C'était la période des sacrifices matériels. Il
était normal qu'il en fût ainsi, puisqu'il n'y avait pas d'autres rituels, ni
d'autres façons manifestes pour honorer l'Eternel et en invoquer le secours.
L'homme n'avait pas encore été instruit par la Parole incarnée, il ne
disposait pas de Victime sainte pour un Sacrifice perpétuel et parfait.
Cependant il était conscient, même par la loi naturelle, que le Créateur, le
Dieu vrai ou le dieu adoré dans chacune des religions, était en droit de
recevoir des offrandes à partir des dons qu'il avait faits aux hommes. Alors
cet homme avait recours aux animaux et aux fruits de la terre. Il les
consumait par le feu afin qu'ils soient vraiment sacrifiés.
S'agissait-il du "sacrifice vivant" ? Non. Il s'agissait de sacrifices
d'animaux, ou de produits de la terre. Les premiers étaient déjà morts, les
seconds déjà arrachés à la terre qui les avait nourris. Il n'y avait pas de
victime vivante placée là pour consommer son sacrifice en l'honneur de Dieu.
Alors le sacrifice était toujours quelque chose de relatif, même s'il était
constitué d'animaux de grosse taille, dont la valeur matérielle était très
importante.
Jamais, avant que le Christ-Agneau ne se laisse immoler pour apaiser la
colère divine et réparer les fautes humaines, jamais, en excluant les
religions idolâtres, un homme n'avait été sacrifié, ni ne s'était sacrifié,
pour donner à Dieu l'honneur parfait et la réparation parfaite. Par
conséquent le sacrifice était toujours relatif et imparfait, car pour les
péchés des hommes, pour ceux-là surtout, ce n'est pas le coupable qui était
immolé, mais des animaux, moins coupables que les hommes. Donc sur l'autel,
le vrai coupable était remplacé par des animaux. En attendant le temps du
sacrifice parfait, tous les péchés étaient ainsi expiés, grâce à la bonté de
Dieu qui avait lui-même donné ces prescriptions.
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286> Tous les péchés étaient expiés, excepté un:
le Péché originel. Pour effacer celui-ci, des montagnes entières de victimes
n'auraient pas suffi. Même si dans un unique acte sacrificatoire on eût
immolé tous les taureaux, tous les veaux, tous les agneaux, et toutes les
chèvres qui pendant des siècles ont transformé le Temple en abattoir, surtout
les jours de fête, avec des ruisseaux de sang et des nuages de fumée qui montait
des bûchers, un tel sacrifice n'aurait pas été suffisant pour effacer le
Péché originel.
Pour que l'esprit de l'homme fût recréé en Grâce, pour que l'homme fût réintégré
dans sa dignité de fils de Dieu, de cohéritier du Ciel; pour que la Justice
fût apaisée et le mal vaincu, il fallait une Victime parfaite, une Victime
unique. Il fallait qu'une telle Victime fût Dieu, ce Dieu même qui avait été outrage,
pour qu'elle puisse payer, de Dieu à
Dieu la rançon de l'homme et qu'elle puisse en même temps, en tant
qu'Homme Très Saint, expier pour l'homme pécheur.
Seulement Jésus pouvait apaiser Dieu et racheter l'homme, lui seul étant le
vrai Dieu et un vrai Homme.
Et Jésus a été sacrifié. Mais son Sacrifice n'a pas été consumé sur des
chairs mortes, mais sur des Chairs vivantes, sur lesquelles se sont accumulés
tous les tourments, pour expier tous les péchés dont l'Innocent s'était
chargé lui-même afin de les consumer tous.
Sacrifice total. Sacrifice de
l'esprit du Christ, éprouvé par l'abandon du Père, pour
réparer la faute de l'esprit d'Adam coupable d'avoir abandonné Dieu et sa
Loi. Sacrifice de l'intelligence parfaite du Fils de l'Homme, mise à
l'épreuve pour réparer l'orgueil d'Adam. Sacrifice de la chair innocente de l'Agneau
de Dieu, mise à l'épreuve pour réparer la luxure d'Adam. Et pour que l'homme,
toujours pécheur, ait pour toujours une victime parfaite pour son sacrifice,
le Christ, Pontife éternel, avant son immolation a institué à perpétuité le
sacrifice eucharistique.
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287> En ce sacrifice le Christ est encore
présent, et le sera toujours, avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité,
pour être lui-même offert et consommé sur les autels.
Sacrifice perpétuel et sacrifice vivant.
Le nouveau sacrifice de la Religion parfaite. « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Le
Verbe dit bien "est". Il emploie le temps présent. Effectivement
jusqu'à la fin des siècles le Sacrifice sera toujours nouveau. Et toujours,
en tout, le même que celui qui a été consumé par le Christ, toujours valide
auprès de Dieu pour le salut des hommes.
Mais au Sacrifice vivant qui se consume sur
les autels, l'homme doit ajouter son
propre sacrifice individuel, celui de toutes les heures, de toutes les
occupations, de tous les devoirs d'état, en esprit de soumission à la volonté
de Dieu, même si c'est une volonté de douleur. Ce sacrifice peut être corporel,
moral, ou spirituel. Maladie, pauvreté, travail épuisant, pour ce qui est de
la partie matérielle. Injustices, calomnies, incompréhensions, pour ce qui
est de la partie morale. Persécutions de la part des hommes, ou abandon de la
part de Dieu (qui éprouve la fidélité de son serviteur) pour ce qui est de la
partie spirituelle. Et encore: la fidélité à la Loi, pour vous garder
chastes, justes et aimants dans vos corps, dans vos pensées, vos sentiments
et vos esprits.
C'est cela qui, d'après Paul, constitue le culte raisonnable dû à Dieu plus
que les rites extérieurs. Non la forme seule, mais la substance du culte. Et
la substance est dans le renouvellement, un renouvellement constant du moi
individuel. Un renouvellement semblable à celui de tout le créé qui constamment
se renouvelle dans les animaux, les plantes, les saisons. Un renouvellement
constant spirituel et moral, pour se donner une nouvelle humanité, toujours
plus semblable au Christ. La substance du culte dû à Dieu est une ascension
continuelle, laborieuse, et parfois douloureuse, vers la perfection, dans le
but de vivre dans la volonté divine. C'est là le premier et le plus
fondamental de tous les désirs de Dieu concernant les créatures faites à la
ressemblance divine et prédestinées à la gloire. C'est qu'ils deviennent
saints pour pouvoir monter à l'habitation du Père, pour l'éternité.
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288> Ce renouvellement, cette transformation,
cette ascension vers la perfection, cette volonté humaine, est cependant plus
propre à l'homme dont la ressemblance avec le Père, l'union avec le Fils, et
la docilité à toutes les inspirations de l'Esprit-Saint s'acquiert. Elle
s'acquiert en agissant en tout et toujours selon ce que Dieu propose de
faire, dans la manière et dans la mesure qu'il le propose. De sorte que ses
dons ne restent pas inertes comme la semence tombée sur la pierre, mais
actifs comme la semence tombée en une terre très fertile. C'est alors qu'elle
donnera une grande plante, apte à nourrir de ses fruits sanctifiants non
seulement ceux qui déjà en jouissent, mais aussi tant d'autres, plus
malheureux que coupables, plus pauvres de Dieu parce qu'ils l'ignorent et
qu'il n'y a personne à les instruire, que parce qu'ils seraient indifférents
à Dieu.
Le bien du Corps mystique tout entier est
réalisé autant par celui qui parcourt les continents, et se consume au
travail apostolique pour amener des nouveaux chrétiens à l'Église militante,
que par celui qui prie et souffre en faveur des missionnaires, caché et
inconnu de tous. La petite Messe de ce dernier n'est pas moins agréable à
Dieu que celle du missionnaire qui est dans l'apostolat actif. En effet les
âmes-victimes sont des hosties, et leur lit est un Golgotha sur lequel elles
se consument en sacrifice pour le bien de beaucoup d'autres frères. Celui qui
écrit les révélations divines, parce que Dieu a fait de lui un révélateur,
contribue au bien des frères autant que celui qui écrit une œuvre de génie
pour rendre compréhensibles les points obscurs des saintes Écritures, ou les vérités
de la foi, ou pour rendre plus aimables car mieux connus, Jésus et Marie. Il
suffit que chaque action et ministère soient motivés et régis par la charité.
Par la charité véritable.
La vraie
charité fait que le mal est détesté en tant que tel, non parce qu'il est
cause de punition dans l'au-delà, mais à cause de la peine qu'il fait à Dieu.
De la même façon qu'elle nous porte à ne pas faire le mal, la vraie charité nous pousse à arracher
au mal les frères pécheurs, et nous inspire à leur égard des reproches qui,
même si parfois doivent être justement sévères, sont toujours dictés par la
miséricorde, le but étant non celui de décourager ou d'irriter, mais celui
d'aider les personnes, qui sont tombées, à se relever. La vraie charité fait des hommes des
frères, capables de se supporter les uns les autres dans leurs imperfections,
capables de s'aider et de s'aimer dans le Seigneur.
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289> La vraie charité rend les hommes pleins
d'égards les uns pour les autres, par zèle de Dieu. Grâce à cette charité les
hommes deviennent fervents, sereins dans les épreuves, patients dans les
tribulations. Ils deviennent inlassables à la prière, même quand le Ciel semble
sourd ou absent. Ils deviennent miséricordieux, c’est-à-dire pratiquant toutes
les œuvres de miséricorde, tant corporelles que spirituelles, sans rancœur,
sans haine, sans le désir de vengeance. Ils sont pleins de compréhension pour
le prochain. Ils ne l'envient pas s'il est heureux. S'il souffre ils ne sont
pas indifférents, et ne prennent aucun mauvais plaisir de le voir souffrir.
Ils ne sont pas anxieux d'obtenir des places d'honneur en détrônant les
autres au moyen de la calomnie le cas échéant. Ils sont toujours contents de
leur sort. Ils ne sont pas vindicatifs, même envers celui qui leur a fait du
mal.
Voilà la charité, la vraie, celle
qui rend gloire à Dieu et fait du bien aux frères. Et Dieu, si ce ne sont pas
les frères, lui rendra honneur en rétablissant toute justice, mettant en lumière
la vérité des faits, en récompensant et en punissant chacun selon ses
mérites.
Que la charité règle aussi les rapports
entre les autorités et leurs sujets, soit qu'il s'agisse de l'autorité
ecclésiastique ou de l'autorité civile. Aucune personne en autorité n'a le
droit de manquer de charité et de justice du fait qu'elle est placée à un
haut niveau. Dieu - car c'est toujours Dieu qui permet que le pouvoir soit
donné à l'un ou à l'autre - ne place personne en autorité pour qu'il devienne
le tourment des autres, mais pour éprouver la justice et la charité, et pour
punir ceux qui ne les pratiquent pas en croyant sottement avoir été exemptés
de telles obligations du fait qu'ils ont été placés en haut.
Se voir haut placé, être "chef", implique des devoirs de paternité
outre à ceux de fraternité. Les chefs qui manquent à ces devoirs sont jugés
sévèrement par Dieu qui les tient pour responsables non seulement de leur
manque de charité et de justice, mais
aussi des réactions que leurs fautes provoquent chez leurs sujets. Celui
qui, parce que haut placé, persécute, moleste ou frappe injustement une
personne humble, ou un sujet, va être appelé à rendre compte à Dieu des
scandales, détresses et doutes que ces actes d'injustice et, ces manques de charité
provoquent inévitablement dans le cœur des opprimés au sujet de la justice et
de la providence divines.
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290> Dieu
ne punit pas et ne punira pas celui que des hommes en autorité punissent
injustement. Même si l'opprimé a des réactions qui s'expliquent, Dieu ne le
punira pas. Mais il sera inexorable envers celui qui, par ses actions
tyranniques, aura violé l'esprit des humbles, et éveillé en eux le doute, la rébellion,
et le reste.
Il les punira parce que ces gens en autorité auront frappé Dieu. Oui. Dieu.
Car c'est Dieu qui risque d'être privé d'un fils, ou qui se voit mis en doute
par un fils à cause des mauvaises actions des "puissants". En
effet, celui qui est frappé que pense-t-il ? Il se dit : « Pourquoi
Dieu, qui est tout puissant, ne fait rien ? ». « Alors, ce
n'est pas vrai que la prière confiante obtient l'aide de Dieu ». Les
"puissants" qui frappent injustement leurs sujets, savent-ils ce
qu'ils font ? Ils frappent Dieu.
Dieu souffre dans et avec celui qui
souffre injustice. Dieu est frappé à chaque fois qu'on manque à la charité.
La nature du rapport qui lie les sujets aux
autorités, elle aussi doit se fonder sur la charité. Que les sujets s'abstiennent
de juger les autorités, qu'ils laissent à Dieu ce jugement. Qu'ils
s'abstiennent aussi de toute rébellion, pour que les ordres ne soient pas en
contradiction avec la religion et la morale de la collectivité, ni avec un
ordre divin déjà préétabli et immuable. Dans ce cas, même s'il faut subir le
martyre, sanglant ou non sanglant, il faut imiter le Christ, qui
ne s'est pas plié aux volontés désordonnées du Sanhédrin et des Pharisiens en
général, ni à celles d'Hérode; à l'exemple du Baptiste qui a servi la justice
même s'il savait qu'en agissant ainsi il aurait payé de sa vie. À
l'exemple des apôtres Pierre et Jean devant le Sanhédrin, de Jacques, et
des innombrables martyrs de tous les temps qui ont été soit dévorés, ou
brûlés, ou déchirés dans les cirques ou brûlés sur le bûcher comme s'ils
avaient été hérétiques ou serviteurs du diable pour avoir fait ce que Dieu
leur avait dit de faire.
Il faut savoir dire : « Dieu seul doit être obéi », et « c'est
Dieu qu'il faut servir en premier », comme les héros de Dieu ont su
faire, de Pierre à Jeanne d'Arc. Savoir dire, dans le cas des persécutions
non sanglantes, ce qu'ont dit Bernadette de Lourdes, Lucie de Fatima, ses
petits cousins et beaucoup, beaucoup d’autres.
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291> Les puissants – s'ils ne commandent pas ce
qui est contraire à Dieu, l'unique, vrai, éternel et parfait Puissant, - s’ils
ne commandent pas des choses contraires à la religion et à morale, doivent
être obéis. Et de cela doit se souvenir quiconque, si haut placé qu'il soit,
pour ne pas commettre de nombreux péchés. Sauf les cas susmentionnés, il faut
obéir aux puissants. Le temps qu'ils sont des puissants. Car d'un jour à
l'autre, le tombeau, ou une révolution populaire, pourraient réduire à néant,
ou transformer en pourriture, le pouvoir dont ils sont si fiers. Fiers au
point de s'en servir comme d'un instrument de torture contre les petits. Mais
à part ces cas-là, chaque fois que des personnes en autorité donnent des
ordres licites, elles font connaître les ordres que Dieu en tout premier lieu
a enseignés aux hommes pour leur bien.
La loi humaine ne punit-elle pas ceux qui déjà tombent sous le coup de la loi
divine ? Par conséquent, pour éviter la punition de Dieu et celle des
hommes, pour vivre dans la justice et la charité comme doivent vivre les fils
de Dieu, qui veulent être et se maintenir vraiment tels, il faut ne pas faire
le mal, aucun mal, ni celui qui se tourne vers Dieu, ni celui qui se tourne
vers les hommes. Il faut respecter la loi de la charité et ne pas désobéir à
la voix de la conscience, celle que Dieu a placée en chaque homme pour qu'il
ait un guide vers le bien.
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